"Le ministère avait peine à suffire aux lettres de cachet qui envoyaient en prison ou en exil les opposants", Voltaire.
A chaque époque ses injustices, et l’observateur avisé remarquera que depuis plus d’un demi-siècle, dans ce triste palmarès, le conflit israélo-palestinien occupe fréquemment les plus hautes marches du podium. Ce sinistre remake du combat biblique entre David et Goliath voit quotidiennement l’oppression frapper le camp palestinien et, en raison de l’attitude criminelle d’Israël, foulant aux pieds les résolutions (pourtant bien édulcorées par l’allié américain) de l’ONU, la perspective d’un État palestinien semble de plus en plus illusoire.
Cette oppression est d’autant plus inique qu’elle s’enracine dans la durée et a d’importantes conséquences sur l’ensemble de la région. Ainsi, il y a très exactement trente ans Israël envahissait le Liban, avec la bénédiction des Occidentaux. L’opération « Paix en Galilé » se soldait par un bilan humain terrible, entre 12 000 et 25 000 morts, des dizaines de milliers de blessés, des massacres dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila et la capitale libanaise, Beyrouth, entièrement rasée. C’est dans ce contexte que des combattants palestiniens et libanais décidèrent de porter la guerre hors des frontières nationales et de frapper l’ennemi partout où c’était possible. L’exécution en France d’un colonel américain, attaché militaire
à l’ambassade, et du responsable du Mossad en France en 1982 sont alors logiquement attribués à ces combattants.
Un nom est alors avancé, Georges Ibrahim Abdallah, et celui-ci fait dès lors l’objet d’une véritable chasse à l’homme engageant les services secrets américains, israéliens et français. Né en 1951 à Kobayath au Nord du Liban, Georges Abdallah commence par s’engager au sein du Parti National Social Syrien mais rejoins très vite le Front Populaire de Palestine, de Georges Habache et prend part à la résistance du peuple palestinien. Au début des années 1980, parvenu en France, c’est au sein des Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises qu’il poursuit la lutte et c’est en tant que chef présumé des FARL qu’il est alors arrêté en 1984.
Il doit tout d’abord faire l’objet d’un échange avec les FARL contre le diplomate français Gilles Peyrolle retenu en otage au Liban. Le diplomate est libéré, mais la France ne tient pas parole suite aux pressions américaines. Ayant donc renoncé à leur honneur, les dirigeants français se surpassent alors dans l’infâme et offrent à l’Oncle Sam un procès truqué, dans la lignée des plus célèbres scandales judiciaires de notre pays, de l’Affaire Dreyfus à l’Affaire Dominici. Les États-Unis se portent partie civile durant le procès et Ronald Reagan fait lui-même pression sur son homologue français. Georges Abdallah est condamné à la prison à perpétuité par un tribunal spécial antiterroriste, sans preuve matérielle et dans un sombre contexte où les services secrets vont jusqu’à se soudoyer l’un de ses avocats Jean Paul Mazurier, aujourd’hui radié du bareau, pour fournir de faux témoignages à l’accusation.
Sa condamnation ayant été assortie d’une peine de 15 ans de sureté, Georges Abdallah est libérable depuis 1999. Or, ces 13 dernières années, celui-ci n’a eu de cesse de déposer, inlassablement, des demandes pour une libération conditionnelle, sept au total, toutes systématiquement refusées. En 2003, la juridiction régionale de Pau autorise pourtant sa libération, Dominique Perben, ministre de la justice UMP demande aussitôt au parquet de faire appel, sa libération est finalement refusée. En 2007, alors qu’une nouvelle demande de libération est examinée par la justice, le Département d’Etat américain averti la France que « le Gouvernement des Etats- Unis fait connaître sa forte opposition à la possibilité d’une liberté conditionnelle en faveur d’Abdallah suite aux démarches en cours devant le Tribunal de Grande Instance à Paris. » La demande est naturellement refusée une fois de plus…
Où est donc la séparation des pouvoirs si chère à Montesquieu ? L’indépendance de la justice ? Et la souveraineté nationale ? Qu’est-ce qui légitime un tel acharnement ? Et pourquoi la France se couche-t-elle ainsi devant l’Oncle Sam ? Georges Abdallah est le plus vieux prisonnier politique de notre pays ; 28 ans en prison… La moitié de son existence… 28 ans en prison, un sort équivalent à celui de Nelson Mandela. La justice française serait-elle donc, selon les mots même de Jacques Vergès, venue défendre le communiste libanais, la « putain » des État-Unis ? La présidence de Sarkozy a dissipé tout doute à ce sujet, lui et ses sbires de l’UMP ayant bradé le pays aux impérialistes, le président Hollande poursuivra-t-il dans cette voie peu honorable ?
L’espoir se lève en tout cas, et une fois n’est pas coutume, cet espoir vient du Nord ! Le révolutionnaire libanais ayant déposé une nouvelle demande en janvier 2012, une mobilisation nationale prend de l’ampleur, et les maires PCF de Calonne et de Grenay l’ont nommé citoyen d’honneur de leur commune. A l’exemple de ces deux villes du Pas-de-Calais, d’autres élus du Front de Gauche se sont engagés à en faire autant.
"Quand il s’agit de solidarité prolétarienne internationale, les communistes répondent toujours : présents. Leur place est aux premiers rangs de ceux et celles qui se mobilisent contre l’injustice et pour l’avènement d’un monde meilleur" a pu écrire Georges Ibrahim Abdallah. La lutte continue, à nous d’obtenir la libération de notre camarade !
Mickael B.