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Honte à toi, Richard Prasquier

Des gnomes qui s’agitent sur la dépouille d’un géant

Un Juste est mort - un des 36 justes qui, selon la tradition juive, vivent à chaque moment parmi nous - et dans certains sites qui osent se définir comme « juifs », on danse et on crache sur sa dépouille. A vomir, et, pour nous Juifs, à rougir de honte. Des gnomes, méchants et bêtes, s’attaquent au géant Stéphane Hessel. Parmi ces gnomes, l’ineffable Richard Prasquier, soit disant « représentant » des Juifs de France, mais en fait vice-ambassadeur d’Avigdor Lieberman à Paris.

Il y a trois mois, ce même Prasquier m’attaquait, dans un texte où se mélangeaient contre-vérités et propos calomnieux, à l’occasion de la remise du Prix des Droits de l’Homme de la République Française que je recevais au nom du Centre d’Information Alternative de Jérusalem, des mains de la Garde des Sceaux Christiane Taubira. Stéphane et Christiane Hessel me faisaient l’amitié et l’honneur d’être présents à cette cérémonie. Emis contre moi, ce texte pouvait encore être considéré comme de la mauvaise mais légitime polémique.

Avec Stéphane Hessel c’est une toute autre chose : « Richard Prasquier, déchausse-toi et rince-toi la bouche avant de prononcer le nom de Stéphane Hessel, car c’est un Saint ». Stéphane - il me permettait cette familiarité, et j’étais fier qu’il me tutoie, même si moi je n’ai jamais réussi à le faire - me réprimanderait certainement pour avoir utilisé ce mot, mais, contrairement à Richard Prasquier, dont la culture juive est directement proportionnelle à son intégrité intellectuelle, il aurait tout de suite reconnu là une paraphrase du chapitre 3 du Livre de l’Exode.

Lors de la remise du Prix des Droits de l’Homme, j’ai dit, entre autre, à Madame Taubira que Stéphane Hessel était l’homme que j’aurais voulu être, celui que je considère depuis près d’un quart de siècle comme mon père spirituel. Lui, ainsi que Léopold Trepper de l’Orchestre Rouge et le grand révolutionnaire Marocain, Abraham Serfaty, que j’ai, tous les deux, eu le bonheur et l’honneur de connaître.

J’ai presque honte de mentionner dans un même texte ces grands hommes et le Président du Crif. Pourtant, cela s’impose : Prasquier et autres BHL, Ehoud Barak ou Shimon Peres salissent la mémoire juive par leurs crimes ou leurs apologies de ces crimes qui profanent une histoire dont nous devons être fiers. Une histoire faite de combats pour le droit et la justice, contre les discriminations et l’oppression, et fondée sur l’expérience des souffrances de notre peuple.

« Plus jamais ca ! » avons-nous juré après la défaite de la barbarie nazie, et, sorti de Buchenwald, Stéphane Hessel s’attelle à la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Universelle doit être notre approche des droits selon le principe de Shamay, ce grand sage du Talmud : «  Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’il te fasse ». Et c’est bien là que le bât les blesse, que Stéphane Hessel les gènait : conséquent avec ses engagements et son éthique exemplaire, il a refusé la morale à double standard : ce qui est vrai pour les Juifs, l’est aussi pour toutes les autres victimes de discrimination raciale ou ethniques, des Grands Lacs africains aux Roms de France, les victimes du colonialisme où qu’elles soient, les victimes d’un capitalisme porcin qui sacrifie des millions d’humains sur l’autel du profit. C’est là aussi les raisons de son engagement aux côtés des Palestiniens dans leur lutte contre l’occupation coloniale israélienne. Relisons ce petit-grand livre qu’est « Indignez-vous » qui est son testament aux générations nouvelles, et l’appel qui a suivi : « Révoltez-vous ». La vie de Stéphane Hessel est un appel à la révolte, inscrite dans les combats pour la liberté, de Bar Kochba et de Spinoza, et de ses contemporains, Léopold Trepper et Marek Edelman. « Pour notre liberté et pour la vôtre » disait la déclaration des combattants du Ghetto de Varsovie, à l’exact opposé de l’ethnocentrisme de Monsieur Prasquier. C’est dans cette histoire que nous inscrivons nos engagements, nous les indignés juifs, aux côtés de millions d’autres indignés qui ont fait de la vie et de la parole de Stéphane Hessel leur boussole.

La dépouille de Stéphane Hessel n’est pas encore en terre, comme il se doit dans notre tradition - mais en as-tu la moindre notion, Richard Prasquier ? - profite de ces quelques jours pour te recueillir et réfléchir sur la vie du défunt et du message qu’il nous a transmis. Pour t’aider un peu, je te propose de cogiter sur cette parole que ta déclaration en tant que Président du Crif a provoqué chez une française de culture musulmane, fille d’immigrés Algériens qui comme beaucoup de nos grand-parents fuyaient la misère de leur pays d’origine et cherchaient en France la liberté et l’égalité si solennellement inscrits sur les fronteaux des mairies : " C’est une grande indignité que nous donnent à voir la LDJ et le CRIF...Stéphane Hessel est décédé depuis quelques heures, que les uns sablent le champagne et les autres crachent déjà sur l’homme en nous promettant de cracher sur lui plus tard..."

Cette indignité, montrée par la LDJ et le CRIF ne pourra jamais effacer une belle vie de luttes et de combats, de résistance pour nous tous, l’humanité. Cette indignité d’une poignée d’individus obsédés par leur patriotisme sioniste ne salira pas notre grande tristesse d’avoir perdu un guide, et notre chance de l’avoir vu partir à 95 ans comme il le souhaitait en nous laissant un héritage extraordinaire.

A l’heure où c’est le pays dans son entier qui est endeuillé, cette indigne poignée se détache d’une France triste d’avoir perdu un de ses plus dignes fils, immigré, Juif Allemand, naturalisé. Ils se détachent indignement d’un moment qui nous rapproche tous…

Michel Warschawski

http://www.ujfp.org/spip.php?article2616

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COMMENTAIRES  

03/03/2013 22:39 par Anonyme

Oui, honte à vous Mr Prasquier qui osez affirmer « qu’il y a eut de l’indignation avant Hessel et il y en aura après ». C’est le charisme dont il faisait preuve, son courage et un message profondément humain à une époque où le fric est roi qui ont fait de ce message un message d’espérance pour TOUS. Ne voir en Hessel qu’une machine à « marketing » pour son essai « Indignez-vous » est une insulte.
Hessel ne s’est pas indigné que contre Israël, comme vous l’affirmez sans honte Monsieur Prasquier, il s’est indigné face au sionisme, mais ça vous ne pouvez pas le reconnaître bien entendu.
Les droits de l’homme concernent … TOUT HOMME.
La chappe de plomb guerrière qui écrase les Juifs du monde et d’Israël doit être brisée, et vous, Monsieur Prasquier qui avait la chance de pouvoir vous exprimer devant un micro devriez prôner la paix et le dialogue.
Indignez-vous Mr Prasquier, indignez-vous et montrez à vos frères comment s’indigner !
Vos attaques contre HESSEL sont, elles, indignes.
Et si, au moins, vous aviez attendu que les hommages de sa famille et de ses amis soient rendus, que son corps soit rendu à la terre. Même pas ….
Dans ma France des droits de l’homme Monsieur Prasquier d’un homme comme Hessel on dit de lui que c’est un « honnête homme ». Ca paye pas de mine des mots comme ça, n’est-ce pas, mais cela porte une certaine idée de la liberté, de la démocratie, toute une histoire, tout une littérature et …. Dieu que ça porte d’espérance !

03/03/2013 23:22 par ADSkippy

Transmettez a M. Warchwski toutes mes sympathies. Aussi le remercier de m’avoir confirmes que dans ce monde il y a des êtres fondamentalement bons et justes, malgré nos divergences.

Pour ce qui est de ces cracheurs de haine et vulgarité, il serrait mieux qu’ils apprennent a penser en dehors de leurs fanatisme religieux, nationalisme aveugle, supériorité mythique, ignorance et mépris pour les autres, car un jour ils découvriront qu’ils étaient tous, délibérément, manipules. Que, peut-être ce jour la, ils aimerait faire parti de l’équipe du "peuple" humain.

04/03/2013 07:53 par Vagabond

Nous devrions tous envoyer nos pensées à Prasquier et lui faire comprendre la dimension absolument humaine de M. Stéphane Hessel qui ne s’embarrassait pas des confessions des uns et des autres ni du bout de sol où ils sont nés, où il est né. Même l’âge n’a pas réussi à le diminuer, ce n’est pas le maître de cérémonie, le restaurateur du sionisme qui y parviendra.

04/03/2013 12:57 par babelouest

Richard Prasquier a glissé sur ses propres mots, comme sur une peau de banane d’une couleur suspecte. Cela le sauvera peut-être : c’est quand on est à terre qu’on voit mieux le ciel.

Nous continuerons à penser à vous, Monsieur Hessel : le déclic qu’ont causé vos actes et vos écrits n’est pas près de finir de retentir, d’écho en écho aux mille coins de notre Terre si ronde. Bien sûr, c’est l’oeuvre d’un citoyen du Monde, qui casse les oreilles de pathétiques prisonniers de leur propre idéologie.

04/03/2013 16:37 par doulotus

quand je pense à stephane hessel , s’ensuit un serrement de coeur suite à sa disparition ; un sacré bonhomme ! une fugitive pensée de prasquier , et c’est la nausée qui se fait sentir ; une belle saloperie que celui là  ;

04/03/2013 17:07 par Anonyme

c’est quand on est à terre qu’on voit mieux le ciel.

Preuve : les "gardiens de l’ordre" doivent le savoir aussi, eux qui mettent volontiers les (dangereux) manifestants pacifiques face contre trottoir, car, d’une part c’est plus contondant que la terre, d’autre part il est aisé de leur tordre le bras dans le dos, et en plus... il ne voient pas le ciel...

Mais ils savent que derrière leur paupière fermée sous leur oeil au beurre noir, malgré leur nez cassé, le ciel est bien là . Et que la terre est dessous le bitume. L’imagination ? Ils ne connaissent pas ! Et traitent le citoyen comme ne croyant que ce qu’il voit dans l’instant.

05/03/2013 02:35 par Jacques Richaud

Merci à LGS pour avoir mis en ligne le texte brillant et profond de Michel Warschawski .

Il manquait sur le cadavre de Stéphane Hessel un crachat, celui de Shmuel Trigano, c’est chose faite. Sur son site le 3 mars, (1) et repris dés le lendemain sur le site du crif , un complément au florilège de délicatesses déjà énoncées par la communauté dans ses instances représentatives et sur les sites vitrines de sa pensée profonde :

Extraits :

 Sous le titre « Une commémoration en forme d’aveu » … Il s’agit de démontrer la vraie nature de la pensée de ceux qui "˜honorent’ la mémoire et rappellent les actions et engagements courageux de Stéphane Hessel .

 « Le personnage d’Hessel est une fabrication médiatique »…
Laissons à l’auteur la responsabilité de la négation de ses mérites ; aucun media sans doute ne "˜fabriquera "˜ jamais un mythe autour de celui-ci …

 « Nous trouvons dans tous ces attributs l’écho des critères qui font la légitimité aujourd’hui : victime, mais résistant, survivant mais dévoué aux autres, fervent de la « communauté internationale », des « droits de l’homme », soutien aux « sans » de toutes sortes tandis que, selon la journaliste Hélène Pilichovsky, le fait que, quoique Juif, il a pris fait et cause pour les Palestiniens constitue le côté le plus fort du personnage. Il faut donc rajouter à tous ces critères, la haine de soi, si typique des post-modernistes, dévorés de culpabilité envers « l’Autre  ».
Ah cette fameuse "˜haine de soi’… ! Cette "˜haine de soi’ qui est nécessairement la névrose profonde de tout juif non sioniste… ! En URSS les opposants au régime étaient psychiatrisés, en Israël on en fait aussi des "˜malades’ en leur attribuant une perversion qui invaliderait tous leurs propos, la recette a fait ses preuves…
Je n’ai pas senti, dans les propos emplis d’humanisme de Stéphane Hessel, qu’il exprime jamais cette "˜dévoration de culpabilité’ évoquée ici … Mais soyons certains que les crimes et violences de l’état d’Israël n’entrainent aucune sorte de culpabilité chez l’esprit fort à l’origine de ce nouveau crachat… « Juif » donc mais contre soi », c’est simple, il faut soigner Stéphane Hessel, même si c’est trop tard… !

 Plus bas une note précise «  Avec Hessel devenu un « juste », l’argument du « juste » peut être retourné contre ceux qui étaient identifiés aux victimes, les Juifs. En quoi serait-il un nouveau « juste » si ce n’est parce qu’il « sauve » les nouvelles « victimes », les Palestiniens, de nouveaux « bourreaux », les Juifs, pardon, les Israéliens... »
Là c’est l’auteur Shmuel Trigano qui s’exprime "˜en forme d’aveu’ ! On ne peut dire plus clairement que sauver ou protéger un juif est plus méritoire que sauver ou protéger un palestinien, et que dans le deuxième cas, aucune "˜distinction "˜particulière ne serait méritée… Honte !

 Des hommages dans la presse colligés par Shmuel Trigano, une seule leçon s’impose : « C’est justement là , quand on considère la foule de ses adorateurs, que cet étrange unanimisme inquiète. Au creux de cet écrin délicat se niche en effet une haine d’Israël, une inimitié extrêmement profondes, qui se nourrissent de toutes ces qualités que l’opinion contemporaine tient pour positives et dont l’impact rejaillit d’autant plus négativement sur Israël et les Juifs, clairement identifiés comme hostiles.  »
Qu’est ce donc qui réunit tous les amis et admirateurs de Stéphane Hessel ? Tous les lecteurs de "˜Indignez vous !’ ? C’est simple : "˜Une haine d’Israël’ et un antisémitisme évident puisque "˜Israël et les Juifs, clairement identifiés comme hostiles’ ! CQFD… Cela s’appelle la paranoïa en langage psychiatrique, ou la diffamation en terme civil, ou la propagande sioniste en terme politique, chacun fera son diagnostic et les affections multiples sont possibles… Rien d’honorable ni raisonnable dans un tel pamphlet… Le caractère obsessionnel de son auteur éclate dans la note "˜4’ : « De façon très physique, la couture qui tient le livre passe juste au milieu du passage concernant Israël, de sorte qu’en l’ouvrant on tombe immédiatement sur son nom.  » !!! Le diable est démasqué , Indignez vous n’est qu’un verset satanique antisémite ! Pathétique… Et plus encore : « Tous les problèmes de la terre qui doivent susciter « l’indignation » ont désormais le visage de l’Israël honni et des Juifs qui le soutiennent.  » Et une note, la note "˜5’ affirme : « Ce que j’ai vu de mes yeux sur la place de la République dans une manifestation en faveur des droits des handicapés, le slogan anti-israélien était présent… » … !?

 Un sommet est atteint par un raccourci que personne encore n’avait osé : « L’encensement aberrant et immérité de ce « juste » … /nous donne un indice extrêmement sûr de l’épaisseur de l’inimitié envers Israël et les Juifs qui a cours actuellement en France. Nous sommes dans une situation d’égarement moral et intellectuel maximal où la compassion pour les victimes de Merah fait cause commune avec le discours qui justifie leur meurtre…  » !!!
Oui, vous ne le saviez pas, lecteurs des Indignés ou autres textes de Stéphane Hessel, vous justifiez les meurtres de Merah ! Si ! Si ! Puisque « le terroriste voulait venger les enfants de Gaza  »…
Que Stephane Hessel n’ait jamais préconisé la violence, ni de venger personne, a du échapper à l’auteur Shmuel Trigano, mais comment justifier sa haine pour un pacifiste autrement qu’en le couvrant d’infamie ? Et dans les notes "˜8’ et "˜9’ voici que Stéphane Hessel est devenu "˜le petit facteur du Hamas…/ dont il s’était fait le porte-parole’.

 Et de conclure : « Tout cela est éminemment inquiétant même si ces réalités restent pour l’instant « froides ». C’est un brandon pour le feu de demain. »
Brandon ? Feu ? Chacun sait quels feux brûlent au Moyen Orient et d’où provenaient les "˜brandons’ de phosphore qui tombaient en pluie sur les enfants de Gaza, mais cela doit, être une autre histoire…
Hessel delenda est ! Shmuel lo volt !... Pauvre ST…

(1) 3 3 2013 Une commémoration en forme d’aveu -Shmuel Trigano
http://www.desinfos.com/spip.php?page=article&id_article=35081
Repris sur le site du Crif : 4 3 2013 Une commémoration en forme d’aveu- Par Shmuel Trigano (Avec une autre photo bien choisie)
http://www.crif.org/fr/tribune/une-comm%C3%A9moration-en-forme-d%E2%80%99aveu/35545

05/03/2013 12:02 par daniel68

Merci pour ton bel article, Michel !

Juste un petit détail : la phrase du sage du Talmud que tu cites est attribuée à Hillel, et non à Shamay ; elle vise justement à illustrer la patience de Hillel, contrairement à Shamay qui en manquait. Elle aurait été dite à un homme qui était prêt à se convertir si on pouvait lui expliquer la Thora pendant qu’il se tenait debout sur un pied.
Amicalement de la part d’un fils de rabbin, comme toi.

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