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L’abbé Grégoire, catholique, franc-maçon et révolutionnaire en 1789

L’abbé Grégoire est l’auteur de l’Article Premier de la Déclaration des Droits de L’Homme et du Citoyen adoptée par l’Assemblée constituante du 20 au 26 août 1789, acceptée par le roi le 5 octobre 1789.

"Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune."

Henri Jean-Baptiste Grégoire dit l’abbé Grégoire est né le 4 décembre 1750 à Veho en Lorraine d’un père artisan tailleur. Il est éduqué au collège jésuite de Nancy, ordonné prêtre à Metz en 1776 et nommé curé à Emberménil, en Lorraine, le 5 mai 1782, succèdant à son ancien maître l’abbé Cherrier qui avait exprimé ce vœu dans son testament..

Curé d’Emberménil

Dès son arrivée dans cette paroisse, Grégoire fait enlever les statues de l’église ; à ses yeux, prier devant une statue est de l’idolâtrie. La prière du paysan qui travaille sa terre, celle de la femme qui vaque à ses tâches, celle que l’homme adresse à Dieu devant les beautés de la Création, ont d’avantage de valeur.

Il installe une bibliothèque avec 76 ouvrages traitants non seulement de religion, d’ascétisme, de piété mais surtout d’art mécanique, d’hygiène, de soins aux malades, d’art vétérinaire, de sciences, de géométrie, d’arithmétique, de droit rural, de connaissance des plantes, d’apiculture, d’économie rurale...

En 1786, la situation financière de la France est ... à peu près telle qu’elle est aujourd’hui : Par exemple, la réforme proposée par Calonne (plus d’égalité face à l’impôt) est rejetée par les privilégiés.

La Révolution Française de 1789

Député du clergé aux états généraux en 1789, l’abbé demande et obtient la réunion des trois ordres. Et puis, il se joint au Tiers État le 14 juin 1789. Il est à noter qu’il est l’un des premiers membres de son ordre à accomplir cette action.

Il est l’auteur de l’Article Premier de la Déclaration des Droits de L’Homme et du Citoyen. Il prête serment à la constitution civile le 27 décembre 1790. Il vote la Constitution civile du clergé (1790) puis l’égalité des droits civils pour les juifs (1791).

René Cassin, auteur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme proclamée par l’ONU en 1948 dira de lui :

"L’Histoire elle-même l’a affirmé, la figure de l’Abbé Grégoire émerge et grandit au fur et à mesure que les Institutions dont il fut l’initiateur se développent et que les idées soutenues par lui pénètrent dans le Droit des Gens. Grégoire est de plus en plus vivant pour l’Humanité dont il fut l’un des bienfaiteurs".

Évêque de Blois

Devenu évêque de Blois en 1791, il siège à la Convention, dans les rangs de la Montagne (la gauche révolutionnaire).

Lutte pour l’abolition de l’esclavage

"Je désire plus que personne la rentrée de tous les Français proscrits et je regarde comme une calamité la proscription d’un seul individu."

En début 1790 il prend la présidence de la « Société des amis des Noirs » de Brissot de Warville, qui milite pour la suppression de l’esclavage dans les colonies .

En mai 1791 ont lieu à l’Assemblée de violents débats sur les colonies qui aboutissent à un décret (voté le 15 mai) reconnaissant les droits politiques des gens de couleur nés de père et de mère libres. Aussitôt est placardée dans les rues de Paris la liste des traitres : Brissot, les frères Clavières, Condorcet, Destutt de Tracy, La Fayette, Monge, Robespierre, Sieyès, mais le premier en tête de liste est Grégoire - qui célèbre "Honneur éternel d’avoir été inscrit le premier sur un tel placard !".

A l’annonce de sa disparition un deuil national est décrété à Haïti : drapeaux en berne, messes solennelles dans toutes les églises, un coup de canon est tiré toutes les heures pendant deux jours. L’année suivante une statue de Grégoire est érigée à Port-au-Prince.

Ce qui fait dire actuellement à Jean Mettelus sur Paper Blog :
"À un moment où des discussions souvent oiseuses sur la diversité tentent d’accaparer l’attention des citoyennes et des citoyens, ces écrits de l’abbé Grégoire sur les Noirs mériteraient d’être lus et commentés dans les écoles de la République française."
Et c’est en 1815 au Congrès de Vienne qu’aura lieu son fameux appel anti-esclavagiste.

Liberté des cultes

1796 (an III de la République) il publie le Discours sur la liberté des cultes

L’instruction pour tous

"Il faut éclairer l’ignorance qui ne connait pas et la pauvreté qui n’a pas les moyens de connaitre."

L’abbé Grégoire contribue à la fondation du Conservatoire des Arts et Métiers le 29 septembre 1794, du Bureau des longitudes le 25 juin 1795 et de l’Institut de France le 25 octobre 1795. Il réorganise l’instruction publique et serait le premier à prononcer le mot "Instituteur" dans le sens qu’il a aujourd’hui de "maître d’école" alors qu’ "instituteur" signifiait auparavant "celui qui établit". Il fait supprimer les académies « gangrenées d’une incurable aristocratie », selon ses propres termes , et notamment l’Académie française. Etc.

L’empire

Il refuse le Concordat parce que Napoléon veut transformer le Consulat en Empire. Pourtant ce dernier lui accorde le titre de comte d’Empire et le nomme au grade de commandeur dans la Légion d’honneur mais il y renonce publiquement en 1828.
L’abbé est obligé de démissionner de son évêché et doit jusqu’à sa mort faire suivre son nom de la mention « évêque constitutionnel de Blois ».

La monarchie (restauration)

« Les rois sont dans l’ordre moral ce que les monstres sont dans l’ordre naturel. »
Henri Grégoire est exclu de l’Institut de France en 1816 lors de la Restauration monarchique.
Élu député de l’Isère en 1819 il ne peut siéger en raison de l’opposition des ultras.

Mort de l’abbé Grégoire

"j’ai consacré ma vie à la propagation des idées libérales et à la défense des opprimés ; j’ai rencontré de grandes résistances qui m’ont valu de nombreuses persécutions me conviendroit-il à moi qui suis resté sur la brèche, de donner au déclin de mes jours et en face de la Nation l’exemple de la lâcheté ?"

Aux derniers jours de sa vie, en 1831, l’abbé Grégoire demande ce qu’il est convenu d’appeler "l’extrême onction", administrée par un prêtre. Il est alors demandé par l’archevêque de Paris qu’Henri Grégoire renonce au serment qu’il avait prêté à la constitution civile du clergé, mais il refuse. Les autorités religieuse le privent alors des rites de passage de la vie à la mort que lui avaient enseignés sa famille, et dont elle avait bénéficié. Elles interdisent aussi l’église à sa dépouille...

Cependant, un curé voisin, l’abbé Guillon, enfreignant ces ordres romains, lui donne les derniers sacrements et... fut muté en représailles.

Le transfert des cendres de l’abbé Grégoire au Panthéon a eu lieu le 12 décembre 1989, sous la présidence de François Mitterand. L’Église romaine a refusé de s’associer à l’hommage rendu par la République et le Cardinal Lustiger en faisait partie !

Toutes les tentatives de béatification sont demeurées vaines à ce jour. Mais peut-être le nouveau Pape François Premier fera-t-il avancer dans cette direction la cause de l’Abbé Grégoire auprès de ses évêques ? Ou bien faudra-t-il que, comme "Saint" Augustin (d’Hippone), "redoutable rhéteur et polémiste" comme lui, l’abbé Grégoire soit canonisé par acclamation populaire ?

L’abbé Grégoire est contemporain de Simon Bolivar Il est né avant Carlos Manuel de Céspedes qui a combattu avec ses esclaves pour libérer Cuba de la domination espagnole et avant José Marti qui a aussi combattu pour l’indépendance - et la liberté par rapport à un état envahisseur. Il est né avant que les Communistes et la Révolution Russe n’existent. L’abbé Grégoire est aussi né avant que la "théologie de la Libération" n’aie vu le jour.

L’abbé Grégoire aurait peut-être pu faire siens les vers de José Marti Con los pobres de la tierra/ Quiero yo mi suerte echar (José Marti - Versos sencillos ) Avec les pauvres de la terre/ Je souhaite lier mon destin , lui qui a écrit :

"Quant à moi, dont la roture remonte probablement jusqu’ à Adam, né plébéien [...],persuadé, comme le dit un poète, que chacun est le fils de ses œuvres, je ne veux jamais séparer mes affections ni mes intérêts de ceux du peuple. "

Je remercie le ciel de m’avoir donné des parents qui, n’ayant d’autre richesse que la piété et la vertu, se sont appliqués à me transmettre cet héritage".

Le peuple est le véritable souverain

"Oui, je déclare que je suis venu avec la haine profondément sentie et raisonnée de la tyrannie, et le respect également senti et raisonné pour les droits du souverain, c’est-à- dire du peuple."

Aussi bien le Communisme qui a Karl Marx pour père, que la Théologie de la Libération pratiquée par des millions de Latinos Américains, que les pays qui se réclament de Simon Bolivar ou de José Marti - entre autres - sont ardemment et violemment combattus, et par tous les moyens, depuis leur naissance même, par les multinationales qui tirent profit de l’empire et de ses caniches - et craignent le peuple-souverain..

L’actualité de l’ami des hommes de toutes les couleurs

L’actualité de ce catholique dont il subsiste tant d’institutions laïques renommées, cet "ami des hommes de toutes les couleurs" (dédicace de l’un de ses livres) , ce catholique qui a contribué à la Révolution Française et en a connu les revers (" J’ai traversé 25 ans de Révolution. J’ai vu autour de moi les circonstances changer mille fois et je suis resté le même") ne fait aucun doute dans une France qui est historiquement dominée par les traditions catholiques romaines. À l’heure où une majorité de Français, sans même qu’ils aient besoin d’être "croyants", baptise, se marie et enterre "à l’Église", bien souvent "pour faire plaisir à la famille".

Si les hiérarques catholiques déplorent le manque de fréquentation de "la messe du dimanche" et la "crise des vocations", serait-ce à cause du baillon qui a fermé la bouche à la "la théologie de la libération", dont l’évêque promoteur a été "réduit au silence" par Benoît XVI quand il était évêque ? Ou de la condamnation "urbi et orbi" du communisme ? Ou du défaut de canonisation de l’Abbé Grégoire ? La hiérarchie catholique romaine ne suivrait pas les enseignements de Jésus-Christ et ne serait pas, par exemple, favorable aux hommes de toutes les couleurs, aux pauvres - en esprit comme en biens sonnants et trébuchants - aux femmes, aux enfants, aux malades ? A leurs droits à la culture, à la santé, à une vie digne ?

Toujours est-il que, selon l’abbé Grégoire :

« Tant que les hommes seront altérés de sang, ou plutôt, tant que la plupart des gouvernements n’auront pas de morale, que la politique sera l’art de fourber, que les peuples, méconnaissant leurs vrais intérêts, attacheront une sotte importance au métier de spadassin, et se laisseront conduire aveuglément à la boucherie avec une résignation moutonnière, presque toujours pour servir de piédestal à la vanité, presque jamais pour venger les droits de l’humanité, et faire un pas vers le bonheur et la vertu, la nation la plus florissante sera celle qui aura plus de facilité pour égorger les autres. » (Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs)

Il est difficile de consulter les œuvres de "L’abbé Grégoire, un géant dont aucune toise ne peut mesurer la grandeur." (Aimé Césaire) car bien peu sont rééditées. Mais il a un modeste musée à Embermenil, petit village de Meurthe-et-Moselle qui se souvient affectueusement de lui.

Yalil Shango

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