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L’aigle et les lièvres

« Il vient un moment où le clerc doit sortir de sa tour d’ivoire, mais sans renoncer à son état de clerc. Et, l’une des conditions à cela est justement d’être capable de sortir de « l’entre soi » et de se frotter à l’autre, au risque de se piquer. De ce point de vue la volonté de garder à tout prix ses mains propres est plus révélatrice d’un narcissisme exacerbé que de tout autre chose. » (1)

L’aigle et les lièvres

Du haut de la falaise un aigle solitaire contemple la vallée. Il connaît sa puissance et la fascination qu’il exerce sur les créatures de la vallée. D’un seul battement d’ailes il domine l’espace et en devient le maître. Ce matin là, ses griffes puissantes accrochées à la roche, l’oiseau de proie scrute de son regard perçant les mouvements frénétiques qui semblent agiter le fond de la vallée. Intrigué, l’aigle majestueux observe un remue ménage insolite.

Au loin, des lièvres accouraient d’un horizon à l’autre.

L’aigle comprit vite que les lièvres tenaient conseil.

Ils ne supportaient plus, clamaient-ils, la vie dans la vallée. Une vie faite d’humiliations quotidiennes, de privations de liberté et de drames.

Ils se plaignaient que les chiens et leurs maîtres leur menaient, certes la vie dure, mais la vie qu’ils décrivaient dans la vallée leur semblait presque douce à côté de l’épée de Damoclès qui planait, sournoise et implacable au dessus de la clairière : L’aigle.

La plupart des lièvres s’étaient résignés avec fatalisme au danger qu’ils côtoyaient dans leur environnement immédiat, il faisait partie de leur quotidien. En revanche, l’angoisse de voir l’aigle fondre sur eux et de disparaître entre les serres du rapace leur était insupportable.

Pour eux, c’était l’humiliation suprême, la négation de leur être. Celle qui faisait d’eux la risée de la contrée.

Du sommet de la falaise, l’animal impérial regarde avec dédain les gesticulations, les colères et les effets de manches des chefs de l’assemblée, qui délibèrent, en fait, sur les moyens de se débarrasser de lui.

Après bien des échanges acerbes, les lièvres les plus avertis sentent que la réunion tourne en rond et qu’il fallait en modifier l’ordre du jour. En effet, la chasse à l’aigle demande beaucoup de sacrifice et de courage mais dans l’assemblée, il ne semble pas y avoir beaucoup de lièvres prêts à assumer l’un et l’autre. Le plus vieux d’entre eux finit par ramener le calme et suggéra :

« De toute évidence, l’idée de chasser l’aigle de la vallée n’est plus à l’ordre du jour. Je vous suggère donc de construire des tunnels dans la clairière, ainsi à la moindre alerte nous n’aurions plus à détaler comme des poltrons. Il suffirait d’emprunter les tunnels et pour parer aux effets de surprise, nous posterions des sentinelles qui feraient le guet au moment des repas et des temps de loisirs… Ainsi, nous gagnerons notre indépendance. »

« Bien sûr- ajouta le vieux lièvre- un tel projet nécessite une vie plus organisée, mais l’intérêt général, notre intérêt collectif, ne mérite t-il pas l’acceptation de telles contraintes ? »

Le vieux lièvre ne se berçait pas d’illusions, et il ne fut guère surpris du comportement quasi hystérique de certains délégués à l’énoncé de ses propositions. Les critiques fusèrent dans l’assistance.

« Qui creuseraient et comment choisir les sentinelles ? »

« Ceci d’autant plus, contrairement à ce que le commun des mortels croît, nous partageons, certes, la même vallée mais pas les mêmes valeurs..! »

Un lièvre au ton rassurant interrompit le débat, s’avança au milieu de l’assemblée et déclama :

« Une telle structure, vénérable vieux, restreindrait notre espace de liberté individuelle et modifierait considérablement notre mode de vie. Certes, nous voudrions nous protéger de l’aigle, mais faut-il pour autant envisager de si nombreux sacrifices, et en premier lieu, faire fi des valeurs qui nous différencient les uns des autres ? »

L’ éloquent lièvre savait que ses propos rallieraient l’adhésion de la majorité.

Le vote est donc sans surprise. Pour masquer l’inavouable inertie de la majorité, un comité est créé pour aller sur la falaise afin de parlementer avec l’aigle. Mais chacun connaissait déjà l’issue d’une telle entrevue.

L’un des rares lièvres prêts aux sacrifices lança à la foule qui commençait à se disperser :

« A défaut de chasser l’aigle, nous avons chassé l’idée et, pour mieux supporter l’humiliation individuellement, nous l’avons adoptée collectivement. »

Du haut de la falaise, on vit l’aigle prendre son envol...

On aurait tort de se moquer de l’assemblée des lièvres, il est des assemblées humaines qui n’agissent guère mieux.

Abdelkader Bachir

(1) http://www.legrandsoir.info/inconsequences.html

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