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L’écheveau du Moyen-Orient : une opinion arabe

Le Moyen-Orient apparaît à tout observateur étranger comme un écheveau touffu. Essayons d’en démêler les fils.

Le séisme politique, amorcé par une gifle assénée par une femme-policier à un jeune tunisien indigent et sans défense qui tentait de gagner sa vie, a fait exploser des frustrations enfouies profondément dans le subconscient des populations arabes, accumulées au cours des années et devenues intolérables, tout comme la pression sous-jacente du mouvement de l’écorce terrestre finit par engendrer un tremblement de terre.

Soudain le citoyen arabe s’éveille. Il réalise que son pays ne répond pas à ses aspirations. Ayant franchi le pas de la peur, il descend dans la rue et décide de prendre son avenir en main. Il se révolte contre l’injustice, contre l’humiliation, il se révolte contre l’ingérence étrangère qui corrompt des dirigeants sans scrupules, contre les prises de position arbitraires des deux poids deux mesures, contre l’indifférence devant les souffrances des Palestiniens, contre le soutien de régimes totalitaires ; la liste est longue. En un mot, il se révolte pour sa dignité.

Parallèlement, émergent des groupes à idéologie politico-religieuse, soutenus par des pouvoirs financiers et politiques immenses, qui s’appliquent à modifier le visage de l’Islam, modéré et tolérant qui a prévalu durant des siècles dans tout le « Croissant fertile ». Il s’agit du wahhabisme, du sionisme, du takfirisme.
Leur idéologie repose sur le refus de « l’Autre », refus qui peut aller jusqu’à son élimination. Le but proclamé est un État exclusivement compatible avec leur idéologie. Ainsi se sont développés des mouvements qui poussent les groupes ethniques ou confessionnels d’un même pays à s’entre-tuer. Les capacités financières de ces groupes viennent principalement des pays du Golfe, le Qatar et l’Arabie saoudite. Ces groupes favorisent la dislocation des pays arabes de l’intérieur, ce qui peut conforter le projet du « nouveau Moyen-Orient ».

Considérons maintenant les éléments de base du conflit.

L’implantation d’Israël en Palestine, où vivaient côte à côte non seulement Chrétiens et Musulmans, mais aussi Juifs, en toute quiétude depuis des siècles, était une injustice ressentie par tous les Arabes au plus profond d’eux-mêmes. Cette initiative, considérée comme irrégulière a créé une attitude hostile envers ce nouvel État et aussi envers l’Occident, surtout les États-Unis qui utilisaient leur droit de veto sans retenue.

Nulle presse occidentale n’ose plus exposer au public les humiliations quotidiennes que font subir les Israéliens aux Palestiniens : colonisations expansives, lois arbitraires, destruction d’habitations, confiscations de biens, interdiction d’utiliser certaines routes réservées aux seuls Juifs… ! Les Arabes savent bien que l’Occident ne défend pas vraiment les droits de l’Homme mais plutôt ses intérêts propres.

Le Liban, où s’affrontent les protagonistes en période de crise, ceux qui suivent la politique occidentale, et par conséquent israélienne et ceux qui soutiennent la résistance, est dans l’oeil du cyclone. La population libanaise, en particulier celle du Sud a beaucoup souffert des exactions israéliennes qui multipliaient les incursions à l’intérieur des frontières libanaises, détruisaient, enlevaient, assassinaient… sans que l’État libanais puisse intervenir. Ajoutons à cela, l’occupation du tiers du pays pendant 22 ans, sans que l’Occident soucieux de justice et de droit y trouve à redire. Trop faible pour y faire face, car doter l’armée de matériel suffisant pour défendre le Liban est prohibé de fait, la « Résistance » s’en est chargée. Créée à partir des diverses composantes des partis libanais, ceux-ci ont été progressivement remplacés par le Hezbollah, plus organisé, plus crédible. N’a-t-il pas fait ses preuves dans les années 1996, 2000 et 2006 ?

Sans reprendre l’histoire de l’Iran, rappelons simplement que dès que l’Ayatollah Khomeini a pris le pouvoir, il a remplacé l’ambassade d’Israël par celle de la Palestine. Motif purement religieux : Jérusalem et la Palestine sont des terres « usurpées » et le devoir religieux (djihad) invite à se battre pour les reprendre. Ses relations avec le Hezbollah libanais sont d’ailleurs essentiellement d’ordre religieux.

L’Irak, déchiqueté par les conflits confessionnels, laissé exsangue après le départ des envahisseurs avec son lot de naissance d’enfants malformés, l’accroissement des taux de cancer consécutifs à l’utilisation par les Américains d’armes à uranium appauvri, ne parvient pas à se relever des ravages causés par 13 années d’embargo économique total et ceux causés par l’invasion de la coalition. Il reste malgré tout dans le camp résistant.

Et les États-Unis ? Après l’Irak où ils avaient fait leurs « preuves » en matière d’éthique, et après avoir installé les Frères musulmans au pouvoir, non sans accords préalables, les voilà au point mort. M. Morsi a accumulé tant de gaffes durant l’année de sa présidence que toute l’Égypte est sortie dans la rue, y compris ceux qui avaient voté pour lui ! Les Américains avaient cru que les Musulmans, majoritaires dans les pays arabes, allaient être satisfaits. C’est mal connaître, et les Musulmans et les Arabes. Une fois que la liberté a effleuré le bout de leur nez, plus personne ne peut les enfermer à nouveau !

La Syrie, par sa politique étrangère, se distingue des autres pays arabes qui ont fini par se plier à l’ouverture sur Israël, laissant la cause palestinienne dans les tiroirs. Certes, l’opposition avait des griefs contre l’État. Certes, comme dans tous les autres pays arabes la corruption règne. Certes, certes, mais pas plus que l’Arabie saoudite, pas plus que la Jordanie, pas plus que le Maroc ou le Koweït. Mais la Syrie, elle, a refusé tout compromis sur la question palestinienne. Voilà pourquoi les wahhabites, sionistes, takfiristes se sont alliés pour envoyer leurs parias, faire le djihad en Syrie. Parias, parce que la plupart sont des repris de justice, sortis des prisons à condition de combattre le régime syrien. L’opposition politique, n’est malheureusement plus crédible après s’être laissé endoctriner à l’extérieur par les États-Unis et l’Arabie, car elle est prête aux compromis refusés par l’État syrien.

Un petit mot concernant les Palestiniens : dispersés aux quatre coins de la planète, ils refusent de reconnaître ceux qui discutent avec les Israéliens comme étant leurs représentants. Seul Israël y gagne puisque la Palestine ne représente plus que 2 % de ce qui est dû aux Palestiniens, s’il y avait une justice. Ainsi, au morcellement géographique du monde arabe effectué par les « accords Sykes-Picot », vient s’ajouter le morcellement confessionnel en cours de formation pour compléter le panorama du monde arabe au détriment des intérêts de ses populations.

Le dernier mot reste à prononcer. Se plier ou reconquérir dignité et liberté ?

Ghada El-Yafi

Docteur, analyste à Beyrouth.

http://www.defnat.com - 10 septembre 2013

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