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La Fête Nationale du 14 Juillet ou l’oubliée du 24 Juin ? A chacun sa fête.

«  Ils font la fête au mois d’juillet, en souv’nir d’une révolution, qui n’a jamais éliminé la misère et l’exploitation, ils s’abreuvent de bals populaires, d’feux d’artifice et de flonflons, ils pensent oublier dans la bière qu’ils sont gouvernés comme des pions. » (Hexagone, Renaud Séchan).

Voilà , nous y sommes. Mi-juillet. Un grand moment de propagande historique se joue dans la mémoire collective et déjoue l’impartialité de notre culture historique, philosophique, politique et sociale. Voila que la France militariste va se fixer devant les télécrans numériques pour admirer la 132ème parade belliciste, nationaliste et paranoïaque d’une armée agenouillée au chevet des délires sécuritaires d’un gouvernement policier. Et oui, tradition du 14 Juillet oblige. Parbleu ! Rends-toi compte, citoyen français, deux-cent vingt et un ans de liberté ! Et cela s’arrose chaque été depuis 1880 ! Alors commémorons…

Le 14 Juillet célèbre la Fête de la Fédération, qui eût lieu le 14 Juillet 1790 pour l’anniversaire de la prise de la Bastille un an plus tôt. Les ouvriers et les paysans français qui furent chaleureusement conviés à aménager la place du Champ-de-Mars pour la festivité militaire, malgré une Révolution si bien réussie, furent paradoxalement exploités et sous-payés, pendant que les révolutionnaires de la petite bourgeoisie, eux, réfléchissaient aux lois qui allaient verrouiller les appétits populaires pour l’insurrection en réaction à l’oppression. Abolition des privilèges et de la société de castes, disiez-vous, braves gens ?

Mais alors qui sont les participants au grand jeu deux siècles plus tard ?

Des chars Dassault, alignés comme on expose les cercueils rapatriés de Libye ou d’Afghanistan, dont le défilé n’est pas sans rappeler des opérations de propagandes soviétiques à la gloire du tyran stalinien (le défilé parisien du 14 juillet est le deuxième plus important du monde après celui de l’armée russe…), des officiers et chefs d’État autoritaires et sanguinaires d’Afrique (dont aucun, de préférence, ne sera plus grand que N. Sarkozy) qui s’accaparent les richesses qu’Areva, Total et Nestlé contribuent à détourner des ménages locaux. Des journalistes formatés et vouant un culte inféodé à la Nation républicaine (sans savoir pourquoi), sans montrer tout ce qu’elle représente de larmes populaires sanguinolentes séchées par la violence du temps qui passe. Et oui, le nationalisme préfère oublier que les institutions républicaines aient toujours été imposées dans le sang et la douleur au service des classes dominantes et dirigeantes pendant qu’ouvriers ou paysans, eux, se tuaient à la tâche pour le seigneur ou pour le patron, pour sa corporation ou la multinationale qui l’exploite. Que l’on soit en république ou en monarchie. Le nationalisme n’a pas d’idéologie : il transcende les clivages politiques, il se fait séduire de gauche ou de droite, et défile en grandes pompes en arborant à la face des caméras ses plus grands crimes de guerre dont il est si fier.

De l’autre côté des barrières, au pied des fusils mitrailleurs, des médailles et du bruit des bottes, des parisiens qui pensent admirer le spectacle des protecteurs de la Nation là où ils acclament des soldats du crime permanent, en oubliant que les agissements de l’armée ont bien trop souvent été penchés vers le côté des intérêts du monarque plutôt que vers ceux de la population. Ceux qui crient liberté et démocratie à Paris, sont les mêmes qui pilonnent les pays anciennement colonisés, tuent femmes, enfants, hommes, vieillards, et détruisent les écosystèmes partout où ils essuient leurs uniformes. Tout ce petit concert bien accordé de trompettes, de coups de semonce et de tocsin sous le bruit assourdissant des bombardiers ayant passé le printemps 2011 sous le soleil maghrébin, est toujours apprécié par la foule notoire des spectateurs quasi décervelés, hypnotisés par la dictature de l’agenda médiatique. Mais l’on pardonnera aisément à ces auditeurs-lecteurs d’avoir été aveuglés par cette société du spectacle, nombre d’antilopes paniquant dans la savane restent encore aujourd’hui vulnérables face aux hyènes affamées qui massacrent en meute. Il parait que c’est la nature, que d’être tiraillé dans une multiplicité permanente des rapports de forces inégaux contre quoi il est difficile de lutter pour les abolir.

Revenons à nos antilopes, pourquoi défile-t-on le 14 Juillet de chaque année ? Est-ce pour célébrer une Révolution manquée qui a été récupérée par l’élite bourgeoise, et dont les héritiers sociaux reproduisent en permanence l’hommage d’un monstrueux coup d’État mené savamment contre la population pour la purger et instaurer un État répressif, policier, criminel et libéral ? Est-ce pour donner le sentiment collectif qu’une révolution républicaine eût lieu en masquant le fait qu’elle fut l’une des pires guerres civiles et génocide (plus de 100 000 morts entre 1792 et 1794, dont 80% d’exactions arbitraires furent commises envers le Tiers-état.) de l’Histoire contemporaine ? Ou bien est-ce l’idolâtrie belliqueuse d’une république néo-impérialiste qui joue son rang de quatrième pays producteur d’armes au classement mondial, jouant de concert avec le complexe militaro-industriel, qui est le plus puissant lobby du pays ? Les trois mon capitaine !

Révolution Française, démocratie et abolition de la féodalité vous disiez ?

Si l’État français maintient un certain culte mythique de la Révolution Française depuis qu’elle est célébrée, c’est qu’il y a une duperie à fouiller quelque part : il n’y a pas eu de jour férié le 18 mars pour que l’Histoire de la Commune de Paris (1871) ne soit pas morte et enterrée, et pour commémorer la tentative de révolution auto-organisée du peuple prolétaire de Paris, résistant contre la bourgeoisie versaillaise. Pas plus qu’il n’y en eût pour se rappeler du 8 février 1962, des meurtres policiers contre les militants antis-guerre d’Algérie du FLN et protestant contre les exactions de l’OAS. Rien non plus pour le 26 avril, lorsque les partis socialistes du Front Populaire (1936) remportèrent les élections législatives, tentant de faire une révolution sociale et «  démocratique » par les urnes.

De la dictature montagnarde sous la Terreur à Adolphe Thiers dans sa répression sanglante de la Commune (1871), en passant par Maurice Papon (collaborationniste sous Pétain ayant eu un rôle important dans les rafles nazies contre les juifs français, il ordonne la répression meurtrière de la manifestation du 8 février 1962. Il meurt en 2007 sans jamais avoir été inquiété par la justice.), la France qui aime tant à arpenter «  Liberté, égalité, fraternité » sur le perron des mairies, possède son lot de criminalité policière dans les mouvements sociaux de citoyens.

La France célèbre la fin d’une monarchie qui n’a jamais, en essence, été supprimée. L’école fait incorporer aux enfants bien dociles face à l’autorité du savoir républicain, que la royauté ainsi que les privilèges (droits féodaux, vénalité des offices, et inégalités fiscales) ont été supprimés le 4 Août 1789 parce que le peuple du Tiers-état était exaspéré. L’école matraque l’ignorance dans la censure en la faisant passer à l’usure pour de la connaissance collective. De fait, l’usurpation et la falsification de l’Histoire sont primordiales dans une démocratie pour que les gens en acceptent la propagande et consentent à l’ordre établi qui en est l’héritier direct. L’école fait passer la prise de la Bastille pour un mouvement spontané, populaire et républicain (une analogie avec les « Révolutions » de l’Afrique du Nord ? Toujours ces antagonismes médiatiques et réducteurs entre «  pro » et «  anti »…). Loin de vouloir négliger l’Histoire, la chose fut sans doute plus complexe. Car la prise de la Bastille de 1789 fut sans doute initialement moins lancée par le peuple que par les franges les plus cultivées et riches du Tiers-état (députés, seigneurs de communes, roturiers propriétaires, etc.).

Si l’abolition des Privilèges fut votée par l’Assemblée Constituante, c’est encore une fois dans le but d’étouffer les révoltes populaires, de mettre fin à ce qu’on nomma la Grande Peur. Peur des pillages, des brigandages, des attentats qui suivirent la prise de la Bastille. Alors, riches paysans et grands fermiers du Tiers-état se munirent d’armes pour se défendre d’un mythe fondé sur une rumeur courant dans les champs, qu’il existât des bandes organisées ayant la ferme intention de tout saccager sur leur passage. Comme quoi, la peur des méchants fermiers, des méchantes bactéries dans les aliments, ou la peur des méchants arabes qu’on ghettoïse dans nos banlieues, de tous temps, est un bon instrument électoral au service du pouvoir. Face à ces violences paysannes envers des paysans suspects d’avoir brigandé leurs terres (encore une histoire de guerre de classes sociales, des pauvres n’ayant rien qui se révoltent contre les riches), l’Assemblée vota la fin des privilèges le 4 Août 1789.

Combien de morts en Vendée, dans la chouannerie des métairies, pour imposer le nouveau régime que l’on commémore encore aujourd’hui dans les ouvrages, les discours et les boulevards ? Ni monarchistes, ni républicains, ayant eu l’outrecuidance de refuser de choisir un camp ou un autre, ils durent subir le «  populicide » décidé par J.B Carrier sous la Terreur montagnarde en 1794. Plus schématiquement : afin d’imposer par putsch un régime dictatorial et sanguinaire, la Convention Nationale décréta l’extermination de tous les dissidents de la Vendée (52% des condamnations prononcées contre les vendéens), à la vallée du Rhône (les lyonnais et les provençaux s’insurgeaient pour des communautés fédéralistes à l’époque). C’est aussi pour ça que l’on défile le 14 Juillet. La date qui généra l’une des pires guerres civiles de l’Histoire politique et sociale du pays. Le scandale vient du fait que le récit de cette période est outrageusement orienté, voire tronqué.

En effet, la formation institutionnelle des têtes pensantes oublie étrangement par exemple, de s’attarder sur la Constitution de l’An I (24 Juin 1793). Elle ne fut jamais appliquée car elle était vouée à proposer un régime d’assemblée, de démocratie directe et participative (par référendum populaire) et d’inspiration socialiste (souveraineté populaire, travail mutualisé, l’insurrection vue comme droit et devoir quand le gouvernement viole les droits du peuple). Oubliée la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793, l’Histoire républicaine préféra ne retenir que la libérale et individualiste de 1789. La non-application de cette Constitution de l’An I, promulguée par des montagnards de la Convention Nationale (sans doute pas ceux qui mirent en place le régime d’exception et de répression dans La Terreur…) est justifiée par des conflits d’intérêts au sein de l’État. On peut supposer que la vraie nature du refus de ce texte, se trouve dans son contenu : il aurait aboli le pouvoir centralisé, institué un État fédéral, il aurait donné la souveraineté au peuple, et la hiérarchie politique de la société aurait été supprimée, chaque citoyen aurait pu faire de la politique au sens donné par les grecs de la gestion de sa Cité. En définitive, cette Constitution du 24 Juin 1793 aurait institutionnalisé la démocratie participative. Elle n’a pas eu de Fête Nationale ni de jour férié dans l’Histoire. Vu le marasme idéologique et la propagande historique dans lesquels sont plongés les rouages du système politique représentatif et ploutocratique, il est aisé de comprendre qu’il est nécessaire pour le microcosme politico-médiatique de ne pas trop s’étaler sur cette date, des fois qu’elle soit retenue par les citoyens qui la lisent, et que celle-ci leur donne des idées…

Afin de clore cette diatribe pamphlétaire antimilitariste du 14 Juillet telle une missive scellée à la cire à destination du roi, je voulais expliquer qu’au lieu d’applaudir bêtement les cortèges militaires des Champs-Élysées, l’on devrait replonger les yeux dans l’Histoire détaillée de la Révolution Française. Car bon nombre de choses (l’idéologie de l’actuelle Constitution, les traditions, les fêtes nationales, le système électoral, le fonctionnement de l’administration et de la justice, et j’en passe) en découlent dans nos oppressions actuelles, et ont été jetées aux oubliettes de la connaissance.

L’étalage morbide des milliards d’euros publics alloués à la défense d’un territoire dont les agressions se sont déplacées du militaire vers l’économique, devrait en écoeurer plus d’un. Surtout à une période où le néolibéralisme marié à l’avidité des institutions de crédit, consolide ses conquêtes européennes. Surtout à une époque où le vent est au démantèlement des services publics, à la réduction des dépenses publiques, sur idéologie voulant que l’État n’a pas d’autres solutions alors qu’il pourrait instaurer une taxe sur les dividendes, les produits importés à haute valeur ajoutée, et les transactions financières (plusieurs dizaines de milliards d’euros seraient ainsi récupérés). Qu’il pourrait aussi refuser de payer les dettes privées des entreprises multinationales françaises et répudier cette partie de la dette devenue publique. Autre alternative, qui supprimerait le discours passéiste monétariste d’austérité qui fait croire qu’un État peut faire faillite, consisterait à rendre délictuelles les politiques de défiscalisation des hauts revenus qui impliquent que nombre d’Hommes d’affaires ne payent que 5% d’impôts sur leurs bénéfices, quand la majorité des petits salaires sont imposés à 15-20% (en aparté, l’État récupérerait plus de cent milliards d’euros s’il imposait de revenir à la législation fiscale de 1995, mais non, payer des impôts, c’est mal). Mais en parallèle, les budgets de la sécurité et de l’armement continuent d’augmenter drastiquement d’années en années. Grâce à cela, le 14 Juillet, le peuple en a plein les yeux.

Résultat, pour notre sécurité, l’État néolibéral démantèle ses entreprises publiques, les confie aux fonds spéculatifs, précarise la population par l’incitation à la baisse des salaires et la lutte obsessionnelle contre le taux d’inflation. (Cf. la célèbre courbe de Phillips en macroéconomie keynésienne, expliquant que la lutte contre la hausse du taux d’inflation, entraîne une hausse significative de la courbe du chômage. En clair, la politique libérale de rigueur aime à lutter contre l’inflation car elle maintient un certain seuil de chômage, et créée des tensions sur le marché du travail. De ce résultat, des malhonnêtes peuvent ainsi détruire le droit du travail, restreindre le droit de grève, l’action syndicale, les salaires, le temps passé aux loisirs, etc.)

Plus, l’État néolibéral et militariste s’arroge le droit de déployer l’armée dans les rues pour contenir tout mouvement de foule dissidente. Et pour la grandeur de la France, il fiche tous les citoyens, il flique le net, renforce les dépenses d’armement et refait de l’Afrique un joujou pour l’armée de l’air.

Nous sommes le 14 Juillet. Moi, ce jour-là , « je reste dans mon lit douillé. La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas. » (La mauvaise réputation, Georges Brassens.) Ce n’est pas ma fête nationale, je la récuse. Commémorer le 24 Juin me conviendrait plus. Qui m’aime me suive !

Samuel Moleaud

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