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La France en retard d’une déroute

Il suffit de lire l’analyse du commentateur du Guardian, Simon Tisdall, ce 14 janvier 2013, sur l’intervention française au Mali. Tisdall nous avait déjà dit, quoique tout cela bien enrobé d’une vertu progressiste comptable d’une logique surréaliste, qu’il était temps de se débarrasser de l’idée d’une intervention en Syrie, malgré la morale des bons sentiments et la doctrine à mesure qui constituent les deux piliers de la politique interventionniste du bloc BAO. (Voir le 10 janvier 2013.) Il notait, dans son texte, que les Français menaient l’argument de l’intervention nécessaire (« A la suite de la France, la position occidentale est que seul un changement à la tête du régime serait acceptable ») ; cette intervention qui n’aurait finalement pas lieu parce que la nécessité morale passe par la nécessité des moyens et la nécessité de la disposition héroïque des esprits, et qu’il manquait des deux dernières.

Pour le Mali, Tisdall ne prend même les gants des sophismes habituels du jugement progressiste. Il détaille froidement, sans état d’âme, ce qui a tout l’air d’être la solitude française dans cette affaire. C’est notamment le fait des deux grands "alliés" , les nouveaux compagnons de la France, les inspirateurs forcenés de l’interventionnisme humanitaires, les responsables satisfaits de la globalisation et de tout ce qui s’ensuit dans le désordre, - dito, les Anglo-Saxons. Il semble bien que cela sera sans eux…

 Les Britanniques, d’abord, eux qui furent si présents en Libye, au bon vieux temps de l’interventionnisme-qui-marche, - comme on dit "au bon vieux temps des colonies" , sans s’arrêter aux conséquences…

« La réponse de David Cameron est typique de la réaction précautionneuse des capitales européennes à la décision du président François Hollande de venir en aide au gouvernement malien. "Ce qui se passe au Mali est dans notre intérêt et nous devons soutenir l’action française," a dit le premier ministre sur la BBC. Downing Street a reconnu que la rébellion islamique posait une "menace directe à la paix et la sécurité internationales," comme l’a souligné le Conseil de Sécurité de l’ONU la semaine dernière.

 » Mais Cameron a dit clairement qu’il n’y aurait pas de "bottes anglaises sur le terrain" et que si Londres était prête à fournir un soutien logistique limité, il n’était pas question de participer à la campagne aérienne française, à la différence de la Libye il y a deux ans. Et Londres ne pense pas non plus, semble-t-il, que l’OTAN doive s’impliquer dans cette guerre… »

 Les alliés d’Outre-Atlantique et américanistes, les USA du brillant président Obama ensuite… Même son de cloche, en infiniment pire : eux qu’on soupçonne d’un plan global d’investissement de l’Afrique depuis la création d’African Command, ils ont pu goûter les fruits amers de la chose. Le complot, ça marche toujours dans les articles des experts critiques, et dans les plans et autres Grands Jeux du Pentagone ; pour le reste, faut voir…

« … L’administration Obama se dit prête à fournir un soutien sans préciser lequel. "Nous sommes évidemment en relation étroite avec le gouvernement de la France," a dit la porte parole de Département d’Etat, Victoria Nuland. Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, a dit que le Pentagone a promis une aide logistique, du renseignement satellite et une aide au ravitaillement en vol des avions français, aides qui traduisent selon lui la "totale solidarité des Etats-Unis."

 »Le Drian devrait revenir sur terre. La politique étasunienne au Mali et dans la région est en déconfiture. Washington a aussi envisagé de faire une opération directe l’été dernier puis a décidé que c’était trop risqué. L’approche antérieure des Etats-Unis, qui consistait à former l’armée malienne pour en faire un rempart contre al-Qaida, Ansar al-Dine et autres groupes islamistes, a échoué spectaculairement quand les commandants formés par les Etats-Unis se sont ralliés aux rebelles en emportant avec eux leurs armes et leur équipement, après que le Capitaine Amadou Sanogo, qui lui aussi avait été entraîné par les Etats-Unis, ait fomenté un coup d’état à Bamako en mars dernier. "J’étais très déçu qu’un militaire avec qui j’entretenais une relation d’entraînement ait participé au renversement d’un gouvernement élu," a confié tristement le général Carter Ham qui dirige le Commandement Etasunien d’Afrique. "Le seul mot qui convienne à un tel comportement est inacceptable." Un officier malien a été plus direct : "Ca a été un désastre," a-t-il déclaré au New York Times. »

…Inutile de disserter sur l’intervention au Mali. Dans la logique qui a été instituée pour définir ce que le Système impose comme politique (dito la politique-Système), l’intervention était nécessaire et inévitable. Mais c’est raisonner comme un tambour, c’est-à -dire en répercutant sans fin et sans but les bruits de l’enchaînement absurde d’une diplomatie militariste d’une pauvreté pathétique. Depuis la réintégration de l’OTAN, l’intégration dans le bloc BAO, le soutien d’un Système catastrophique dont Sarko condamnait absolument la branche économico-financière (le 24 septembre 2008 à Toulon) avant de s’y ébrouer à 100%, depuis l’aventure libyenne inspirée par Bernard-Henry Clausewitz, les promesses de la chute imminente d’Assad pour demain matin de Juppé-Fabius, l’enchaînement est implacable. La situation au Mali où-il-fallait-bien-intervenir est le résultat de toutes les déroutes précédentes, et en direct de celle de Libye bien entendu ; ces déroutes-là , produites par le bloc BAO comme on produit des petits pains au chocolat que, paraît-il, selon Copé de l’UMP, les méchants immigrés des banlieues interdisent de manger à cause du Ramadan. On se trouve dans un imbroglio si absurde, si grotesque, qu’il est impossible de porter un jugement rationnel sur cette affaire, - sinon à la placer dans la chaîne décrite, et alors à la considérer comme une aventure inévitable de plus, et la forte probabilité, dans certaines circonstances assez probables, d’une déroute qui prendra la forme habituelle d’un engagement incertain et insaisissable, d’une impossibilité de retrait rapide, d’une incitation à des menaces terroristes contre soi et sur ses arrières métropolitains, et tout le lot de cette sorte de chose. Alors, le titre tient : comme si la France avait vraiment besoin d’une de ces déroutes postmodernes qui soit la sienne propre, comme USA et Royaume-Uni ont eu la leur en Irak et en Afghanistan (ce sont "leurs" guerres, même si d’autres sont venus faire de la figuration sanglante). Cela est résumé par cette conclusion glacée de Tisdall, qui a tant vibré pour une intervention en Syrie, qui a retrouvé son style très britannique, très Foreign Office, - "bonne chance, les froggies" …

« Laurent Fabius, le ministre français des Affaires Etrangères, dit que la campagne française durera "quelques semaines". Peut-être le croit-il vraiment. Mais combien de fois les politiciens ont-ils dit ce genre de choses en déclarant une guerre ? Si l’on se fie aux expériences passées, il semble que la France, mal conseillée par ses amis, se soit lancée dans une entreprise à laquelle elle aura bien du mal à mettre fin. »

L’ensemble permet de mieux avoir une vision complète des aventures du bloc BAO. Cet épouvantail qui devait conquérir le monde, avec l’OTAN comme la main servile et bureaucratique, les USA manipulant les autres et les entraînant dans leurs aventures conquérantes, tout cela ne forme plus qu’un petit amas de souvenirs pathétiques où les rêveries grandioses des fous du Pentagone et alentour rencontraient les critiques terribles de ceux qui n’ont jamais douté de l’irrésistible puissance US pour pouvoir mieux avoir un adversaire concret et comploteur à dénoncer. En place et lieu de quoi, le Mali ne fait qu’illustrer un peu mieux la situation grotesque de l’ex-Occident, de l’ex-ensemble transatlantique, devenu bloc BAO complètement manipulé par lui-même, et par la créature qu’il a contribuée à créer (le Système et ses productions). La Libye avait déjà montré cela, où les USA et l’OTAN n’arrivèrent jamais à la cheville du rôle de diabolus ex machina qu’on leur prêta fort gracieusement (on ne prête qu’aux endettés, dira-t-on). La Syrie confirma cela, où les naïfs prirent les glapissements des harpies type Hillary-Rice pour des affiches de mobilisation générale. Peut-être les Français, dans leur multiple candeur (elle vient de droite comme de gauche, et s’exprime aussi bien dans l’agitation de Sarko que dans l’effacement de Hollande), sont-ils au fond les derniers à croire encore à la toute-puissance de la machine du Pentagone et du système de l’américanisme… Secrets admirateurs de cela, secrète fascination au fond, - à droite et à gauche, et comment !, - eux qui n’attendaient, depuis des décennies, qu’une occasion pour trahir les consignes un peu trop contraignantes de l’insupportable général. A voir la France où elle en est aujourd’hui, on se dit que même la IVème République ne se serait pas laissée berner de cette façon, - par les entreprises anglo-saxonnes en apparence, en vérité par la suffisance de l’esprit de la modernité qui a institué le parti des salonards comme incontestable concepteur de nos lendemains qui chantonnent.

Il est vrai qu’à défaut de blitzkrieg au Mali, nous aurons sûrement le mariage gay, malgré la manif de dimanche.

Pour consulter l’original : http://www.dedefensa.org/article-la_france_en_retard_d_une_d_route_15_01_2013.html

Traduction des parties en Anglais : Dominique Muselet

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