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"La Grèce est en danger d’une crise humanitaire" - (The Guardian)

Helena Smith : Le président du Parlement européen, Martin Schulz, est sorti d’une discussions avec vous ici en Grèce en disant que vous n’êtes pas aussi dangereux que vous pouvez le paraître, M. Tsipras. Est-ce vrai ?

Alexis Tsipras : Nous avons eu un entretien portant sur le fond et il a été assez constructif, et je pense que la première chose qui est nécessaire est de commencer un véritable dialogue. Parce que, vous le savez, si on ne parle pas, on ne peut pas trouver de solution.

Helena Smith : Et cela n’est pas arrivé à ce jour ?

Alexis Tsipras : Jusqu’ici, je crois qu’il n’y a pas eu de véritable discussion, tout comme il n’y a pas eu de négociations politiques en Europe avant le mémorandum sur les conditions et les moyens de faire face aux problèmes budgétaires de la Grèce. Le mémorandum a été une décision politique qui a été prise sans consulter le peuple grec, et il s’est avéré catastrophique. La décision de placer le pays sous la supervision du FMI a été prise par M. Papandreou sans aucune consultation préalable et en l’absence complète de toute tentative politique réelle de faire des demandes auprès de l’Union européenne.

Et nous avons atteint un point où cela s’est révélé désastreux. Après deux montages de soutien financier qui ont été accompagnés par des mesures très dures, la récession reste à des niveaux monumentaux, le chômage a grimpé en flèche, la cohésion sociale s’est effondrée, et la Grèce est en danger d’une crise humanitaire. Et par dessus cela, nous ne voyons pas de résultats. Ni la dette n’a été réduite de manière effective, ni le déficit, et ni la récession ne se sont apaisés. Par conséquent, nous ne pouvons pas insister avec un programme qui s’est avéré catastrophique et inefficace.

Helena Smith : Vous avez parlé du mémorandum comme un chemin qui mènera à l’enfer. A quelle distance sommes-nous de l’enfer ?

Alexis Tsipras : Nous n’avons jamais été dans une si mauvaise situation. Après deux ans et demi de catastrophe, le peuple grec est sur les genoux ; la situation sociale s’est effondrée, un jeune sur deux est sans travail, il y a des gens qui émigrent en masse, le climat est psychologiquement celui du pessimisme, de la dépression, des suicides massifs. Nous ne pouvons pas accepter que ce soit l’avenir d’un pays européen. Et c’est précisément parce que nous reconnaissons que le problème est européen, et qu’il se propage au reste de l’Europe, que nous tirons la sonnette d’alarme et faisons appel aux peuples de l’Europe pour nous soutenir dans un effort pour arrêter cette descente dans ce qui ne peut être appelé qu’un enfer social.

Helena Smith : Il m’a été dit par un de vos assistants que vous êtes né le même jour qu’Hugo Chávez. Avez-vous une bonne relation avec lui ?

Alexis Tsipras : C’est vrai, mais il doit être né quelques années avant moi. Je ne l’ai jamais rencontré, mais j’ai communiqué avec lui, car j’ai été conseillé municipal d’Athènes dans le passé. Je me suis rendu au Venezuela dans le cadre d’une mission de surveillance grecque pour superviser des élections avant de devenir président de la coalition de gauche en 2008. Et depuis, j’ai rencontré son ministre des Affaires étrangères, et nous avons une bonne relation avec l’ambassadeur du Venezuela.

Helena Smith : Chavez est-il l’un de vos héros ?

Alexis Tsipras : Je ne crois pas qu’il existe des héros ou des sauveurs en politique. Je ne me vois pas comme un sauveur : le salut ne peut être trouvé que par le peuple en masse quand il comprend qu’il a le pouvoir entre ses mains. Je suis totalement en désaccord avec la notion d’une nation à la recherche de héros et de sauveurs, en particulier d’une nation qui aurait besoin d’un sauveur. Chaque fois que je suis en contact avec des gens qui me parlent de leurs malheurs et me disent "Sauvez-nous", je leur dis toujours que nous sommes les seules personnes qui pouvons nous sauver nous-mêmes, tous ensembles, quand nous nous rendons compte de la puissance que nous avons entre nos mains. Il s’agit d’une erreur de mettre le salut dans les mains d’individus.

A l’heure actuelle, je représente un parti politique qui fonctionne collectivement, et qui représente la lutte et l’angoisse d’une grande partie du peuple grec. Quelqu’un d’autre pourrait facilement les représenter. Depuis que je suis dans cette position, j’ai essayé de faire de mon mieux mais je sais que mon pouvoir ne dépend pas de mes propres capacités ou de mes points forts mais de la confiance et de la force que les gens vont nous donner par leur vote.

Helena Smith : Etes-vous inquiet ? Dans le cas où Syriza émergeait comme le premier parti et que vous étiez mis en position de gouverner le pays, auriez-vous peur ?

Alexis Tsipras : J’aurais peur, si ce n’était pas le cas et que la Grèce continue sur la voie de la catastrophe et du malheur, où nos enfants, et mes propres enfants, vivent dans un pays qui a été détruit, dans lequel ils ne peuvent plus basiquement vivre et sont obligés de le quitter pour l’étranger. C’est ce qui m’inquiète. Toutes ces années, nous avons permis aux gens qui nous gouvernaient de détruire ce pays. Et nous devons les arrêter.

Helena Smith : Vous êtes né le 28 Juillet 1974. Vous êtes d’une génération qui n’a jamais connu la dictature, mais la démocratie. Le pays dans lequel vous êtes né était-il pour vous et vos parents celui que vous espériez ?

Alexis Tsipras : Je suis né quatre jours après le retour de la démocratie. C’était un moment décisif pour la société grecque, un moment de progrès quand il a mis fin à un joug vieux de sept ans. J’ai grandi à une époque où il y avait des espoirs énormes dans la démocratie grecque et le système politique.

J’étais très jeune mais je me souviens de la période de "allagi" [du changement] après 1980, lorsque le Pasok a pris le pouvoir. Mes parents à cette époque ont voté Pasok, beaucoup de gens qui venaient de la gauche l’ont fait en 1981. Mais je me souviens aussi des attentes qui avaient été créés et de la contribution de la gauche et en particulier de Florakis Harilaos [le défunt leader du parti communiste KKE longtemps proscrit] et de Kyrkos Leonidas [le défunt leader du Parti Communiste de l’Intérieur] à la vie culturelle et la renaissance politique qui se passaient alors en Grèce.

Mais les choses ont changé dans les années 80 et très vite les visions de la démocratie et de l’égalité sociale ont été remplacées par les scandales, les intérêts, un secteur public misérable, et un Etat qui n’applique pas la méritocratie, où pour trouver du travail vous deviez faire le tour des bureaux de députés dans l’espoir de trouver un emploi. C’était un système qui ne donnait pas aux jeunes de possibilités.

Helena Smith : Avez-vous ressenti cela personnellement ?

Alexis Tsipras : J’ai vécu, et je vis, dans ce pays, et en ce sens, bien sûr j’ai ressenti toutes ces choses. Mais j’ai eu la chance de réussir à étudier dans une université très importante [L’École polytechnique d’Athènes] et d’y faire des études de troisième cycle. Et je crois que, malgré les difficultés dans la vie politique et sociale en Grèce, il y a certaines bonnes choses, comme nos universités. Mais ces dernières années, le système politique nous a conduits dans une impasse.

La Nouvelle Démocratie et le PASOK, les deux partis qui étaient en charge du sort du pays pendant toutes ces années, et l’ont fait entrer dans la zone euro, ont travaillé sur la base de profits faciles sur les marchés boursiers, les prêts faciles et les faux besoins de consommation du peuple grec. Ils n’ont rien laissé derrière eux, aucune infrastructure, lorsque pendant plus d’une décennie, entre 1996 et 2008, la Grèce a connu un record de croissance positive - des taux qui, avant les Jeux Olympiques d’Athènes [En 2004] étaient de 7% ou 8%. Où cela est-il passé ? C’est allé dans les poches de certains individus corrompus et fortunés et des banques, à ceux qui ont encaissé des dessous-de-table pour des marchés de la défense et de constructions pour les Jeux Olympiques. Cela n’a pas construit un meilleur état social. Nous n’avons pas construit de meilleures écoles ou de meilleurs hôpitaux, et maintenant le peuple grec est dans une situation bien pire pour affronter la crise que, disons, les Français, les espagnols et les autres Européens.

Helena Smith : Les Grecs en sont-ils au dernier point avant une explosion sociale ?

Alexis Tsipras : Le peuple grec a montré une grande maturité, une maturité énorme. Compte tenu de toutes les choses terribles qu’il a subies, je suis étonné qu’il n’y ait pas eu d’explosion sociale. Avec dignité le peuple grec a protesté, remplissant les rues et remplissant les squares. Avec dignité ils ont été gazés place Syntagma et d’autres places partout dans le pays. Avec dignité ils les ont quitté et ils ont voté, et avec beaucoup de dignité, ils ont résisté contre tout cet alarmisme et ne sont pas allés dans les banques pour retirer leurs petits dépôts, contrairement aux gros hommes d’affaires et aux lobbies de propriétaires de navires et aux industriels ici, qui y sont allés, et sont impliqués dans ce sale jeu de la spéculation.

Helena Smith : Êtes-vous contre l’euro ou êtes-vous contre les politiques menées au nom de l’euro ?

Alexis Tsipras : Bien sûr, que nous ne sommes pas contre l’euro ou l’idée d’une Europe unifiée ou de l’union monétaire. Nous pensons que la résolution du problème ne se trouve pas dans des frictions ou dans une lutte pour la compétitivité entre les différentes nations. Nous devons comprendre que lorsque nous avons une monnaie commune, nous le devons à chaque Etat membre et qu’il a le droit du dernier contributeur. Si la Californie avait un énorme problème avec ses dettes, le Congrès et la Fed n’iraient pas décider d’expulser la Californie du dollar ou des États-Unis. Au lieu de cela, la Fed en assumerait le coût afin qu’il soit en mesure d’emprunter à moindre coût jusqu’à ce que l’État lui-même puisse emprunter à nouveau sur les marchés. Si nous voulons une Europe forte et unie nous devons montrer les dents aux marchés. Lorsque vous créez un FESF qui ressemble à un yacht quand on essaie de le faire passer pour un navire de croisière, les marchés ne vont pas être apaisés.

Helena Smith : Les sondages montrent que Syriza devrait très probablement émerger avec le plus grand nombre de voix lors des prochaines élections. Avez-vous pensé à ce que vous pourriez faire au sein du gouvernement ?

Alexis Tsipras : J’ai pensé à tous les scénarios, et ce sera bien sûr sans précédent dans la politique contemporaine grecque pour un parti, dans l’espace d’un mois, de passer de moins de 5% de l’opposition à figurer au sein du gouvernement. Mais ce que nous avons connu en Grèce ces deux dernières années est aussi sans précédent. La chose serait absurde si le peuple grec n’avait pas réagi et avait permis au destin de suivre son cours. Personne n’a le droit de réduire un peuple fier à un tel état de misère et d’indignité. Ce qui se passe en Grèce avec le mémorandum est un suicide assisté.

Vous me demandez si j’ai peur ? J’aurais peur, si nous avions continué dans cette voie, un chemin vers l’enfer social. La défaite est une bataille qui n’a pas eu lieu, et quand quelqu’un se bat, il a de grandes chances de gagner, et nous nous battrons pour gagner. Les batailles perdues sont des batailles qui n’ont pas été combattues.

Helena Smith : L’Allemagne est-elle votre ennemi ?

Alexis Tsipras : Non, non, pas du tout. La guerre que nous vivons n’est pas entre les nations ni les peuples. D’un côté, il y a des travailleurs et la majorité du peuple, et de l’autre il y a les capitalistes mondiaux, les banquiers, les spéculateurs sur les marchés boursiers, les grands fonds de placement. C’est une guerre entre les peuples et le capitalisme, et la Grèce se trouve sur la ligne de front de cette guerre. Et, comme dans toute guerre, ce qui se passe sur la ligne de front définit la bataille. Ce sera décisif pour les guerres ailleurs. La Grèce est devenue un modèle pour le reste de l’Europe parce qu’elle a été choisie comme une expérience pour l’application du choc des politiques néolibérales, et le peuple grec en a été un cobaye. Si l’expérience se poursuivait, elle serait considérée comme étant un succès, et ces politiques seraient appliqués dans d’autres pays. C’est pourquoi il est si important d’arrêter l’expérience. Ce ne sera pas seulement une victoire pour la Grèce, mais pour toute l’Europe.

Helena Smith : Mais n’est-ce pas très risqué ? La Grèce perçoit des prêts dont sa survie économique dépend.

Alexis Tsipras : Mais qui survit ? Dites le moi. Les Grecs ne sont pas en vie. Les banques survivent, mais les Grecs ne survivent pas. En réalité, nous avons le sauvetage de la Grèce avec la destruction du peuple de la Grèce. Qu’est-ce que finalement la Grèce si ce ne sont pas les gens qui vivent dans ce pays ? Ce ne sont pas les montagnes et les plaines. Nous ne pouvons pas dire que nous sauvons un pays quand ses habitants sont détruits. Les prêts vont directement au paiement des intérêts et des banques. Nous ne voulons pas faire du chantage : nous voulons convaincre nos partenaires européens que la méthode qui a été choisie pour confronter la Grèce a été totalement contre-productive. C’est comme jeter de l’argent dans un puits sans fond.

Ils ont accordé un programme d’assistance la première fois en 2010, la seconde en 2012, et dans six mois, nous seront obligés de discuter d’un troisième montage, et après d’un quatrième. Ils doivent être conscients que ce qu’ils font n’est pas dans l’intérêt de leur propre peuple. Les contribuables européens devraient savoir que s’ils donnent de l’argent à la Grèce, il devrait avoir un effet ... il devrait aller vers des investissements et souscrire à la croissance de sorte que le problème de la dette grecque puisse être confronté. Parce que, avec cette recette, nous ne pouvons pas faire face au problème de la dette, le vrai problème.

Helena Smith : Vous êtes en visite à Paris et à Berlin à compter du lundi. Qui allez-vous rencontrer ?

Alexis Tsipras : Bien sûr, je ne vais pas rencontrer Angela Merkel. Nous aurons des réunions avec des français et des allemands de gauche et sociaux-démocrates et divers représentants des partis au pouvoir en France et en Allemagne.

Helena Smith : Quel message voulez-vous transmettre aux représentants des gouvernements de l’Allemagne et de la France ?

Alexis Tsipras : Qu’ils comprennent la responsabilité historique qui est la leur de ne pas poursuivre un crime contre le peuple grec, un crime qui est aussi un grand danger pour les peuples du reste de l’Europe. Mme Merkel a une énorme responsabilité historique, et elle doit être consciente que, comme chef de file de l’Europe, elle ne peut pas obstinément persister sur un choix qui met l’Europe en danger. Je tiens aussi à envoyer le message qu’ils ont à respecter la démocratie, qui est la base du droit européen. La Grèce a donné la démocratie au reste du monde. Avec le changement des équilibres politiques ici après le vote [du 6 mai] contre le mémorandum, nous assistons à nouveau à la démocratie. L’Europe doit comprendre que quand un peuple prend une décision démocratique, il doit être respecté. Nous sommes à la croisée des mêmes chemins que ceux sur lesquels nous étions dans les années 1930, après 1929. Aux États-Unis, nous avons eu la politique de Roosevelt et le New Deal, un développement complètement différent. En Europe, nous avons eu la montée du national-socialisme en raison de l’insistance dans des politiques budgétaires difficiles, et le résultat a été la seconde guerre mondiale.

Helena Smith : L’Europe a-t-elle besoin d’un Roosevelt ?

Alexis Tsipras : L’Europe a besoin d’un New Deal et d’un Plan Marshall et de politiques monétaires expansionnistes comme celles qui sont suivies par Obama. Elle n’a pas besoin de politiques financières désastreuses.

Helena Smith : Si vous devez négocier avec l’Europe, allez-vous commencer sur la base que vous n’acceptez plus le mémorandum ?

Alexis Tsipras : Ce n’est pas que nous, Syriza, n’en voulons pas : le peuple grec n’en veut pas. Si vous avez un malade, et que vous voyez que le médicament que vous lui donnez le fait empirer, alors la solution est de ne pas continuer le traitement, mais de changer de traitement. C’est simplement logique.

Helena Smith : Mais alors que va-t-il se passer après que vous ayez rejeté le mémorandum et que les créanciers vous diront : "OK, nous n’allons pas vous donner de prochain prêt" ?

Alexis Tsipras : Alors, ils agiraient unilatéralement parce que nous n’avons aucun désir de faire quelque démarche unilatérale que ce soit. Nous voulons les convaincre, en venir à une compréhension mutuelle. S’ils faisaient un geste unilatéral, ce qui serait l’équivalent de nous faire chanter, alors nous serions obligés de réagir.

Helena Smith : Peut-être considèreraient-ils le rejet du mémorandum, que la Grèce a préalablement signé, comme étant une action unilatérale ?

Alexis Tsipras : Le présent mémorandum est une loi de l’État grec, et l’État a le droit de modifier ses lois lorsque la distribution change au sein du parlement ... un plan différent pour un ajustement budgétaire ne peut pas être voté au parlement. Le mémorandum a été un choix politique, et ceux qui ont fait ce choix politique n’ont plus la majorité. Voter une loi différente au parlement n’est pas une décision unilatérale. Une décision unilatérale serait de renoncer à des engagements que nous avons signés à travers les traités et les conventions européennes, ou si nous nous étions arrêtés de payer nos créanciers.

Helena Smith : Mais comment allez-vous payer les créanciers, si vous n’avez pas l’argent ?

Alexis Tsipras : Les Européens doivent comprendre que nous n’avons pas l’intention de poursuivre une initiative unilatérale. Nous ne serons forcés d’agir que s’ils agissent de façon unilatérale et font le premier pas. S’ils ne nous paient pas, s’ils arrêtent le financement des prêts, alors nous ne serons pas en mesure de payer les créanciers. Ce que je dis est très simple.

Helena Smith : La Grèce est-elle dans une position plus forte que les gens ne le pensent ?

Alexis Tsipras : Oui, elle l’est. Keynes l’a dit il y a de nombreuses années de cela. Ce n’est pas seulement la personne qui emprunte, mais la personne qui prête qui peut se trouver dans une position difficile. Si vous devez 5 000 euros à la banque, c’est votre problème, mais si vous devez 500.000 euros, c’est le problème de la banque. Il s’agit d’un problème courant : C’est notre problème ; c’est le problème de Merkel, c’est un problème européen, c’est un problème mondial. L’euro est la monnaie la plus forte au deuxième rang mondial, et personne n’a le droit de jouer à des jeux avec celle-ci sur la base que ce sont eux qui sont forts et ont le pouvoir.

Helena Smith : Certains diraient que Syriza, et vous personnellement, jouez avec le feu. Qu’est-ce que vous avez à dire à cela ?

Alexis Tsipras : Ce ne sont pas nous qui sommes alarmistes. Le Pasok et la Nouvelle Démocratie sont alarmistes, et c’est très dangereux pour l’économie. Afin de survivre politiquement, ils sont tous deux alarmistes avec toutes ces histoires que nous quitterions la zone euro. En conséquence de cela, depuis le début de la crise 75 milliards d’euros ont été retirée des banques. C’est criminel, ce qu’ils font.

Helena Smith : Ces craintes sont-elles exagérées, alors que la Grèce pourrait quitter la zone euro ?

Alexis Tsipras : D’après ce que je sais, il n’y a pas de possibilité institutionnelle pour éjecter un pays de la zone euro, et ils le savent très bien. La Grèce ne pourrait quitter la zone euro que si les Grecs eux-mêmes choisissaient de quitter la zone euro. Et étant donné que notre but n’est pas la sortie de la Grèce de la zone euro, mais d’y rester comme un égal, le peuple grec n’a aucune raison de craindre d’être expulsé. La seule chose qu’il a à craindre, c’est la poursuite des politiques d’austérité.

Helena Smith : Etes-vous d’accord sur la nécessité de réformes structurelles ?

Alexis Tsipras : Bien sûr, absolument. Nous avons toujours dit qu’il y avait un besoin de réformes correctives, et nous avons toujours souligné que la base productive de la Grèce et la politique économique étaient dysfonctionnels. Tout d’abord, nous devons lutter contre l’évasion fiscale. Ce n’est pas dans nos gènes que nous ne puissions pas lutter contre ce phénomène alors que partout ailleurs en Europe, il est combattu avec succès. La vérité est, que personne dans ce pays n’a jamais voulu le combattre, et, par conséquent les riches ont pu impunément ne pas payer leurs impôts. Les réformes sont absolument nécessaires. Le système politique n’a jamais poussé de l’avant avec celles-ci toutes ces années parce que les deux principaux partis, le PASOK et la Nouvelle Démocratie, ont été gangrenés par la corruption.

Helena Smith : Quelles seront vos priorités si vous obtenez de figurer dans le gouvernement ?

Alexis Tsipras : Notre première priorité sera de mettre un frein à cette spirale à la baisse en arrêtant des mesures et le départ d’un véritable dialogue au niveau européen pour trouver une solution commune au problème de base qui devrait être discuté, et qui est la dette. Ce n’est pas seulement la Grèce : l’Italie, l’Espagne et la France ont tous des problèmes de dette.

Notre deuxième priorité sera de procéder à des changements qui contribueront à remédier au système telle la modification du régime fiscal pour changer la redistribution des richesses. Je ne vais pas dire, comme George Papandreou l’a déclaré, que "l’argent existe" : l’argent n’existe pas. Sans croissance, nous ne trouverons pas d’argent, et sans les réformes nécessaires correctives, nous ne pouvons pas augmenter la productivité.

Helena Smith : Syriza est une alliance de 12 groupes différents allant de communistes à des socialistes. Que diriez-vous que vous êtes ?

Alexis Tsipras : Dans cette phase la plus néolibérale du capitalisme, dans les profondeurs de cette crise, c’est un peu un oxymore que de parler d’étiquettes. Syriza croit en la justice, la démocratie sociale et l’égalité dans une société où il n’y a pas d’exploitation de l’homme par l’homme : les droits fondamentaux pour lesquels ont combattu la Révolution française et en Grèce à partir de la guerre de 1821 l’indépendance. Nous avons une vision du socialisme au 21e siècle, et nous ne croyons pas à l’investissement dans la misère. Une société juste ne peut être créée qu’en prenant des mesures positives. C’est pourquoi nous croyons que cette spirale à la baisse doit s’arrêter.

Lundi 21 mai 2012.

Source : ’Greece is in danger of a humanitarian crisis’

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