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La machine de guerre américaine

Peter Dale Scott, après le remarquable « La route vers le nouveau désordre mondial », vient de publier un nouveau livre d’une richesse étourdissante « La machine de guerre américaine ». (The American War machine.)

Je ne connais pas d’étude aussi précise d’une période aussi immensément dangereuse que la nôtre.

Certes les Empires, les Royaumes, les Républiques ont leurs secrets d’Etat mais lorsque l’Etat tout entier devient un secret, lorsque dans des nations, dites démocratiques, tout se décide en dehors du peuple, les élections , elles-mêmes, étant sujettes à caution, il faut que le peuple échappe à cette peur qui est celle des modestes face aux puissants et essaie de comprendre vers où l’entraînent des décisions qui vont à l’encontre de son intérêt.

Peter Dale Scott est le Tocqueville de ce temps nous donnant à comprendre comment nous glissons vers un monde qui ne peut être que révolutionnaire s’il veut survivre.

Il s’agit donc de la politique extérieure des Etats-Unis, ce nouvel empire de notre Histoire avec ses héros, ses légendes, ses grottes secrètes, ses cabinets de l’ombre ce que Peter Dale Scott appelle « la politique profonde ». Une politique malheureusement liée au trafic de la drogue.

« Ce livre est dédié aux innombrables victimes de la connexion narcotique globale et à celles qui sont mortes pour l’avoir dénoncé. »

Le sujet est posé. Il fut un temps où ce nom « narcotrafiquant » évoquait quelques mafieux d’Amérique du Sud ou d’Asie ou de Corse même, puisque la pieuvre est universelle.

Et s’il évoquait à présent le nom de ceux-là qui dirigent le monde ?

Et comme Alice se jetant dans un puits inconnu, prenons la main de Peter Dale Scott et suivons-le au pays des Horreurs.

Car nous ne sommes plus des enfants, n’est-ce pas ?

Ce sera à nous et à nous seuls, c’est notre responsabilité dans l’Histoire, de défaire ce noeud de crimes et de donner le pouvoir à cette nouvelle conscience de la vie qui, jour après jour, devient plus vivante, universelle, aussi violente que le dragon qu’elle doit affronter.

On peut certes considérer que tous les Etats, tous les Empires à travers l’Histoire ont des services secrets qui agissent dans leur pays et dans tous les pays en dehors de la légalité. Crimes, tortures, vols, pillages, sans parler des mensonges et des sectes, tout leur est permis.

Etre puissant, c’est avoir les mains sales.

Mais cet état de fait n’est plus acceptable lorsque ces particularités de l’Etat deviennent l’Etat même, lorsque ces Etats, qui se font passer pour des démocraties, n’en sont plus, pire se retournent contre leurs peuples qui sont l’ultime objet de leurs rackets.

Qu’en est-il des Etats-Unis ? De cette fameuse « Machine de guerre américaine » qui est le sujet et le titre du livre de Peter Dale Scott ?

Cette machine coûteuse qui a besoin de tellement de fonds pour exister que le commerce de la drogue et le blanchissement de l’argent sale sont devenues ses mamelles naturelles ?

Mais voyons quelques détails de cette longue histoire.

C’est le 18 juin 1948 que le conseil national de sécurité créa l’OPC, nouvel organe de la CIA lui adjoignant la tâche d’exécuter des opérations secrètes parmi lesquelles « la subversion contre les Etats hostiles, incluant l’aide aux mouvements clandestins de résistance, aux guerillas et aux groupes de libération des réfugiés. »

(Rien de nouveau sous le soleil. En ce qui concerne la Syrie, le modus operandi n’a pas changé, si ce n’est que les rebellions peuvent aussi se fabriquer. Tant qu’on y est, il y a toujours des mécontents qui, armés, peuvent devenir de braves terroristes amis.)

L’OPC devenait ainsi le OO7 de la CIA : « autorisé à tuer ».

Et ce d’autant plus que l’allié de cet OPC fut le crime organisé dans le secteur de la drogue. Des relations sporadiques avant la seconde guerre mondiale devinrent institutionnelles et protégées.

Mais l’OPC n’était pas le seul organisme à être en contact avec les mafias de la drogue. C’était aussi le cas de l’armée. On sait que Luciano avait aidé les armées US lors du débarquement des Américains en Sicile et qu’en récompense, ils avaient récupéré plus de soixante maffiosi expulsés de Sicile. L’un d’eux Frank Coppola était devenu une source majeure d’héroïne pour des maffiosi new-yorkais comme James Pumeri. Cette alliance entre l’armée US et la Mafia n’était pas secrète. Norman Lewis, un officier des renseignements britanniques rattaché à la 5ème armée des Etats-Unis, écrivait :

« (A Naples) Il devient de notoriété publique que le marché noir s’opère sous la protection d’officiels haut placés au sein de l’AMGOT. (Allied Military Government for Occupied Territories ) » Le colonel Charles Poletti est à la tête de l’AMGOT et Vito Geovese, qui fut un temps le chef de la Mafia états-unienne est à présent son conseiller. »

Bien…

Et dans ce joli monde, il est bien évident que la règle est l’omerta. Arrêtez de dire « Mais il y en a qui devraient parler ! » Non. Dans un couvent de jeunes filles, il y a des bavardages, dans les triades internationales, il y a des morts. Ouvrez votre GPS. Situez-vous.

Le grand ennemi des US, en ce temps-là , les Islamistes étant encore de braves bougnouls, étaient ces affreux communistes. Pendant les vingt années qui suivirent, la CIA dépensa plus de 65 millions de dollars en faveur des anti-communistes italiens. Elle finança même le réseau qui fomenta le coup d’Etat néo-fasciste Borghese qui échoua. (70) Vito Micelli , le général italien ayant supervisé cette opération reçut 800 000 dollars de fonds additionnels de la part de l’ambassade des Etats-Unis à Rome.

Mais donnons la parole à Peter Dale Scott :

« Il est clair que les anxiétés et la paranoïa de ce qu’on appelle la guerre froide ont été des facteurs majeurs dans la promotion du recours para-étatique à la violence. Mais lorsqu’on observe le véritable exercice de la violence secrète par les Etats-Unis depuis 1945-particulièrement dans des pays comme l’Iran (1953) et le Chili (1970-1973)-nous pouvons observer que cette paranoïa typique de la guerre froide concernant la « menace communiste » devint un prétexte récurrent pour dissimuler des motivations bien plus pécuniaires. »

A tout cela ajoutons, comme mode de domination, une corruption généralisée.

Ainsi la BCCI (Bank of crédit and commerce international.) aurait établi « des relations avec des personnalités politiques ,dans la plupart des 73 pays dans laquelle cette banque a opéré, par des versements d’argent ou de bénéfices de la BCCI aux officiels. »

Et Scott de conclure : «  Il ne faut pas se leurrer. Il y a interaction permanent et quotidienne entre les gouvernements constitutionnellement élus et les forces du crime. »

Le grand problème, actuellement, est que ces crimes ne profitent pas à tout le monde. Une des raisons du déclin de l’empire Américain est l’inégalité de revenus grandissante entre les riches et les pauvres. La poursuite de plus en plus décomplexée de l’exploitation économique comme justification de la sur-expansion impériale est un aspect des plus alarmants.

Scott choisit cette belle et efficace image :

« Tous les empires peuvent être perçus comme l’équivalent des géantes rouges en astronomie : la phase finale comme un processus de déclin dans lequel l’énergie autrefois puissante qui se trouvait au centre de l’étoile se dissipe peu à peu vers la périphérie. L’Empire Néerlandais peut être vu comme la subordination du pouvoir étatique en faveur de la compagnie néerlandaise des Indes orientales et l’empire britannique comme servant les intérêts de la compagnie anglaise des Indes orientales. »

Quel désespoir pour moi de penser que ces si beaux vers de « l’Invitation au Voyage » sont liés aux colonisations barbares des « civilisés ».

Vois sur ces canaux
Venir ces vaisseaux .
Dont l’humeur est vagabonde.
C’est pour assouvir
Tes moindres désirs
Qu’ils viennent du bout du monde.

Je me permets d’autant plus cette parenthèse que Peter Dale Scott est poète ce qui prouve que l’amour de la poésie et de la politique peuvent avoir mêmes racines. Comme chez Platon, l’amour du Beau et du Bien ne sont-ils pas liés ? Heurtés par une Histoire, notre Histoire, où l’horreur se découvre universelle.

Et dans ce domaine, nous sommes gâtés. Scott nous révèle les secrets d’un trafic de drogue mis en place par les US au Laos, en Thaïlande, en Birmanie, puis en Afghanistan où le terrorisme devient la branche armée islamiste de la CIA.

Et les ultimes questions arrivent.

A propos de tous les « grands crimes » qui sont la légende noire de cette nation, le meurtre de John Kennedy ou le 11 septembre, comment s’étonner des complots et des crimes les plus cyniques quand un pays, depuis des années, s’est donné pour alliés des trafiquants et des mafieux qui ont investi sa finance, son commerce, son armée ? C’est un monde de chiffres. Sans aucune considération humaine. Tout est ennemi qui n’entre pas dans la colonne bénéfice. Ce sont des machines qui travaillent pour eux. Et des milices privées impitoyables.

Tout ceci n’est qu’une approche d’un grand livre d’Histoire qui étudie avec cette précision glaçante ne faisant économie d’aucun nom, d’aucune date, la création d’un Etat profond, celui des Etats-Unis, pour qui le crime est affaire courante. L’Asie, l’Amérique, l’Europe , l’Afrique, le monde est son jardin d’horreurs. Même son peuple n’a pas grâce à ses yeux qu’il immole sans état d’âme. Les Européens ont été, pendant un temps, les enfants chéris des exactions qui se menaient « dans les colonies » . Voilà pourquoi ces peuples sont prêts à être cueillis sans grand effort. Ignorants, prétentieux, ramollis. Un peu de propagande, du soma télévisé, des distractions et peu à peu le collier fatal de l’esclave se serre.

Une autre citation :

« En 1996, la commission du renseignement de la chambre des représentants a rapporté que dans les services d’action clandestine :

« On ordonne à des centaines d’employés dans différents pays à travers le monde d’enfreindre des lois nationales extrêmement importantes…Nous pouvons estimer avec confiance que, plusieurs de centaines de fois par jour des officiers en opération s’engagent dans des activités hautement illicites qui mettent en péril les libertés et des vies humaines. »

Le résultat de tout cela est là  :

« La connexion narcotique globale n’est pas une simple connexion dans la relation entre les agents de terrain de la CIA et leurs contacts impliqués dans le trafic de la drogue. C’est plus exactement un complexe financier mondial, source d’argent sale réunissant des personnalités du monde de l’entreprise, de la finance , de la politique ainsi que des hommes issus du crime organisé. Elle exerce son influence politique en rendant service, en fournissant de l’argent sale ou des prostituées à des politiciens partout dans le monde y compris aux dirigeants des deux grands partis américains. En résulte un système pouvant être qualifié d’empire voilé et qui, dans sa quête de profit et de nouveaux marchés, subvertit les gouvernements étrangers sans proposer une alternative progressiste.

J’aime beaucoup ceux qui, avec cet air supérieur, disent : « Moi je ne vais pas sur internet ! On y raconte n’importe quoi ! » C’est sur internet, chers amis, que l’on parle du livre de Peter Dale Scott. Pas sur TF1 !

Faut-il se suicider après avoir lu le livre de Peter Dale Scott ?

Non, car paradoxalement c’est un livre optimiste.

Il nous informe des dangers, de la réalité crue de notre temps tout en sachant que sont en route les forces de la résistance.

Ma propre vision de l’Histoire est qu’il s’opère, aux niveaux les plus profonds et les moins perçus, un lent développement vers une plus grande humanité et une meilleure communication. »

Ainsi il oppose le peuple des Etats-Unis à un gouvernement noyauté par des intérêts supra-nationaux. Toutes les Nations, tous les peuples sont confrontés au péril de « La machine de guerre américaine » qui n’est plus, en fait, « américaine » au sens historique de ce mot, pas plus qu’Israël n’est juif.

L’Empire est un Alien, autre Moloch, que les peuples affamés nourrissent pour des mafias oligarchiques.

Hollande et le PS pour qui travaillez-vous ?

Tous les jours, les réponses à cette question nous angoissent, vous, dirigeant notre pays, sous des airs de démocratie par la grâce de lois trafiquées à Bruxelles. La prochaine, celle instillée par le Medef, autre tête de l’Hydre, sera un bouquet, offert aux entreprises, petits valets de la finance, composée des têtes de tout un peuple ouvrier.

Tout le monde sait que l’austérité n’est qu’une canaillerie.

Jusqu’à quand garderez-vous le masque ?

Comment est-il possible que votre ministre du budget, Cahuzac, soit un homme riche ayant employé pendant un an et demie une femme de ménage philippine au black pour des sommes dérisoires ? Comment est-il possible ayant été condamné par la justice qu’il soit encore en fonction ? Quel respect de la Loi pour un homme devant la faire respecter !

Mais je veux terminer sur une citation de Peter Dale Scott, cet homme sensible, courageux et brillant :

Les mafias et les empires ont certains éléments en commun. Les deux peuvent être considérés comme l’imposition violente et systématique de gouvernance dans des zones sous-administrées. Les deux usent d’atrocités pour parvenir à leurs fins, mais semblent également être tolérés tant que les conséquences de leur violence contrôlée sont moindres que celles engendrées par la violence non contrôlée. Avec prudence, je propose de considérer qu’une différence majeure entre les mafias et les empires est la suivante : avec le temps, les mafias ont tendance à s’intégrer de plus en plus à la société civile dont elles ont transgressé les lois par le passé, tandis que les empires ont une propension à se déconnecter de manière croissante et irréconciliable des sociétés qu’ils dirigeaient .

Ne le vivons-nous pas ?

Achetez ce livre, lisez-le, faites-le connaître.

Merci Peter Dale Scott.

http://www.editionsdemilune.com/communique-de-presse/La-machine-de-gue...

Je joindrai sous forme de commentaire une critique particulièrement élogieuse de cet ouvrage de référence parue dans la Revue de Défense Nationale et signée du général Norlain.

Ariane Walter

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