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Le e-commerce pèse-t-il sur l’emploi ?

L’automatisation et la dématérialisation de certains métiers constituent une tendance forte qui pèse lourdement sur la création d’emplois. Et le secteur de la distribution, réputé pour être intensif en main d’œuvre, n’échappe visiblement pas à la règle : des courses faites le soir ou le dimanche par Internet concurrencent les magasins physiques qui, par nature, emploient davantage de salariés pour accueillir le public.

Industrie nouvelle, le commerce électronique est aujourd’hui en pleine explosion. Ce secteur d’activité n’a cessé de croître depuis le début des années 2000 et bat chaque année de nouveaux records de chiffres d’affaires.

Un secteur en pleine explosion

L’année 2012 a été une année fastueuse pour le e-commerce. En janvier 2013 en effet, le délégué général de la FEVAD, Marc Lolivier, dressait un bilan éloquent : « le chiffre d’affaires généré par le secteur dépasse pour la première fois celui de l’industrie des télécoms ». En 2012, les achats en ligne ont augmenté de 19 % et généré un chiffre d’affaires global de 45 milliards d’euros. Fort de ce dynamisme, le nombre de sites marchands a été multiplié par 8 entre 2005 et 2008. La FEVAD recense ainsi aujourd’hui pas moins de 117 500 sites marchands.

Six ans auparavant, le Crédoc sentait déjà le vent tourner. Dans une étude intitulée L’Évolution de l’emploi dans le commerce – quelques mécanismes à l’épreuve des faits, il affirme alors que « les achats électroniques ont fortement augmenté depuis 1998, mais le réel décollage de l’emploi dans le commerce électronique n’a eu lieu qu’en 2004. Depuis cette date, les effectifs dédiés au e-commerce B-to-C ont en effet progressé de 61 % ». Entre 2004 et 2006, cette augmentation a eu pour conséquence directe « une croissance de 4 % des effectifs de la vente à distance ».

Mais comme pour mieux mettre en perspective le véritable impact du commerce en ligne sur l’emploi, le Crédoc explorait dans cette même étude un cas d’école significatif. « Amazon, le commerçant électronique de livres, ne compte que 614 employés (pour des ventes représentants 148 millions de dollars), alors que Barnes & Noble, le plus gros magasin traditionnel de livres aux Etats-Unis, emploie 27 200 personnes (pour des ventes de 2,8 milliards de dollars) ». En somme, la productivité par tête est plus de deux fois plus élevée chez Amazon que chez Barnes & Noble (267 000 dollars par employé chez le e-commerçant, contre 103 000 dollars par employé dans la boutique traditionnelle).

Il ne fait aujourd’hui aucun doute que le e-commerce se développe inexorablement en France et dans le monde. Cette activité apporte des gains de productivité gigantesques. « Hourra », crieront les experts-comptables devant un tel constat, tandis que les salariés de la distribution physique, eux, n’ont dès lors plus d’autre perspective que de s’interroger sur leur avenir. Car le e-commerce nous envoie un message cinglant : la dématérialisation permet les gains de productivité, qui eux-mêmes permettent les économies d’échelle et donc, l’accroissement des parts de marché. Au détriment, cela va de soi, de certains bassins d’emploi.

Les commerçants de centres-villes, victimes collatérales du e-commerce

Il est tout de même paradoxal qu’à une époque où le taux de chômage bat des records tels qu’il exacerbe les tensions jusqu’à la violence physique, on ne s’alarme pas des conditions de survie des secteurs les plus intensifs en main d’œuvre. Ainsi, hormis quelques commerçants privilégiés disposant de points de vente dans des zones spécifiques (les périmètres d’usage de consommation exceptionnels, par exemple), les commerçants français n’ont pas le droit d’ouvrir le dimanche. Tout au plus, peuvent-ils ouvrir leur commerce le dimanche un maximum de 5 fois par an, sous réserve que la mairie de leur lieu d’implantation le leur concède. En décembre 2012 à Limoges, le maire a ainsi refusé à des petits commerçants du centre-ville de travailler le dimanche 23 décembre. « À ce jeu des dérogations, les petits sont toujours les perdants », commentait alors Daniel Clérembaux, un élu de l’opposition à la mairie de Limoges. Saisonniers, étudiants, intérimaires, passez votre chemin : en cette période de forte affluence dans les centre-villes, Limoges n’a pas d’emplois à vous offrir… Encore un point marqué par le e-commerce, dont les rideaux ne sont, eux, jamais baissés. Or la vie moderne n’est pas propice pour faire ses courses en semaine. Alors quoi de plus naturel pour une mère ou un père de famille occupé toute la journée par son travail (et le samedi par des activités de loisirs) d’avoir recours le soir ou le dimanche à des boutiques virtuelles.

Début 2012, l’enquête annuelle de Pôle Emploi révélait par ailleurs que 14 % des commerçants français envisageaient de recruter au cours de l’année suivante. Pourtant, 43 % de ces projets de recrutement ont été jugés difficiles par ces mêmes répondants. Leur crainte n’est pas tant une contraction de la demande qu’un report des actes d’achat sur internet. Les Français ont modifié leurs habitudes de consommation (un francilien sur deux fait son e-shopping le dimanche), et c’est internet qui s’y conforme le mieux. Signe des temps, même l’alimentaire ou le prêt-à-porter s’achètent désormais dans les boutiques en ligne ; au diable les cabines d’essayage. Le « lèche-écran » remplace avantageusement le « lèche-vitrine » le dimanche, puisque commerce de proximité est synonyme de porte close en ce jour de totale liberté.

Pour le meilleur et pour le pire, le numérique-roi remodèle profondément la structure de certains métiers. Le secteur du commerce en est un exemple flagrant. Mais les gains de productivité promis par la dématérialisation ne doivent pas faire oublier au consom’acteur, qui se veut citoyen, qu’un site internet - toutes proportions gardées - ne fera jamais vivre autant de personnes qu’une boutique en dur pour peu qu’elle soit ouverte.

Hervé Barzin

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