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Retranscription de l’émission de Radio Campus-Lille avec Viktor Dedaj.

"Le Grand Soir, c’est l’heure de l’mettre !"

Fin août, Radio Campus de Lille contacta les administrateurs du Grand Soir pour les inviter à participer, tous les deux mois environ, à l’émission C’est l’heure de l’mettre, pour faire un retour sur quelques articles diffusés par le site.

Mercredi 4 septembre, à 18 h 30, le premier rendez-vous radiophonique a eu lieu, avec Viktor Dedaj.

La retranscription de cette émission pourrait vous intéresser, la voici...

Sam : C’est très exactement « l’Heure de l’mettre », vous écoutez Radio Campus et c’est... le Grand Soir.

Hé oui, la semaine passée c’était la guerre annoncée, elle est reportée mais ce n’est que partie remise.

Ce soir c’est Le Grand Soir mais il faut savoir que depuis une demie heure sur la grand-place de Lille il y a un rassemblement contre la guerre prévue (en Syrie) notamment par la France.

On est en démocratie, il faut le rappeler, puisque avant d’entrer en guerre, notre Président a la possibilité, quand même... pardon : doit avoir l’autorisation de la représentation démocratique, c’est à dire du Congrès des États Unis.

Alors je disais « Le Grand Soir » : ce n’est pas tout à fait par hasard ; c’est parce que, Le Grand Soir, si vous nous écoutez régulièrement, c’est un site internet, un site d’information, comme on dit, « alternatif », dont nous nous inspirons assez régulièrement, et nous avons décidé de lancer une rubrique régulière avec les administrateurs de ce site, afin de commenter les informations qui y figurent et qu’on ne trouve pas forcément ailleurs.

Nous avons ce soir Viktor Dedaj.
Viktor, bonsoir -on va faire un test technique d’abord.

Viktor Dedaj : Bonsoir... vous m’entendez ?
Sam : On t’entend.
Viktor : Alors, bonsoir à tous.

Une certaine distanciation avec le brouhaha médiatique pesant, omniprésent

Sam : Tu es administrateur de ce site, Le Grand Soir.info, et nous, on a la volonté de le faire connaître.

Il est né quand, dans quel but et puis, avec quels moyens ?

Viktor : Le site lui-même est né en 2002 mais je ne m’en occupais pas. L’équipe actuelle a été modifiée, a été renouvelée en 2007 si ma mémoire est bonne, parce que l’ancienne équipe avait décidé de jeter l’éponge, tout simplement. Certains avaient d’autres objectifs de vie et ils m’ont demandé de le reprendre et ça me faisait mal au cœur de laisser tomber un site qui était une référence, donc j’ai accepté la mission, modestement, en espérant que nous n’avons trop trahi la mission initiale de ce site.

Donc l’équipe actuelle a été formée à peu près en 2007, février ou mars, quelque chose comme ça.

Sam : Cela répond à quels besoins ?

Viktor : Le besoin, d’abord, c’est une certaine distanciation avec le brouhaha médiatique, qui finit par nous assommer : une « information » -information entre guillemets - qui en chasse l’autre, le discours dominant qui est pesant, omniprésent, qui finit par étouffer les véritables débats.

Il y avait l’idée de dire qu’il y avait des lignes rédactrices qu’il fallait restaurer, qu’on peut résumer par exemple par :

- Un, on n’a pas besoin de courir après l’actualité pour comprendre. Il faut se donner parfois du recul sur certains événements. D’une manière générale, ce ne sont pas les premières impressions d’un grand événement qui reflètent la réalité. Mais la réalité, la vérité, surgit après coup, un petit peu par la bande, et par ce qui est enfoui dans les articles, et pas par ce qui est forcément présenté dans les premières pages.

- Ensuite, il y a la volonté de ne pas avoir de compte à rendre, de pouvoir aborder n’importe quel sujet, d’où l’indépendance financière.

On avait, à une époque, l’affichage de publicités, et puis on a décidé de les supprimer parce qu’on nous a fait pression car on faisait de la publicité pour Wikileaks. Il fallait choisir, donc, on a choisi la solidarité avec Wikileaks.

- Maintenant, on fait uniquement appel aux lecteurs, l’argent étant demandé non pas pour nous financer nous, parce qu’on est tous bénévoles mais pour financer des projets comme l’interview récente d’un des dirigeants des FARCS à la Havane, de quelques documentaires autour de la ville de Marinaleda, tu vois ce que je veux dire ?

Sam : oui, c’est Mermet qui en a parlé aussi.

Viktor : Voilà.
Et puis, il y avait cette position de dire aussi, - on est tous des anciens en solidarité avec l’Amérique Latine entre autre - qu’il est difficile de juger les événements de loin, et on a une tendance à reprendre les mots de Simon Bolivar, qui disait qu’il fallait examiner de très près et juger de très loin les révolutions et les révolutionnaires. Donc, on donne priorité aux voix d’ailleurs, et à tous ceux qui sont en état de résistance. C’est une philosophie, c’est une position pour le principe sachant qu’ici en Occident on n’attaque pas certains mouvements ou certains pays pour rien, en tous les cas certainement pas pour les raisons qui sont avancées car si on les attaquait pour les raisons officiellement avancées, on attaquerait ou critiquerait un éventail beaucoup plus large de mouvements et de pays.Et on constate qu’il y a une certaine constance sur les cibles choisies par les grands médias.

Il y a aussi une distanciation par rapport aux querelles internes de la Gauche - chacun d’entre nous provient un petit peu d’horizons différents - il y a le parti pris de dire qu’on évite les règlements de compte en interne, qui d’ailleurs n’intéressent que les militants les plus aguerris. (rires) Bon voilà quoi, in fine : untel qui reproche à l’autre qui reproche à untel, qui dit que l’autre, etc., etc...

Ne pas donner la parole à ceux qui vont se prendre des bombes dans la gueule c’est de la propagande

Sam : en fait, vous n’êtes pas un Parti ou un groupe, vous êtes un site d’information, c’est la différence à faire.

Viktor : Oui, déjà, pour commencer, donc, on n’a pas les mêmes contraintes, et puis on est d’horizons divers, ce qui oblige chacun d’entre nous à mettre un peu d’eau dans son vin, à accepter des discours qui nous remettent en cause, et c’est bon d’accepter ça.

On nous reproche souvent de publier tel ou tel article mais si on publiait l’article inverse les reproches pleuvent mais de l’autre côté...

Sam : Juste une petite parenthèse, Viktor :
On vous a reproché d’avoir fait paraître des articles d’untel et untel, qualifiés très hâtivement d’antisémites - je pense à Jean Bricmont, ou à des gens comme ça. Aujourd’hui quand le Figaro interviewe Bachar Al Assad, qui est le « monstre » absolu du moment...

Viktor : … c’est un exemple magnifique parce que c’est un des grands reproches qu’on nous a fait puisqu’on était parmi les premiers à publier des discours complets. Et maintenant que c’est le Figaro qui le fait, hé bien apparemment, ce ne sont pas les mêmes reproches. Certains ont le droit de faire des choses...

Sam : … de faire de l’information...

Viktor : ... mais d’autres n’ont pas le droit de le faire.
Chacun choisit aussi, évidemment (ses articles), mais on peut discuter de l’interview du Figaro, parce que les questions sont ce qu’elles sont, donc un peu orientées. Ce ne sont pas les mêmes interviews lorsque c’est un média libanais ou syrien : on ne pose pas les mêmes questions ; on n’obtient pas forcément les mêmes réponses.

Ne serait-ce que pour l’hommage rendu à ce qu’on devrait appeler l’information - surtout dans une période de pré-guerre, où il faut faire très attention à ce qu’on est en train de raconter - nous, on considère que par principe, il faut donner la parole à celui qui va se prendre les bombes sur la gueule. Et si on ne le fait pas, cela s’appelle faire de la propagande.

Les médias occidentaux se complaisent là dedans sans que cela soit visible, mais c’est pour moi la définition même de la propagande. C’est lorsque vous adoptez la ligne du pays où vous êtes, qui veut attaquer ou agresser un autre pays ou un autre régime ou un autre dirigeant : vous êtes dans la logique de la propagande.

On peut par exemple rappeler que les médias français - ou dits occidentaux - n’ont jamais donné la parole à ce qu’on pourrait appeler la résistance irakienne. Cela me paraîtrait normal (qu’ils le fassent), ici en France, puisqu’on est censé être neutre par rapport à ce conflit : on n’y a pas participé, et pourtant, je mets au défi quiconque d’avoir une seule fois donné la parole à un seul mouvement de résistance - donc qui s’oppose à l’occupation américaine. Ce qui serait la moindre des choses.

Les commentaires font partie de l’image du site

Sam : ce qui est remarquable, dans Le Grand Soir.info, Viktor, c’est vraiment la multiplicité des sources. Il y a d’ailleurs un gros travail de traduction qui est effectué notamment par toi mais aussi par d’autres collaborateurs. Est-ce qu’au-delà de ça, on sait mesurer l’audience du site, sachant que quand on y va, on voit des commentaires plutôt intelligents ? (rires)

Viktor : Déjà on fait l’effort de prendre très au sérieux notre travail de modérateur. Je ne cache pas qu’il nous arrive d’en mettre pas mal à la poubelle, pour différentes raisons. Ça peut être très mal écrit. Ça peut faire partie des règlements de compte à l’intérieur de la Gauche dont on ne veut pas. Ça peut être le troll quotidien qui vient essayer de semer son embrouille. Ça peut être des insultes. Ça peut être celui qui se déclame spécialiste des Ovnis et qui à la fois dit que Georges Bush est un extra-terrestre... ça peut être des provocateurs qui disent qu’on est des rigolos et qu’il faut mener la lutte armée - je les invite dans ces cas là à créer leur guérilla dans la forêt de Fontainebleau, et on en reparlera...

Il y a de tout. Et puis évidemment, parce que nous même on est consommateur de forums sur d’autres sites, on essaie - et ce n’est pas facile - de faire en sorte que ce soit utile, un peu ludique quand même, pas forcément trop contraignant - parce qu’il ne faut pas non plus faire la police de pensée - mais on essaie de faire en sorte que ce soit quelque chose qui fasse partie de l’image et du contenu...

Sam : Un site très riche...

Viktor : …alors à force de taper sur les doigts, les lecteurs finissent par comprendre la technique, ce qui passe et ce qui ne passe pas, donc ça rehausse un peu le niveau. Moi personnellement je considère que les commentaires font partie de l’image du site, ou d’un site quel qu’il soit, et donc ce que nous nous imposons à nous, on a tendance à vouloir l’imposer aux lecteurs. Ceux qui ne s’y font pas, ce n’est pas grave, il y a d’autres sites, ils peuvent aller ailleurs. Je sais que ce n’est pas parfait, c’est loin de l’être, mais on essaie de faire en sorte que cela ait un minimum de tenue.

Sam : un site très riche... Attends Viktor, je voudrais pouvoir te couper...

Viktor : Ce n’est pas simple de gérer les commentaires ; il m’est arrivé personnellement - je parle de moi car il m’arrive de modérer les commentaires - de passer un quart d’heure sur un commentaire, littéralement, de me dire « je le passe, je ne le passe pas ? Si je le passe je sais qu’ensuite l’autre, il va lui répondre, et que tout le monde va monter aux cocotiers... »

Sam : ce n’est ni plus ni moins qu’un travail éditorial...

Viktor : Carrément oui, et je crois que beaucoup de gens le sous-estiment, en pensant simplement qu’on clique sur « oui-non-oui-non » en fonction du goût du jour ou de la façon dont on s’est levé le matin, mais ce n’est pas du tout ça.

Le parti pris des journalistes donne l’impression qu’ils espèrent une guerre pour avoir un "vrai sujet"

Sam : Viktor, c’est un site très riche, très exigeant, bien documenté et qui ne manque pas d’humour aussi, il faut le rappeler : « Le Grand Soir.info ». On a choisi deux-trois articles à commenter assez rapidement, sur ce qui, bien-sûr, nous occupe à juste titre aujourd’hui : les bruits de bottes en Syrie.

Ce site révèle des faits - en tous les cas, si on veut être prudent : une version des faits - et puis aussi, il nous donne des analyses.

D’abord, les faits : sur la Syrie, vous avez un article qui est paru il y a quelques jours, « Témoignages syriens à Goutha, ce sont les rebelles formés par l’Arabie Saoudite qui sont à l’origine de l’attaque chimique » [1]. C’est un son de cloche qu’on n’a pas du tout entendu dans les médias classiques. Mais il y a une agence de presse qui s’appelle Mint Press News qui nous dit ça, avec des infos à l’appui.
Qu’est-ce que cela révèle, est-ce que c’est vrai, c’est quoi ce Mint Press News ?
J’imagine que vous vous renseignez avant de faire paraître des informations.
Comment on traite cette information, est-ce que c’est crédible pour les gens, dans la mesure où même les gens de Gôche, avec un accent circonflexe, pensent que c’est Libé et le Monde qui sont crédibles ?

Viktor : Un accent circonflexe, c’est un "O" majuscule (rires).
On fait un gros travaille de veille, de voir ce qui se passe sur internet. Ce qui est difficile c’est d’essayer de capter l’information qui nous paraît digne d’intérêt. Au milieu du brouhaha, de tous les sites conspirationnistes, avec ou sans guillemets - car il y en a qui en sont, d’autres pas -, avec tous les bruits de couloir. Et à un moment donné, paf ! : on essaye de remonter, on voit un truc passer et on est tombé sur cet article là.

Mint Press News c’est apparemment un média basé au Minnesota aux États-Unis. La journaliste qui a écrit cet article est signalée comme ayant travaillé pour les chaînes américaines, pour Associated Press et pour la BBC. Donc à partir de là, si c’est vrai, on n’a pas besoin d’aller plus loin en tant que question de crédibilité, pour la simple et bonne raison que la majorité de la Presse qu’on entend a ce genre de profil.
Mais pour une raison qui m’échappe - et tant mieux -, cette journaliste, avec un autre journaliste, se sont peut-être posés la question d’aller sur place et d’interroger les gens. Ce qu’ils ont ramené comme information - qui n’est pas exactement une affirmation...

Sam : Ce sont des recoupements...

Viktor : Ce sont des témoignages, ils ont interrogé des rebelles, qui avouent qu’ils détiennent des armes chimiques - on le savait, mais là, de vive voix, ils l’admettent, et les gens du quartier parlent d’un accident de manipulation parce que l’Arabie Saoudite aurait fourni des armes chimiques à une branche des rebelles qui fonctionne apparemment en roue libre, sans avoir trop de contact avec ses autres voisins, qui n’en fait qu’à sa tête, et qui fait manipuler des armes très dangereuses par des gens qui ne savaient pas ce que c’était et ne savaient pas les manipuler, et puis, cela aurait provoqué un accident. Dixit, donc, les témoignages que ces journalistes ont rapportés.

Sam : La Presse mainstream, comme on dit, n’a pas du tout relevé cela.

Viktor : C’est une des particularités de la Presse mainstream, alors que, par exemple, elle va donner une importance phénoménale à un représentant d’une organisation des droits de l’homme en Syrie qui est un pingouin qui opère tout seul d’un bureau à Londres. 90% des informations qui nous arrivent de la Syrie est l’œuvre d’une micro-organisation dont on ignore d’où elle provient et par qui elle est faite.
C’est une des particularités de ce genre de situations et des mainstream’s médias : à un moment donné, on voit bien quelles informations ils choisissent de prendre et de présenter ou pas. La complaisance qu’ils ont par rapport à certaines choses est inversement proportionnelle à l’esprit critique qu’ils peuvent avoir pour d’autres.

J’ai parlé de cet article à un journaliste d’un site internet qui se voulait alternatif et qui a été racheté par le Nouvel Obs, et il m’a dit « ouais bon, mais pfff... ouais, ouais. » Cela dit, il n’a pas eu autant de complaisance parce que pour moi, les preuves que le gouvernement français vient de nous présenter... les « preuves »...

Sam : Oui, j’ai vu des feuilles à entête du Ministère, à la Télé, si, si...

Viktor : Je les ai lues, ces feuilles, qu’est-ce qu’on y dit ? Je ne comprends même pas qu’on puisse appeler ça des preuves. Et là d’un seul coup la complaisance des journalistes devient infernale. C’est vraiment une question de parti pris. On a affaire à un (délinquant ?) qui veut faire la guerre et qui présente des preuves. Il me semble que dans ce cas là un peu de recul serait de bon aloi.

On prend ça pour argent comptant, mais le plus dingue c’est quand on lit les documents présentés, il n’y a absolument rien qui ressemble de près ou de loin à une preuve. C’est-à-dire que le ouï-dire, le « on m’a dit », de source non citée, sont encore plus forts dans ce soi-disant document secret qui a été déclassifié, que l’article de Mint Press News.

A l’évidence, sur la question de l’éthique journalistique, on a affaire à un deux-poids deux-mesures qui est assez extraordinaire. Avec ce parti pris, on dirait que les journalistes rêvent qu’il y ait une guerre, on a l’impression que les rédactions bruissent d’une nervosité et d’une énergie du style « enfin un vrai sujet, on va enfin pouvoir jouer aux héros », pendant que des gens se prennent des bombes sur la gueule.

Cette information comme quoi l’Arabie Saoudite serait derrière (les armes chimiques) commence à resurgir avec, maintenant, un autre article dans la Presse américaine -paradoxalement c’est plus facile à trouver que dans la Presse française qui a l’air plus verrouillée sur la question.

On commence à en parler et cela révèle un autre paradoxe, qu’on a relevé au Grand Soir : le fait que Bachard El Assad, ou le régime syrien actuel, doit être obligatoirement le coupable de cette affaire.

On laisse s’instaurer un chaos dans un pays qu’on a déjà déclaré comme future cible

Sam : C’est à dire qu’il faut chercher les preuves, mais si elles sont à l’inverse de ce qu’on veut montrer, c’est à dire que, si ce sont les rebelles qui ont utilisé les armes chimiques, c’est quand même Assad (qui doit être puni).

Viktor : Voilà !
Je voudrais attirer l’attention des auditeurs sur le point suivant :
Imaginons, puisqu’on a dit qu’il faut punir les coupables - pourquoi pas, d’un seul coup, ils se prennent l’idée de punir les coupables... hé bien, imaginons que le coupable soit, au hasard, Israël... Non, je prends un autre exemple car ça, c’est trop chaud... 

Sam : Ah ça, c’est complotiste (rires).

Viktor : Allez, prenons un autre exemple : que ce soit le Qatar. Non, ça aussi... bref. On se rend compte que quel que soit le coupable, on voit bien que ni la France, ni l’Angleterre, ni les États-Unis n’iront punir, c’est à dire bombarder, ni l’Arabie Saoudite, ni la Turquie, ni le Qatar, ni le Vatican s’ils sont coupables. Ni personne d’autre. Donc, quand on dit « il faut punir le coupable », il y a des points de suspension qui sous-entendent : « A condition qu’il soit Assad ». Mais comme il faut punir le coupable, ça doit donc être Assad.

Je ne sais même pas si c’est lui ou pas lui, mais voyez la logique de la chose.
Jamais je n’ai entendu dire dans la Presse, et cela n’a pas même été sous-entendu dans la bouche d’un responsable : « quel qu’il soit ». Le « quel qu’il soit » a une importance phénoménale. Parce qu’on voit bien, ici, que l’on veut amener la culpabilité (sur Assad).

Sans parler de la raison qui l’aurait poussé - c’est un argumentaire qui circule beaucoup et à raison : pourquoi Assad aurait-il franchi cette fameuse ligne rouge au moment même où il en aurait le moins besoin ? C’est à dire au moment où l’armée syrienne était en train de prendre le dessus, sur ce qu’ils appellent pudiquement les rebelles, alors que les américains avaient clairement dit que si elle faisait ça elle en prendrait plein la tête ?

D’ailleurs si on reprend la chronologie et la façon dont les choses se sont passées, on a l’impression qu’il s’agit d’un plan qui a été bien concocté.

C’est à dire qu’on laisse s’instaurer un chaos dans un pays qu’on a déjà déclaré comme une future cible, il y a bien des années de ça. Ceux qui ont vu l’interview du Général Wesley Clark [2] ont entendu un général américain annoncer que la Syrie faisait partie des pays à renverser. Donc on laisse s’instaurer le chaos, espérant probablement que le pays s’affaiblisse suffisamment pour devenir une proie facile, une proie au moindre coût.

On laisse les gens s’entre-tuer, on fournit des armes à des gars moins que nets sortis d’on ne sait où, par dizaines de milliers, traversant les frontières : une horde sauvage s’en prenant à un régime qui n’était peut-être pas très net non plus, mais cela dit, on est dans la situation d’une invasion armée, par des gens que l’on combat dans d’autres pays, et à un moment donné on déclare - comme ça, tout de go - : « Au fait, voilà une ligne rouge, et si quelqu’un la franchit, - pardon : si Assad la franchit - nous allons attaquer et punir la Syrie. Et, ô miracle, quelques mois plus tard, cette ligne est, devinez quoi ? Franchie !

Les médias détournent du regard ce qui est important

Sam : C’est ce qu’on voit dans une analyse que vous faîtes paraître aussi sur Le Grand Soir.info, de Marc Vandepitte, c’est un belge - il y en a des bons en Belgique, nous on les connaît bien - : « Intervention militaire en Syrie : la stratégie du chaos » [3] « Chronique d’une intervention annoncée. La stratégie élaborée en vue d’intervenir en Syrie était déjà connue. En avril 2012, un conseiller de Tony Blair notait la recette d’une telle intervention ».
Voilà, c’est à dire que c’était... prévu !

Viktor : Oui, mais ça c’est le genre de vérité, comme je le disais toute à l’heure, qui surgit après coup. Moi à l’époque elle ne m’avait pas frappée, et puis d’un seul coup, peut-être parce que probablement on s’intéresse au sujet, - j’avoue qu’il y a deux ans, je ne m’intéressais que moyennement à la Syrie - et puis d’un seul coup, avec les événements, on se rend compte qu’il y avait les billes.

Et en fait c’est ça le problème avec les médias : les billes sont souvent là mais dans le brouhaha. Ce n’est pas tellement ce qu’ils vous cachent mais ce vers quoi ils vous entraînent à regarder, c’est à dire qu’ils détournent du regard ce qui est important : « c’est ici que ça se passe, c’est ici », mais en fait, c’est à côté que ça se passe.

C’est assez compliqué, il faut avoir les nerfs solides, une sacrée capacité de lire entre les lignes, et surtout un recul monumental par rapport à ce qu’on entend car, on en est arrivé à entendre des monstruosités... dont les gens ne se rendent même pas compte d’ailleurs. A titre d’exemple, les trolls pro-guerre qui sont en train de laisser... (inaudible) :

D’abord, ils ont commencé par nous dire qu’il s’agissait de venir en aide à des rebelles... il s’avère que ce n’était pas des rebelles, ou pas que ça en tous cas.
Ensuite, ils ont présenté des preuves... qui n’en sont pas.
Et maintenant certains en sont à dire qu’il faut quand même attaquer la Syrie pour sauver un honneur que par ailleurs ils n’avaient jamais eu.
Donc, pas d’honneur, pas de preuve, pas de rebelles, mais ça ne fait rien, on va quand même bombarder un pays, tuer des innocents.

Sam : Il y a même des gens à gauche comme ça.

Viktor : Oui il y en a qui sont à gauche, ça commence à devenir assez compliqué. On finit par savoir qui est qui.

Sam : Oui. Alors -le temps presse Viktor-, on vous invite, vous les auditeurs, à vous rendre sur le site Le Grand Soir.info, notamment pour voir cet article : « Témoignages syriens à Goutha... », et cette analyse de Marc Vandepitte : « Intervention en Syrie, la stratégie du chaos » qui montre donc qu’un conseiller de Tony Blair avait dit ce qu’il faudrait faire pour arriver à nos fins qui sont de punir Assad, c’est à dire le dégommer bien-sûr : ce serait qu’il y ait un franchissement de la ligne rouge, qui est une attaque chimique et qu’éventuellement elle pourrait arriver de manière à...

Viktor : En fait si on regarde bien, c’est à peu près le cas dans tous les pays qui ont été récemment attaqués. C’est à dire qu’on commence par dire qu’il n’est pas bien, on entretient cette idée pendant quelques années ou quelques mois, un chaos est déclenché, il commence à déstabiliser le pays - les forces intérieures sont occupées. Et d’un seul coup un événement surgit : c’était le soi-disant bombardement par la population de Kadhafi, là c’est l’attaque par armes chimiques, c’était les armes de destruction massive en Irak et x années de blocus. La situation est à peu près sans risque pour les forces ultra technologisées occidentales et on y va, évidemment sous couvert d’une bonne raison, dite humanitaire.

Sam : Nous étions en directe avec Viktor Dedaj, l’un des administrateur du site Le Grand Soir.info, et on vous invite vraiment à le consulter régulièrement car c’est nourrit régulièrement et il n’y a pas que sur la Syrie loin de là...

Les gens ont beaucoup de mal à se dire qu’ils ont été trompés

Viktor : ...quelqu’un m’a dit qu’il fallait que je me vende alors je profite d’attraper ta phrase tout en t’interrompant si tu le permets : oui, le consulter régulièrement mais je demande aussi aux gens d’avoir un certain recul par rapport aux informations qu’ils vont découvrir, parce que ce n’est quand même pas innocent quand on dit aux gens : « attendez, on vous a menti jusqu’à présent, on est en train de vous enfumer : voilà une autre version ».

La première réaction des gens est qu’ils ont beaucoup de mal à se dire qu’on leur a menti, ou qu’ils ont été trompés. Mais je crois qu’on finit par comprendre le travail qu’on fait, et la qualité du travail qu’on fait, sur un moyen terme. Il faut y revenir, il faut absorber certaines données et les comparer par rapport aux événements.

Il faut voir si on avait eu raison ou tort. Nombre de gens nous disent : « bon dieu on a cru que vous étiez tombés sur la tête au début de la guerre en Libye, mais vous aviez pratiquement raison sur toute la ligne ». Oui, on avait raison, mais on ne pouvait le savoir qu’à condition de lire régulièrement Le Grand Soir, et pas quand on tombe comme ça sur un article. Voilà pourquoi j’invite les gens à y revenir régulièrement, à « prendre le pouls » ; une certaine façon de voir l’information.

Pour certains, cela va être une expérience violente (rires), surtout pour ceux qui ont l’habitude de regarder I-télé ou BFM, il faut y aller à petites doses, lire un article et aller se rafraîchir, faire un tour dehors et revenir le lendemain.

Sam : Non mais on peut très bien imaginer ce que ça peut faire : c’est comme nous lorsqu’on regarde justement I-télé ou autre, hé bien on ne supporte pas longtemps, tu es d’accord, au bout de cinq minutes tu éteins ta télé, tu deviens fou, nerveux...

Viktor : Il y a une violence en fait derrière ces (inaudible) civilisées, je trouve qu’il y a une violence psychologique et une perversité de tout ; là récemment il y avait un gars qui était en train d’expliquer - un constitutionnaliste comme on les appelle, parce qu’ils sont allés les appeler au secours pour voir si Hollande pouvait aller faire la guerre sans demander à l’Assemblée Nationale...

Sam : ... au Congrès Américain ? (rires)

Viktor : Non ça, (rires) c’est la vraie raison mais ça reste entre nous.

Et on se rend compte que la France peut faire une guerre à condition de ne pas l’appeler une guerre, parce qu’elle a besoin de l’assentiment de l’Assemblée Nationale obtenu qu’à la condition que la guerre soit déclarée. Résultat des courses : il suffit de faire une guerre sans la déclarer, et voilà c’est parti : l’hypocrisie atteint les sommets.

Comme Théophraste [4] l’a dit : « je te tue, mais je ne l’annonce pas officiellement, tu n’es donc pas officiellement mort, j’espère que tu te sens déjà mieux. »

Sam : Comme la guerre d’Algérie qui « n’a jamais eu lieu ». Bon, Viktor, on s’arrête. On se retrouve dans environ deux mois, toi, ou un autre administrateur, peut-être...

Viktor : C’est déjà fini ?

Sam : Hé bien oui ça va vite, et il y a d’autres choses, tu sais qu’il y a le « Quart d’Heure en Palestine » en fin d’émission et tu as été tellement bavard que la « Semaine à Cuba » passe à l’As, c’est de ta faute, tu es dénoncé en public.

Viktor : C’est vrai ? (silence) - Je m’excuse auprès des auditeurs... C’était ma première, je ferai mieux la prochaine fois.

Sam : On t’a déjà entendu sur cette antenne mais c’est une autre histoire. Viktor, bonne soirée et bon vent au Grand Soir.info, merci à toi, ciao !

Viktor Dedaj, administrateur du Grand Soir.info, et Sam, animateur de L’heure de l’mettre sur Radio Campus.

Retranscrit et adapté par Sheynat

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NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
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