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Le “mariage pour tous” les secoue tous, y compris l’Angleterre

“Mariage pour tous”, donc... Nous nous rappelons les arguments classiques, type French bashing pratiqué par les artistes du genre, l’élite-Système de la France, lors des débats houleux précédant le vote de la loi sur le “mariage pour tous” (comme on disait en 36 “les congés payés pour tous”).

Nous entendîmes parmi d’autres dont notre mémoire épuisée a perdu la trace Noël Mamère, distingué représentant de l’écologie recyclée-Système, faire observer que « la France est en retard », – pays retardataire, ringard, coincé, rétif aux progrès et au Progrès, cela dit en pointant le doigt vers “les pays du Nord”, dont les inoxydables Anglo-Saxons, qui avaient accompli leur devoir conjugal sans attendre, eux... Il se trouve que, contrairement à la légende, notre référence britannique a, à l’image et au-delà de de la France qui bat de l’aile, bien des difficultés à faire passer son suppositoire-Système “mariage pour tous”. Le parti conservateur est déchiré, avec près de 40% de ses parlementaires en état de révolte plus ou moins ouverte, et le Parlement probablement de même entre les Communes et la Chambre des Lords (qui est perçue comme majoritairement opposée à la chose, certes). Cameron a vu l’intégrité de sa loi menacée par un amendement des rebelles qui aurait conditionné de façon draconienne son application, voire l’aurait rejetée à 2015, sauvée in extremis par un marché fort peu glorieux, et qui laissera des traces, avec les travaillistes, assurant la défaite de l’amendement, avec 70 conservateurs votant contre. La loi doit connaître une troisième lecture ce mardi, puis partir chez les Lords, ce qui promet encore du sport aux Communes, pour les Lords notoirement anti-“mariage pour tous”, les conservateurs et les gays. (Bien entendu, même s’ils sont opposés, les Lords n’ont pas le pouvoir de bloquer la loi.) Les grands gagnants de la bagarre sont les gens de l’UKIP, le parti contestataire montant au Royaume-Uni, qui devrait accueillir après ce débat sanglant quelques transfuges conservateurs.

Le Guardian de ce 22 mai 2013 nous parle de l’affaire de la Marriage (Same Sex Couples) Bill. C’est le cas également de Russia Today du 21 mai 2013. On choisit ici de citer le média russe.

« Sur l’arrière-fond de la désaffection et de la colère engendrées par le ‘swivelgate’ [un proche de Cameron aurait qualifié les membres du parti conservateur les plus activistes de "dingues aux yeux en forme de mousqueton tournant], le parti Conservateur au pouvoir en Angleterre a été obligé, à cause de refus de coopérer de ses membres, de passer un marché avec l’opposition pour faire en sorte que la loi sur le mariage gay soit rapidement votée. Près de 40% des 303 membres du parlement de David Cameron se sont rebellés contre la loi en menaçant de voter en faveur d’un amendement (maintenant défunt) qui aurait permis aux officiers d’état-civil de refuser de célébrer des mariages gays si cela heurtait leur conscience, ce qui aurait pu repousser les choses au-delà de la prochaine élection générale en 2015. [...]

 »Quand il s’est avéré que le premier ministre anglais n’aurait pas assez de soutien dans son propre parti, le président du bloc conservateur, George Young, a été obligé d’en appeler au leader de l’opposition Travailliste, Ed Miliband, qui avait prévu de s’abstenir. Le changement d’attitude des Travaillistes a provoqué la défaite de l’amendement et la loi a été sauvée par une majorité de 305 votes en faisant apparaître une profonde rupture au sein du parti au pouvoir.

 »La loi passera en troisième et dernière lecture à la Chambre des Communs mardi, le jour qui suivra son passage à la Chambre des Lords où l’on s’attend aussi à de l’opposition. En dépendant du soutien de l’opposition, le parti Conservateur au pouvoir se prépare des temps difficiles. "C’est une belle tempête politique. Elle n’aurait pas pu se produire à un pire moment pour Cameron," a déclaré Iain Dale, un célèbre présentateur de radio gay qui tient un blog Conservateur, à Reuters

 »Selon le dernier sondage YouGov du Sunday Times, 54% des Anglais soutiennent "le changement de la loi pour permettre aux couples de même sexe de se marier", et 53 000 cérémonies civiles ont été célébrées depuis leur introduction en décembre 2005. Mais seulement 45% des supporters Tory sont d’accord pour changer la loi et 48% y sont opposés.

 »Cameron veut absolument forcer les choses pour prouver que son parti est libéral et progressiste, surtout après les coupes qu’il a faites dans les dépenses et la droitisation de sa politique migratoire, comme beaucoup d’autres partis essaient de le faire depuis la hausse récente de popularité de l’UKIP. Samedi, un groupe de présidents Conservateurs a fait parvenir une lettre au Downing Street disant que sa "proposition de redéfinir le mariage est une erreur indigne des Conservateurs qui nous divise et qui nous coûte cher" et que le Premier Ministre traite les loyaux militants de base "avec mépris" et concluant que du coup "certains [anciens membres du parti] rejoignent l’UKIP." »

Mamère & Cie devraient donc être happy puisqu’il s’avère, hors du moindre doute, que la France a battu l’Angleterre dans cette course à l’instauration du bonheur sociétal. Il s’agit en effet bien d’une affaire “sociétale”, et nullement d’une affaire “sociale”, – la première pouvant être débattue et développée à l’aide de décisions idéologiques, la seconde nécessitant des décisions budgétaires et de grande politique économique. Vu l’état des lieux des directions politiques-Système, l’état des finances publiques, l’état des psychologies, l’état des intelligences et des audaces, le cas est tranché. Nous avions développé cette idée de la transmutation du “social” en “sociétal” le 30 avril 2013, en observant que le mariage gay était une affaire qui concernait directement l’opérationnalisation de la globalisation selon les conceptions du Système et, par conséquent, concernait bien plus que le cas du statut civil des homosexuels. Nous écrivions notamment...

« Il est vrai que le “mariage pour tous”, ou “mariage gay”, n’est pas une exclusivité française. De nombreux autres pays du bloc BAO l’ont adopté ou sont en passe de le faire. Il constitue un grand thème “porteur” aux USA et participe au regroupement “progressiste” que le clan Obama organise parfaitement autour du président, en une impeccable opération-Système (donc faussaire). Le bloc BAO est à l’unisson pour ce qui concerne ce débat, pour ce qui est de son importance historique, etc. Ce seul fait, s’il ne dément pas l’idée que le “mariage pour tous” (français) est une mesure type-mai 68 (à la lumière du jugement selon lequel le mouvement de protestation qu’il a suscité serait un “anti-mai 68”), ne peut limiter l’affaire à cette référence franco-parisienne. L’affaire du “mariage gay” est un cas de pure globalisation, en même temps qu’une réforme souvent présentée implicitement comme “révolutionnaire”, sur un ton où ceux qui émettent ce jugement pourrait bien faire équivaloir les deux qualificatifs, – révolutionnaire parce que globalisée, ou vice-versa... [...]

 »Nous revenons alors au cas français, notamment pour approuver l’interprétation que fait et que répète régulièrement le chroniqueur Eric Zemmour du mouvement très puissant qui s’est levé en France contre le “mariage pour tous” (“mariage gay”). Il l’explique à plusieurs reprises lors de l’émission Ça se dispute, sur I-Télé (voir le 20 avril 2013 et le 27 avril 2013). Pour lui, il s’agit bien d’un contre-mai 68, mais là n’est pas le plus important. Zemmour identifie avec justesse ce mouvement comme “anti-libéral” (« ...même si ceux que le suivent ne le savent pas encore »), ou, comme il le dit, éventuellement une sorte de « Tea Party à la française ». (Ce dernier cas, effectivement pour nous, dans la mesure où Tea Party ne doit pas être jugé selon l’angle idéologique qui est l’arme manipulatrice principale du Système, mais selon sa vertu antiSystème évidente.) Le soutien du corporate power aux mouvements institutionnels gay (Gay Pride de San Francisco) vient comme une confirmation éclatante de la place qui est accordée dans cette force à la “responsabilité sociétale”, tandis que les institutions gay se conforment en Système en recrachant des “dissidents” (gay ou pas, qu’importe...) comme l’héroïque soldat Bradley Manning, homosexuel notoire...

 »Selon cette approche qui est la seule sérieuse aujourd’hui, qui est celle de l’affrontement entre le Système et tout ce qui est antiSystème ou se constitue antiSystème, les homosexuels qui soutiennent le soldat Manning, qui devraient être tous les gays fidèles à leur tradition militante qui ne peut être qu’antiSystème à la lumière des combats actuels, sont du même côté que la génération qui s’oppose en France au “mariage gay”. Les étiquettes volent et perdent leurs significations-Système... »

Nous irions plus loin encore dans ce jugement, en observant, à la lumière du cas Cameron/conservateurs britanniques, que la “question sociétale”, en remplaçant la “question sociale”, est devenue, encore plus qu’une manipulation de convenance et de circonstance, un indice certain du désarroi des serviteurs-Système devant la difficulté de faire accepter cette transmutation, y compris chez eux-mêmes. (Désarroi des serviteurs-Système plus que du Système lui-même, qui poursuit, l’humeur impavide, sa course surpuissance-autodestruction.) Nul n’y échappe, y compris notre référence sacrée anglo-saxonne, puisqu’on voit une partie des conservateurs britanniques, notoirement partisans du système libéral économique, se rebeller contre une mesure voulue par le même Système qui s’appuie pesamment sur l’arme du libéralisme économique. C’est un cas où l’idéologie forcée est confrontée, chez les mêmes personnes et dans les mêmes partis, aux restes des structures traditionnelles de la société qui se débattent avec de plus en plus de hargne et d’alacrité, voire d’efficacité... Ce qui, allons un pas plus loin, éclaire combien le Système, avec son équation dd&e (déstructuration-dissolution & entropisation), même s’il est totalement soutenu par l’anglosaxonisme du point de vue des matières économiques, financières et politiques, introduit une contradiction majeure en s’attaquant à des structures relevant du traditionalisme, si pas de la Tradition selon une conception ambiguë que certains en entretiennent.

... A ce point, on en revient, par le grand tour, aux inconvénients de la transmutation du “social” en “sociétal”, qui est l’objet de l’article cité ci-dessus, qui expose tous les paradoxes et cercles vicieux auxquels contraint le Système. (Par ailleurs, cette transmutation rendue nécessaire par l’asséchement extraordinaire des capacités budgétaires de la puissance publique et à cause de la restriction idéologique de sa politique sociale, conformément aux consignes du Système.) Appliquer les principes-Système au domaine social n’effraie pas vraiment les conservateurs anglo-saxons ; les appliquer au domaine sociétal, qui implique les mœurs au sens le plus large, les coutumes et les comportements, heurtent de front une partie importante de ces conservateurs. Cela ne peut d’ailleurs être en aucun cas source d’étonnement car qui a pu concevoir une seule seconde que les folles agitations du Système ne conduisaient pas à des paradoxes et à des contradictions, notamment à la lumière d’une autre transmutation, la dynamique de la surpuissance en dynamique de l’autodestruction ? Au contraire, paradoxes et contradictions sont, du point de vue de nos organisations civilisationnelles, le produit naturel et irrésistible de toutes ces agitations. Le parcours s’avère toujours le même, l’hémorragie provoquée par ces pression du Système dans les partis-Système suscitant des flux nouveaux vers les partis antiSystème (dits extrémistes par les élites-Système) qui fleurissent dans les pays européens. La “référence” anglo-saxonne, avec son UKIP, renvoie à l’“exception française”, avec son FN (et éventuellement son Front de Gauche, si ce dernier avait l’intelligence d’évoluer selon sa tendance naturelle sur les questions “sociétales” comme il l’a fait naturellement sur les questions économiques et sociales).

La conclusion de ce désordre et de cette confusion est qu’il est extrêmement délicat d’émettre un jugement sur les productions diverses de ce désordre et de cette confusion. Le “mariage pour tous” en est une, indiscutablement, et la première de ce domaine sociétal qui soit aussi nettement identifiée dans le cadre de la globalisation, de la déstructuration et de la dissolution des ensembles sociaux, etc., bref dans le cadre du Système, directement. Ainsi, porter un jugement sur le “mariage pour tous” devient impossible si on ne s’adresse pas à sa source, qui est le Système, en identifiant clairement les intentions de cette source, qui sont la déstructuration et la dissolution. Cela admis, il s’avérera inutile de s’attarder à ce jugement sur le cas (le “mariage pour tous”) puisqu’il aura été démontré qu’il s’agit d’un produit du Système, et qu’alors un jugement sur le Système (et par conséquent sur toutes ses productions lorsqu’elle s’identifient elles-mêmes comme telles) importe par-dessus tout et suffit en l’occurrence. Suffire pour suffire, il suffit alors, essentiellement, d’observer les maux que le Système s’inflige à lui-même, dans le chef de ses diverses courroies de transmission dans nos sociétés ; comme c’est le cas ici pour le gouvernement britannique, les conservateurs, l’équilibre de l’establishment britannique et ainsi de suite ; cela suffit pour constater, pour l’observateur avisé, que le laisser-faire avec le désordre accru de la contestation d’usage, vaut bien mieux qu’un jugement déterminant un engagement affirmé mais nécessairement boiteux. Effectivement, c’est là, dans le jugement fondamental sur le Système, que se situe l’enjeu, et nulle part ailleurs où l’usage de l’inconnaissance dans le maniement général du jugement est recommandé.

Pour consulter l’original : http://www.dedefensa.org/article-le_mariage_pour_tous_les_secoue_tous_...

Traduction : Dominique Muselet

»» http://www.dedefensa.org/article-le_mariage_pour_tous_les_secoue_tous_...
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