Ce film magnifique - interdit de diffusion sur le sol américain jusqu’en 1965 - est un hommage au combat des ouvriers mineurs et à leur syndicat. Ceux-ci doivent faire face à un patronat prêt à toutes les provocations ; ils doivent aussi affronter les autorités de l’Etat apportant à ce patronat tout le poids de leur appareil de répression, leur justice, leur police.
La valeur du film réside dans sa capacité à rendre compte des multiples difficultés de la grève : les familles peu à peu sans ressources, le racisme latent entre yankees et chicanos, la tentative d’embauche de « jaunes », le machisme... Mais il est aussi un véritable hymne à la solidarité ouvrière et au combat des femmes aux côtés des hommes et parfois contre la volonté de ces derniers.
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Aujourd’hui, en France, dans certains milieux, il était devenu à la mode de gloser sur la disparition de la classe ouvrière. Depuis trente ans, gouvernements et patronats ont tant fait ; ils ont procédé à la fermeture de tant d’usines : mines de charbon, textile, sidérurgie, etc. ; dans l’automobile même, ils sont parvenus à liquider la grande usine Renault de Boulogne-Billancourt - la mythique àŽle Seguin avec ses 35.000 ouvriers, employés, cadres et techniciens ; la « forteresse ouvrière », comme on disait encore en 1968.
Les médias, quant à eux, ne voient dans les classes populaires que des consommateurs, des spectateurs ou des amateurs de sports, rarement des travailleurs.
Il aura fallu le mouvement en cours contre la réforme des retraites, la paralysie partielle des transports, l’empilement des ordures dans les rues, pour qu’on se souvienne enfin que ce pays ne fonctionnerait pas sans le travail de centaines de milliers d’ouvriers.
A l’encontre de l’idéologie dominante exaltant l’individualisme et la compétition de tous contre tous, la grève - son auto-organisation, ses assemblées générales, son dévouement, sa solidarité - est une des manifestations collectives parmi les plus avancées de nos sociétés ; elle préfigure ce que pourrait être une République sociale basée sur ces mêmes valeurs.
En ce sens, il n’est pas abusif de reconnaître dans ces travailleurs en lutte - ici et maintenant - le « Sel de la terre ».
Jean-Pierre Dubois.
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[1] A cette époque, la Commission des activités anti-américaines, présidée par le sénateur McCarthy, s’emploie à mettre à l’index les « comploteurs communistes » dont beaucoup se cacheraient à Hollywood. Une liste noire est dressée sur laquelle figurent les artistes indésirables auxquels les studios interdisent dorénavant de travailler. Parmi eux, Herbert Biberman, Michael Wilson et Paul Jarrico, crédités respectivement comme réalisateur, scénariste et producteur du « Sel de la terre ».
Pour la petite histoire, ce film a été inscrit en 1992 au National Film Registry pour être conservé à la bibliothèque du Congrès aux États-Unis en raison de son « importance culturelle, historique ou esthétique ».
Ce film est disponible en DVD aux éditions Doriane Films : http://www.dorianefilms.com