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Le socialisme à la chinoise est-il marxiste ?

Par Bruno Guigue, ancien élève de l’École normale supérieure et de l’École nationale d’administration, Professeur invité à l’École de marxisme, Université normale de la Chine du Sud (Visiting Professor of the School of Marxism, South China Normal University)

S’interroger sur les rapports entre le marxisme et le parti communiste chinois, c’est s’engager dans un dédale vertigineux. Non seulement les questions jaillissent de toutes parts, mais on se heurte assez vite à un problème de méthode : faut-il évaluer le « socialisme chinois de la nouvelle ère » au regard du « socialisme de Marx » ? Qui plus est, ce problème de méthode – qu’il faudra traiter comme tel – recouvre un véritable problème de fond : le socialisme étant selon Marx une phase transitoire (le « premier stade du communisme ») entre la société capitaliste et la société communiste, à partir de quel moment peut-on dire que l’élément communiste l’emporte sur l’élément capitaliste ? Et comment peut-on déterminer ce point de bascule – à supposer qu’il soit possible et légitime de le faire – dans la trajectoire passée, présente et future (à titre d’hypothèse) du socialisme chinois ? Autrement dit, le socialisme au stade primaire dont se prévaut aujourd’hui le parti communiste chinois a-t-il quelque chose à voir avec le socialisme tel que Marx le concevait ? Que laisse-t-il augurer quant à la poursuite de la transition socialiste en Chine ? Ce qui revient aussi à demander : puisque le PCC se réclame du marxisme, dans quelle mesure la théorie et la pratique des communistes chinois (de Mao à nos jours) sont-elles marxistes ?

Le PCC et le marxisme

Comme il faut commencer par le commencement, et si possible en citant ses sources, on va d’abord se pencher sur un document extrêmement important. Ce texte, c’est la Résolution du comité central du parti communiste chinois sur les réalisations majeures et le bilan historique des cent années de lutte du parti, adoptée par le 6e plénum du XIXe comité central le 11 novembre 2021. Son importance tient d’abord à la rareté de ses antécédents. Au cours de son histoire, en effet, le PCC s’est livré trois fois, en tout et pour tout, à ce genre d’exercice. La première fois, c’était au moment de la victoire sur le fascisme japonais, en 1945, la deuxième fois lors du lancement des réformes économiques, en 1981, et la troisième fois, donc, en 2021, à l’occasion du centième anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois. Or l’extrême importance du dernier document tient au fait qu’il réaffirme l’adhésion sans faille du parti au marxisme et, plus encore, à la sinisation du marxisme.

Que lit-on dans ce document ? « Le marxisme a mis au jour les lois du développement des sociétés. C’est une science qui permet de connaître et de transformer le monde. (..) Depuis cent ans, le Parti arbore la bannière du marxisme, travaille sans relâche à la sinisation et à la mise à jour du marxisme, assimile avec une grande largesse d’esprit les plus beaux fruits des autres civilisations du monde et mène son action glorieuse à la lumière des théories scientifiques issues de la sinisation du marxisme. L’exemple de la Chine a démontré que la scientificité et la vérité du marxisme, la centralité qu’il accorde au peuple et à la pratique, ainsi que son caractère ouvert et en prise constante avec les temps, sont bel et bien une réalité. Sinisé et actualisé, volant de succès en succès, le marxisme apparaît sous un nouveau visage aux yeux du monde, si bien que l’évolution et l’affrontement des idéologies et des modèles de société socialiste et capitaliste ont tourné de manière décisive à l’avantage du socialisme ».¹

Pour les communistes chinois, le marxisme n’est donc pas une « idéologie » comme les autres. C’est une « science » dont le mérite est d’avoir su mettre au jour les lois du développement des sociétés. Qui plus est, cette science est ce qui permet à la fois « de connaître et de transformer le monde ». Parée de cette double vertu théorique et pratique, la doctrine marxiste constitue la bannière sous laquelle le PCC mène son action transformatrice. Mais que signifie au juste la formule selon laquelle « le marxisme est une science » ? Le sens commun admet volontiers l’existence des sciences de la nature, comme la physique ou la biologie. En quoi le corpus théorique hérité de Marx et Engels est-il analogue à ces disciplines scientifiques, à l’origine de découvertes stupéfiantes qui ont bouleversé notre vision du monde ? La réponse est la suivante : de même que ces sciences ont révélé les lois des phénomènes naturels, le marxisme a formulé les lois qui régissent les phénomènes historiques. Tandis que les sciences de la nature ont exploré avec succès le continent Nature, le marxisme a exploré avec succès le continent Histoire. Or, dans la tradition marxiste, cette caractéristique scientifique de la doctrine porte un nom classique et communément admis : le matérialisme historique.

Le matérialisme historique

Ce dernier signifie, pour l’essentiel, que les hommes font leur propre histoire, mais qu’ils ne la font pas dans des conditions choisies par eux. Tout en modifiant la nature, l’homme subit des conditions qu’il n’a point créées : l’environnement naturel, sa propre anatomie, les autres êtres humains qui l’entourent, les modalités déjà constituées de l’activité (traditions, outillage, organisation du travail, etc.). Par leur activité même, les hommes entrent dans des rapports déterminés, qui sont des rapports sociaux. Ces rapports dans lesquels chaque individu entre nécessairement, puisqu’il ne peut s’isoler, constituent l’être social de chaque individu. En quoi consistent ces rapports sociaux ? Même s’ils paraissent extrêmement complexes, il est possible de démêler, dans leur enchevêtrement, des rapports fondamentaux. Pour l’homme, le rapport avec la nature est fondamental, non parce qu’il reste un être de la nature, mais au contraire parce qu’il arrache à la nature ce qu’il faut pour assurer sa subsistance et dépasser la vie simplement naturelle. Car c’est par le travail et l’organisation du travail que les hommes produisent leurs conditions d’existence matérielle. Les relations fondamentales de toute société humaine sont donc les rapports de production, c’est-à-dire les rapports des hommes avec la nature et des hommes entre eux, par lesquels ils coopèrent pour satisfaire leurs besoins.

Lorsqu’ils nouent ces rapports de production, les hommes vivent dans une société déterminée, une « formation sociale », caractérisée par la prédominance d’un « mode de production » déterminé. Cela dit, il ne suffit pas qu’une formation sociale existe pour qu’elle possède son propre mode de production. C’est parfois le cas : une formation sociale capitaliste se caractérise par un mode de production propre, le mode de production capitaliste. Mais une société socialiste, en revanche, possède-t-elle un mode de production socialiste ? Si cette expression n’existe pas chez Marx, c’est tout simplement parce qu’une formation sociale peut être en transition entre deux modes de production, sans avoir un mode de production exclusif. Or c’est bien le cas des « sociétés socialistes », ou qui « construisent le socialisme ». Sous la poussée des forces sociales qui ont pris le pouvoir, la transformation de la société se traduit par la substitution - progressive ou accélérée – d’un mode de production à un autre, c’est-à-dire des éléments « socialistes » ou « communistes » aux éléments capitalistes. Durant la transition, les éléments de la société future ont vocation à prendre le dessus sur les éléments de la société passée. Malheureusement, le processus peut aussi s’inverser, et le capitalisme regagner du terrain. Concluons provisoirement sur ce point en notant qu’en réalité, toute formation sociale, quelle qu’elle soit, est plus ou moins en transition : elle se transforme sans cesse, elle voyage dans l’histoire.

Reste la question essentielle : qu’est-ce que le mode de production ? Marx ne l’a jamais explicitement défini, mais il s’est souvent servi du terme dans des contextes qui valaient définition. Le mode de production, d’une manière générale, désigne l’unité entre ce que Marx appelle les forces productives d’une part, et les rapports de production d’autre part. Chaque mode de production, qu’il soit dominant ou dominé, possède donc, dans son unité, ses forces productives et ses rapports de production. Comme son nom l’indique, un mode de production est une façon de produire les biens matériels indispensables à l’existence des hommes. Cette façon de produire est constituée d’un ensemble de procès de travail dont le système constitue le procès de production du mode de production considéré. Et c’est ce procès de production qui met en jeu des forces productives déterminées et des rapports de production déterminés.

Encore faut-il définir ces termes. Les forces productives désignent l’unité des moyens de production et des forces de travail. Marx appelle moyens de production l’ensemble constitué par les objets de travail (la nature) et les instruments de production (les outils). Il appelle forces de travail l’ensemble des activités relatives aux procès de travail. Les forces productives se définissent donc comme le jeu réglé des moyens de production et des forces de travail, dans lequel l’activité consciente de l’homme transforme la nature et produit ses moyens d’existence. Les rapports de production, ce sont des rapports d’un type très particulier qui, dans les sociétés divisées en classes sociales, se nouent entre les agents de la production, les travailleurs, et des individus qui ne sont pas des agents de la production, mais qui détiennent les moyens de production. Appartenant aux classes dominantes, ces derniers s’approprient une partie des produits du travail des agents de la production et leur en cèdent une partie pour qu’ils puissent vivre et se reproduire. C’est cette extorsion d’un surproduit au détriment des producteurs qui est la caractéristique des sociétés de classes, et elle porte le nom de plus-value dans le mode de production capitaliste.

Ainsi les rapports de production peuvent être définis comme des rapports de répartition unilatérale des moyens de production entre ceux qui les détiennent et ceux qui en sont dépourvus, cette répartition des moyens de production déterminant la répartition inégale des produits. Parce qu’il réunit les forces productives et les rapports de production, le mode de production possède une base matérielle : les forces productives. Sans matière à transformer, sans outils et sans forces de travail, les rapports de production n’existeraient pas, faute précisément de production matérielle. Mais ces forces productives ne serviraient à rien, à l’inverse, si elles n’étaient mises en état de s’exercer. Or elles ne peuvent le faire que sous des rapports de production spécifiques. Sans une organisation sociale qui fixe les règles de la détention et de la non-détention des moyens de production, il n’y a pas davantage de production matérielle.

Infrastructure et superstructure

Nous n’en avons pas fini avec le matérialisme historique. Une formation sociale, en effet, n’est pas seulement le lieu de déploiement d’un ou plusieurs modes de production qui se succèdent dans l’histoire. Elle est aussi le foyer d’une intense production immatérielle. Pris dans des rapports de reproduction qu’ils n’ont pas choisis, les hommes se représentent leur propre condition sous des formes idéologiques extrêmement diverses, qu’elles soient philosophiques, juridiques ou religieuses. Or ces représentations entretiennent avec les conditions d’existence des rapports déterminés. Dans la préface à la Contribution à la critique de l’économie politique (1859), Marx définit toute société comme une construction dans laquelle on distingue deux étages : la base, ou infrastructure, et l’édifice, ou superstructure. La base, c’est l’économie, l’unité des forces productives et des rapports de production. Au-dessus s’élève la superstructure juridique, politique et idéologique. Représentation spatiale des différentes instances, cette topique assigne chaque ordre de réalité à sa place véritable. La hiérarchisation des instances, en effet, obéit au principe matérialiste selon lequel l’infrastructure détermine la superstructure : les représentations idéologiques dépendent des rapports noués dans le processus de production.²

Ces rapports de production sont des rapports sociaux, en l’occurrence des rapports d’exploitation, puisque la plupart des sociétés sont fondées sur l’extorsion d’un surtravail aux classes inférieures. Or ces rapports de production forment un tout avec les forces productives, c’est-à-dire les moyens matériels qui sont engagés dans la production. C’est cette unité des rapports de production et des forces productives qui constitue l’infrastructure de la société, et c’est elle qui donne sa configuration particulière à une formation sociale donnée. Mais il faut bien entendre ce que dit Marx : cette unité est elle-même soumise aux rapports de production. Ce sont ces rapports qui déterminent les conditions dans lesquelles les forces productives sont employées. Le développement des forces productives sous le mode de production capitaliste, par exemple, obéit à des règles spécifiques, qui traduisent la spécificité des rapports sociaux capitalistes : le travailleur est présumé « libre », il loue sa force de travail moyennant un contrat, il jouit d’une « égalité juridique » avec son employeur, etc. Le mouvement de l’histoire fait alors apparaître un premier niveau de contradiction : celle qui s’établit entre le développement des forces productives et la fixité des rapports de production.

La montée de la bourgeoisie depuis le Moyen-Âge, par exemple, a fini par faire voler en éclats les rapports sociaux hérités du féodalisme. La Révolution française en fut la conséquence : détentrice du pouvoir économique, la nouvelle classe montante a revendiqué le pouvoir politique et l’a arraché des mains de la noblesse et du clergé. De nouveaux rapports sociaux, les rapports bourgeois de production, ont fini par s’imposer à la société dans son ensemble, se substituant aux rapports sociaux antérieurs, manifestement dépassés par le développement des forces productives. C’est pourquoi Marx dit que « l’humanité ne se propose que les tâches qu’elle peut accomplir ». Il faut qu’un certain stade du développement économique ait été atteint pour qu’adviennent de nouvelles formes d’organisation sociale. C’est toujours lorsque le développement des forces productives fait éclater les cadres surannés de l’ancien monde qu’une nouvelle société peut voir le jour. Et de même que la bourgeoisie a balayé le monde féodal pour lui substituer le mode de production capitaliste, la classe ouvrière, prochainement, fera éclater les cadres surannés de la société bourgeoise. Cette détermination par l’économie, toutefois, n’a rien d’une détermination mécaniste. Car la façon dont les hommes se les représentent entre aussi dans la composition de leurs conditions d’existence. Si cette représentation est erronée, en effet, il en résulte une aliénation de la conscience qui est le ressort de la domination de classe. La formule qui rapporte la conscience à la matérialité de ses conditions ne signifie pas que les représentations idéologiques sont accessoires ou insignifiantes.

C’est en formulant de tels concepts que le marxisme a contribué à l’explication des phénomènes historiques et fourni au parti communiste chinois une méthode d’analyse irremplaçable. Mais la résolution du comité central de novembre 2021 dit davantage encore. Elle soutient qu’avec la sinisation du marxisme, ce dernier connaît une nouvelle jeunesse, mieux encore qu’il obtient un succès retentissant : « Sinisé et actualisé, volant de succès en succès, le marxisme apparaît sous un nouveau visage aux yeux du monde, si bien que l’évolution et l’affrontement des idéologies et des modèles de société socialiste et capitaliste ont tourné de manière décisive à l’avantage du socialisme ». S’il est vrai que le marxisme fournit une méthode aux communistes chinois, c’est bien la sinisation du marxisme qui procure la méthode de la méthode, et qui contribue à asseoir la supériorité historique du socialisme sur le capitalisme. En quoi consiste exactement cette sinisation du marxisme, c’est ce qu’il faut maintenant essayer de comprendre. Cette formulation, en effet, n’est pas nouvelle. Elle a son origine dans le processus qui a vu le communisme chinois, depuis le milieu des années 1930, acquérir son autonomie par rapport à la doctrine de l’Internationale communiste.

Mao Zedong : le premier bond historique

Comme son nom l’indique, la sinisation du marxisme consiste à combiner les principes fondamentaux du marxisme avec les conditions réelles de la société chinoise. C’est ce que souligne Xi Jinping lors du XXe Congrès du PCC (octobre 2022) : « Pour préserver et développer le marxisme, nous devons absolument l’adapter à la réalité chinoise. Si nous prenons pour guide le marxisme, c’est pour résoudre les questions propres à la Chine en recourant à la conception du monde et à la méthodologie marxistes, au lieu d’apprendre par cœur ou de répéter machinalement des phrases toutes faites ou de faire du marxisme un dogme figé. Il faut que nous persistions à libérer notre pensée, à faire preuve d’objectivité, à avancer avec notre époque et à rechercher la vérité et l’efficacité ».³ Processus s’inscrivant dans le long terme, la sinisation du marxisme a connu plusieurs bonds historiques au cours desquels les innovations dans la pratique révolutionnaire ont généré à leur tour des avancées théoriques. Le premier bond historique, bien sûr, est celui qu’effectue Mao Zedong lorsqu’il définit la stratégie révolutionnaire lui permettant de vaincre les envahisseurs japonais et les forces réactionnaires. Le deuxième bond historique est celui du « socialisme aux caractéristiques chinoises » défini par la théorie de Deng Xiaoping, la pensée de la « Triple représentation » et le « concept de développement scientifique ». A partir du XIXe Congrès du PCC (2017), « la pensée de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère », enfin, constitue un troisième bond historique.

Coup d’envoi de la sinisation du marxisme, la pensée de Mao Zedong demeure encore aujourd’hui une référence indépassable, inscrite dans les statuts du Parti. Or cette pensée repose sur une analyse marxiste des rapports d’exploitation caractéristiques de la société chinoise. Chassés des villes par la répression à partir de 1927, les communistes se sont réfugiés dans les campagnes les plus reculées. La force des choses les a conduits là où ils n’imaginaient pas semer les ferments de la future révolution : auprès des paysans pauvres des régions déshéritées, au cœur de cette Chine arriérée qui fut le théâtre des grandes révoltes millénaristes. Cette confrontation improbable entre la modernité révolutionnaire et l’immensité rurale aura des conséquences décisives. En la pliant aux conditions objectives de la société chinoise, elle provoque un véritable saut qualitatif dans la stratégie révolutionnaire. Certes, le mouvement paysan préexistait aux communistes. Comme la braise sous la cendre, il couvait dans les profondeurs d’une société rurale terriblement archaïque. Présente à l’état endémique, la révolte paysanne éclatait lorsque la colère atteignait son paroxysme. D’une extrême violence, les jacqueries de l’époque impériale étaient nourries par la précarité des conditions d’existence, les abus des propriétaires fonciers, la rapacité inouïe des usuriers.

Après la révolution républicaine enclenchée de 1911, les prodromes d’une révolution paysanne se font bientôt sentir. Au cours des années 1920, un mouvement paysan révolutionnaire se répand au Zhejiang, puis au Hunan, là où certains facteurs favorisent son mûrissement : la proximité de Canton, capitale révolutionnaire du Sud, et l’influence des diplômés de « l’Institut du mouvement paysan » dirigé par Mao Zedong. Au moment où les communistes chinois partent à la conquête du prolétariat urbain et nourrissent un espoir qui sera cruellement déçu, s’affirme ainsi dans ces campagnes reculées une ébauche d’organisation révolutionnaire. C’est cette nouvelle forme de radicalité, déployée loin des regards de l’élite moderniste, que Mao Zedong s’efforce d’analyser. Dans son Rapport sur l’enquête menée dans le Hunan à propos du mouvement paysan (mars 1927) il invite le parti communiste à convertir son regard sur ce monde rural dont l’initiative révolutionnaire contraste avec son arriération présumée. Une conversion qui prendra beaucoup de temps : Mao sait qu’il heurte de front la conception de la révolution chez les marxistes chinois.

Sa thèse centrale, c’est que « le soulèvement paysan constitue un événement colossal » et que les révolutionnaires ont le choix entre trois possibilités : « Dans peu de temps, on verra dans les provinces du centre, du nord et du sud de la Chine des centaines de millions de paysans se dresser, impétueux, invincibles, tel l’ouragan, et aucune force ne pourra les retenir. Ils briseront toutes leurs chaînes et s’élanceront sur la voie de la libération. Ils creuseront le tombeau de tous les impérialistes, seigneurs de la guerre, fonctionnaires corrompus, despotes locaux et mauvais hobereaux. Ils mettront à l’épreuve tous les partis révolutionnaires, qui auront à prendre parti : nous mettre à la tête des paysans et les diriger ? Rester derrière eux en nous contentant de les critiquer avec des gestes autoritaires ? Ou nous dresser devant eux pour les combattre ». En menant l’enquête auprès des masses rurales du Hunan, Mao signe le premier acte d’un changement radical de stratégie révolutionnaire. Aux yeux de ce militant autodidacte, il ne fait aucun doute que le mouvement paysan détient deux atouts considérables : il recèle un potentiel gigantesque dans un pays qui demeure essentiellement rural, et il est suffisamment radical pour servir de base au processus révolutionnaire.

Ces données objectives fixent la tâche des communistes : ils doivent organiser le mouvement paysan afin de l’enrôler au service de la révolution sous la conduite du prolétariat. « Qu’est-ce que le marxisme ? Ce sont les paysans faisant la révolution sous la direction du prolétariat. Quatre Chinois sur cinq sont des paysans. Il nous faut la force des cinq doigts, et s’il ne nous reste que le petit doigt le prolétariat est isolé ». C’est pourquoi Mao réfute les arguments de ceux qui incriminent les paysans pour leurs prétendus excès et jouent les vierges effarouchées devant la violence révolutionnaire : « La révolution n’est pas un dîner de gala ni une œuvre littéraire, ni un dessin ni une broderie ; elle ne peut s’accomplir avec autant d’élégance, de tranquillité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d’amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d’âme. La révolution, c’est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre ». Conception vigoureuse qui balaie l’esprit de compromis et légitime l’action violente des masses lorsqu’elles s’en prennent à leurs oppresseurs. Car il s’agit de « renverser complètement le pouvoir des hobereaux, de jeter ces derniers au sol et même de leur mettre le pied dessus ». Sans « une puissante poussée révolutionnaire », rien n’est possible, et celle-ci doit s’accompagner d’une « brève période de terreur » pour « réprimer l’activité des contre-révolutionnaires et renverser le pouvoir des hobereaux ». Et au fond, c’est ce qu’enseigne la sagesse populaire : « Pour redresser quelque chose, on est obligé de la courber en sens inverse ; sinon, on ne peut la rendre droite ».⁴

Le second point essentiel du document rédigé par Mao, c’est l’analyse des rapports sociaux au sein même du monde rural. Car la paysannerie est un mille-feuille composé de familles de toutes conditions. « Il y a trois catégories de paysans : les riches, les moyens et les pauvres. Vivant dans des conditions différentes, ils ont des idées différentes sur la révolution ». Or l’allié privilégié du prolétariat, c’est évidemment la paysannerie pauvre. « La force principale dans ce combat dur et obstiné qui se poursuit à la campagne a toujours été constituée par les paysans pauvres » car « ce sont eux qui acceptent le plus volontiers la direction du parti communiste ». Représentant 70 % de la paysannerie du Hunan, ils constituent « l’épine dorsale des unions paysannes, l’avant-garde dans la lutte pour le renversement des forces féodales, les glorieux pionniers de la grande cause de cette révolution inachevée ». Avec des inflexions notables durant la période du second Front uni contre les Japonais (1937-1945), la politique agraire du parti communiste ne dérogera pas à cette exigence : pour assurer le succès de la révolution dans les campagnes, il faut favoriser l’accès à la propriété des paysans pauvres par la réquisition et la redistribution des terres. Avec la paysannerie pauvre comme base sociale et la révolution agraire comme programme, le communisme chinois peut aller jusqu’au bout de sa mutation historique : parti d’intellectuels urbains tentant d’encadrer des syndicats ouvriers, il deviendra une armée de paysans-soldats conduite par des révolutionnaires aguerris.

Un marxisme concret

La pensée de Mao Zedong s’enracine dans cette expérience révolutionnaire, elle en est l’expression consciente. Comme il est difficile de résumer en quelques mots une telle contribution, indiquons brièvement les leçons administrées par la conduite victorieuse de la révolution paysanne : 1. C’est en affrontant une crise paroxystique, à la fois nationale et sociale, que la stratégie révolutionnaire a fait la preuve de son efficacité. 2. C’est en mobilisant les immenses ressources de la paysannerie que la révolution chinoise est parvenue au but. 3. C’est en militarisant la révolution dans une lutte sans merci que le parti communiste l’a emporté. 4. C’est en transformant la résistance à l’envahisseur en guerre de partisans que cette lutte libératrice a chassé l’occupant. 5. C’est en encerclant les villes à partir des campagnes que le PCC a vaincu Chiang Kai-shek, aboli le régime semi-féodal et réunifié la Chine. « Durant les luttes révolutionnaires, au terme d’une quête ardue et au prix d’immenses sacrifices, les communistes chinois représentés par le camarade Mao Zedong ont réalisé une synthèse théorique unique en combinant les principes fondamentaux du marxisme léninisme avec la réalité chinoise et trouvé la bonne voie révolutionnaire : encercler les villes à partir des campagnes et prendre le pouvoir par la lutte armée », rappelle le comité central en novembre 2021.⁵

Si Mao a obtenu la victoire finale, c’est parce qu’il a saisi l’unité organique entre la libération nationale et la lutte sociale. En dressant les masses paysannes contre les propriétaires fonciers et les Japonais, il unissait le sentiment populaire contre les exploiteurs et le sentiment national contre l’envahisseur. Mais il y a plus. En sinisant le marxisme, Mao a fait d’une pierre deux coups : il a donné ses chances à la révolution chinoise et attribué sa véritable signification au marxisme lui-même : « Il n’existe pas de marxisme abstrait, mais seulement un marxisme concret. Ce que nous appelons le marxisme concret, c’est le marxisme qui a pris une forme nationale, c’est-à-dire un marxisme appliqué à la lutte concrète dans les conditions concrètes qui prévalent en Chine. Si un communiste chinois qui fait partie du grand peuple chinois, est uni à son peuple par sa chair et son sang, et parle du marxisme sans les particularités chinoises, son marxisme n’est qu’une abstraction vide ». Dans les conditions de la Chine semi-féodale et semi-coloniale, pouvait-on faire l’économie d’une stratégie politico-militaire, pouvait-on échapper à la lutte armée ? Certainement pas. « En Occident, la révolution est passée, comme pour la révolution soviétique, par une longue période de lutte légale, la guerre n’étant que la phase ultime du combat pour s’emparer des villes puis des campagnes. Dans la Chine féodale, aucun problème ne peut être réglé sans recours à la force armée. En Chine, le pouvoir est au bout du fusil ».⁶

Cette stratégie victorieuse était radicalement novatrice. A l’épreuve des faits, Mao a effectué une série de substitutions dont la portée pratique est gigantesque. Il a substitué la paysannerie au prolétariat urbain comme base sociale du mouvement révolutionnaire. Il a substitué la lutte de libération nationale à la révolution prolétarienne comme objectif prioritaire du Parti. Il a substitué la stratégie de la guérilla rurale à celle de l’insurrection urbaine. Enfin, il a substitué les campagnes aux villes comme théâtre de l’affrontement final entre la révolution et la réaction. En faisant de la paysannerie la force motrice de la révolution, Mao Zedong a rompu les amarres avec quelque modèle que ce soit. Le triomphe final de 1949, il l’assoit sur le mouvement souterrain de ces masses rurales dont la misère réclamait une transformation radicale des rapports sociaux. Ce faisant, il renoue avec la tradition des jacqueries paysannes qui scandent l’histoire chinoise. Si le saut qualitatif opéré dans la stratégie révolutionnaire l’éloigne du marxisme orthodoxe, il la rapproche des caractéristiques nationales héritées d’un lointain passé. La nouveauté radicale du maoïsme le relie à ce qu’il y a de plus profond dans l’identité politique du peuple chinois. Classe révolutionnaire par excellence, la paysannerie a une expérience immémoriale de la lutte des classes. Elle n’a rien à envier, sur le plan de la stratégie insurrectionnelle, au prolétariat industriel des pays avancés.

Lorsqu’il écrit l’histoire de la Chine à l’attention des militants du parti, en 1936, Mao rappelle que « les paysans chinois, soumis à l’exploitation économique et à l’oppression politique, ont vécu pendant des siècles en esclaves, dans la misère et la souffrance » mais que « le peuple chinois a toujours recouru à la révolution », et que « dans la plupart des cas, les changements de dynastie étaient dus à des insurrections paysannes ».⁷ Il élève la paysannerie pauvre au rang d’acteur collectif de la transformation révolutionnaire du pays : elle sera le bras armé de la régénération nationale, l’agent efficace de la révolution sociale espérée par les masses. Inutile de dire que cette stratégie ne faisait pas l’unanimité dans le mouvement communiste. Opposant exilé, Trotski ne reconnaît aucune vertu à ces soviets ruraux qu’il compare aux rêveries des populistes russes. En septembre 1932, il annonce l’échec de la révolution paysanne de Mao : « Lorsque le parti communiste, fermement appuyé sur le prolétariat des villes, essaie de commander l’armée paysanne par une direction ouvrière, c’est une chose. C’est tout autre chose lorsque quelques milliers ou même quelques dizaines de milliers de révolutionnaires qui dirigent la guerre paysanne sont ou se déclarent communistes, sans avoir aucun appui sérieux dans le prolétariat. Or, telle est avant tout la situation en Chine ». Condamnant cette stratégie paysanne, il estime que « le parti s’est séparé de sa propre classe, et que la guerre paysanne par elle-même, sans une direction immédiate de l’avant-garde prolétarienne, ne peut que donner le pouvoir à une nouvelle clique de la bourgeoisie ».⁸ Déjouant ce pronostic, la révolution paysanne finira pourtant par triompher. Mais ce n’est pas tout. En la conduisant à la victoire, le maoïsme va résoudre une crise nationale qu’un internationalisme abstrait s’interdisait de comprendre.

Dès l’origine, le parti communiste chinois épouse les protestations populaires contre les puissances coloniales et leur politique prédatrice. Dans le sillage du Mouvement du 4 mai 1919, il entend sauver la Chine du chaos et venger son humiliation. Ce qui motive les jeunes intellectuels qui fondent le parti, c’est l’impératif d’une modernisation sans laquelle la Chine est vouée à demeurer dans la dépendance des nations développées. Contre ce destin fatidique d’une infériorité chinoise qui contraste avec sa grandeur passée, les communistes cherchent un remède, et ils le trouvent dans la révolution. C’est pourquoi le nationalisme anti-impérialiste est une composante essentielle du communisme chinois. En dépit de son issue fatale, la fusion avec le Guomindang lors du premier Front uni a contribué à la popularité du PCC en le présentant comme une composante du mouvement national. Ce mariage de raison l’a identifié à un sursaut patriotique dont la bourgeoisie, en refusant de l’assumer, lui a transmis le fardeau. Déterminés à réaliser l’unité et l’indépendance de la Chine, les communistes sont les premiers à prôner l’alliance de toutes les forces nationales contre l’envahisseur japonais en 1937. En regard des consignes de l’Internationale communiste (en faveur de l’insurrection urbaine) et de l’influence exercée dans le parti par les « 28 bolcheviks » (les dirigeants du PCC formés à Moscou), Mao a conduit une véritable révolution dans la révolution. Et comme il est à la fois homme d’action et théoricien, il va explorer lui-même la dimension théorique de ce tournant stratégique.

Rôle-clé de la mobilisation paysanne contre sa dépréciation au nom d’un fétichisme ouvriériste, stratégie de la guerre populaire prolongée là où l’insurrection urbaine ponctuelle est impraticable, priorité absolue à la libération nationale et Front uni avec le Guomindang pour chasser les Japonais : autant d’orientations pratiques, en effet, qui posent un sérieux problème théorique aux marxistes chinois, tant elles bousculent les vérités établies et les certitudes doctrinales. Tout problème théorique appelant une solution théorique, Mao articule sa réponse dans deux textes célèbres, qui sont d’une importance cruciale pour la compréhension du marxisme sinisé.

Chercher la vérité dans les faits

Le contenu du premier de ces textes, De la pratique, a été exposé dans un cycle de conférences à l’École militaire et politique anti-japonaise de Yan’an en juillet 1937. Il s’agit pour Mao d’éclairer ses camarades sur un point de méthode essentiel : qu’est-ce qu’apprendre, comment progresse-t-on dans la connaissance, quel est le rôle respectif de la théorie et de la pratique dans l’acquisition du savoir ? Or si l’élucidation de cette question revêt une importance particulière, c’est pour des raisons qui sont exposées dans l’édition des textes choisis de Mao. Ce qu’il s’agit de réfuter, c’est ce « dogmatisme » qui, « après avoir rejeté l’expérience de la Révolution chinoise, a nié cette vérité que le marxisme n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action ». Certes, « d’autres camarades, tenants de l’empirisme, pendant longtemps, se sont cramponnés à leur expérience personnelle, limitée, sans comprendre l’importance de la théorie pour la pratique révolutionnaire ni voir la situation de la révolution dans son ensemble. Ils ont eu beau travailler avec zèle, leur travail se faisait à l’aveuglette ». Ces « conceptions erronées » ont causé un « préjudice énorme », et surtout celles des tenants du dogme : « parés de la toge marxiste, les dogmatiques ont induit en erreur nombre de nos camarades ». C’est pourquoi il faut dénoncer « les erreurs subjectivistes commises par les partisans du dogmatisme et de l’empirisme, et en particulier du dogmatisme, au sein de notre parti ».

Contre cette tendance idéologique, Mao entend montrer que « la théorie se fonde sur la pratique » et que « la vérité d’une théorie est déterminée non par une appréciation subjective, mais par les résultats objectifs de la pratique sociale ». Autrement dit, « si l’on veut acquérir des connaissances, il faut prendre part à la pratique qui transforme la réalité. Si l’on veut connaître le goût d’une poire, il faut la transformer : en la goûtant. Si l’on veut connaître la structure et les propriétés de l’atome, il faut procéder à des expériences physiques et chimiques, changer l’état de l’atome. Si l’on veut connaître la théorie et les méthodes de la révolution, il faut prendre part à la révolution ». Car l’essentiel n’est pas de « comprendre les lois du monde objectif pour être en état de l’expliquer, mais d’utiliser la connaissance de ces lois pour transformer activement le monde ». Certes, du point de vue marxiste, la théorie est importante, car, comme dit Lénine : « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire ». Il n’empêche que si « le marxisme accorde une grande importance à la théorie », c’est « justement parce qu’elle peut être un guide pour l’action. Si, étant arrivé à une théorie juste, on se contente d’en faire un sujet de conversation pour la laisser ensuite de côté, sans la mettre en pratique, cette théorie, si belle qu’elle puisse être, reste sans intérêt ».⁹

C’est pourquoi, dans la conduite du processus révolutionnaire, il faut bien prendre soin d’éviter un double écueil. Ne pas tomber, d’abord, dans l’erreur de ces « entêtés » dont « les idées ne suivent pas le rythme des modifications de la situation objective » et qui s’adonnent à « l’opportunisme de droite ». Car « ces gens ne savent pas marcher devant le char de la société pour le guider, ils ne font que se traîner derrière, se plaignant qu’il aille trop vite et essayant de le ramener en arrière ou de le faire rouler en sens inverse. Mais il ne faut pas tomber, non plus, dans l’erreur des « phraseurs de gauche ». Comme « leurs idées s’aventurent au-delà d’une étape de développement déterminée du processus objectif , soit ils prennent leurs fantaisies pour des réalités, soit ils essaient de réaliser de force, dans le présent, des idéaux qui ne sont réalisables que dans l’avenir ». Contre ces deux avatars du dogmatisme idéologique, il faut ajuster la théorie sur la pratique. La stratégie de l’insurrection urbaine ayant échoué, par exemple, il ne fallait pas s’obstiner à la mener coûte que coûte. Cet aventurisme de gauche menait à une impasse dont seule la pratique de la guérilla paysanne a permis de sortir.

A chaque étape du processus historique, ce sont les enseignements de la pratique qui commandent une inflexion de la stratégie. Car la pratique est fondée sur une analyse rigoureuse de la situation objective, et la situation objective est elle-même sujette au changement. Si la théorie révolutionnaire peut démontrer sa validité, c’est toujours à l’épreuve de la pratique révolutionnaire. Cette adaptation constante aux réalités, toutefois, atteindra-t-elle un jour un terme définitif, une sorte d’achèvement du processus de connaissance, la vérité s’imposant une fois pour toutes ? Non, répond Mao : « Puisque la pratique des hommes, qui transforme la réalité objective suivant des idées, des théories, des plans, des projets déterminés, avance toujours, leur connaissance de la réalité objective n’a pas de limites. Le mouvement de transformation, dans le monde de la réalité objective, n’a pas de fin, et l’homme n’a donc jamais fini de connaître la vérité dans le processus de la pratique. Le marxisme-léninisme n’a nullement épuisé la vérité ; sans cesse, dans la pratique, il ouvre la voie à la connaissance de la vérité ». Processus sans fin assignable, le progrès dans la connaissance (et dans l’action) est une quête dont le marxisme lui-même, loin de s’ériger en savoir suprême, porte l’interrogation sans limites. En bref, et c’est une conclusion qui vaut d’être méditée, ceux qui identifient le marxisme à une idéologie dogmatique en sont pour leurs frais.

Si la théorie doit sans cesse se nourrir de la pratique, c’est bien parce qu’il y a une pratique (ou plutôt des pratiques politiques, scientifiques, etc.) et que cette pratique affronte une réalité elle-même en mouvement. Dans la transformation ininterrompue qui affecte les formations sociales, on peut sans doute repérer des constantes, des structures permanentes. Mais comme elles sont elles-mêmes affectées par le changement, elles recèlent des contradictions multiples, et c’est en démêlant cet écheveau complexe de contradictions qu’on peut non seulement accéder à la connaissance rationnelle d’une formation sociale, par la théorie, mais aussi et surtout contribuer à sa transformation révolutionnaire, par la pratique. Mais pour y parvenir, il faut toujours chercher la vérité dans les faits. C’est pourquoi Mao, au cours d’un nouveau cycle de conférences à l’École militaire et politique anti-japonaise de Yan’an, en août 1937, a produit une théorie de la contradiction après avoir réfléchi sur la pratique. Le texte issu de ces conférences constituant le point culminant des innovations philosophiques de Mao, il convient de s’y attarder quelque peu.

Le jeu des contradictions

A la suite de Marx, Engels et Lénine, Mao adopte le « point de vue de la dialectique matérialiste » selon lequel « les changements qui interviennent dans la société proviennent surtout du développement des contradictions qui existent à l’intérieur de la société, c’est-à-dire des contradictions entre les forces productives et les rapports de production, entre les classes, entre le nouveau et l’ancien ». C’est l’approfondissement de ces contradictions qui « fait avancer la société et amène le remplacement de la vieille société par la nouvelle ». Tout processus réel, en effet, est de nature contradictoire : « Les contradictions, inhérentes aux choses et aux phénomènes, sont la cause fondamentale de leur développement, alors que leur liaison mutuelle et leur action réciproque n’en constituent que les causes secondes ». Cela signifie-t-il que « la dialectique matérialiste exclut les causes externes ? » Non, mais elle considère « que les causes externes constituent la condition des changements, que les causes internes en sont la base, et que les causes externes opèrent par l’intermédiaire des causes internes ». C’est toujours par l’intermédiaire des causes internes que les causes externes produisent leur effet : « En Chine, si la grande bourgeoisie a vaincu en 1927 le prolétariat, c’est grâce à l’opportunisme qui se manifestait au sein même du prolétariat chinois », c’est-à-dire à l’intérieur du parti communiste. « Lorsque nous en eûmes fini avec cet opportunisme, la révolution chinoise reprit son essor. Plus tard, elle a de nouveau sérieusement souffert des coups infligés par l’ennemi, cette fois à la suite des tendances aventuristes apparues au sein de notre Parti. Et quand nous eûmes liquidé cet aventurisme, notre cause recommença à progresser ».

Si le mouvement de l’histoire suit le rythme du déploiement des contradictions existantes, ces contradictions, toutefois, ne sont pas de même nature : elles sont « qualitativement différentes », et elles ne peuvent se résoudre que « par des méthodes qualitativement différentes ». Par exemple, « la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie se résout par la révolution socialiste ; la contradiction entre les masses populaires et le régime féodal, par la révolution démocratique ; la contradiction entre les colonies et l’impérialisme, par la guerre révolutionnaire nationale ; la contradiction entre la classe ouvrière et la paysannerie, dans la société socialiste, par la collectivisation et la mécanisation de l’agriculture ; les contradictions au sein du Parti communiste se résolvent par la critique et l’autocritique ; les contradictions entre la société et la nature, par le développement des forces productives ». Selon qu’il s’agit de contradictions de classes, de contradictions politiques, ou encore de contradictions entre différentes formations sociales, « les processus changent, les anciens processus et les anciennes contradictions disparaissent, de nouveaux processus et de nouvelles contradictions naissent, et les méthodes pour résoudre celles-ci sont en conséquence différentes elles aussi ». En bref, dans le processus réel, c’est toujours la différence qualitative des contradictions qui appelle des réponses qualitativement différentes.

Mais s’il y a des contradictions qualitativement différentes, c’est précisément parce qu’il y a une pluralité de contradictions. Il n’y a jamais une seule contradiction, mais plusieurs contradictions, et c’est ce qui fait toute la difficulté de l’analyse. C’est pourquoi il faut discerner, dans l’écheveau inextricablement mêlé des contradictions, ce que chacune d’entre elles a de spécifique. Ainsi, « dans le processus de la révolution démocratique bourgeoise en Chine, il existe une contradiction entre les classes opprimées de la société chinoise et l’impérialisme ; une contradiction entre les masses populaires et le régime féodal ; une contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie ; une contradiction entre la paysannerie et la petite bourgeoisie urbaine d’une part, et la bourgeoisie d’autre part ; des contradictions entre les diverses cliques réactionnaires dominantes ». C’est ce qui fait que « la situation est extrêmement complexe ». Parce qu’elle est spécifique, chacune de ces contradictions doit faire l’objet d’un mode de résolution spécifique. Or c’est ce caractère spécifique de la contradiction qui est, « pour nombre de camarades, en particulier les dogmatiques, une question où ils ne voient pas encore clair ». Leur erreur, c’est qu’ils ne comprennent pas que « l’universel existe dans le spécifique » et qu’il faut « étudier le caractère spécifique de la contradiction avec une attention particulière ».

Les deux aspects de la contradiction

Mais ce n’est pas tout. Si l’on veut résoudre la contradiction dans sa spécificité, il faut aussi saisir correctement « les deux aspects de chaque contradiction » en tenant compte de leurs propres particularités. Ne pas saisir comme il convient les deux aspects de la contradiction, c’est tomber dans le travers de « l’examen unilatéral » qui consiste à « ne pas savoir envisager les questions sous tous leurs aspects ». C’est ce qui arrive, par exemple, « lorsqu’on comprend seulement la Chine et non le Japon, seulement le Parti communiste et non le Guomindang, seulement le prolétariat et non la bourgeoisie, seulement la paysannerie et non les propriétaires fonciers, seulement les situations favorables et non les situations difficiles, seulement le passé et non l’avenir, seulement le détail et non l’ensemble, seulement les insuffisances et non les succès », bref, lorsqu’on ne comprend pas les particularités des deux aspects d’une contradiction. Cette attitude revient à « envisager les questions d’une manière unilatérale », à « voir la partie et non le tout », à « voir les arbres et non la forêt ». Il est impossible, dans ces conditions, de « trouver la méthode pour résoudre les contradictions », impossible de « s’acquitter des tâches de la révolution », impossible de « mener à bien le travail qu’on fait, impossible de développer correctement la lutte idéologique dans le Parti ». Comme disait Sun Zu : « Connais ton adversaire et connais-toi toi-même, et tu pourras sans risque livrer cent batailles ».

Envisager les choses d’une manière unilatérale et superficielle, c’est du « subjectivisme », c’est méconnaître que « les choses sont en fait liées les unes aux autres et possèdent des lois internes ». Pour sortir de cette impasse, il faut analyser attentivement les deux aspects de la contradiction. Mais il faut aussi tenir compte du fait que « la contradiction fondamentale s’accentue progressivement à chaque étape d’un long processus » et que « les contradictions, importantes ou minimes, qui sont déterminées par la contradiction fondamentale ou se trouvent sous son influence » soit « s’accentuent », soit « se résolvent » ou « s’atténuent ». Par exemple, lorsque « le capitalisme de l’époque de la libre concurrence se transforme en impérialisme », la contradiction « entre la bourgeoisie et le prolétariat » s’accentue, de même que la contradiction « entre le capital monopoliste et le capital non monopoliste », la contradiction « entre les puissances coloniales et les colonies », ou encore « la contradiction entre les pays capitalistes, contradiction provoquée par le développement inégal de ces pays ». L’exaspération de toutes ces contradictions correspond à « un stade particulier du capitalisme – le stade de l’impérialisme ». Et c’est pourquoi « le léninisme est le marxisme de l’époque de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne ».

Il en va de même pour la compréhension de la révolution chinoise. Pour saisir les deux aspects de la contradiction, il faut étudier les caractéristiques des deux principaux acteurs dans le développement historique de leurs relations réciproques. Sans une connaissance rigoureuse des particularités du Guomindang et du parti communiste, il est impossible de comprendre pourquoi les deux partis ont d’abord créé un un Front uni (1924), pourquoi ce Front uni a été rompu par le Guomindang (1927) et pourquoi un nouveau Front uni a vu le jour (1937). Or, pour en connaître les particularités, il faut « étudier la base de classe des deux partis et les contradictions qui en résultent » aux différentes périodes du processus historique. Si le Guomindang a besoin de l’alliance avec les communistes, en 1937, c’est « en raison de ses contradictions avec l’impérialisme japonais ». Quant au parti communiste, « il a toujours été aux côtés des masses populaires pour lutter contre l’impérialisme et le féodalisme ». Mais depuis que le Guomindang s’est prononcé contre le Japon, « il a adopté une politique modérée à l’égard du Guomindang et des forces féodales du pays ». C’est compte tenu de ces contradictions qu’on peut y voir clair dans la situation à un moment précis. Si on n’étudie pas ces aspects contradictoires, on ne peut comprendre les rapports réciproques entre les deux partis dans leur développement historique.

Lorsqu’on parle de la contradiction, il est donc important de préciser de quelle contradiction on parle. Car « les contradictions existent dans tous les processus » et on peut dire en un sens que « tout est contradiction ». En sorte que « nier la contradiction dans les choses et les phénomènes, c’est tout nier ». Mais si la contradiction est universelle, « valable pour tous les temps et tous les pays », elle a toujours un caractère spécifique, et il faut distinguer soigneusement « la contradiction principale et l’aspect principal de la contradiction ». Dans le processus de développement d’un phénomène, en effet, il y a toujours une « contradiction principale », dont l’existence et le développement déterminent l’existence et le développement des autres contradictions. Dans la société capitaliste, par exemple, « les deux forces en contradiction, le prolétariat et la bourgeoisie, forment la contradiction principale ». Quant aux autres contradictions, comme « la contradiction entre la classe féodale et la bourgeoisie », la « contradiction entre le prolétariat et la petite bourgeoisie paysanne », la « contradiction entre la démocratie et le fascisme au sein de la bourgeoisie », les « contradictions entre les pays capitalistes et les contradictions entre l’impérialisme et les colonies », etc., elles sont toutes déterminées par la contradiction principale.

La contradiction principale en 1937

Comment se présente la contradiction principale dans la Chine actuelle ? « Dans ce pays semi-colonial, la relation entre la contradiction principale et les contradictions secondaires forme un tableau complexe ». A quoi tient cette complexité ? « Quand l’impérialisme lance une guerre d’agression contre un tel pays, les diverses classes de ce pays, à l’exception d’un petit nombre de traîtres à la nation, peuvent s’unir temporairement dans une guerre nationale contre l’impérialisme. La contradiction entre l’impérialisme et le pays considéré devient alors la contradiction principale et toutes les contradictions entre les diverses classes à l’intérieur du pays (y compris la contradiction, qui était la principale, entre le régime féodal et les masses populaires) passent temporairement au second plan et à une position subordonnée ». Or tel est le cas en Chine durant les guerres de 1840, 1894, 1900, et tel est le cas aujourd’hui, durant « l’actuelle guerre sino-japonaise ». Dans un processus historique, il y a toujours plusieurs contradictions, et il y a nécessairement une contradiction principale : elle « joue le rôle dirigeant, déterminant, alors que les autres n’occupent qu’une position secondaire, subordonnée ». C’est pourquoi, dans l’étude de tout processus complexe où il existe deux contradictions ou davantage, « il faut s’efforcer de trouver la contradiction principale ».

Dans un processus historique, toutes les contradictions ne se valent pas. Elles sont inégales, et c’est pourquoi il faut distinguer la contradiction principale des contradictions secondaires. Mais il y a une seconde inégalité. Qu’il s’agisse de la contradiction principale ou des contradictions secondaires, « dans toute contradiction, les aspects contradictoires se développent d’une manière inégale ». Même lorsqu’elle donne une impression d’équilibre, c’est une illusion. « La règle générale, c’est le développement inégal ». Des deux aspects contradictoires, l’un est nécessairement principal, l’autre secondaire, et le principal est « celui qui joue le rôle dominant dans la contradiction ». Mais ce n’est pas parce qu’un aspect de la contradiction est dominant qu’il va le rester indéfiniment. Pas plus qu’elle n’atteint magiquement un point d’équilibre, la contradiction n’est vouée à demeurer statique. Car l’aspect principal et l’aspect secondaire de la contradiction peuvent « se convertir l’un en l’autre », ce qui change radicalement la nature du processus. Comment cette inversion des rôles est-elle possible ? Aucun mystère. En fait, elle résulte de l’évolution des rapports de forces : elle est « fonction du degré de croissance ou de décroissance atteint par la force de chaque aspect dans sa lutte contre l’autre ».

C’est ce qui explique le « remplacement de l’ancien par le nouveau » qui constitue « la loi générale et imprescriptible de l’univers ». Dans tout phénomène, « la contradiction entre le nouveau et l’ancien engendre une série de luttes au cours sinueux ». Il résulte de ces luttes que « le nouveau grandit et s’élève au rôle dominant ; l’ancien, par contre, décroît et finit par dépérir ». Et dès que le nouveau l’emporte sur l’ancien, « l’ancien phénomène se transforme qualitativement en un nouveau phénomène ». C’est pourquoi on peut dire que « la qualité d’un phénomène est déterminée par l’aspect principal de la contradiction », celui qui occupe « la position dominante ». Lorsque l’aspect principal de la contradiction, l’aspect dont la position est dominante, change, la qualité du phénomène subit un changement correspondant. Par exemple le capitalisme, qui occupait dans l’ancienne société féodale une position subordonnée, devient « la force dominante dans la société capitaliste ». Le caractère de la société subit une transformation correspondante : de féodale, « elle devient capitaliste ». Quant à la féodalité, de force dominante qu’elle était dans le passé, « elle devient, à l’époque de la nouvelle société capitaliste, une force subordonnée qui dépérit progressivement ».

Dans la Chine actuelle, quelle est la force dominante au sein de la contradiction principale ? Cette contradiction réduisant la Chine à l’état de semi-colonie, « l’impérialisme occupe la position principale et opprime le peuple chinois ». Mais cette situation ne durera pas. « La force du peuple chinois transformera inévitablement la Chine de semi-colonie en pays indépendant », « l’impérialisme sera renversé et la vieille Chine transformée inévitablement en une Chine nouvelle ». Avec la défaite de l’impérialisme se produira « une transformation dans les rapports entre les forces anciennes, féodales, et les forces nouvelles, populaires ». La vieille classe des propriétaires fonciers sera balayée, et « le peuple, maintenant dominé, accédera, sous la direction du prolétariat, à une position dominante ». Bien sûr, il arrive dans tout processus historique que « les difficultés constituent l’aspect principal de la contradiction et les conditions favorables l’aspect secondaire ». Il appartient alors aux révolutionnaires de surmonter les difficultés et de créer des conditions nouvelles. « C’est ce qui s’est passé en Chine après la défaite de la révolution en 1927 et pendant la Longue Marche de l’Armée rouge. Et dans la guerre sino-japonaise actuelle, la Chine se trouve de nouveau dans une situation difficile, mais nous pouvons la changer et transformer radicalement la situation respective de la Chine et du Japon ».

Une erreur commune consiste à identifier l’aspect principal de la contradiction une fois pour toutes, en oubliant que cet aspect peut changer sous l’effet du développement historique. Pour les tenants de ce « matérialisme mécaniste », certaines contradictions échapperaient par essence à une telle transformation. Par exemple, dans la contradiction entre les forces productives et les rapports de production, l’aspect principal serait toujours constitué par les forces productives ; dans la contradiction entre la théorie et la pratique, l’aspect principal serait toujours constitué par la pratique ; dans la contradiction entre la base économique et la superstructure, l’aspect principal serait toujours représenté par la base économique. Immuables et figés, les aspects de la contradiction seraient incapables de se convertir mutuellement l’un en l’autre. Bien sûr, « les forces productives jouent en général le rôle principal, décisif », et il en va de même des rapports entre la pratique et la théorie, la base et la superstructure. « Quiconque le nie n’est pas un matérialiste ». Mais il n’empêche que, « dans des conditions déterminées, les rapports de production, la théorie et la superstructure peuvent, à leur tour, jouer le rôle principal, décisif ».¹º

Si les forces productives jouent ordinairement le rôle principal, leur développement peut connaître un retard qui nécessite une modification des rapports de production. Le jeu des forces de travail et des moyens de production (les forces productives) peut s’avérer insuffisant pour atteindre les objectifs fixés. En ce cas, c’est le jeu des rapports de production qui prend le dessus en modifiant les conditions qui déterminent les modalités du procès de production. Dans la société de classes, on l’a vu, les rapports de production sont des rapports d’un type très particulier qui se nouent entre les agents de la production, les travailleurs, et des individus qui ne sont pas des agents de la production, mais qui détiennent les moyens de production. Mais dans une société en transition vers le socialisme, où l’essentiel des moyens de production a été socialisé, les rapports de production sont d’une autre nature : ils tendent à réunir dans les mêmes individus ceux qui accomplissent le procès de production et ceux qui détiennent les moyens de production. En libérant les travailleurs du carcan de l’exploitation de classe, la révolution socialiste transforme les rapports de production de telle sorte qu’ils favorisent un nouveau développement des forces productives.

Contre le dogmatisme économiste

De nouveaux rapports de production, en effet, autorisent des formes de coopération qui, avec les mêmes forces productives, obtiennent des résultats que les anciens rapports de production rendaient impossibles. Par exemple, la coopération à grande échelle pratiquée en Chine durant la collectivisation agricole, spécialement dans les communes populaires, a permis la réalisation de travaux gigantesques en utilisant des techniques ancestrales. Le développement insuffisant des forces productives n’ayant pas encore doté l’agriculture d’un outillage moderne, c’est grâce à la mobilisation d’une main d’œuvre colossale (les forces de travail) que le collectivisme a transformé les campagnes chinoises. Institués par la révolution, les nouveaux rapports de production ont permis d’atteindre des objectifs impensables dans les formes héritées de l’exploitation agricole traditionnelle, ou même de la simple coopération villageoise.

Ainsi, « lorsque, faute de modification dans les rapports de production, les forces productives ne peuvent plus se développer, la modification des rapports de production joue le rôle principal, décisif ». Il en va de même « lorsque la création et la propagation de la théorie révolutionnaire jouent le rôle principal, décisif », ou lorsque « le principal, le décisif, c’est de définir une orientation, une méthode, un plan ou une politique ». C’est pourquoi, « lorsque la superstructure entrave le développement de la base économique, les transformations politiques et culturelles deviennent la chose principale, décisive. Allons-nous à l’encontre du matérialisme en disant cela ? Non, car tout en reconnaissant que dans le cours général du développement historique le matériel détermine le spirituel, l’être social détermine la conscience sociale, nous reconnaissons et devons reconnaître l’action en retour du spirituel sur le matériel, de la conscience sociale sur l’être social, de la superstructure sur la base économique ».

Ce refus de tout dogmatisme économiste fait écho à la Lettre à Joseph Bloch de Friedrich Engels (1890) : « D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx ni moi n’avons jamais affirmé davantage. Si ensuite quelqu’un torture cette proposition pour lui faire dire que le seul facteur économique est déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure – les formes politiques de la lutte de classes et ses résultats, les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses, et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme ».¹¹ Si Marx soutient le primat de l’économie, c’est donc pour souligner qu’elle exerce une détermination « en dernière instance », et non une détermination exhaustive qui condamnerait tout le reste à l’insignifiance. Toute extrapolation de la causalité économique, en ce sens, trahit sa pensée.

Résumons, à ce stade, la pensée de Mao : non seulement il y a des contradictions multiples, une contradiction principale et des contradictions secondaires ; non seulement il y a un aspect principal et un aspect secondaire pour chaque contradiction, mais ces contradictions se développent de façon inégale. Autrement dit, une contradiction peut s’accentuer alors qu’une autre contradiction peut s’atténuer, et cette hétérogénéité dans le développement respectif des contradictions est dans la nature des choses. « Rien au monde ne se développe d’une manière absolument égale, et nous devons combattre la théorie du développement égal ou la théorie de l’équilibre ». Le développement de la base économique, par exemple, n’a pas le même rythme que celui de la superstructure idéologique, ou inversement. C’est pourquoi le parti révolutionnaire doit étudier méticuleusement les différentes contradictions dans leur développement inégal et en tenir compte, à chaque étape du processus, pour déterminer correctement sa stratégie politique et militaire.

Contradiction antagoniste et non antagoniste

La dernière question que pose Mao est la suivante : l’unité dialectique des contraires étant admise, peut-on dire pour autant que toute contradiction est de nature antagoniste ? « À cette question, nous répondons que l’antagonisme est l’une des formes et non l’unique forme de la lutte des contraires. Dans l’histoire de l’humanité, l’antagonisme entre les classes existe en tant qu’expression particulière de la lutte des contraires. La classe des exploiteurs et celle des exploités coexistent pendant une période prolongée dans la même société, qu’elle soit esclavagiste, féodale ou capitaliste. Mais c’est seulement « lorsque la contradiction entre les deux classes a atteint un certain stade de son développement qu’elle prend la forme d’un antagonisme ouvert et aboutit à la révolution ». Si les contradictions sont universelles, « les méthodes pour les résoudre, c’est-à-dire les formes de lutte, varient selon le caractère de ces contradictions : certaines contradictions revêtent le caractère d’un antagonisme déclaré, d’autres non ». Suivant le développement historique, « certaines contradictions initialement non antagonistes se développent en contradictions antagonistes, alors que d’autres, primitivement antagonistes, se développent en contradictions non antagonistes ». Les contradictions entre les conceptions justes et les conceptions erronées au sein du parti communiste, par exemple, n’iront jusqu’à l’antagonisme que si les camarades ne savent pas corriger leurs erreurs. C’est pourquoi « le Parti doit mener une lutte sérieuse contre les conceptions erronées, mais donner aussi la possibilité aux camarades qui ont commis des erreurs d’en prendre conscience ».¹²

La distinction entre la contradiction antagoniste et la contradiction non antagoniste, en effet, est fondamentale, et c’est pourquoi Mao lui donne un vigoureux développement, vingt ans plus tard, dans De la juste résolution des contradictions au sein du peuple (27 février 1957). Alors que l’édification du socialisme bat son plein, Mao souligne la multiplicité des contradictions existantes et le caractère spécifique de chacune de ces contradictions. Avec la victoire de la révolution, « la division du pays et le chaos, abhorrés par le peuple, appartiennent à un passé définitivement révolu ». Grâce aux succès remportés dans l’édification socialiste, « l’unification de notre pays, l’unité de notre peuple et l’union de toutes nos nationalités » garantissent la victoire finale de notre cause. « Mais cela ne signifie nullement qu’il n’existe plus aucune contradiction dans notre société », et il serait « naïf » de « se détourner de la réalité objective ». Nous sommes en présence, en effet, de « deux types de contradictions sociales » : il y a les « contradictions entre nous et nos ennemis » et les « contradictions au sein du peuple ».

Aujourd’hui, durant « la période de l’édification socialiste », « les classes sociales qui « soutiennent cette édification » forment « le peuple », alors que les forces sociales qui s’opposent à la révolution socialiste » sont « les ennemis du peuple ». Naturellement, « les contradictions entre nous et nos ennemis sont des contradictions antagonistes ». En revanche, au sein du peuple, « les contradictions entre travailleurs ne sont pas antagonistes ». Quant aux « contradictions entre classe exploitée et classe exploiteuse », elles présentent, « outre leur aspect antagoniste, un aspect non antagoniste ». Les contradictions entre le peuple et ses ennemis, chacun les perçoit aisément. Mais « au sein du peuple », de quoi s’agit-il ? « Dans les conditions actuelles de notre pays, les contradictions au sein du peuple comprennent les contradictions au sein de la classe ouvrière, les contradictions au sein de la paysannerie, les contradictions parmi les intellectuels, les contradictions entre la classe ouvrière et la paysannerie, les contradictions qui opposent les ouvriers et les paysans aux intellectuels, les contradictions qui opposent les ouvriers et les autres travailleurs à la bourgeoisie nationale, les contradictions au sein de la bourgeoisie nationale elle-même, etc. »

Prenons l’exemple des contradictions entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale. « Dans la période de la révolution socialiste », cette fraction de la classe possédante « exploite la classe ouvrière et en tire des profits », mais elle est disposée à « accepter la transformation socialiste ». Certes, les contradictions qui l’opposent à la classe ouvrière sont des « contradictions entre exploiteurs et exploités », elles sont « de nature antagoniste ». Mais, « dans les conditions concrètes de notre pays », ces contradictions antagonistes peuvent se transformer en contradictions non antagonistes et « recevoir une solution pacifique » si elles sont « traitées de façon judicieuse ». C’est ce qu’indiquait Mao dans un passage antérieur, lorsqu’il disait que « les contradictions entre classe exploitée et classe exploiteuse présentent, outre leur aspect antagoniste, un aspect non antagoniste ». En 1957, la majorité des entreprises est socialisée, l’État contrôle l’économie et les capitalistes ont dû renoncer à leurs privilèges. C’est pourquoi la bourgeoisie nationale, rentrée dans le rang, fait partie des classes sociales associées à l’édification du socialisme. Pour résoudre une contradiction non antagoniste, il convient donc de le faire de façon judicieuse, c’est-à-dire d’employer la persuasion, et non la violence.

La résolution des contradictions

En clair, lorsque la contradiction n’est pas antagoniste, il est préférable qu’elle ne le devienne pas. Et pour éviter qu’elle le devienne, les communistes doivent recourir à des « méthodes démocratiques », plutôt qu’à « l’autoritarisme ou à la contrainte ». « Nous avons toujours soutenu qu’il faut, sous le régime de la dictature démocratique populaire, adopter deux méthodes différentes – la dictature et la démocratie – pour résoudre les deux types de contradictions, différents par leur nature, que sont les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple ». Le problème, au sein du parti communiste, vient de l’incapacité de certains camarades à « reconnaître ouvertement qu’il existe encore au sein de notre peuple des contradictions, alors que ce sont précisément elles qui font avancer notre société ». Dans la société socialiste, « les contradictions fondamentales » demeurent comme par le passé « la contradiction entre les rapports de production et les forces productives », d’une part, « la contradiction entre la superstructure et la base économique », d’autre part. Bien sûr, ces contradictions se distinguent foncièrement des contradictions dans l’ancienne société. « Le régime social actuel de notre pays » étant « de loin supérieur à celui d’autrefois, « les rapports de production socialistes correspondent mieux au développement des forces productives ». C’est pourquoi ce développement atteint « des rythmes inconnus de l’ancienne société ». Si la production industrielle, en 1957, est dix fois supérieure à celle d’avant-guerre, c’est parce que « le régime socialiste a provoqué le développement impétueux de nos forces productives ».¹³

Les progrès accomplis, toutefois, ne doivent pas masquer l’ampleur des problèmes encore non résolus. « Le régime socialiste vient d’être instauré dans notre pays, et il n’est pas encore complètement établi ». Une grande partie de l’activité économique demeure dans l’orbite du secteur privé. Dans les villes comme dans les campagnes, l’exploitation n’a pas totalement disparu. Les « rapports de production socialistes » sont déjà institués, mais ils sont encore loin d’être parfaits, et « cette imperfection est en contradiction avec le développement des forces productives ». Or cette contradiction persistante entre les rapports de production et le développement des forces productives se double d’une autre contradiction : « entre la superstructure et la base économique ». La superstructure, c’est le système étatique régi par « la dictature démocratique populaire » et « l’idéologie socialiste guidée par le marxisme-léninisme ». Certes, elle « joue un rôle positif en contribuant au succès des transformations socialistes », et elle correspond à la base économique socialiste, c’est-à-dire aux rapports de production socialistes. Mais « l’idéologie bourgeoise » n’a pas disparu, « le style bureaucratique de travail » exerce ses méfaits, et « les insuffisances de nos institutions d’État » entrent en contradiction avec la base économique socialiste.

Ces nouvelles contradictions, il faut évidemment s’employer à les résoudre. « Mais ces contradictions une fois résolues, de nouveaux problèmes viendront se poser ». Dans la planification économique, par exemple, il faut répartir de façon judicieuse l’excédent de la production entre l’investissement productif et la consommation populaire. Mais « l’équilibre se transforme parfois en déséquilibre, et il faut établir de nouveau l’équilibre pour l’année suivante ». Lorsque « nos mesures subjectives ne correspondent pas à la réalité objective », des contradictions se font jour et l’équilibre est rompu : « c’est ce que nous appelons commettre une erreur ». Il faut donc prendre la mesure exacte des contradictions existantes, les résoudre de façon appropriée, et surtout ne pas confondre « les contradictions entre nous et nos ennemis » et « les contradictions au sein du peuple ». En Chine, malgré les progrès de la transformation socialiste, « la lutte de classes n’est nullement arrivée à son terme ». Il faudra encore beaucoup de temps pour « décider de l’issue de la lutte idéologique entre le socialisme et le capitalisme ». Car « l’influence de la bourgeoisie et des intellectuels venus de l’ancienne société y subsistera longtemps en tant qu’idéologie de classe ». C’est pourquoi il faudra poursuivre « la lutte idéologique », en appliquant « la méthode patiente du raisonnement, et non la méthode brutale de la contrainte ».

Universalité de la contradiction, caractère spécifique de la contradiction, contradiction principale et contradiction secondaire, aspect principal et aspect secondaire de la contradiction, identité des contraires, caractère antagoniste et non antagoniste de la contradiction : ces distinctions soigneusement élaborées dans De la Contradiction et reprises dans De la juste résolution des contradictions au sein du peuple, Mao en fait usage tout au long de son parcours politique. En 1937, il fait faire un bond historique à la théorie marxiste au moment même où il façonne, dans la base rouge de Yan’an, l’instrument de la révolution chinoise. En 1957, il souligne la distinction entre les contradictions antagonistes et non antagonistes qui perdurent durant l’édification du socialisme. Cette démarche dialectique, Mao n’en démordra pas, et il la poursuivra, pour le meilleur et pour le pire, durant la « Grande Révolution culturelle prolétarienne ». Destinée à régénérer le parti, non à le détruire, cette continuation de la lutte des classes sous le socialisme vise à lui insuffler un sang neuf, et non à le remplacer. C’est un exercice périlleux, car il suppose la maîtrise des forces déchaînées par l’appel à la rébellion. Comme le parti, « s’il se coupe des masses, peut se tromper », il doit constamment « lutter avec lui-même et s’intégrer aux masses ».

Avec les gardes rouges qui défilent Place Tian’anmen, Mao entend poursuivre la révolution, balayer les obstacles qui se dressent sur sa route. Dans une société placée depuis 1949 sous l’emprise du parti, le danger n’est plus seulement à l’extérieur, il est aussi à l’intérieur du système. C’est la pente détestable des privilèges, de la corruption, du bureaucratisme, du conservatisme. Le capitalisme, même s’il est apparemment vaincu, demeure à l’état latent comme une tentation permanente, une menace insidieuse qui pèse sur le cours de la révolution. Les « routiers de la voie capitaliste », ceux qui veulent entraîner la Chine vers une restauration dont le révisionnisme soviétique offre l’exemple, sont à la manœuvre. La Révolution culturelle porte bien son nom : c’est la lutte sans merci entre deux cultures, celle qui sanctuarise les positions acquises, et celle qui les conteste au nom de la pureté révolutionnaire. Les partisans de la Révolution culturelle ont la conviction qu’il faut traquer sans cesse la résurgence du vieux monde pour consolider le socialisme. Ils croient que l’édification d’une société nouvelle passe par la poursuite indéfinie de la lutte des classes. En suscitant l’enthousiasme de la jeunesse révolutionnaire, ce mouvement subversif a tiré de sa torpeur une société bureaucratisée. Mais il a aussi causé des violences inacceptables et des destructions inutiles. Après la liquidation de la « bande des Quatre , les successeurs de Mao Zedong vont changer de cap idéologique et engager un vaste processus de réforme. Sous l’égide de Deng Xiaoping, une nouvelle théorisation conduira alors à un deuxième bond historique du marxisme sinisé.

Les erreurs de la Révolution culturelle

Dans la Résolution sur quelques questions de l’histoire de notre parti depuis la fondation de la République populaire (6 juillet 1981), le comité central fait le bilan de l’action du parti communiste et solde les comptes de la période précédente. S’il critique sévèrement la Révolution culturelle, il n’en rend pas moins hommage à Mao Zedong : « Le camarade Mao Zedong figure en tête des nombreux dirigeants éminents du Parti ». Malgré ses erreurs, il demeure un « grand révolutionnaire prolétarien ». Son rôle a été décisif, en effet, dans la phase de conquête du pouvoir : « De 1927 à 1949, soit en l’espace de 22 ans, le camarade Mao Zedong, de concert avec les autres dirigeants du Parti, s’est attaché, en surmontant d’innombrables difficultés, à élaborer progressivement et à faire appliquer la stratégie globale et les différentes mesures politiques qui ont permis à la révolution de passer de ses défaites tragiques à une victoire grandiose ». Mao a également conduit avec succès la « révolution de démocratie nouvelle » et la « transition vers le socialisme » durant la période 1949-1957. Sous son autorité, le Parti a instauré la « dictature démocratique populaire », consolidé « l’unification du pays », mis en échec les « provocations de l’impérialisme », établi une « économie socialiste », développé l’industrie, accru la production agricole et mis en œuvre, sur le plan international, les « principes de la coexistence pacifique ». Tels sont, pour le comité central, les acquis incontestables de la direction exercée par Mao jusqu’en 1957.

Avec le Grand Bond en avant (1958), toutefois, le Grand Timonier a commis sa première erreur. « Le camarade Mao Zedong et bon nombre de camarades dirigeants à l’échelon central comme aux échelons locaux s’étaient laissés gagner par la présomption et la satis faction devant les succès. Ils avaient hâte d’aboutir à des résultats rapides et attribuaient une importance exagérée au rôle de la volonté et des efforts subjectifs des hommes ». Même s’il contribue à corriger les excès de cette politique, Mao, en 1962, commet alors une deuxième erreur. « Le camarade Mao Zedong donna à la lutte de classes, qui existe en société socialiste dans un cadre déterminé, une ampleur exagérée et lui attribua un rôle absolu. Il affirma même que, durant toute la période historique du socialisme, la bourgeoisie existerait et tenterait de restaurer son pouvoir, et que cela constituait l’origine du révisionnisme au sein du Parti ». Le déclenchement de la Révolution culturelle, qui fut « la plus grande erreur de Mao Zedong », en était la conséquence logique. « De mai 1966 à octobre 1976, elle a fait subir au parti, à l’État et au peuple les revers et les pertes les plus graves depuis la fondation de la République populaire de Chine. Elle fut déclenchée et dirigée par le camarade Mao Zedong ».

Quels sont, pour le comité central du parti communiste, les principaux errements de la Révolution culturelle ? Fait extrêmement grave, elle a d’abord conduit à « une confusion entre le peuple et l’ennemi ». Les responsables sanctionnés parce qu’ils étaient soi-disant « engagés dans la voie capitaliste » constituaient en réalité « l’ossature de la cause du socialisme ». La Révolution culturelle « ne s’appuyait pas sur les masses », mais sur des éléments qui ont été « entraînés dans le mouvement parce qu’ils faisaient confiance à Mao Zedong », seule une petite minorité étant composée de conspirateurs et d’extrémistes. « La pratique a prouvé que la Révolution culturelle n’était pas et ne pouvait être en aucune manière une révolution ni un progrès social. Elle n’a nullement plongé l’ennemi dans le chaos, mais au contraire a provoqué des troubles dans nos propres rangs ». Or « la responsabilité principale de cette grave erreur gauchiste que fut la Révolution culturelle – une erreur aux dimensions nationales et de longue durée – doit être assumée par le camarade Mao Zedong. Il n’a pas pu, au soir de sa vie, faire une analyse correcte de nombreuses questions et, au cours de la Révolution culturelle, il a confondu ce qui est juste et ce qui est erroné, le peuple et l’ennemi ».

Si le comité central condamne l’idée que la lutte des classes devait se perpétuer au sein de la société socialiste, il dénonce aussi une conception erronée de la rémunération du travail. « On soutenait que le droit égal, selon lequel une même quantité de travail sous une forme s’échange contre une même quantité de travail sous une autre forme, c’est-à-dire le droit bourgeois énoncé par Marx, devait être limité et critiqué, et, partant, que le principe de rémunération selon le travail et le principe de l’intérêt matériel devaient être aussi limités et critiqués ». Au contraire, pour le comité central, on doit servir une rémunération proportionnelle au travail fourni en faisant jouer la stimulation matérielle. « On prétendait que la petite production continuerait à engendrer le capitalisme et la bourgeoisie chaque jour, à chaque heure et dans de vastes proportions après que la transformation socialiste eût été pratiquement achevée ». C’était une erreur. Il s’agit désormais de faire sa place à la petite production, notamment dans l’agriculture où l’exploitation familiale va remplacer le système collectiviste. « On estimait que les divergences idéologiques au sein du parti reflétaient invariablement les luttes de classes dans la société, ce qui engendrait des luttes fréquentes et violentes à l’intérieur du parti ». Grave erreur, qui « nous a poussés à aller toujours plus loin, au point de croire qu’on était en train de défendre la pureté du marxisme alors même qu’on versait dans cette aberration que constitue l’extension de la lutte de classes ».¹⁴

Pour ses partisans, la Révolution culturelle visait à aligner l’idéologie sur la base matérielle. La révolution dans l’infrastructure économique ayant abouti, il fallait obtenir le même résultat dans la superstructure. En pourchassant les routiers de la voie capitaliste, en extirpant les ferments du conservatisme, les masses mobilisées contraindraient le parti à se régénérer. Elles lui interdiraient de dériver vers un révisionnisme de type soviétique. Mais pour le comité central, en 1981, cette ambition démesurée était étrangère aux conditions réelles du pays. Car la contradiction principale ne se trouve pas là où les partisans de la Révolution culturelle l’imaginaient. Ce n’est pas la contradiction entre la base matérielle et la superstructure, entre l’économie socialiste et la mentalité capitaliste. La contradiction principale, c’est la contradiction entre le développement insuffisant des forces productives et l’aspiration du peuple chinois à de meilleures conditions d’existence. En poursuivant l’extension de la lutte des classes en régime socialiste, la Révolution culturelle a exacerbé les contradictions au sein du peuple au lieu de les résoudre. Loin d’accélérer l’édification du socialisme, elle lui a infligé un coup d’arrêt. Alors qu’il fallait accentuer le développement des forces productives, elle a lui substitué des querelles idéologiques et des luttes fratricides.

Deng Xiaoping : le deuxième bond historique

Il y a donc urgence à remettre les choses à leur place en s’attaquant résolument à la contradiction principale. Comment y parvenir ? La réponse de Deng Xiaoping, c’est qu’il faut s’inspirer de Mao Zedong, et c’est ce qu’il explique dès septembre 1978 : « Comment devrions-nous porter haut le drapeau de la pensée de Mao Zedong ? » Certainement pas en répétant des phrases isolées de leur contexte. Car « le point fondamental de la pensée de Mao Zedong est de chercher la vérité à partir des faits et d’intégrer la vérité universelle du marxisme-léninisme à la pratique concrète de la révolution chinoise ». C’est la devise en quatre mots pour l’École centrale du Parti à Yan’an : « Cherchez la vérité à partir des faits ». Marx et Lénine n’ont jamais mentionné l’encerclement des villes à partir de la campagne, et pourtant Mao Zedong en a fait « la voie spécifique de la révolution dans les conditions concrètes de la Chine ». Si nous n’avions pas « appliqué le principe fondamental de la recherche de la vérité à partir des faits, comment la révolution chinoise aurait-elle pu être victorieuse ? » Si nous voulons porter haut l’étendard de la pensée de Mao Zedong, à notre tour, « nous devons toujours partir de la réalité actuelle lorsque nous traitons des questions de politique ».¹⁵

Cette « réalité actuelle », c’est que la Chine est encore un pays très pauvre et qu’elle doit impérativement développer les forces productives. Pour Deng Xiaoping, le chemin sera long avant d’atteindre un niveau de développement satisfaisant. A ceux qui affirmaient que la base matérielle était solidement établie et qu’il fallait désormais transformer l’idéologie, il répond que toute la séquence de la transition socialiste est à reconsidérer. Ce dont la Chine a besoin, c’est d’un changement de cap politique, économique et idéologique. Il faut inverser les priorités et poursuivre résolument les « Quatre modernisations » prônées par Zhou Enlai. Engagée en 1979, la nouvelle phase de développement intitulée « La réforme et l’ouverture » va alors s’accompagner d’un nouvel effort théorique dont les bases sont jetées, la même année, par une note publiée par deux chercheurs de l’École du parti. Dans Questions sur les stades de développement de la société après la prise du pouvoir par le prolétariat, Su Shaozhi et Feng Lanrui, en effet, posent la question des étapes du développement socialiste : « Depuis l’accession du prolétariat au pouvoir jusqu’au stade avancé du communisme, y a-t-il des étapes dans le développement de la société et comment les répartir ? »

Le stade primaire du socialisme

Afin d’éclaircir cette question difficile, ils s’appuient sur des textes célèbres. Dans la Critique du programme de Gotha (1875), Marx dit en effet qu’entre « une société capitaliste et une société communiste, il y a une période de transformation révolutionnaire de la première à la seconde ». Cette période s’accompagne d’une période de transition politique, et « l’État dans cette période ne peut être que le monopole révolutionnaire du prolétariat ». Or comment comprendre cette déclaration ? « Un stéréotype populaire » voudrait que la « société communiste » soit interprétée dans la phrase de Marx sur « la transition d’une société capitaliste à une société communiste » comme le stade avancé du communisme. Dans cette optique, la société socialiste est considérée comme l’ensemble de la période de transition entre la société capitaliste et la société communiste. Mais la ligne de démarcation entre la « société capitaliste » et la « société communiste » doit-elle être tracée au stade avancé de la société communiste, ou au premier stade de la société communiste ? ¹⁶

Selon Marx, la société communiste elle-même se compose d’un stade inférieur, le « socialisme », et d’un stade supérieur, le « communisme » proprement dit. En quoi consiste le premier stade ? « Ce à quoi nous avons affaire ici, c’est à une société communiste non pas telle qu’elle s’est développée sur les bases qui lui sont propres, mais au contraire, telle qu’elle vient de sortir de la société capitaliste ; une société par conséquent, qui, sous tous les rapports, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancienne société des flancs de laquelle elle est issue ».¹⁷ Quelles sont ses caractéristiques ? « Cette société ne reconnaît aucune distinction de classe, car chaque homme est un simple travailleur comme les autres, mais elle admet les différents talents individuels, et donc les différentes capacités de travail comme des privilèges naturels ». Or « ces défauts sont inévitables dans la première phase de la société communiste, telle qu’elle vient de sortir de la société capitaliste, après un long et douloureux enfantement. Le droit ne peut jamais être plus élevé que l’état économique de la société et que le degré de civilisation qui y correspond ». En revanche, « dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l’horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ! »

Que faut-il en conclure en qui concerne la Chine ? Pour les deux chercheurs, « la société socialiste actuelle n’est pas la même que celle envisagée par Marx » car « nous nous trouvons à un stade différent ». Marx pensait que la révolution prolétarienne triompherait d’abord dans les pays capitalistes les plus développés, et qu’après cette victoire, le premier stade de la société communiste serait atteint dans un délai relativement court. Mais le prolétariat a pris le pouvoir dans un pays arriéré, et non dans un pays développé. Après la victoire de la révolution d’Octobre, Lénine s’est rendu compte que la transition vers une société socialiste dans un pays comme la Russie, où la petite bourgeoisie était dominante, était beaucoup plus difficile que dans les pays capitalistes développés. Or la Chine, de son côté, était encore plus arriérée que la Russie. Dans un « un pays semi-colonial et semi-féodal » où la « production à petite échelle » était largement dominante et où le « niveau de développement » était extrêmement faible, « la période de transition vers le socialisme ne pouvait être que beaucoup plus longue ». Ainsi, en 1979, « la période de transition n’est pas encore terminée et nous ne sommes pas encore entrés dans la première phase de la société communiste envisagée par Marx ». Aussi faut-il admettre que « la transition du capitalisme au communisme peut être divisée en deux étapes : du capitalisme au socialisme, que l’on pourrait appeler le socialisme sous-développé, et du socialisme au communisme, c’est-à-dire du socialisme sous-développé au socialisme plus développé, ce dernier pouvant prendre plus de temps que le premier ».

Or la « première phase du socialisme » dont parle Marx correspond davantage au « stade du socialisme développé ». Dans la Critique du programme de Gotha, ce stade est caractérisé par la croissance de la productivité et l’accélération du progrès technique. Dans un pays comme la Chine, en revanche, il faut passer par « une longue étape de socialisme sous-développé avant d’entrer dans le socialisme développé ». S’aveugler à cette réalité, c’est s’exposer à de sérieuses déconvenues. Traiter la période allant du capitalisme au socialisme sous-développé, puis du socialisme sous-développé au socialisme développé, comme une seule et même période historique, c’est s’affranchir des lois du développement socialiste. Si on accomplit « au stade sous-développé du socialisme » ce qui devait attendre le stade développé, que se passe-t-il ? On obtient une accélération chaotique de la transition socialiste : elle se traduit par « l’élimination de l’économie individuelle », « l’abolition du travail familial d’appoint », la mise en cause de « la répartition des biens selon le travail » , le rejet pur et simple des « intérêts matériels », et, pour finir, « le passage précipité au communisme ». Autant d’erreurs, on s’en souvient, que le comité central imputera en 1981 au funeste « dérapage gauchiste » de la Révolution culturelle.¹⁸

Le problème de fond, on le voit, est celui des caractéristiques du « socialisme ». En quoi consiste cette phase transitoire durant laquelle s’effectue le passage de la « société capitaliste » à la « société communiste » ? Avant 1978, la transition était conçue comme un processus durant lequel la transformation de la superstructure idéologique devait suivre la socialisation de l’infrastructure. A partir de 1979, la transition socialiste est conçue comme un processus de longue durée durant lequel la priorité est au développement des forces productives. C’est pourquoi le PCC déclare en 1987 que la Chine est seulement « au stade primaire du socialisme » et qu’elle y restera très longtemps. C’est cette thèse originale qui va fonder l’élaboration théorique du « socialisme aux caractéristiques chinoises » et de « l’économie socialiste de marché ». Elle reprend l’idée selon laquelle, dans la transition socialiste, deux étapes se succéderont : le socialisme non développé et le socialisme développé. Une thèse particulièrement féconde, mais qui est inexistante chez Marx, Engels et Lénine : innovation théorique des communistes chinois, elle correspond à une nouvelle conception du socialisme. Son principal intérêt, c’est qu’elle traduit la nécessité d’accélérer en priorité le développement des forces productives : si la Chine est encore au stade primaire du socialisme, elle n’a pas l’intention d’y rester. Mais ce processus prendra énormément de temps, et c’est pourquoi cette doctrine inscrit la transition socialiste dans le temps long d’un mûrissement, et non dans le temps court d’une rupture.

Le socialisme aux caractéristiques chinoises

Si le développement des forces productives est à l’ordre du jour, quels sont les procédés permettant de lui insuffler une nouvelle dynamique ? Initiées durant les années 1980 par le PCC, « la réforme et l’ouverture » vont apporter une série de réponses pratiques à cette question. Invitant ses camarades à « chercher la vérité dans les faits », le dirigeant communiste ne cesse de rappeler que le changement des conditions objectives nécessite un changement correspondant dans les orientations stratégiques. Alors que nous travaillons aujourd’hui à réaliser les « Quatre modernisations », nous le faisons « dans des conditions qui étaient absentes à l’époque du camarade Mao ». Par exemple, du vivant du camarade Mao, nous voulions élargir les échanges économiques avec certains pays capitalistes afin d’absorber des capitaux étrangers. Mais « les conditions nécessaires n’étaient pas réunies, car à l’époque, un embargo était imposé à la Chine ». Plus tard, la « Bande des Quatre » a qualifié toute tentative de commerce international d’« adoration des choses étrangères et de flagornerie envers les étrangers », ce qui a isolé la Chine du monde extérieur. Après plusieurs années d’efforts, nous avons obtenu des « conditions internationales beaucoup plus favorables » : elles nous permettent aujourd’hui d’utiliser « des capitaux provenant de pays étrangers, ainsi que leur technologie de pointe et leur expérience dans la gestion d’entreprise ».

Cela signifie-t-il que l’on abandonne la voie socialiste ? Assurément non. Pour mener à bien les quatre modernisations de la Chine, nous devons « défendre les quatre principes cardinaux : 1. Nous devons rester dans la voie socialiste. 2. Nous devons soutenir la dictature du prolétariat. 3. Nous devons défendre la direction du Parti communiste. 4. Nous devons défendre le marxisme-léninisme et la pensée de Mao Zedong ».¹⁹ Mais le monde change tous les jours, et « nous ne pouvons pas nous permettre de verrouiller nos portes, de refuser d’utiliser notre cerveau et de rester éternellement en arrière ». Dans le monde d’aujourd’hui, notre pays est considéré comme un pays pauvre. « Nos forces scientifiques et technologiques sont loin d’être suffisantes ». D’une manière générale, « nous avons 20 à 30 ans de retard sur les pays avancés en matière de développement de la science et de la technologie ». Certes, notre pays est un pays socialiste, et « la supériorité de notre système socialiste est qu’il permet aux forces productives de de croître à un rythme inconnu dans l’ancienne Chine, et qu’il permet de satisfaire progressivement les besoins matériels et culturels croissants de notre peuple ». Du point de vue du matérialisme historique, « une direction politique correcte » devrait « stimuler la croissance des forces productives » et conduire à « l’amélioration de la vie matérielle et culturelle du peuple ». Et si le taux de croissance des forces productives dans un pays socialiste est inférieur à celui des pays capitalistes sur une longue période historique, alors « comment pouvons-nous parler de la supériorité du système socialiste » ?

Appelant à « respecter les quatre principes cardinaux », Deng Xiaoping souligne que « seul le socialisme peut sauver la Chine » : c’est la « conclusion historique inébranlable » que le peuple chinois a tirée de son expérience historique. « Si elle s’écarte du socialisme, la Chine régressera inévitablement vers le semi-féodalisme et le semi-colonialisme ». Bien sûr, la Chine socialiste est à la traîne par rapport aux pays capitalistes développés, mais ce retard n’est pas dû au système socialiste : traduisant l’insuffisance du développement avant 1949, il est imputable à l’impérialisme et au féodalisme. La preuve, c’est que « la révolution socialiste a considérablement réduit l’écart de développement économique entre la Chine et les pays capitalistes avancés ». Malgré les erreurs commises depuis 1949, « nous avons accompli des progrès d’une ampleur que la vieille Chine n’aurait pas pu atteindre en des centaines, voire des milliers d’années ». Les caractéristiques du système socialiste permettent à notre peuple « d’adopter des idéaux politiques et des normes morales communes ». Ce qui est impossible dans une société capitaliste, car « il n’y a aucun moyen pour le capitalisme d’éliminer l’extraction de superprofits par ses millionnaires ou de se débarrasser de l’exploitation et du pillage ». Certes, le capitalisme a déjà une très longue histoire, et « nous devons utiliser la science et la technologie qu’il a développées ». Mais « nous n’apprendrons jamais du système capitaliste lui-même ni n’importerons ce qui est répugnant ou décadent ».

Le passage d’une économie administrée à une économie mixte, toutefois, pose le problème du rôle des mécanismes de marché. La thèse centrale des partisans de la « réforme et l’ouverture », affirmée par Deng Xiaoping dès 1979, c’est que « nous pouvons développer une économie de marché sous le socialisme ». Si on peut le faire, c’est parce que « développer une économie de marché ne signifie pas pratiquer le capitalisme ». Tout en maintenant une économie planifiée comme « pilier de notre système économique », nous pouvons introduire une « économie de marché socialiste ». Contrairement à l’économie de marché capitaliste, elle « régule les relations entre les entreprises d’État, les entreprises collectives et les entreprises capitalistes étrangères ». Au demeurant, « on ne peut pas dire que l’économie de marché n’existe que sous le capitalisme », car elle existait déjà à l’état embryonnaire « dans la société féodale ». De même, « tirer parti des aspects utiles des pays capitalistes, y compris leurs méthodes de fonctionnement et de gestion », ne signifie pas que nous adopterons le capitalisme. Il ne faut pas confondre les fins et les moyens. Si nous nous utilisons des méthodes empruntées au capitalisme pour « développer les forces productives sous le socialisme », cet emprunt momentané ne « changera pas la structure du socialisme et ne ramènera pas la Chine au capitalisme ».²º

N’oublions pas que l’impératif prioritaire, c’est le développement des forces productives. « Dans un pays aussi grand et aussi pauvre que le nôtre, si nous n’essayons pas d’augmenter la production, comment pourrons-nous survivre ? » La Bande des Quatre réclamait à cor et à cri le « socialisme et le communisme dans la pauvreté » au motif que le communisme est principalement « une chose spirituelle ». Mais cette conception est « un pur non-sens ». Nous disons au contraire la chose suivante : « le socialisme est la première étape du communisme », et « lorsqu’un pays arriéré essaie de construire le socialisme », il est naturel que, « pendant une longue période initiale, ses forces productives ne soient pas au niveau de celles des pays capitalistes développés et qu’il ne soit pas en mesure d’éliminer complètement la pauvreté ». C’est pourquoi, dans l’édification du socialisme, « nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour développer les forces productives et éliminer progressivement la pauvreté en élevant constamment le niveau de vie de la population ». Dans la deuxième étape, c’est-à-dire « le stade avancé du communisme », lorsque l’économie sera très développée et qu’il y aura « une abondance matérielle écrasante », nous serons en mesure d’appliquer le principe : « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ».²¹

Une telle politique ne va-t-elle pas accroître les inégalités et entraîner une « polarisation » de la société entre les riches et les pauvres ? En effet, « nous avons beaucoup réfléchi à cette question au cours de la formulation de notre politique : s’il y a polarisation, c’est que la réforme est un échec ». Est-il possible qu’une « nouvelle bourgeoisie » émerge ? « Une poignée d’éléments bourgeois peuvent apparaître, mais ils ne formeront pas une classe ». Notre réforme exige, en effet, que « nous maintenions la propriété publique prédominante » et que « nous nous prémunissions contre la polarisation ». Comment y parvenir ? En recourant à « notre appareil d’État socialiste » qui est « si puissant qu’il peut intervenir pour corriger les déviations ». Certes, « la politique d’ouverture comporte des risques et peut apporter en Chine des éléments de décadence bourgeoise ». Mais avec nos politiques socialistes et notre appareil d’État, nous serons en mesure d’y faire face. « Il n’y a donc rien à craindre ». Il est clair que « la bonne approche consiste à s’ouvrir au monde extérieur, à combiner une économie planifiée avec une économie de marché et à introduire des réformes structurelles ». Cela va-t-il à l’encontre des principes du socialisme ? « Non, parce qu’au cours de la réforme, nous veillerons à deux choses ». La première, c’est que « le secteur public de l’économie demeure toujours prédominant ». La deuxième, c’est que « dans le développement de l’économie, nous recherchons la prospérité commune en essayant toujours d’éviter la polarisation ».²²

L’économie socialiste de marché

Dans ces conditions, que faut-il penser de ces intellectuels qui incitent les étudiants à l’action, s’opposent au système socialiste et prônent « la libéralisation bourgeoise » ? Ils veulent que la Chine soit « totalement occidentalisée » et qu’elle prenne « la voie capitaliste ». Mais « notre expérience historique a montré que nous ne pouvons pas emprunter cette voie ». La raison en est très simple. « Notre pays est économiquement arriéré avec une population d’un milliard d’habitants ». Si nous prenions la « voie capitaliste », une petite minorité s’enrichirait rapidement, et « une nouvelle bourgeoisie émergerait – tandis que l’écrasante majorité de la population resterait dans la pauvreté, à peine capable de se nourrir et de se vêtir ». En réalité, seul le système socialiste peut éradiquer la pauvreté. C’est pourquoi « nous ne permettons pas aux gens de s’opposer au socialisme » et par socialisme, nous entendons « le socialisme adapté aux conditions de la Chine ». Si l’on veut construire le socialisme, il faut éliminer la pauvreté, et pour y parvenir, il faut développer les forces productives. Aujourd’hui nous construisons le socialisme, mais nous ne sommes pas encore « à la hauteur des normes socialistes ». Quand y serons-nous ? C’est seulement « au milieu du siècle prochain », lorsque nous aurons atteint le niveau des pays modérément développés, que nous pourrons dire que « nous avons réellement construit le socialisme et déclarer de manière convaincante qu’il est supérieur au capitalisme ».²³

Cette ligne politique, Deng Xiaoping la maintiendra jusqu’en 1992, date de la fameuse tournée au cours de laquelle il a appelé à la poursuite des réformes. « Nous devons nous en tenir à la ligne de base pendant cent ans, sans hésitation ». La proportion de la planification par rapport aux forces du marché n’est pas « la différence essentielle entre le socialisme et le capitalisme ». L’économie planifiée n’est pas le socialisme, puisqu’il y a aussi de la planification sous le capitalisme. De même, l’économie de marché n’est pas le capitalisme, parce qu’il y a aussi des marchés sous le socialisme. La planification et le marché sont seulement « des moyens de contrôler l’activité économique », et ils ne suffisent pas à définir un système économique. « L’essence du socialisme est la libération et le développement des forces productives, l’élimination de l’exploitation et la réalisation ultime de la prospérité pour tous ». Même le marché boursier et les valeurs mobilières ont peut-être leur utilité : « Sont-ils bons ou mauvais ? Sont-ils propres au capitalisme ? Le socialisme peut-il s’en servir ? » Quoiqu’il en soit, nous devrions peut-être essayer. « Le capitalisme se développe depuis plusieurs centaines d’années. Depuis combien de temps construisons-nous le socialisme ? » Si nous pouvons faire de la Chine « un pays modérément développé dans les cent ans suivant la fondation de la République populaire, ce sera une réalisation extraordinaire ».²⁴

Développées par Deng Xiaoping et ses successeurs, ces idées témoignent d’une innovation théorique directement inspirée par la pratique politique et économique du PCC. Elles fournissent son ossature conceptuelle au « socialisme aux caractéristiques chinoises » mis en place dans le cadre de « la réforme et l’ouverture ». On se contentera de rappeler ses traits originaux : le développement des forces productives comme objectif principal, l’affirmation du rôle dirigeant du Parti communiste, le recours aux mécanismes de marché sous la tutelle d’un État régulateur, la création d’un vaste secteur privé dans le commerce et les services, la consolidation de puissantes entreprises publiques dans les secteurs-clé de l’industrie et de la banque, l’ouverture aux investissements étrangers et une stratégie commerciale ambitieuse, un effort colossal, enfin, pour l’éducation, la recherche scientifique et les technologies de pointe. Depuis les Quatre modernisations, un processus continu d’élaboration théorique a accompagné l’invention pratique du socialisme aux caractéristiques chinoises. Lancées en 1975 par Zhou Enlai, devenues le programme officiel du PCC en 1978, les Quatre modernisations sont celles de l’agriculture, de l’industrie, de la science et technologie et de la défense nationale. Ce mot d’ordre signale un changement de cap : alors que la Révolution culturelle accordait la priorité absolue au politique (« mieux vaut être rouge qu’expert »), les Quatre modernisations renversent la priorité. La Chine étant encore au stade primaire du socialisme, le développement économique passe avant la lutte des classes.

A son tour, la « théorie de la Triple représentation » constitue la contribution idéologique de Jiang Zemin. Le PCC représente à la fois « le développement des forces productives les plus avancées en Chine, le progrès de la culture chinoise et les intérêts de la grande majorité du peuple chinois ». Il s’agit de tenir compte de l’évolution de la Chine, en mettant l’accent sur l’ouverture du Parti aux forces productives, y compris aux entrepreneurs du secteur privé. Lorsqu’il présente son rapport au XVe Congrès du PCC en 1997, Jiang Zemin rappelle que « le développement est le principe absolu, la clé de la solution de tous les problèmes de la Chine ». Mais il ne faut pas se tromper sur la nature de l’économie socialiste de marché : « Édifier une économie socialiste à la chinoise, c’est développer une économie de marché sous le socialisme et libérer constamment les forces productives » Autrement dit, « nous devons maintenir et perfectionner le système économique au sein duquel la propriété publique socialiste est dominante et où différents types de propriété se développent parallèlement ». Sous ce régime économique, « l’État contrôle l’essence de l’économie nationale », et ce rôle dirigeant est matérialisé par les entreprises publiques : elles doivent être dominantes dans les secteurs-clé, et elles doivent l’être d’un point de vue qualitatif et non quantitatif. « L’essentiel est que le secteur d’État ait un pouvoir de contrôle plus fort et soit davantage compétitif, même si le secteur d’État représente une moindre proportion de l’économie ».²⁵

Après l’ajout de la Triple représentation au corpus idéologique, c’est « le développement scientifique », avec Hu Jintao, qui représente l’étape suivante de l’évolution de la doctrine du PCC. Inscrit dans les statuts du Parti en 2007, il signifie que le développement accéléré des forces productives a créé des déséquilibres importants et qu’il faut les corriger de manière méthodique. Il s’agit d’instaurer une « société harmonieuse » en s’attaquant aux nouvelles contradictions : la croissance chinoise est trop extensive et ne repose pas assez sur l’innovation, les écarts de revenus se sont amplifiés, la différence entre villes et campagnes s’est creusée, la réforme du système politique est trop lente, la production culturelle est insuffisante, la concurrence internationale exerce une pression accrue sur la production nationale, l’équilibre écologique entre l’homme et la nature est rompu. Le concept de développement scientifique vise donc à trouver une solution à ces problèmes en « mettant l’homme au centre » et en promouvant « un développement d’ensemble économique, social et humain ».

Xi Jinping et le troisième bond historique

Avec le rapport de Xi Jinping au XIXe Congrès du PCC (2017), le socialisme chinois effectue un tournant décisif. Inscrite dans les statuts du Parti, « la pensée de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise pour une nouvelle ère » marque l’accomplissement d’un troisième bond historique dans la sinisation du marxisme. Désormais, « la nation chinoise est en voie d’accomplir un grand bond, passant d’une nation qui s’est relevée, à une nation riche, puis à une nation puissante ». Ainsi « le socialisme scientifique est reparti de l’avant avec une vitalité débordante dans la Chine du XXIe siècle », et « l’étendard du socialisme à la chinoise flotte haut levé dans le monde ». Lorsqu’il définit les tâches de l’heure, Xi Jinping utilise la dialectique héritée de Mao Zedong : désormais, la « contradiction principale », c’est « la contradiction entre l’aspiration croissante de la population à une vie meilleure et le développement déséquilibré et insuffisant de la Chine ». Car si le pays est déjà parvenu à « assurer la satisfaction des besoins élémentaires et quotidiens », la population devient de plus en plus exigeante « non seulement à l’égard de la vie matérielle et culturelle, mais aussi de la démocratie, de la légalité, de l’équité, de la justice, de la sécurité et de l’environnement ». Certes, « le développement des forces productives a atteint un niveau élevé », et notre pays est « au premier rang mondial » dans de nombreux domaines. Mais « le problème du développement déséquilibré et insuffisant se pose avec acuité », et il représente « le principal handicap pour l’aspiration croissante de la population à une vie meilleure ». Et cette transformation de « la principale contradiction sociale » constitue « un changement historique » de premier plan pour la Chine.

Aussi le Parti et l’État doivent-ils agir pour « améliorer sensiblement la qualité et les performances du développement », de manière à « satisfaire au mieux les besoins croissants de la population », encourager « le plein épanouissement de l’homme » et faire progresser la société dans tous les domaines. Mais il faut bien comprendre que si « la principale contradiction sociale a changé », il n’en reste pas moins que « la phase historique où se trouve le socialisme en Chine n’a pas changé ». Loin d’avoir atteint le stade supérieur du socialisme, « notre pays se trouve et se trouvera encore longtemps au stade primaire du socialisme, et cette réalité fondamentale n’a pas changé ». Car la Chine demeure « le plus grand pays en développement dans le monde, et ce statut international n’a pas changé ». C’est pourquoi tous les membres du Parti sont appelés à lutter pour « faire de la Chine un grand pays socialiste beau, moderne, prospère, puissant, démocratique, harmonieux et hautement civilisé ». Pour y parvenir, ils doivent « se conformer aux conditions réelles de notre pays », se tenir fermement à « la ligne fondamentale du Parti », guider et unir autour d’eux « toutes les communautés ethniques chinoises » en axant nos efforts sur le développement économique, « poursuivre la réforme et l’ouverture » en comptant « sur nos propres forces » et œuvrer sans relâche « pour le bonheur du peuple » en bravant les obstacles et difficultés.

Afin de relever les défis de l’époque, « notre Parti s’est guidé sur le marxisme-léninisme, la pensée de Mao Zedong, la théorie de Deng Xiaoping, la pensée importante de la Triple Représentation et le concept de développement scientifique ». Il s’est conformé aux principes selon lesquels il faut « libérer la pensée, faire preuve d’objectivité et de réalisme ». Fidèle au « matérialisme historique », le Parti a adopté une nouvelle vision destinée à approfondir ses connaissances sur « les lois régissant l’exercice du pouvoir par les partis communistes, l’édification socialiste et l’évolution de la société humaine, et il a continuellement effectué des recherches théoriques ». Des résultats importants sur le plan de l’innovation théorique ont été obtenus, donnant ainsi naissance à « la pensée du socialisme à la chinoise de la nouvelle ère ». Cette pensée a clarifié la mission globale du socialisme à la chinoise : « réaliser la modernisation socialiste et le grand renouveau de la nation chinoise, et, après la mise en place de la société de moyenne aisance, faire de la Chine, en deux étapes et vers le milieu du siècle, un grand pays socialiste beau, moderne, prospère, puissant, démocratique, harmonieux et hautement civilisé ».

Cette nouvelle mission s’accomplira en deux phases. « La première ira de 2020 à 2035 : après l’établissement de la société de moyenne aisance, nous poursuivrons nos efforts pour réaliser l’essentiel de la modernisation socialiste ». La Chine verra alors « sa puissance économique, scientifique et technologique » se hisser au premier rang des pays innovateurs. Durant cette période, « la vie de la population sera plus aisée ; la proportion des personnes à revenu moyen accroîtra sensiblement ; les écarts de développement entre les régions, et entre les villes et campagnes, ainsi que les écarts du niveau de vie entre les habitants seront notablement réduits ; l’homogénéisation des services publics fondamentaux sera pratiquement réalisée ». En bref, « notre marche vers la prospérité commune accomplira un pas substantiel ». L’écosystème connaîtra une amélioration fondamentale, et « la belle Chine deviendra réalité ». La deuxième phase ira de 2035 au milieu du siècle : « la modernisation étant réalisée pour l’essentiel », nous poursuivrons nos efforts pendant 15 ans pour « transformer notre pays en un grand pays socialiste beau, moderne, prospère, puissant, démocratique, harmonieux et hautement civilisé ». La Chine réalisera « la modernisation du système de gouvernance de l’État ». Elle se hissera au premier rang du monde « du point de vue de la puissance globale et du rayonnement international ». Le peuple chinois aura « une vie plus heureuse et plus aisée », et il prendra « sa place dans le concert des nations avec une plus grande fierté ».²⁶

Pour Jiang Shigong, professeur de droit à l’Université de Beijing, le rapport présenté au XIXe Congrès du Parti ouvre un nouvel espace politique en divisant l’histoire du PCC en trois étapes : « Se lever », « s’enrichir » et « devenir fort ». Cette formule signifie que les Chinois ont arraché leur indépendance avec Mao Zedong, qu’ils ont développé leur économie avec Deng Xiaoping et qu’ils vont devenir puissants avec Xi Jinping. En adoptant une telle périodisation, le PCC entend trancher un vieux débat. « Certaines forces politiques, à l’intérieur et à l’extérieur du Parti, espéraient opposer l’ère Deng Xiaoping à l’ère Mao Zedong ». Elles espéraient « utiliser la ligne de la Réforme et de l’Ouverture créée par Deng Xiaoping pour nier le système socialiste établi pendant l’ère Mao Zedong » et préconisaient d’entreprendre « des réformes subversives du système politique à la suite des réformes économiques ». L’objectif de ces soi-disant « réformes du système politique », il va sans dire, était « d’affaiblir progressivement et finalement d’éliminer la direction du Parti » sur la base d’une séparation du Parti et du gouvernement et d’instaurer « un système démocratique occidental ». C’est pourquoi, « face au développement inégal et aux disparités croissantes de richesse apparaissant dans le processus de réforme et d’ouverture », et surtout à « l’impression que les forces capitalistes monopolisaient indûment la richesse du peuple », un mouvement inverse s’est manifesté : « les gens ordinaires ont commencé à ressentir de la nostalgie pour l’ère Mao Zedong », incitant certaines personnes à « renverser la situation et à essayer d’utiliser l’ère Mao Zedong pour nier l’ère Deng Xiaoping ».

Comment le rapport au XIXe Congrès a-t-il dénoué cette contradiction ? En affirmant, au contraire, que « les trente années précédant la réforme et l’ouverture et les trente années suivant la réforme et l’ouverture ne pouvaient pas être considérées comme contradictoires ». Opposer la réforme et l’ouverture à la période antérieure n’a aucun sens d’un point de vue dialectique. Elles s’inscrivent, en effet, dans une continuité historique où la résolution des contradictions successives est accomplie par le Parti, organe dirigeant de l’État et de la société. Qu’en est-il, dans ces conditions, du « communisme » conçu par les marxistes comme l’horizon de la transition socialiste ? « L’idéal politique le plus élevé du PCC a toujours été de provoquer l’arrivée du communisme ». Mais dans l’histoire des efforts accomplis pour atteindre cet idéal, deux lignes révolutionnaires se sont opposées au sein du Parti. L’une était de « se mettre à l’école de la Russie » et de « copier aveuglément la ligne révolutionnaire de la Russie soviétique ». L’autre ligne était « enracinée dans le sol de la Chine » et voulait « créer une nouvelle ligne révolutionnaire basée sur les réalités chinoises ». Pendant la guerre anti-japonaise, cette contradiction entre les deux lignes est devenue la « question de savoir s’il fallait donner la priorité à la lutte des classes ou à la lutte nationale ». En 1935, lorsque le PCC a admis qu’il pouvait « contenir deux avant-gardes », représentant à la fois la classe ouvrière et le peuple chinois dans son ensemble, « l’idéologie communiste a évolué vers l’unité organique du communisme et du nationalisme, ce qui a initié le développement progressif de la sinisation du marxisme ».

Socialisme à la chinoise et culture traditionnelle

Si l’on veut comprendre la portée des changements en cours, souligne Jiang Shigong, il faut adopter le point de vue de la civilisation chinoise. C’est à l’échelle de cette histoire plurimillénaire qu’apparaît la signification de la phase actuelle. « Le grand renouveau de la nation chinoise signifie que la Chine suit la période Shang-Zhou, la période Qin-Han, la période Tang-Song et la période Ming-Qing », et qu’elle entre désormais dans « la cinquième période de renaissance globale ». Ainsi « la brillante imagination politique de milliers d’années de civilisation chinoise comble avec succès le vide spirituel laissé par l’affaiblissement de la vision communiste ». Ce « sentiment de fierté nationale » constitue « une force spirituelle importante » unissant l’ensemble du Parti et le peuple tout entier, « confortant la stabilité politique et stimulant l’essor économique de la Chine ». Dans cette perspective grandiose, que devient alors le communisme ? Il est confronté au défi consistant à « passer d’un concept philosophique à une société communiste dotée d’institutions concrètes ». Or l’expérience a montré que « les idéaux, une fois qu’ils descendent dans le monde, perdent leur lustre originel ». C’est cette difficulté qui a conduit Mao Zedong à se demander si la « société communiste » n’était pas « une contradiction dans les termes ». Au fond, le communisme se trouve dans une situation analogue à celle du christianisme : le retour de Dieu sur terre n’est-il pas indéfiniment repoussé ? « Si nous devions vraiment faire l’expérience du jugement de Dieu sur terre, le christianisme pourrait aussi perdre un peu de son lustre ».

Lorsque Xi Jinping met l’accent sur un retour aux principes communistes, il ne parle pas de la « société communiste conçue par le socialisme scientifique », mais il utilise plutôt l’idée, tirée de la culture traditionnelle chinoise, que « ceux qui n’oublient pas leur intention originelle l’emporteront ». Ce faisant, il « soustrait le communisme au cadre spécifique de la tradition scientifique occidentale » et le « transforme astucieusement en l’apprentissage du cœur dans la philosophie traditionnelle chinoise, qui à son tour élève le communisme à une sorte de foi idéale ou de croyance spirituelle ». Aussi « le communisme ne sera plus jamais ce qu’il était sous Mao Zedong – quelque chose qui était destiné à prendre une forme sociale réelle ici et maintenant ». Certes, il désigne « une société concrète à réaliser dans un avenir lointain », mais il est surtout « l’idéal le plus élevé » destiné à guider la pratique, « un état spirituel vibrant ». Il représente non seulement « une belle vie future », mais aussi et surtout « l’état d’esprit des membres du Parti communiste dans leur pratique politique ». De cette façon, « le communisme n’est plus celui de Marx, qui pensait dans la tradition théorique occidentale ». Ce n’est plus « le jardin d’Éden » d’une humanité « libérée de l’aliénation causée par la division du travail ». C’est plutôt l’idéal de la « grande unité sous le ciel » de la tradition culturelle chinoise. Comme le dit expressément la citation classique figurant dans le Rapport au XIXe Congrès : « Quand la Voie prévaut, le monde est partagé par tous ».

Confortée par la foi dans le communisme, la renaissance de la nation chinoise est inséparable de l’édification « du socialisme à la chinoise ». Pendant l’ère Deng Xiaoping, l’accent était porté sur les « caractéristiques chinoises ». A l’époque de Xi Jinping, en revanche, l’accent est mis sur le « socialisme » afin de couper court aux tentations libérales d’inspiration occidentale. Il reste toutefois une question essentielle : comment situer ce socialisme à la chinoise dans l’histoire du marxisme et des expériences socialistes qui s’en sont inspirées ? Marx et Engels ont fondé le « socialisme scientifique » et promu le mouvement communiste dans le monde. Ils représentent « la première phase de l’expérimentation socialiste en Europe occidentale », notamment sous l’inspiration de la Commune de Paris. Ensuite, « le modèle soviétique de construction du socialisme », après la Révolution d’Octobre, a représenté « la deuxième phase », et la Chine nouvelle s’est d’abord contentée d’imiter ce modèle. Puis vint « la troisième phase dans la modernisation du socialisme » : de « l’exploration initiale par Deng Xiaoping, jusqu’au plaidoyer de Xi Jinping en faveur du socialisme à la chinoise », cette approche n’a cessé de mûrir. Après la désintégration de l’Union soviétique, « la Chine a levé la grande bannière du socialisme à la chinoise sur la scène mondiale », et elle est devenue « un puissant concurrent du capitalisme occidental en tant que modèle de développement ». C’est pourquoi nous pouvions dire au début que « le socialisme a sauvé la Chine », mais maintenant nous pouvons dire que « la Chine a sauvé le socialisme ».

Avec Xi Jinping, l’idée du « socialisme à la chinoise » signifie donc que « le socialisme n’a pas vraiment de modèle de développement fondamental, mais qu’il se compose plutôt d’un certain nombre de principes ». Ces principes doivent être « continuellement explorés et développés dans la pratique en suivant l’avancée du temps ». Ainsi le « socialisme à la chinoise » n’ajoute pas « des caractéristiques chinoises » à un « cadre socialiste » déjà défini. Au contraire, « il utilise l’expérience vécue de la Chine pour explorer et définir ce qu’est, en dernière analyse, le socialisme ». Pour cette raison, le « socialisme » n’est pas « un dogme sclérosé, mais un concept ouvert qui attend d’être exploré et défini ». La Chine ne suit pas aveuglément « les idées produites par l’expérience occidentale du socialisme ». Elle trace plutôt la voie du développement socialiste « sur la base d’une plus grande confiance en soi ». La construction du socialisme à la chinoise n’est pas seulement importante pour la Chine, elle possède également une grande importance pour l’avenir de la civilisation dans son ensemble. « La question de savoir si la civilisation chinoise peut apporter une nouvelle contribution à l’ensemble de l’humanité dépend, dans une large mesure, de « la capacité de la civilisation chinoise à trouver une nouvelle voie de modernisation pour le développement de l’humanité ». C’est particulièrement vrai pour les pays en développement : peuvent-ils « mettre fin à la dépendance que leur impose la modernité capitaliste » ? L’ère Xi Jinping offre « une nouvelle option » à ceux qui veulent accélérer leur développement et préserver leur indépendance, et « elle offre la sagesse chinoise pour résoudre les problèmes auxquels l’humanité est confrontée ».²⁷

Ce que souligne Jiang Shigong, c’est le lien organique entre le marxisme sinisé et la culture chinoise. Selon lui, le processus a commencé avec Mao Zedong. En donnant une version chinoise de la dialectique, il a conduit à « l’interpénétration du marxisme et de la culture traditionnelle chinoise ». La « philosophie de la lutte des communistes chinois », en effet, est fondée sur « la théorie des contradictions », selon laquelle tout antagonisme dans le monde peut être unifié dans la pratique. Dans cette conception, la question de savoir dans quel type de lutte il faut s’engager, en dernière analyse, est éclairée par la pratique en fonction de la contradiction et de sa nature spécifique, en s’efforçant de saisir correctement les différents aspects de la contradiction. En ce sens, « nous pouvons dire que la théorie de la pratique est supérieure à la théorie de la contradiction, car la contradiction ne peut être jugée que du point de vue de la pratique ». Aussi, dans la théorie actuelle du PCC, l’accent n’est pas mis sur « la contradiction et la lutte », mais plutôt sur « la façon de saisir la nature de la contradiction du point de vue de la pratique ». Le Parti doit « partir de la pratique » et, « cherchant la vérité dans les faits », analyser correctement les contradictions politiques et sociales de chaque période.

Qu’il y ait des contradictions signifie que « la lutte existe » et qu’elle doit « résoudre les contradictions » : en langue chinoise, contradiction se dit máodùn 矛盾, « lance-bouclier ». Dans le Rapport au XIXe Congrès, Xi Jinping souligne que « le Parti communiste chinois est un grand parti politique qui ose lutter et qui ose gagner », et que « pour réaliser un grand rêve, nous devons nous engager dans une grande lutte ». Ce sont toujours les contradictions qui propulsent la société en avant. « C’est dans le mouvement des contradictions qu’une société avance. Là où il y a contradiction, il y a lutte. Toute pensée et tout comportement dans la veine de la recherche du plaisir, de l’inaction et de la paresse, et de l’évitement des problèmes sont inacceptables ».²⁸ C’est précisément sur ce fondement théorique que le Rapport au XIXe Congrès identifie, pour la première fois, « la contradiction principale de la société chinoise », comme « la contradiction entre un développement déséquilibré et insuffisant et les aspirations croissantes du peuple à une vie meilleure ». Après soixante-dix ans d’efforts, la Chine a accompli « le grand saut historique de l’ère Mao Zedong à l’ère Deng Xiaoping, puis à l’ère Xi Jinping ». De nouvelles contradictions sociales propulsent la Chine dans une nouvelle ère, et « une nouvelle ère a besoin d’une nouvelle pensée pour résoudre les problèmes auxquels elle est confrontée ». Lorsque Xi Jinping propose à nouveau la théorie de la contradiction et la philosophie de la lutte, il ne suggère pas « un retour simpliste à l’ère Mao Zedong », mais il porte le socialisme chinois créé par Mao Zedong et Deng Xiaoping « à un stade historique plus élevé ».

Socialisme de Marx et socialisme à la chinoise

Arrivés au terme de cet examen de la sinisation du marxisme, le moment est venu d’interroger le rapport entre le marxisme sinisé et le marxisme de Marx. Non qu’il s’agisse, bien sûr, d’évaluer les réalisations du socialisme à la chinoise à l’aune du socialisme de Marx. A supposer que nous disposions d’une définition valable et univoque du socialisme de Marx, une telle démarche a-historique n’a aucun sens : si le socialisme à la chinoise est ce qu’il est, c’est précisément parce qu’il est nourri par la pratique politique des communistes chinois depuis un siècle. Or cette pratique, Marx ne pouvait pas soupçonner qu’elle pût exister, et encore moins en deviner les traits caractéristiques. Ce qui n’est pas interdit, en revanche, c’est de mesurer l’écart théorique entre la conception marxienne et la conception chinoise du socialisme. Non pour juger l’une par l’autre, mais pour mettre au jour la portée de la sinisation du marxisme dans l’histoire longue du marxisme lui-même.

Il est vrai que Marx a donné fort peu d’indications sur le passage du capitalisme au communisme. Écrite en 1875, on l’a vu, la Critique du programme de Gotha est incontournable pour l’examen de la question qui nous occupe. Quel est le but de Marx lorsqu’il écrit ce pamphlet ? Il s’agit pour lui d’administrer une douche froide aux ardeurs naïves des socialistes allemands. Le communisme y est défini comme l’horizon lointain de l’action révolutionnaire, et Marx brosse de sa « première phase », appelée « socialisme », un portrait qui n’a rien d’idyllique. « Ce à quoi nous avons affaire ici, c’est à une société communiste non pas telle qu’elle s’est développée sur les bases qui lui sont propres, mais au contraire, telle qu’elle vient de sortir de la société capitaliste ; une société par conséquent, qui, sous tous les rapports, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancienne société des flancs de laquelle elle est issue ». Certes, il s’agit d’une « société communiste », et non d’une société socialiste. Avec la révolution et l’instauration de la dictature du prolétariat, le processus engagé consiste dans le passage de la « société capitaliste » à la « société communiste ». Mais durant ce processus, les rapports sociaux portent encore les « stigmates de l’ancienne société ». La société n’est plus capitaliste, mais elle n’est pas encore communiste.

Les « stigmates de l’ancienne société », quels sont-ils ? Marx en donne une idée plus précise lorsqu’il analyse la contradiction principale de cette société en transition. Le programme du parti socialiste proposant « un partage équitable du produit du travail », il passe cette conception au feu roulant de la critique. Admettons que, « dans cette société communiste », chaque travailleur doive recevoir le « produit intégral du travail ». En réalité, il s’agit de « la totalité du produit social », car la production est socialement organisée. Or on ne peut pas distribuer la totalité du produit social, individuellement, à tous les membres de la société. Avant de distribuer la part individuelle, c’est-à-dire avant de rémunérer chaque travailleur, il faut soustraire au bénéfice de la collectivité une part importante du produit social total. En effet, il faut défalquer successivement « un fonds destiné au remplacement des moyens de production usagés », « une fraction supplémentaire pour accroître la production » et « un fond de réserve ou d’assurance contre les accidents, les perturbations dues à des phénomènes naturels, etc ». Pourquoi faut-il le faire ? Tout simplement parce que ces défalcations sont « une nécessité économique ». Elles seront déterminées compte tenu de l’état des moyens et des forces en jeu », et elles ne pourront être « calculées en aucune manière sur la base de l’équité ».

Ces prélèvements effectués, le reste du produit total social est destiné à la consommation. Du moins en partie, car « avant de procéder à la répartition individuelle, il faut encore retrancher « les frais généraux d’administration qui sont indépendants de la production », même si cette fraction est appelée à « décroître à mesure que se développe la société nouvelle ». Il faut ensuite retrancher « ce qui est destiné à satisfaire les besoins de la communauté : écoles, installations sanitaires, etc », et l’importance de ces prélèvements s’accroîtra « à mesure que se développe la société nouvelle ». Enfin, il faut retrancher « le fonds nécessaire à l’entretien de ceux qui sont incapables de travailler, etc., bref ce qui relève de ce qu’on nomme aujourd’hui l’assistance publique officielle ». Au terme de ces nouvelles soustractions, on peut alors procéder à la « répartition individuelle des objets de consommation entre les producteurs de la collectivité ». Cette répartition ne passe plus par le marché, comme c’était le cas dans la société capitaliste. Désormais, « le producteur reçoit individuellement - les défalcations une fois faites - l’équivalent exact de ce qu’il a donné à la société », c’est-à-dire « son quantum individuel de travail ». Il « reçoit de la société un bon constatant qu’il a fourni tant de travail et, avec ce bon, il retire des stocks sociaux d’objets de consommation autant que coûte une quantité égale de son travail ».

Le « droit bourgeois » sous le socialisme

Concernant le partage des objets entre producteurs individuels, « le droit égal est donc toujours ici dans son principe... le droit bourgeois ». En effet, « le droit du producteur est proportionnel au travail qu’il a fourni, et l’égalité consiste ici dans l’emploi comme unité de mesure commune ». Lorsqu’un individu « l’emporte physiquement ou moralement sur un autre, il fournit dans le même temps plus de travail ». C’est pourquoi « ce droit égal est un droit inégal pour un travail inégal ». Il ne reconnaît « aucune distinction de classe, parce que tout homme n’est qu’un travailleur comme un autre ; mais il reconnaît tacitement l’inégalité des dons individuels et, par suite, de la capacité de rendement comme des privilèges naturels. C’est donc, dans sa teneur, un droit fondé sur l’inégalité, comme tout droit ». En outre, « un ouvrier est marié, l’autre non ; l’un a plus d’enfants que l’autre, etc. A égalité de travail et par conséquent, à égalité de participation au fonds social de consommation, l’un reçoit donc effectivement plus que l’autre, l’un est plus riche que l’autre, etc. » Or « ces défauts sont inévitables dans la première phase de la société communiste, telle qu’elle vient de sortir de la société capitaliste, après un long et douloureux enfantement ». Car « le droit ne peut jamais être plus élevé que l’état économique de la société et que le degré de civilisation qui y correspond ».²⁹

Certes, « dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l’horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ! » En attendant, ce sera la « dictature du prolétariat » sous « le socialisme », c’est-à-dire la « première phase du communisme ». Ce ne sera certainement pas le paradis des travailleurs, mais une société en transition, où la lutte des classes se poursuit et où les avantages du socialisme peinent à se faire sentir. Et si Marx insiste sur l’imperfection de cette transition du point de vue communiste, c’est pour réfuter des conceptions qui ne sont qu’une « phraséologie désuète » et qui « faussent la conception réaliste inculquée à grand-peine au Parti ».

C’est ce raisonnement de Marx – et l’intention qu’il révèle – que Louis Althusser avait bien compris. Il fait à ce sujet deux remarques intéressantes. Lorsqu’on parle du communisme, il est clair qu’on décrit un processus long et contradictoire. En effet, il « faudra passer d’abord par sa phase inférieure (où le mot inférieure doit être pris dans toute sa force, car, à bien des égards, il s’agit là d’une régression), c’est-à-dire par le socialisme », c’est-à-dire « le rapport de production capitaliste devenu rapport d’État ». Ce qui adviendra, c’est donc « un capitalisme d’État avec toutes ses conséquences » : « la persistance de l’État, même prolétarien, avec ses appareils d’État », la persistance « du salariat et de l’exploitation », le maintien du « droit bourgeois », et donc la persistance de « la lutte des classes ». Or ce maintien de rapports sociaux qui ne sont pas encore communistes sans être capitalistes, se « combine avec le pouvoir politique des travailleurs que Marx et Lénine appellent justement la dictature du prolétariat ». Bien sûr, « cette combinaison est contradictoire, et c’est cette contradiction qui, si la lutte de classe prolétarienne, appuyée sur une large alliance populaire, est bien conduite, justement dans la perspective du communisme, peut faire sortir la nouvelle société du socialisme et l’engager dans le communisme, la phase supérieure ». Ainsi, « une formation sociale peut être en transition entre deux modes de production, sans avoir un mode de production propre et exclusif, en quelque sorte personnel ». S’agissant d’un régime transitoire, elle peut « participer à deux modes de production, celui qu’elle est en train de larguer et celui qu’elle est en train de construire ».

Mais Louis Althusser fait une autre remarque, tout aussi intéressante : « Le rapport de production d’un mode de production se définit par le rapport existant entre les travailleurs immédiats d’une part, et les forces productives (moyens de production et force de travail) d’autre part ». Or, « dans la formation sociale socialiste, on constate ceci : la force de travail passe toujours par la détention relative de la forme salariale », qui est « une forme marchande ». Ainsi, « juridiquement, dans le principe, rien n’est changé avec le rapport de production du mode de production capitaliste. Quant aux moyens de production, ils ne sont pas détenus directement par les travailleurs immédiats, mais indirectement, par la propriété collective », c’est-à-dire « l’État et les coopératives de production ». On reste donc « dans la forme de la non-détention (forme salaire) de la force de travail, assortie de la non détention des moyens de production, mais corrigée par la détention indirecte ».³º En bref, la transition socialiste met fin au pouvoir de la bourgeoisie, mais elle ne supprime pas magiquement le rapport salarial. L’édification du socialisme – a fortiori dans une société arriérée – ne provoque aucune transformation miraculeuse de la « société capitaliste » en « société communiste ». Elle charrie des rapports sociaux qui sont loin d’être débarrassés de leur caractère de classe et du droit bourgeois qui les légitime. C’est ce que pensait Lénine à la veille de la Révolution d’Octobre. Pour décrire l’organisation du travail sous le socialisme, il la comparait aux « services postaux », avec leur division du travail et leur hiérarchie administrative. Et il concluait par cette formule : cette « discipline d’atelier qu’il faudra étendre à la société entière n’est nullement notre idéal ni notre but final, mais seulement un échelon nécessaire pour débarrasser radicalement la société des vilenies de l’exploitation capitaliste ».³¹

Lorsque Marx décrit les rapports sociaux durant la transition socialiste, en 1875, il indique déjà toutes ces contradictions. Certes, les producteurs détiennent désormais les moyens de production et l’exploitation de classe a disparu avec la bourgeoisie. Mais le travailleur individuel ne reçoit sa part du produit global qu’après une série de prélèvements au bénéfice de la collectivité. Qu’il s’agisse d’entretenir l’outil de travail, de réinvestir pour accroître la production ou de fournir des prestations sociales, ces dépenses sont imputées sur le produit social total et soustraites à la consommation finale des travailleurs individuels. Tant que la croissance des forces productives n’a pas généré l’abondance matérielle, c’est une société frugale où chacun doit se contenter du nécessaire. De plus, les inégalités sociales n’ont pas disparu, puisque la rémunération dépend du travail fourni et que l’inégalité des talents naturels favorise une répartition inégale de la richesse produite. Même si les disparités de niveau de vie sont limitées par la collectivisation des moyens de production, elles n’en existent pas moins. Bien sûr, la description de Marx demeure purement hypothétique. Elle ne correspond à aucune expérience historique et ne s’appuie sur aucune pratique effective de la transition d’une société capitaliste vers la société communiste. Il n’empêche que la ressemblance avec le socialisme chinois des années 1960-70 est frappante : collectivisme frugal, hiérarchie des revenus restreinte, réinvestissement des excédents pour développer les forces productives. Même la rémunération par le « bon de travail » évoque irrésistiblement le système des communes populaires.

L’originalité de la voie chinoise

L’évolution ultérieure du socialisme chinois, après Mao Zedong, l’a conduit sur une autre voie, et nous avons vu pour quelle raison : malgré le développement des forces productives, on n’a guère vu « les sources de la richesse collective jaillir avec abondance », et le socialisme a longtemps consisté à répartir péniblement la pénurie. Compte tenu de l’extrême arriération de la Chine, la collectivisation a éliminé la misère, mais elle fut impuissante à vaincre la pauvreté. Pour y parvenir, il fallait changer de cap politique et économique. Les successeurs de Mao Zedong l’ont fait, et les résultats qui ont été obtenus méritent considération. En attendant, tout le monde en conviendra : le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère n’est pas le socialisme dépeint par Marx dans la Critique du programme de Gotha. Ce qui, du point de vue de la pensée de Marx elle-même, n’est nullement un problème. S’il pensait que la révolution socialiste éclaterait dans les pays industrialisés, il n’a jamais dit que les peuples du monde franchiraient les mêmes étapes menant à l’émancipation humaine. Au contraire, il a ironisé sur cette fâcheuse manie consistant à lui prêter une interprétation téléologique de l’histoire. Contre la tendance à invoquer une logique omnipotente qui dirigerait uniformément le cours des choses, il a fait en 1877 cette réponse indirecte à un critique russe : « Il lui faut absolument métamorphoser mon esquisse historique de la genèse du capitalisme dans l’Europe occidentale en une théorie historico-philosophique de l’évolution universelle, destin fatal prescrit à tous les peuples quelles que puissent être les circonstances historiques où ils se trouvent, pour en arriver finalement à cette formation économique qui assure, avec le plus grand essor des pouvoirs productifs du travail social, le plus complet développement de l’être humain. Mais je lui demande pardon. C’est me faire à la fois trop d’honneur et trop d’affront ».³²

Nourri par une expérience singulière, le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère, pour sa part, a des traits distinctifs qui font de la Chine contemporaine une formation sociale originale. Mais en quoi ces traits distinguent-ils le socialisme chinois de 2025 de ce capitalisme d’État dont parle Althusser ? Certes, pour Xi Jinping, il n’y a aucune ambiguïté : « Au cours des dernières années, des doutes ont été exprimés publiquement à l’intérieur et à l’extérieur de la Chine quant à savoir si ce que la Chine pratique actuellement est toujours du socialisme », déclare-t-il en 2013. « Certains l’appellent socialisme capitaliste, tandis que d’autres l’appellent carrément capitalisme d’État ou nouveau capitalisme bureaucratique. Tout cela est complètement faux. Nous disons que le socialisme à la chinoise est le socialisme, ce qui signifie que, quelle que soit la réforme ou l’ouverture que nous pourrions pratiquer, nous maintiendrons toujours la voie du socialisme à la chinoise, le système théorique du socialisme à la chinoise et les institutions du socialisme à la chinoise ».

On conviendra que la Chine de Xi est à la fois beaucoup plus riche et beaucoup plus inégalitaire que celle de Mao. Ce qui n’a pas varié, en revanche, c’est le pilotage de l’économie chinoise par un État socialiste. Même si elle concède une partie du pouvoir économique aux capitalistes nationaux, l’élite dirigeante n’appartient pas à l’oligarchie financière mondialisée. Adepte du socialisme à la chinoise, elle dirige un État qui est légitime parce qu’il garantit le bien-être du peuple chinois. Dirigé par un puissant parti communiste, l’État chinois est un État fort. Il maîtrise la monnaie nationale et contrôle le système bancaire. Surveillés de près, les marchés financiers ne jouent pas le rôle exorbitant qu’ils s’arrogent en Occident. Bref, le pilotage de l’économie chinoise est confié à la main de fer d’un État souverain, et non à la main invisible du marché. On s’est longtemps imaginé en Occident que l’ouverture aux échanges internationaux avait sonné le glas du socialisme à la chinoise. Rien n’est plus faux : pour les Chinois, l’ouverture est la condition du développement des forces productives, et non le prélude à un changement systémique. Restructuré dans les années 1990, le secteur public demeure la colonne vertébrale de l’économie chinoise. Il prédomine à 80-90 % dans les secteurs stratégiques : l’industrie lourde, l’énergie, les infrastructures, les transports et l’armement. Dotées d’une large autonomie de gestion, les entreprises publiques appliquent les objectifs du Plan quinquennal.

Concernant le poids du secteur public, les statistiques sont éloquentes. L’État détient 55 % du capital total des entreprises chinoises de toutes catégories. Sur les 20 premières entreprises chinoises, 17 sont des entreprises publiques. Les actifs des entreprises à capitaux publics représentent deux fois le PIB, et les quatre plus grandes banques du monde sont des banques d’État chinoises. Le socialisme chinois s’illustre aussi par le succès retentissant de coopératives où les salariés actionnaires se partagent le capital de l’entreprise, ainsi soustrait à la spéculation sur les marchés financiers. « Le succès de Huawei est la preuve de l’esprit d’équipe de 150 000 travailleurs qui forment une équipe partageant le sort du président de Huawei, Ren Zhengfei », explique Yan Yilong, professeur à l’Université Tsinghua. « Ce dernier utilise un système de bonus sans précédent dans l’histoire de l’industrie chinoise, dans lequel 98,6 % des actions appartiennent aux travailleurs et seulement 1,4 % à lui-même. Les actions de Huawei détenues par les salariés ne sont pas négociées sur le marché et elles ne peuvent pas être vendues. La rémunération des travailleurs est une combinaison de salaires (travail de base), de primes (lorsque les équipes ou les individus dépassent le travail de base) et de dividendes (bénéfices globaux de l’entreprise). Ce système combine la concurrence et la coopération, ce qui signifie que les travailleurs sont des employés qui maximisent les avantages individuels, des membres de l’équipe qui travaillent ensemble, ainsi que des capitalistes qui ont investi dans l’entreprise ».³³

La planification socialiste

Le système économique chinois associe divers régimes de propriété : des entreprises publiques, des firmes capitalistes, un important secteur coopératif et une myriade de petites entreprises individuelles, sans oublier les innombrables exploitations familiales qui se partagent les terres cultivables. Mais c’est la planification qui oriente l’allocation des ressources. « La Chine est un pays dans lequel les mots exigent des actes et les actes exigent des résultats. Le parti communiste chinois a détruit le mythe de Hayek selon lequel l’humanité ne peut pas s’engager dans l’ingénierie sociale. Car le parti agit exactement comme un ingénieur social, en concevant et en exécutant continuellement les plans qu’il a arrêtés », relève Yan Yilong. Et si la planification chinoise fonctionne, c’est parce qu’elle est adossée à une concentration des moyens entre les mains de la puissance publique. En contrôlant le capital foncier et le capital industriel, c’est-à-dire le capital productif, la collectivité s’assure la maîtrise des deux grandes branches de l’économie réelle, l’agriculture et l’industrie. Cette maîtrise publique conditionne le déploiement de la planification en lui fournissant les moyens dont elle a besoin pour atteindre ses objectifs. Pour ce qui est du capital foncier, c’est la puissance publique – représentée dans la plupart des cas par les autorités locales – qui est la seule détentrice des terrains, et ce quel que soit leur usage. Pour ce qui est du capital industriel, sa concentration dans les entreprises publiques joue un rôle clé dans la planification, puisque les entreprises sont invitées à s’aligner sur les objectifs du plan par leurs autorités de tutelle.

La planification fournit ses lignes directrices à l’extraction des matières premières, aux industries lourdes, aux travaux publics, à la production d’énergie, aux transports et aux télécommunications. Outre qu’elles sont relativement intensives en capital, ces activités ont en commun d’affecter un grand nombre d’activités économiques en aval, notamment par le prix et la qualité des biens et des services fournis. Qui plus est, l’État n’a pas seulement la main sur le capital productif, mais aussi sur le capital financier, c’est à-dire les sources de financement de l’activité économique. Le caractère liquide du capital financier permet aux autorités de canaliser les ressources vers les entreprises ciblées par le plan. La mobilisation des circuits financiers par l’État, en outre, permet de soutenir la planification avec des moyens qui ne sont pas d’origine fiscale, et dont l’usage a un effet neutre sur les budgets des administrations.³⁴ En Chine, entre 85 % et 90 % des actifs bancaires sont détenus par des banques publiques, c’est-à dire contrôlées par l’État. Ce dernier étant le garant de l’intérêt général, il oriente la politique bancaire en fonction des objectifs de développement. Dans les pays capitalistes, au contraire, cette politique répond aux exigences d’actionnaires privés recherchant le profit. Ce n’est pas un hasard si le secteur bancaire a été exclu du périmètre des privatisations : le financement de l’économie est une affaire trop sérieuse pour être abandonnée aux intérêts privés.

Depuis vingt ans, les résultats sont tangibles. « La contribution de la Chine est d’avoir détruit le mythe selon lequel les droits de propriété publique ne peuvent pas se mêler à l’économie de marché, car les résultats éblouissants de trente ans de réformes économiques en Chine ont prouvé que l’on peut à la fois développer l’économie de marché et renforcer l’économie publique », observe Yan Yilong. Au total, la concentration des trois catégories de capitaux (capital foncier, capital industriel, capital financier) entre les mains de l’État semble plaider en faveur du socialisme chinois. En régime capitaliste, les détenteurs privés de capitaux ont la main sur l’économie. En Chine, l’État a les moyens de mettre en œuvre une planification ambitieuse parce qu’il domine la configuration du capital. En occupant « les hauteurs stratégiques de l’économie » (Lénine), il garantit la bonne marche de l’appareil productif au service d’un développement coordonné. « Le gouvernement central chinois est un gouvernement qui s’engage dans la planification stratégique et qui est très conscient de ce qu’il fait », note Yan Yilong. « Il n’y a pas d’autre gouvernement central dans le monde qui ait été capable de diriger le peuple pendant plusieurs décennies, cherchant constamment la modernisation de notre pays et le grand renouveau de la nation, non sans des hauts et des bas, bien sûr, mais sans changement dans sa direction générale. Une étape stratégique après l’autre, à travers des générations de luttes continues, il a piloté sans relâche le grand navire qu’est la Chine ».

Le contrôle exercé par l’État sur le capital productif explique le recadrage infligé au secteur capitaliste. Depuis l’accès au pouvoir de Xi Jinping, la politique chinoise à l’égard des grands groupes privés a connu une nette inflexion. Deng Xiaoping avait fait appel aux capitalistes nationaux et internationaux pour attirer des capitaux et des technologies. Mais le secteur capitaliste n’est qu’un moyen, et il est soumis si nécessaire à des réglementations draconiennes. Toutes les mesures prises vont dans ce sens : la régulation des opérations boursières des grands groupes chinois à l’étranger, l’imposition de normes contraignantes pour la collecte des données personnelles, l’interdiction des pratiques monopolistiques pour les géants du net, les amendes infligées aux entreprises en délicatesse avec les règles de la concurrence, l’utilisation du crédit social pour sanctionner les employeurs qui ne s’acquittent pas des cotisations sociales, la transformation par la loi du secteur des cours privés en secteur à but non lucratif, le durcissement des normes imposées aux sociétés de jeux vidéo et la limitation de leur utilisation par les mineurs, etc. On citera aussi l’injonction du gouvernement à respecter la réglementation sur la durée du travail, l’obligation faite aux grands groupes de financer les petites entreprises et l’appel à poursuivre l’augmentation des salaires, enfin, qui tranche avec l’austérité salariale des pays capitalistes.

Pour le parti communiste chinois, le développement économique a pour finalité de faire naître une société plus harmonieuse, capable d’étendre au peuple tout entier le bénéfice de la « prospérité commune ». Depuis la réforme et l’ouverture, le nouveau consensus idéologique a fait litière de l’égalitarisme héroïque de la Révolution culturelle. La société chinoise accepte que certains puissent s’enrichir beaucoup plus que les autres, parce qu’ils travaillent davantage ou parce qu’ils ont fait un bon investissement. Le discours officiel justifie les inégalités en expliquant qu’elles sont le prix à payer pour accélérer le développement des forces productives. Mais les écarts de richesse doivent être contenus dans des limites raisonnables et réduits progressivement. C’est ce que souligne le rapport de Xi Jinping au XXe Congrès du parti (octobre 2022) : « Réaliser la prospérité commune est l’exigence essentielle du socialisme à la chinoise et aussi un long processus historique. Nous devons continuer à considérer la réalisation de l’aspiration du peuple à une vie meilleure comme le point de départ et le but ultime de la modernisation, travailler à défendre et promouvoir l’équité et la justice sociales, et nous efforcer de réaliser la prospérité commune de toute la population, tout en évitant résolument que se crée une polarisation sociale. Il importe de continuer à appliquer le principe selon lequel ceux qui travaillent plus gagnent plus, d’encourager la population à travailler durement pour s’enrichir, de promouvoir l’égalité des chances, d’augmenter les revenus des personnes à bas revenu et de faire en sorte que la population à revenu moyen s’accroisse ».³⁵

Les résultats tangibles du socialisme à la chinoise

Même si le socialisme ne signifie pas l’égalitarisme, comment continuer à s’en réclamer, en effet, si les écarts de revenu générés par le marché s’accroissent ? La réponse à cette question, seule la pratique pourra la donner. Le régime social chinois est un régime de transition qui est encore pour longtemps au « stade primaire » du socialisme. C’est pourquoi il associe de façon contradictoire différents modes de production, y compris le mode de production capitaliste. Ce régime transitoire de longue durée a des contradictions spécifiques, et le parti communiste les résoudra soit par le haut (davantage de socialisme), soit par le bas (davantage de capitalisme). Aujourd’hui, tout porte à croire qu’il les résoudra par le haut. Non seulement parce que c’est son objectif déclaré, non seulement parce que c’est conforme à ses orientations idéologiques, mais parce que les succès déjà remportés dans la pratique l’incitent à poursuivre dans cette voie.

Reprenons donc, à ce stade, les questions posées dans l’introduction de notre étude.

 Faut-il évaluer le « socialisme chinois de la nouvelle ère » au regard du « socialisme de Marx » ?

Comme nous l’avons vu, cette démarche n’a guère de sens. Si le socialisme à la chinoise est ce qu’il est, c’est précisément parce qu’il est nourri par la pratique politique des communistes chinois depuis un siècle.

 Le socialisme étant selon Marx une phase transitoire entre la société capitaliste et la société communiste, à partir de quel moment peut-on dire que l’élément communiste l’emporte sur l’élément capitaliste ?

Pour le PCC, il est implicitement admis que ce point de bascule n’a pas encore été atteint : sinon, le pays ne serait plus au stade primaire du socialisme. Mais en voulant faire de la Chine « un État socialiste puissant et prospère » à l’horizon 2049, le PCC dessine la perspective d’une nouvelle avancée vers un socialisme plus développé.

 Comment peut-on déterminer ce point de bascule – à supposer qu’il soit possible et légitime de le faire – dans la trajectoire passée, présente et future (à titre d’hypothèse) du socialisme chinois ? 

On peut répondre que le socialisme à la chinoise se rapprochera beaucoup de ce point de bascule lorsque 70 % de la population aura atteint le niveau de vie qui est aujourd’hui celui des classes moyennes : c’est la fameuse « société en forme de ballon de rugby » évoquée par Xi Jinping dans le Rapport au XXe Congrès.

 Le socialisme au stade primaire dont se prévaut aujourd’hui le parti communiste chinois a-t-il quelque chose à voir avec le socialisme tel que Marx le concevait, et que laisse-t-il augurer quant à la poursuite de la transition socialiste en Chine ?

On a vu que la description du socialisme dans la Critique du programme de Gotha ressemblait au collectivisme frugal des années 1960, mais que l’arriération de la Chine avait conduit le PCC, en définitive, à organiser une période transitoire beaucoup plus longue que celle qu’envisageait Marx pour les pays industrialisés.

 Puisque le PCC se réclame du marxisme, dans quelle mesure la théorie et la pratique des communistes chinois (de Mao à nos jours) sont-elles marxistes ?

Si l’on veut bien admettre que chaque pays détermine sa voie vers le socialisme et que la sinisation du marxisme est ce qui a fait son succès, la réponse est clairement positive.

Pour apprécier le chemin accompli par la Chine dans la direction du socialisme, il faut donc considérer le mouvement contradictoire qui l’anime et la façon dont le PCC résout les contradictions successives qui en constituent la trame historique. En d’autres termes, il convient d’examiner les résultats obtenus par le socialisme à la chinoise du point de vue de l’objectif même du socialisme : l’humanisation des conditions d’existence de la population. Or nous disposons dans ce domaine d’un certain nombre de données objectives. Le niveau de vie moyen des Chinois a connu une amélioration spectaculaire en termes réels depuis vingt ans. Calculé en parité de pouvoir d’achat, le revenu annuel moyen disponible par tête des Chinois s’élève en 2023 à 21 250 $, soit près de trois fois celui des Indiens (7 160 $). La Chine se situe parmi « les pays à revenu intermédiaire de la classe supérieure », devant l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, la Thaïlande et la Malaisie. Avec la forte croissance des années 1990 et 2000, le PIB par habitant s’est littéralement envolé, améliorant le pouvoir d’achat de la grande majorité de la population. Depuis dix ans, on assiste à un double phénomène : le revenu par habitant progresse plus vite que la moyenne mondiale, et les inégalités tendent à se réduire sous l’effet des politiques sociales.

Certes, la société chinoise demeure inégalitaire. Le coefficient de Gini en Chine a fortement augmenté avec les privatisations des années 1990, puis il a régressé, depuis dix ans, grâce à la hausse des salaires et à l’éradication de la grande pauvreté. De 0,28 en 1980 il est passé à 0,44 en 2007 et il est retombé à 0,37 en 2020, soit un niveau inférieur à celui du Brésil et comparable à celui de la Thaïlande. Mais la société chinoise est une société en mouvement, traversée par de multiples contradictions. Luttes sociales et « incidents de masse » s’y déroulent quotidiennement, et ils débouchent sur des compromis favorisés par les autorités locales. En poussant à la hausse la rémunération des salariés, les luttes ouvrières ont contribué au progrès social. Selon le dernier rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l’IDH de la Chine est passé de 0,499 en 1990 à 0,788 en 2022. Une hausse spectaculaire, et aussi une exception : la Chine est le seul pays du monde à être passé du « groupe de développement humain faible » au « groupe de développement humain élevé ». En progression constante, l’espérance de vie atteint 78,2 ans, loin devant les États-Unis (76,1 ans). Le taux de scolarisation est proche de 100 % pour l’enseignement primaire et de 97 % pour le secondaire. En 2018, l’OCDE a estimé que le système scolaire chinois était le plus performant du monde dans le cadre de l’évaluation comparative internationale concernant les collégiens de 50 pays.

L’une des réussites de la Chine contemporaine réside dans l’amélioration sensible des conditions de logement. Quasiment tous les logements ont l’eau, l’électricité et les sanitaires. Le chauffage des maisons était souvent rudimentaire, voire inexistant en Chine du Sud. De 2013 à 2021, le taux d’équipement des logements en climatisation réversible est passé de 30 % à 70 %. Les autorités locales ont créé de gigantesques zones résidentielles destinées à accueillir des millions de logements neufs. Une politique volontariste qui a porté ses fruits : 89 % des familles urbaines chinoises sont propriétaires de leur habitation principale, ce taux étant de 100 % dans les campagnes. Le système de santé chinois a également connu une nette amélioration. L’offre hospitalière a été accrue, le nombre de lits pour 1 000 habitants passant de 1,7 en 2000 à 4,5 en 2020. Engagée au début des années 2000, la généralisation de l’assurance maladie est quasiment achevée, au profit de 95 % de la population. Le financement de l’accès aux soins essentiels par habitant a été multiplié par trois entre 2011 et 2021. La part non remboursée des dépenses de santé est tombée de 60 % en 2000 à 30 % en 2019, ce qui est inférieur à la moyenne mondiale (40,8 %) et à celle des pays riches (40,5 %). Depuis 1997, le gouvernement central a également mis en place un système de retraite destiné aux salariés urbains qui a ensuite été étendu à l’ensemble de la population.³⁶

Mais surtout, le PCC a engagé un vaste programme d’éradication des dernières poches de misère. Fin 2020, la Chine a annoncé qu’elle avait « atteint l’objectif d’éliminer l’extrême pauvreté, un objectif clé pour la nouvelle ère de construction du socialisme aux caractéristiques chinoises ». Au total, 99 millions de personnes à faibles ressources habitant dans 128 000 villages ruraux ont bénéficié de ce programme unique au monde. Le succès de cette politique est attesté par la Banque mondiale : selon cette institution, 66,3 % des Chinois vivaient en dessous du seuil international de pauvreté absolue en 1990, et cette proportion a chuté à 0,1 % en 2020. Au total, selon l’ONU et la Banque mondiale, les politiques chinoises de lutte contre la pauvreté menées depuis vingt ans ont extrait de la pauvreté 700 millions de personnes, ce qui représente 70 % de l’effort mondial contre la pauvreté durant la période. Certes, cela ne signifie pas que le clivage entre les riches et les pauvres a disparu : 15 % à 20 % des Chinois vivent avec moins de 60 % du revenu moyen. Depuis dix ans, la tendance est à la diminution des inégalités sociales. Mais pour amplifier le mouvement, la croissance suffira-t-elle, surtout si elle ralentit sous l’effet de la conjoncture ?

N’en déplaise à ses critiques de droite et de gauche, le « socialisme à la chinoise de la nouvelle ère » n’est pas une formule rhétorique. Avec un État fort, une planification efficace, de puissantes entreprises d’État, des salaires en hausse, l’éradication de la grande pauvreté, la lutte contre la corruption, une scolarisation massive et performante, une protection sociale généralisée, des ménages propriétaires de leur logement, la sécurité publique assurée, un effort massif en faveur de la transition écologique et une politique étrangère pacifique, la Chine réunit aujourd’hui les caractéristiques d’un socialisme en construction. Certes, ce n’est ni « la première », ni « la deuxième phase du communisme » décrit par Marx en 1875. Ce n’est pas une société sans classes, homogène et transparente à elle-même, mais un régime social transitoire qui charrie son lot de contradictions. Aucune fin assignable à l’avance ne déterminera son avenir, car il dépend entièrement de la pratique. « Il s’agit toujours de siniser le marxisme, mais la leçon à tirer de notre histoire est qu’il faut surtout réussir dans le monde réel », explique Jiang Shigong. « Si le socialisme aux caractéristiques chinoises est le socialisme du XXIe siècle, plutôt que relire Karl Marx pour s’assurer que la Chine pratique le socialisme, il faut revenir en arrière et corriger la théorie sur la base de la réussite chinoise. Après tout, il n’y a pas d’Académie marxiste pour se prononcer sur la pureté du geste ou du mot : c’est la Chine qui fait autorité ».³⁷

NOTES :

1. Résolution du comité central du parti communiste chinois sur les réalisations majeures et le bilan historique des cent années de lutte du parti, 11 novembre 2021.
2. Karl Marx, Préface à la Contribution à la critique de l’économie politique, 1859.
3. Xi Jinping, Rapport au XXe Congrès du PCC, octobre 2022.
4. Mao Zedong, Rapport sur l’enquête menée dans le Hunan à propos du mouvement paysan, mars 1927.
5. Résolution du comité central du parti communiste chinois sur les réalisations majeures et le bilan historique des cent années de lutte du parti, 11 novembre 2021.
6. Mao Zedong, cité par Alain Roux, Le Singe et le Tigre, Mao, un destin chinois, Larousse, 2009, p. 401.
7. Mao Zedong, La révolution chinoise et le parti communiste chinois, décembre 1939.
8. Léon Trotski, Lettre du 12 septembre 1932.
9. Mao Zedong, De la pratique, juillet 1937.
10. Mao Zedong, De la contradiction, août 1937.
11. Friedrich Engels, Lettre à Joseph Bloch, 1890.
12. Mao Zedong, De la contradiction, août 1937.
13. Mao Zedong, De la juste résolution des contradictions au sein du peuple, 1957.
14. Résolution du comité central sur quelques questions de l’histoire de notre parti depuis la fondation de la République populaire (6 juillet 1981).
15. Deng Xiaoping, Tenez haut l’étendard de la pensée de Mao Zedong et adhérez au principe de la recherche de la vérité à partir des faits, septembre 1978.
16. Su Shaozhi et Feng Lanrui, Questions sur les stades de développement de la société après la prise du pouvoir par le prolétariat, 1979.
17. Karl Marx, Critique du Programme de Gotha, 1875.
18. Résolution du comité central sur quelques questions de l’histoire de notre parti depuis la fondation de la République populaire (6 juillet 1981).
19. Deng Xiaoping, Respecter les quatre principes cardinaux, 30 mars 1979.
20. Deng Xiaoping, Nous pouvons développer une économie de marché sous le socialisme, 1979.
21. Deng Xiaoping, Nous nous concentrons sur le développement économique, 18 septembre 1982.
22. Deng Xiaoping, La réforme est le seul moyen pour la Chine de développer ses forces productives,
28 août 1985.
23. Deng Xiaoping, La Chine ne peut prendre que la voie socialiste, 3 Mars 1987.
24. Deng Xiaoping, Extraits des conférences données à Wuchang, Shenzhen, Zhuhai et Shanghai, 1992.
25. Jiang Zemin, Rapport au XVe Congrès du PCC, novembre 1997.
26. Xi Jinping, Rapport au XIXe Congrès du PCC, novembre 2017.
27. Jiang Shigong : Philosophie et histoire : interpréter l’ère Xi Jinping à travers le rapport de Xi Jinping au dix-neuvième Congrès national du PCC, 开放时代 Guangzhou Open Times, janvier 2018.
28. Xi Jinping, Rapport au XIXe Congrès du PCC, novembre 2017.
29. Karl Marx, Critique du Programme de Gotha, 1875.
30. Louis Althusser, La stratégie du communisme, 1975.
31. Lénine, L’État et la révolution, 1917.
32. Karl Marx, Lettre à Mikhailovski, novembre 1877.
33. Yan Yilong, Le socialisme avance juché sur la tête du capital, Beijing, 2015.
34. Nathan Sperber, La planification chinoise à l’ombre du capitalisme d’État, Actuel Marx, 2019.
35. Xi Jinping, Rapport au XXe Congrès du PCC, octobre 2022.
36. Bruno Cabrillac, Économie de la Chine, 2022.
37. Jiang Shigong, op. cit.

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COMMENTAIRES  

13/11/2024 11:29 par CN46400

"Après la victoire de la révolution d’Octobre, Lénine s’est rendu compte que la transition vers une société socialiste dans un pays comme la Russie, où la petite bourgeoisie était dominante, était beaucoup plus difficile que dans les pays capitalistes développés. Or la Chine, de son côté, était encore plus arriérée que la Russie. Dans un « un pays semi-colonial et semi-féodal » où la « production à petite échelle » était largement dominante et où le « niveau de développement » était extrêmement faible, « la période de transition vers le socialisme ne pouvait être que beaucoup plus longue ». Ainsi, en 1979, « la période de transition n’est pas encore terminée et nous ne sommes pas encore entrés dans la première phase de la société communiste envisagée par Marx ». Aussi faut-il admettre que « la transition du capitalisme au communisme peut être divisée en deux étapes : du capitalisme au socialisme, que l’on pourrait appeler le socialisme sous-développé, et du socialisme au communisme, c’est-à-dire du socialisme sous-développé au socialisme plus développé, ce dernier pouvant prendre plus de temps que le premier ».
100% d’accord avec l’ensemble de ce texte, même si la parenté de Deng avec la Nep de Lénine est escamotée. Rançon toujours actuelle au stalinisme des années 30, et suivantes, qui a refusé d’expliquer, objectivement, son abandon, et ses conséquences sur les retards économiques de l’URSS, et sa chute finale. Alors que le PCC a su jeter un regard ouvertement critique sur les dérives graves du maoisme (grand bond en avant ou révolution culturelle)....
Reste que le texte de Bruno Guigue, malgré, ou à cause, de sa longueur, reste édifiant pour tous ceux qui veulent comprendre le communisme chinois.

13/11/2024 11:45 par Suzanne

Un article monumental, fondamental, merci beaucoup à Bruno Guigue. Petite remarque : "procès de travail, procès de production". N’est-ce pas plutôt "processus" ?

13/11/2024 11:55 par legrandsoir

C’est bien procès, mais au sens de processus.

13/11/2024 12:29 par Assimbonanga

Depuis une paire d’années, j’ai voulu m’imprégner de Chine et j’ai acheté un grand nombre de romans, en livres de poche. Je crois que j’arrive au bout du cycle, exténuée, déprimée. C’est totalement horrible.
Ce que j’ai pu trouver facilement à ma portée en librairie ou sur recyclivre, finalement, ne remonte pas avant la révolution. J’ai pas fait exprès : c’est ce qu’on trouve dans le commerce. Sauf Robert Van Gulik qui raconte l’époque des Tang et Van Gulik n’est pas un Chinois. Je ne vais pas vous faire toute la liste des bouquins que j’ai ingurgités, seulement quelques exemples, vite-fait.

J’ai démarré par les polars de Qiu Xiaolong, auteur chinois ayant prospéré aux États-Unis... J’ai adoré Lao She avec ses quatre générations sous un même toit mais déjà atroce dès le tome II. Ensuite Mo Yan (Beaux seins belles fesses) : horrible, catalogue exhaustif de toutes les monstruosités de la guerre, de la révolution, et de l’invasion japonaise. Pour être sûr de rien louper, l’auteur crée une ribambelle de sœurs qui convolent avec tous les bords.
Yu Hua, lui, c’est deux frères qu’il met en scène pour obtenir deux univers contraires, avec l’avénement des nouveaux riches sans scrupules et un bouleversement du pays en démolissant tout au passage, rues et mœurs. Chi Zijian (Le dernier quartier de lune) m’a embarquée chez les Evenks, peuple magnifique mais qui finit en eau de boudin et réchauffement climatique. Yan Lianke (La fuite du temps), j’ai même pas pu tout lire tellement c’est la course en avant du malheur et de l’absurdité.
Le septième jour de Yu Hua décrit une accumulation de morts cachés par les autorités, des démolitions de quartiers sans consentement des habitants, de vente d’organe, de prostitution, de pauvreté extrême. Je l’ai terminé hier en pleine déprime.

Au secours ! Peut-on lire des beaux trucs sur la Chine ? Je sais bien que les gens heureux n’ont pas d’histoire mais les romanciers chinois mettent vraiment le paquet dans le registre du malheur. Tous ces romans démentent les bilans globaux positifs...
Qu’est-ce qu’on peut me conseiller comme lectures contemporaines, du XXIème siècle ?
Et sinon, existe-t-il une littérature chinoise de la période avant la révolution ?

13/11/2024 12:46 par BRUNO GUIGUE

CN46400

"La NEP escamotée" .. Si l’on veut ! J’aurais pu ajouter une page pour parler de la NEP, mais je ne suis pas sûr que cet exposé eût introduit davantage de clarté. En Chine, le compromis avec le capitalisme visait à sortir de l’impasse où la Révolution culturelle avait conduit le pays, c’est-à-dire dans une séquence qui est intervenue bien après la collectivisation intégrale des moyens de production. En URSS, le compromis avec le capitalisme a marqué une pause dans une collectivisation qui venait à peine d’être engagée, et qui sera résolument poursuivie après la NEP. Ce sont deux enchaînements historiques très différents. C’est pourquoi le socialisme à la chinoise n’est pas comparable à la NEP, même si certains procédés semblent similaires. En tout cas, c’est un bon sujet de recherche, et vous me donnez une idée pour la suite ..

13/11/2024 14:04 par GE13

Une remarque sur "la critique du programme de Gotha" par Marx. Dans ce texte, tout au moins dans la traduction des éditions sociales de 1966, Marx n’identifie pas "la première phase du communisme" au socialisme, comme le fait, un peu rapidement, l’auteur de l’article. L’enjeu théorique et pratique me semble important quand socialisme version social-démocrate et socialisme version stalinienne sont disqualifiés pour porter les espoirs révolutionnaires des communistes

13/11/2024 15:06 par Suzanne

Pour Assim : "la gouvernance de la Chine", de Xi Jing Ping, 2014, je crois... C’est très intéressant !

Suzanne

13/11/2024 15:22 par Anonyme

GE13

C’est vrai, dans la Critique du Programme de Gotha, Marx ne définit pas explicitement la "première phase de la société communiste" comme étant "le socialisme", mais c’est largement implicite. Les termes "socialiste" et socialisme" sont fréquemment cités dans le texte, notamment pour distinguer le "socialisme vulgaire" de ce que devrait être le véritable socialisme. Au demeurant, si le terme de socialisme désigne autre chose que "la première phase de la société communiste" ou le processus historique qui y conduit, de quoi s’agit-il ? D’ailleurs, c’est ce terme qu’emploiera Lénine pour nommer le nouveau régime fondé en 1922 : l’Union des républiques socialistes soviétiques. Quand les Chinois disent qu’ils sont au stade primaire du socialisme, de leur côté, ils veulent surtout signifier qu’ils sont encore très loin de la "société communiste".

13/11/2024 15:31 par Anonyme

Assimbonanga

La littérature chinoise disponible en langue française est soigneusement sélectionnée par les éditeurs. Beaucoup d’auteurs adoubés par l’Occident à coup de Prix Nobel, littérature des cicatrices (pleurnicherie des intellectuels maltraités durant la Révolution culturelle), romans très sombres, qui dépeignent une société meurtrie et décomposée, à l’instar des films de Jia Zhangke qui sont disponibles en coffret à la FNAC ! Personnellement, en ce qui concerne la littérature du XXe siècle, j’ai aimé des auteurs plus classiques comme Lu Xun, Mao Dun, Lao She, Ba Jin, Guo Moruo, Qian Zhongshu, Yu Dafu, Lu Wenfu...

13/11/2024 15:44 par Vincent

Merci à LGS et à Bruno Guigue pour cet excellent texte.
De quoi relativiser beaucoup sur la notion de temps long que nous autres occidentaux avons presque éradiquée à l’aune de la culture étasunienne, et pour moi de mieux comprendre l’importance de la théorie dans le succès de la mise en pratique ; inversement pour les marxistes intégristes, de mesurer l’importance d’adapter la théorie aux effets de la pratique.
Bref si je ne pense pas que le modèle chinois soit reproductible, en revanche j’espère qu’il saura inspirer nos politiques futures par le poids de son rayonnement et de ses succès.
Le naufrage -l’agonie même- du capitalisme et ses injustices inhumaines devraient aider à aller dans ce sens. Je pense que BRI et BRICS+ (entre autres) démontrent aussi un désir partagé par un grand nombre de pays et d’humains d’aller vers un modèle qui promeut plus d’équité que le TINA mortifère des néocons aliénés.

Parmi de nombreux passages qui ont éveillé mon intérêt, je retiendrai ici ceux-ci :

« La révolution n’est pas un dîner de gala ni une œuvre littéraire, ni un dessin ni une broderie ; elle ne peut s’accomplir avec autant d’élégance, de tranquillité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d’amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d’âme. La révolution, c’est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre ».
Je redis donc que la bien-pensance est un carcan d’impuissance noué par la lâcheté : On ne renversera pas des criminels avérés en respectant les institutions qu’ils ont corrompues. La non-violence est à mes yeux une soumission à l’impunité inacceptable que les traîtres qui usurpent notre souveraineté s’arrogent.

« En Chine, entre 85 % et 90 % des actifs bancaires sont détenus par des banques publiques, c’est-à dire contrôlées par l’État. Ce dernier étant le garant de l’intérêt général, il oriente la politique bancaire en fonction des objectifs de développement. Dans les pays capitalistes, au contraire, cette politique répond aux exigences d’actionnaires privés recherchant le profit. Ce n’est pas un hasard si le secteur bancaire a été exclu du périmètre des privatisations : le financement de l’économie est une affaire trop sérieuse pour être abandonnée aux intérêts privés. » 
Je dirais que ça se passe de commentaires. J’ajoute que si ça ne tenait qu’à moi et à ma radicalité en roue libre, l’usure serait (redeviendrait) un crime puni par la peine capitale. La corruption, elle, devrait à mon avis -ici non modéré- conduire à un lynchage en place publique, par exemple. La cupidité serait synonyme de honte et pas une "valeur" ou une marque de réussite, encore moins un modèle.

« 15 % à 20 % des Chinois vivent avec moins de 60 % du revenu moyen. Depuis dix ans, la tendance est à la diminution des inégalités sociales. »
Comme dit en commentaire de l’article de Claude Janvier, + de 20% de la population de l’UE vit avec moins de 60% du revenu médian : C’est donc bien pire ! Et chez nous les inégalités ne cessent d’augmenter de façon non seulement vertigineuse, mais intolérable voire criminelle.
Donc ce bémol à la réussite du modèle chinois (toujours à l’état de transition socialiste) est à fortement relativiser puisque notre statistique en la matière est pire, et que les courbes se sont non-seulement croisées mais s’éloignent très rapidement !

« le pilotage de l’économie chinoise par un État socialiste. Même si elle concède une partie du pouvoir économique aux capitalistes nationaux, l’élite dirigeante n’appartient pas à l’oligarchie financière mondialisée. »
(soupir)...

13/11/2024 17:00 par CN46400

@B Guigue,
Pour moi la NEP est la première tentative de rendre viable un socialisme dans un pays à peine entré dans le capitalisme. Elle n’a pas pu survivre au décès de son principal instigateur, simplement parce que les dirigeants qui lui ont succédé (Staline et son staff) ont été incapables d’en assimiler les subtilités. Pourtant la polémique Lénine-Kaustki (sur l’avenir de la révolution d’octobre-1918) aurait dû les instruire. Echec prévisible pour Kaustki contre "capitalisme d’état" pour Lénine qui dit :"la révolution a éclaté là où la chaîne du capital s’est brisée, pas là où les professeurs l’attendaient"....
En fait, 60 ans avant Deng, Lénine voulait capter les savoirs et compétences du capitalisme développé, notamment allemand, brimé par le Traité de Versailles, et aussi USA. Deng a majistralement réussi et L’URSS gît dans les poubelles de l’histoire.
L’exemple de l’agriculture est édifiant. Mao, avec les communes populaires copie les kolkozes de Staline ; nationalisation des terres, collectivisation de l’exploitation = échec sur toute la ligne. Arrive Deng qui privatise l’exploitation en conservant la nationalisation des terres = réussite totale, la Chine, et ses 1400 millions de bouches, devient autosuffisante alors que l’URSS (250 millions) ne le sera jamais....

13/11/2024 17:59 par Julie

A Assim et Anonyme 13/11/2024 à 15:31,

J’avoue que, bien qu’il soit critique vis-à-vis de la politique chinoise et qu’il ait été nobellisé, j’ai bien aimé certains livres de Mo Yan, notamment son prix nobel La Dure Loi du karma.

il me semble injuste de le mettre dans le même sac que les innombrables navets qui ont été publiés comme des romans chinois alors qu’il ne s’agit que d’une minable propagande anti chinoise plus ou moins déguisée.

13/11/2024 18:36 par xiao pignouf

Peut-on lire des beaux trucs sur la Chine ?

Assim, je ne sais pas si c’est la bonne question à se poser en matière de littérature...

Pourrait-on lire des « beaux trucs » sur la France ? À part Proust, à condition de dépasser le vernis bourgeois. Ouais, Pagnol aussi, Jean Giono peut-être...

littérature des cicatrices

Parmi les oeuvres et les auteurs cités par Assim, il y en a qui n’ont jamais été censurés (Lao She ou Mo Yan). J’ai lu (presque) tout ce qu’Assim a cité et ceux que tu cites. Ça n’a jamais influencé mon image de la Chine, en bien ou en mal. Zola, Balzac ou Hugo n’ont pas non plus particulièrement donné une image positive de la France dans leurs roman. C’est le rôle de l’art, notamment de la littérature et du cinéma, de dépeindre les imperfections et les travers d’une société, sinon ça s’appelle de la propagande. Le reste, c’est de la poésie. La censure chinoise est loin d’être toujours appropriée, que ce soit dans le cas des excellents Wang Bing (et le magnifique À l’Ouest des rails), Jia Zhangke ou Gao Xingjian (La Montagne de l’âme).

Je recommande aussi, si tu n’as pas déjà vu ce classique du cinéma chinois, le film Épouses et concubines de Zhang Yimou, Kekexili de Lu Chuan, dont l’action se passe au Tibet ou le magnifique Adieu ma concubine de Chen Kaige.

Il y a aussi le cinéma hongkongais de Wong Kar-Wai ou les thrillers comme la trilogie Infernal Affairs, les deux Election, La Pluie sans fin de Dong Yue ou Black Coal de Diao Yi’nan.

Le cinéma chinois, à l’instar de la littérature chinoise, est très riche (mais je suis moins fan des superproductions historiques sur le modèle US).

Je te conseille aussi un petit film français qui s’appelle Voyage en Chine, avec Yolande Moreau.

Au niveau lecture, je recommande bien sûr La Montagne de l’âme de Gao Xinjian et Relations secrètes de Li Jingze. Sinon, j’ai personnellement adoré la trilogie de l’historien sinologue Jacques Gernet intitulée le Monde Chinois ainsi que La vie quotidienne en Chine à la veille de l’invasion mongole qui parle de la vie quotidienne dans la ville de Hangzhou (que je connais très bien) à la fin de l’empire des Song du Sud.

13/11/2024 18:40 par BRUNO GUIGUE

Désolé, l’Anonyme c’était moi..

13/11/2024 19:44 par GE13

@nonyme.
Lénine déclarait, après octobre 1917, que la révolution bolchévique ne pouvait être communiste étant donné l’arriération des masses paysannes et le retard industriel de la Russie. Pour Marx la première phase du communisme se caractérise par la dictature du prolétariat...pas par la main-mise d’une nouvelle classe sociale reprenant à son compte l’appareil d’État...ce qui caractérisé le socialisme !

13/11/2024 20:19 par Suzanne

Pour Assim : dans mon commentaire précédent, je parlais aussi de films chinois, par exemple le très beau Fujian Blue de 2007, mais ma description du film a été coupée, erreur ou coupure volontaire ? Je ne sais pas

Suzanne

14/11/2024 07:40 par Annwn

« Le socialisme à la chinoise est-il marxiste ? »
Réponse : La position qu’elle occupe à l’heure actuelle en matière de technoscience est le fruit d’une volonté politique internationale. Des partenariats d’ampleur unissent l’Europe et la Chine. Ils sont si conséquents que le narratif d’une Chine, ennemie ou concurrente mortelle de l’Occident, est une fake news. À propos des relations France-Chine qui ont débouché sur la construction du labo P4 de Wuhan, avec transfert de compétences à travers l’Institut Pasteur, elles font suite à un partenariat UE-Chine qui remonte à 1998. C’est au cours de cette même année que fut fondée une institution qui a joué un rôle-clé dans la crise du « Covid-19 ». Cette institution s’appelle « Center for health security » et est située à l’Université Johns Hopkins, dans l’État du Maryland. C’est dans cette institution que, dès le début de la pandémie, ont été collectées, compilées et diffusées toutes les informations « Covid » de la planète. À toutes fins utiles, précisons que c’est dans cette même Université « Johns Hopkins » qu’une simulation de pandémie avait été organisée en octobre 2019, c’est-à-dire 1 mois avant « l’apparition » du Covid-19 à Wuhan, et 3 mois avant l’officialisation d’une pandémie mondiale par l’Organisation mondiale de la Santé - OMS. Précisons encore que cette simulation était financée par Microsoft, l’entreprise de Bill Gates, qui contrôle l’OMS ainsi que l’association GAVI - l’alliance du vaccin.).
NB : C’est un ancien employé de « Goldman Sachs », Jim O’Neill, qui a inventé le terme acronyme BRIC en 2001. Quelques temps après son départ de Goldman Sachs (en 2013), Jim O’Neill occupera (en 2015) un poste au sein du gouvernement de Sa Majesté en tant que secrétaire commercial au Trésor. Son rôle principal était de travailler sur le projet « Northern Powerhouse » et d’aider à redynamiser le commerce avec la Chine, car, assurément, il était clair pour lui (mais pas que) que la prospérité économique devait être cherchée dans la région asiatique. De 2014 à 2016, O’Neill sera également à la tête d’une commission internationale chargée d’enquêter sur la résistance mondiale aux antimicrobiens ; en 2018, « Lord » O’Neill publiera même un livre dont le titre est « Superbugs : An Arms Race Against Bacteria », dans lequel il promeut l’utilisation de vaccins pour lutter contre les « superbactéries ». Pour finir, notons qu’il a été président du Conseil de « Chatham House » (certains disent plutôt « Shatan house ») de 2018 à 2021, et qui est l’équivalent britannique du Council on Foreign Relations américain (C.F.R.), ce véritable « gouvernement de l’ombre » des États-Unis.
En août 2013, Jim O’Neill déclara que l’acronyme « BRIC » n’avait plus aucun sens : « si je devais le changer, dit-il, je ne laisserais plus que le « C », avant d’ajouter ironiquement : « mais cela ne ferait sans doute pas un excellent acronyme… »
« La Chine adoubée par la City de Londres… ce qui confirme bien que Wall Street n’est en fait qu’une succursale de la City et l’a toujours été », est le titre d’un article de Ariel Noyola Rodríguez, paru sur Russia Today le 30/10/2015.
Dans cet article, nous pouvons lire que « Pékin, après des années de tractations en coulisse est entré dans les petits papiers de la City de Londres. La visite que le président Xi Jinping a effectuée à Londres, entre le 19 et le 23 octobre 2015, a posé les bases de la fondation d’une époque dorée entre la Chine et le Royaume-Uni, bases sur lesquels les deux pays s’appuieront pour donner une impulsion au yuan comme monnaie de l’économie mondiale. Pékin désire que le yuan devienne une monnaie de réserve mondiale. Bien que le chemin pour parvenir à la pleine convertibilité soit encore très long, la Chine a vu augmenter la présence de sa monnaie plus que tout autre pays au cours des dernières années. Le yuan est aujourd’hui la deuxième monnaie la plus utilisée pour le financement du commerce, et la quatrième la plus sollicitée pour effectuer des paiements transfrontaliers, selon les données de la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT, pour son sigle en anglais). Dans un deuxième temps, le gouvernement chinois tourne son regard vers l’Europe du Nord. Pour positionner sa monnaie dans le groupe des opérateurs majeurs, la clé est l’assistance technique des pays occidentaux. La Chine a commencé à relever le niveau de son partenariat stratégique avec le Royaume-Uni, qui malgré le déclin de son économie, est toujours chef de file dans la gestion de la finance internationale. Ce n’est pas rien que la City de Londres ait le plus grand marché des changes dans le monde, et réunisse le plus grand nombre d’opérations de gré à gré. Mi-2013, le Royaume-Uni est devenu le premier pays à promouvoir l’utilisation du yuan en Europe. L’Allemagne, la France, la Suisse et le Luxembourg sont entrés en compétition par l’installation de banques de règlements directs (RMB offshore clearing banks) afin de faciliter l’utilisation de la monnaie du peuple. Cependant, aucun d’eux ne constituait une menace grave pour le Royaume-Uni. La ville de Londres a enregistré plus de la moitié des transactions libellées en yuans dans l’ensemble du continent européen. Comme l’économie britannique est embourbée dans la stagnation, et menacée de près par la déflation (baisse des prix), le gouvernement de David Cameron insiste désespérément pour renforcer ses liens avec les pays d’Asie-Pacifique, et surtout avec la Chine qui, malgré son ralentissement au cours des dernières années, continue à contribuer pour 25% à la croissance du produit intérieur brut mondial (PIB). Pour le chancelier de l’échiquier du Royaume-Uni, et favori du Parti conservateur pour le poste de Premier ministre en 2020, George Osborne, le monde d’aujourd’hui est confronté à une nouvelle configuration géopolitique et économique, dans laquelle la Chine joue un rôle de premier plan. Le commerce ne se concentre plus seulement entre les États-Unis et l’Union européenne. Voilà pourquoi, pour la City de Londres, le commerce et les opportunités d’investissement avec Pékin passent avant le mandat d’alignement sur l’agenda de Washington. Une preuve en est que, en mars dernier, le Royaume-Uni a rejoint les fondateurs de la Banque asiatique d’investissements pour les infrastructures, menée par la Chine. Cette institution a mis fin à la domination de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement en Asie (qui sont sous influence américaine). Le soutien du gouvernement de David Cameron sera décisif dans les prochaines semaines. Le Royaume-Uni a déjà annoncé qu’il votera en faveur de l’inclusion du yuan dans les droits de tirage spéciaux (DTS), le panier de devises créées par le Fonds monétaire international (FMI) en 1969, qui comprend actuellement le dollar américain, l’euro, le yen japonais et la livre britannique. En bref, les États-Unis ne réussiront pas à empêcher l’essor du yuan. Les turbulences sur le marché boursier de Shanghai ces derniers mois n’ont pas eu d’impact sur la confiance du Royaume-Uni dans le développement de l’économie chinoise, bien au contraire, le pari est maintenant plus ambitieux : grâce à la City de Londres, Pékin est sur le point de réaliser la mondialisation du yuan sur une échelle sans précédent … »
LIEN

14/11/2024 09:11 par CN46400

@GE13,
La dictature du prolétariat est la prééminence des intérêts de la classe des prolétaires : ceux qui doivent travailler pour vivre. Cette dictature s’exerce toujours via l’état puis qu’il existe toujours plusieurs classes sociales, dont celle des exploiteurs, qui ne doit plus dominer les autres....

14/11/2024 09:25 par CN46400

@GE13,
La dictature du prolétariat est la prééminence des intérêts de la classe des prolétaires : ceux qui doivent vendre leur force de travail pour vivre. Cette dictature s’exerce toujours via l’état puis qu’il existe toujours plusieurs classes sociales, dont celle des exploiteurs, qui ne doit plus dominer les autres....

14/11/2024 09:27 par Julie

A tous,
Attention le site cité par Annwn est un site facho particulièrement sournois.

14/11/2024 11:56 par Assimbonanga

Merci pour vos réponses ! Je me doutais bien que "La littérature chinoise disponible en langue française est soigneusement sélectionnée par les éditeurs", comme le fait observer Bruno Guigue. Parmi les auteurs retenus, Lao Che n’est pas particulièrement tendre non plus. J’ai lu de lui à peu près tout ce qui est publié en français. J’ai la collec’ ! Je vais noter les autres auteurs sur mon pense-bête. J’aurais peut-être dû commencer par demander, finalement.

En fait, pas plus tard que cette semaine, j’ai même bavardé avec une Chinoise qui est venue se perdre dans mes montagnes en épousant un Français. Elle lit en chinois, ou en anglais. Elle dit que les versions publiées en Chine sont édulcorées et que donc la compilation de malheurs que j’ai lue en version française serait moindre en version chinoise. Voilà, c’est tout. Je ne peux pas vérifier !

Xiao, ma question n’est peut-être pas bonne mais c’est ma question. Je ne vois que désastres, violences, égoïsme, malhonnêteté, malversation, course au pognon, solitudes, incommunicabilité, traumatismes, et toutes formes de morts. J’aimerais pouvoir lire un souffle d’espoir en l’avenir, un peu d’enthousiasme révolutionnaire, des relations de solidarité, des actions collectives pour clore mon cycle de lectures chinoises, terminer par une bonne impression. Je note quand même l’historien sinologue Jacques Gernet. J’aimerais pouvoir faire comme Yolande Moreau un Voyage en Chine mais je crois que ma seule alternative ça va être de me joindre à un voyage organisé classique...

La Montagne de l’âme, je ne l’ai pas citée, mais je l’ai lue. Assez bizarre... Ne m’a pas séduite.
J’ai aussi lu les trois tomes, très modernes, du Problème à trois corps. Je crois qu’il contient bien cet esprit chinois. En fait, comme résumé bien trivial, tout ce que je peux dire c’est "Ces Chinois, c’est des hard !" Limite ma critique littéraire, n’est-ce pas ?

Julie, pour la dure loi du Karma, j’ai peur. Mo Yan m’a vraiment laminée avec son procédé dans Beaux seins belles fesses. J’ai même supposé que c’était (je cite Bruno Guigue) "des cicatrices pleurnicherie des intellectuels maltraités durant la Révolution culturelle, romans très sombres, qui dépeignent une société meurtrie et décomposée,". Pleurnicheries, le mot est péjoratif ; les épreuves endurées étaient vraiment atroces par contre, en faire continuellement un catalogue exhaustif complet, c’est lourdingue. J’aimerais peut-être moins de compilation et plus de sentiment...

Je ne vais pas au cinéma. J’utilise les livres comme alternative au lexomyl et au stilnox, voyez-vous... Ça remplit les heures difficiles et obscures. Du coup, tous les excellents conseils cinématographiques tombent à l’eau !

PS. Julie (émoji clin d’œil), tu penses que j’ai lu des navets ?

14/11/2024 12:14 par GE13

@nonyme...ne pas lâcher une affaire aussi importante ! Considérer que Marx utilise un mot pour un autre, socialisme pour communisme, alors que sa critique du programme de Gotha porte précisément sur le contenu du "socialisme" proposé par la coalition politique avec les lassaliens...me paraît être dangereux politiquement...surtout aujourd’hui. Les illusions portées par "les socialismes" mis en œuvre (social-démocrates ou socialistes "reels") se concrétisent toujours par le contraire du mouvement vers le communisme ! Ce dernier étant l’exact opposé de la centralisation bureaucratique, du népotisme, du contrôle de tous par un appareil d’État norenforcé...Ce socialisme est un rempart contre...le communisme.

14/11/2024 17:11 par Heiner

Rançon toujours actuelle au stalinisme des années 30, et suivantes, qui a refusé d’expliquer, objectivement, son abandon, et ses conséquences sur les retards économiques de l’URSS, et sa chute finale.

Si la Chine gère une NEP dans l’esprit de Lénine, cela ne signifie pas que la chute de l’Union soviétique soit due à l’abandon de la NEP. L’URSS était dans une situation très différente avant et après la Seconde Guerre mondiale que la Chine après Mao. L’URSS devait se préparer à la guerre de l’impérialisme occidental contre elle. En 1931, Staline a constaté que l’URSS avait 50 ans de retard et qu’elle devait le rattraper en 10 ans. Il y est parvenu grâce à l’économie planifiée, comme on a pu le voir à la fin de la Seconde Guerre mondiale : c’est surtout l’URSS qui a remporté la victoire sur Hitler. L’Occident, où le fascisme est né pour combattre à l’extrême le projet socialiste, n’a donc non seulement pas remporté de victoire contre l’Union soviétique, mais a rendu son potentiel visible aux yeux du monde entier. Cela explique d’ailleurs pourquoi Staline a été diabolisé à l’Ouest par le récit du totalitarisme, avec l’aide des révisionnistes au sein du PCUS .

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont préparé la guerre froide contre les Soviétiques. Au cours des derniers mois de la guerre, les Britanniques avaient déjà démontré la supériorité de l’armée de l’air britannique et, plus généralement, des forces armées américaines en bombardant Dresde et les Etats-Unis en larguant des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Avec la création de l’OTAN en 1949, l’Occident a continué à faire pression sur l’URSS. Un pays qui, en très peu de temps, est passé du statut d’État agricole à celui de grande puissance industrielle et politique, et qui a fait de grands sacrifices pendant la Seconde Guerre mondiale, a donc été contraint, en raison de l’attitude agressive de l’Occident, de continuer à axer son développement économique sur l’industrie lourde et l’armement. Cette politique de « équiper-les à mort » a peut-être joué un rôle dans le déclin de l’Union soviétique.

Cette explication est cependant trop simple. Ainsi, l’historien est-allemand Kurt Gossweiler (1917-2017) remarque dans une critique du livre de Domenico Losurdo « Fuir l’histoire ? » :
« Mais ce que nous avons vécu, c’est que la confusion mentale - ou plus exactement la décomposition révisionniste des partis communistes - a commencé en 1956 et a rendu la défaite possible. »
Selon Gossweiler, la décomposition qui a conduit à la chute est donc venue de l’intérieur, par des révisionnistes de type Cruschtov. Dans le même texte, Gossweiler écrit que « l’ouverture d’une nouvelle guerre [...] n’est en réalité que la continuation de celle commencée avec l’invasion des 14 puissances contre la jeune Union soviétique … qui n’a jamais cessé. ».

La Chine ne s’est jamais retrouvée dans une telle situation durant la seconde moitié du XXe siècle, tout simplement parce que, bien que communiste, elle n’était pas un rival de même rang pour les États-Unis/l’OTAN. Pour les capitalistes occidentaux, la combinaison de leur propre technologie de pointe et de la main-d’œuvre chinoise bon marché semblait donc être une bonne idée. On ne peut guère imaginer un engagement comparable de l’Occident (investissements directs) dans le cas de la URSS. L’incitation à utiliser la main-d’œuvre bon marché des pays moins développés était probablement beaucoup plus grande pour les grands groupes après les Trente Glorieuses (qui n’auraient probablement pas existé sans l’opposition systémique avec l’URSS) qu’entre les deux grandes guerres.

La vision de l’URSS et de Staline est apparemment aussi négative en France qu’en Allemagne de l’Ouest, même dans les milieux de gauche. En tant qu’Allemand de l’Ouest, je n’ai développé une autre vision qu’au contact de socialistes est-allemands (oui, il en existe encore).

14/11/2024 18:54 par Julie

Julie (émoji clin d’œil), tu penses que j’ai lu des navets ?

Toi je ne sais pas, mais moi oui. Faute de guides, quand je trouvais un roman chinois en livre de poche, je l’achetais pour voir. A trois ou quatre exceptions près (dont aucune n’est citée ici) c’étaient des histoires parfaitement réac, mesquines et plates, qui semblaient avoir été écrites sur commande et ne disaient rien de la vie, des espoirs, des rêves, des contradictions ou des rages que peuvent éprouver des humains, et que j’aurais pu partager au-delà des différences d’histoires et de cultures
Je ne sais plus si j’ai lu beaux seins belles fesses ; je crois que oui mais je n’en garde aucun souvenir (ce n’est pas très significatif car je perds la mémoire)

Pourquoi j’ai aimé la dure loi du Karma ? D’abord pour son approche originale de l’histoire de la révolution Chinoise qui n’est pas dépourvue d’humour. Ensuite pour sa truculence (je pensais en le lisant à Rabelais, il dit s’être inspiré du roman de Garcia Marques 100 ans de solitude).
Comme l’a bien expliqué Mao (article ci-dessus), la révolution chinoise ne s’est pas déroulée comme une soirée de gala. La violence, la souffrance n’y ont pas manqué. Les contradictions, les erreurs non plus, qui ont parfois eu de lourdes conséquences pour la population, c’est de ça que parle la dure loi du Karma, du vécu de cette révolution par ceux qui l’ont faite ou qui l’ont subie. Mo Yan, est un véritable écrivain et un véritable chinois. C’est en cela qu’il m’a intéressée. J’ai lu quelques romans d’autres auteurs chinois, pleurnichards comme tu dis, qui m’ont vite ennuyé, même s’ils dénoncent des problèmes réels - ce qui fait leur succès dans nos librairies. Les horreurs décrites par Mo Yan, n’entrainent pas à la pleurnicherie. Plutôt à la prise de conscience qu’effectivement la misère, les contradictions au sein du peuple, le renversement d’un système et l’élaboration d’une société nouvelle, c’est violent et c’est dur.

Pourtant ça ne m’a pas donné envie d’y renoncer.

15/11/2024 10:19 par xiao pignouf

Je ne vois que désastres, violences, égoïsme, malhonnêteté, malversation, course au pognon, solitudes, incommunicabilité, traumatismes, et toutes formes de morts

D’une certaine manière, je pense qu’il est naturel que la littérature contemporaine chinoise se focalise principalement sur l’histoire moderne de la Chine, c’est-à-dire de la période de l’occupation japonaise en passant par la Révolution culturelle jusqu’aux années qui ont précédé et accompagné l’ouverture.

Quatre Générations sous un même toit, de Lao She a été une des plus importantes lectures sur la Chine pour moi, sur cette période difficile mais aussi sur le mode de vie chinois.

Dommage que le ciné ne soit pas ton truc. Sur le même sujet, il y a Les Démons à ma porte, de Jiang Wen.

Lu Xun, auteur austère, réputé dur à lire en chinois, est aussi un regard acéré sur la société chinoise, loin d’être complaisant selon moi.

Beaux seins, belles fesses, de Mo Yan, est un de mes livres favoris. Il n’est pas dénué d’humour. Il n’est pas étonnant que les auteurs de sa génération qui ont vécu la Révolution culturelle soient tous marqués par elle. Je conseille aussi, comme je les ai lus, ces autres oeuvres de Mo Yan :

La Mélopée de l’ail paradisiaque
Le Pays de l’alcool
Le Maître a de plus en plus d’humour
Le Supplice du santal
Le Clan du sorgho
Les Treize pas
La Joie

Autres suggestions :

24 heures dans la Chine ancienne, de Yijie Zhuang
Le superbe Notre Histoire de Rao Pingru
Nouilles Chinoises de Ma Jian

Un des tous premiers ouvrages que j’ai lus sur la Chine, ce sont les Essais sur la Chine de Simon Leys, grand sinologue belge qui se trouvait en Chine au moment de la Révolution culturelle. Ce recueil comprend le fameux Les Habits neufs du président Mao.

Il est clair que la nouvelle génération d’auteurs, comme Liu Cixin, s’éloignera de ces sujets. Il suffit d’y être attentif.

15/11/2024 10:24 par CN46400

@Heiner
Tout d’abord, l’objet de cet exellent article de B Guigue n’est pas de faire, à la lumière des résultats chinois, le procès de la chute de L’URSS. Mais c’est tentant, surtout parce que cela permet de dépasser les idées dominantes, actuelles, sur le sujet. A savoir, la trahison des élites du PCUS.
Certes, comparer l’URSS de Staline à la Chine de Deng Xiao Ping oblige à introduire pas mal de subjectivité. Pourtant je pense que c’est possible et porteur pour l’avenir du communisme. BG parle de plusieurs socialismes adaptés, à la fois, à chaque capitalisme révolutionné et à chaque révolution.
En 1920 les 200 millions de soviétiques ne pouvait pas monayer, et perfectionner, leur force de travail comme l’ont fait les 1400 millions de chinois à partir de 1980, c’est vrai. Mais Lénine ne propose pas cela, il propose de négocier avec les capitalistes occidentaux des accords mutuellement avantageux, le capital raffole du profit, pour capter un max de savoirs, de méthodes (Taylorisme...), pour hisser l’URSS au top de la productivité. Personne, alors, ne s’oppose à Lénine mais nombreux sont ceux qui, en silence, doutent, sauf, apparemment, Trotski et Boukharine.
Pourtant, c’est eux, les silencieux, qui vont finir par rayer subrepticement la NEP des programmes gouvernementaux et à adosser à toutes les entreprises des plans quinquennaux un volant de trois ou quatre millions de travailleurs forcés, récalcitrants au volontarisme qu’on voulait substituer à des salaires incapables de couvrir les produits manufacturés introuvables dans le pays, 70 années durant, ailleurs que dans les magasins nomenclaturistes.
La critique des pénuries était, alors, inconvenante, mais n’est-il pas venu le temps d’en mesurer la justesse quand on constate l’évolution du niveau de vie des prolos chinois ? Pour moi, l’URSS n’est donc pas tombée sur une trahison, mais sur les pénuries qui ont coupé les pattes aux communistes sincères et au PCUS tout entier. Les prolos ne soutiennent la Révolution que si celle-ci améliore, constamment, leur niveau de vie....

15/11/2024 14:46 par Julie

A Assim,

ma seule alternative ça va être de me joindre à un voyage organisé classique...

Je rêve d’aller y faire un tour moi aussi, mais je n’ai plus 20 ans et ne suis plus très alerte. Même en voyage organisé, je crains de ne pas être à la hauteur de la situation si je suis isolée.
Si tu tentes la chose, ton expérience m’intéresserait beaucoup :
 âge moyen des participants
 proportion de vieux (80 ans et plus)
 solidarité des participants, notamment des plus jeunes avec les vieux, forcément emmerdants (fatigués, sourds, marchant difficilement, sujets à des malaises, etc.)
 intérêt du voyage et des visites pour ceux qui ne parlent pas un mot de chinois, et qui n’apprennent plus très vite
etc.

Tiens nous au courant...

15/11/2024 14:47 par Anonyme

Difficile d’imaginer la vie d’avant la Révolution.

15/11/2024 15:03 par Anonyme

Serf, génération après génération, pour une dette impossible à rembourser.
Là, on ne parle pas encore de répartition inégale des produits, d’extorsion d’un surproduit.
Ce n’était pas la condition de tous les paysans chinois.
Tous ne portaient pas de fers ou de carcans.
Mais dans tous les cas, leur labeur n’était pas cher payé.

Brûler ces titres de propriété, ces contrats, ne peut pas résoudre toutes les difficultés du jour au lendemain, mais cela a dû être un moment magnifique. Un Grand Soir.

15/11/2024 18:36 par CAZA

HéHé
je ne regretterais jamais assez d’ avoir perdu mon temps à lire Zola ou Hugo ou Maupassant ou Anatole France etc etc , beurk même Céline .
L’ obsédé sexuel qui n’ a jamais sommeillé en moi aurait aimé du temps de ses vertes et dures années connaitre :
<<< Beaux seins, belles fesses, en littérature ( bon modestement dans la réalité j’en ai pas mal palpées et sucées) .
Sans oublier :
La Mélopée de l’ail paradisiaque
Le Pays de l’alcool.

Annwn publie des choses sur les bourses ( c’ est le nom ) :
<<< Les turbulences sur le marché boursier .
Et sur le panier de devises ?
<<< grâce à la City de Londres, Pékin est sur le point de réaliser la mondialisation du yuan sur une échelle sans précédent

Bref ce Annwn n’ y connait rien en littérature chinoise et ne s’ intéresse qu’ au pognon .
<<< ce qui confirme bien que Wall Street n’est en fait qu’une succursale de la City et l’a toujours été »

16/11/2024 01:24 par sixiangjiaoyu

A titre de curiosité, je signale que le titre du chapitre de Yan Yilong cité à la note 33 est 骑在资本头上的社会主义
c’est à dire quelque chose comme « le socialisme avance juché sur la tête du capital »
Le titre anglais que donne David Ownby sur son site Reading the China dream est « Socialism Riding Herd on Capital »
Il s’agit visiblement d’un jeu de mots sur une expression anglaise qui signifie « garder sous un contrôle strict »
To ride herd of ne signifie pas « chevaucher le troupeau », expression dont le sens français me paraît obscur.
La traduction anglaise est, je crois, ingénieuse. Le caractère 骑 signifie en effet « chevaucher ». On l’utilise par exemple pour dire « faire du vélo »
Le site de David Ownby est remarquable. Les lecteurs curieux y trouveront aussi l’article de Jiang Shigong « Philosophie et histoire » qui contient des passages absolument intéressants sur l’écriture de l’histoire et la manière de réviser les périodisations historiques.

16/11/2024 06:51 par cunégonde godot

Le capitalisme – propriété privée des moyens de production – est le système économique de la Chine contemporaine, avec organisation politique de type socialiste cornaqué par un parti unique dit communiste pour qui la Chine c’est la Chine d’abord.
Les Chinois en tant que peuple-nation savent (encore) d’où ils viennent et donc où ils vont.

Le contraire des Français, p.ex. – essentiellement leur bourgeoisie et petite-bourgeoisie de "gauche” comme de "droite" – qui ont décidé de "déconstruire" leur propre histoire, renoncé à leur appartenance culturelle, leurs mœurs, leur nation, bref à tout ce qui fait (réellement) sens et constitue un peuple...

16/11/2024 08:46 par Julie

A Casa,

Moi j’aime aussi la littérature française et pas seulement la littérature. Je suis pour la francisation de la révolution socialiste (au sens de Marx) en France et plus largement si possible son européisation en Europe avec toutes les contradictions entre les peuples que ça risque d’engendrer (elles seront le moteur de notre commune histoire future). Ça n’empêche pas d’apprécier la littérature des autres, ni de s’inspirer de leur expérience.

16/11/2024 09:27 par Heiner

@CN46400
En ce qui concerne l’objet et la qualité de l’article de Bruno Guigue, je suis d’accord. C’est pourquoi, plutôt que de poursuivre notre petite controverse, je vais faire traduire et publier le texte en allemand.

16/11/2024 15:28 par Assimbonanga

Dommage que le ciné ne soit pas ton truc, me dis-tu, @Xiao. Aïe, aïe, aïe ! Tu peux pas t’en empêcher ? Faut que tu poses un jugement sur tes interlocuteurs, c’est plus fort que toi. Je comprends que tu mettes tout le monde en colère contre toi régulièrement.
C’est pas que c’est pas mon truc, c’est que c’est pas commode dans mon cadre de vie. C’est pourtant pas faute de l’évoquer de temps à autre. Tu sais que je suis la rurale de l’équipe ?

@Julie, c’est marrant, je te vois jeune, vive et alerte, surtout avec ton pimpant prénom. Pour Mon Voyage en Chine, c’est pas fait !!! Je me tâte tellement que je finirai par être vraiment vieille quand j’irai. Même remplir le formulaire numérique pour obtenir un passeport me pose problème. Je procrastine. En plus de ça, partout où on l’on va si on n’est pas alerte avec son téléphone portable, on est un ringard. Il faut avoir tous ses dossiers sur cet outil facile à perdre, à être volé ou endommagé.

J’ai conscience de signer mon certificat de ringardise par cette série d’aveux. Pourtant, je n’offre nullement l’aspect d’une vieille paysanne avec un tablier et les cheveux courts courts sur la nuque, bien au contraire. Qu’on ne se trompe pas avec des préjugés, surtout toi, camarade Xiao. On est chacun un mélange de progrès et de résistances, de fulgurances et de ralentis, de laideurs et de séduction.

16/11/2024 17:07 par CN46400

@ Cunégonde,
"Le capitalisme – propriété privée des moyens de production – est le système économique de la Chine " Et quand, comme dans l’agriculture, la terre est étatisée alors que les exploitants sont privés ? Et Jack Ma, propriétaire de Alibaba, sanctionné pour avoir voulu faire, aussi, de la finance....
Moins simple qu’il n’y paraît, n’est-ce pas ?

17/11/2024 06:24 par cunégonde godot

@ Cunégonde,
"Le capitalisme – propriété privée des moyens de production – est le système économique de la Chine " Et quand, comme dans l’agriculture, la terre est étatisée alors que les exploitants sont privés ? Et Jack Ma, propriétaire de Alibaba, sanctionné pour avoir voulu faire, aussi, de la finance....
Moins simple qu’il n’y paraît, n’est-ce pas ?

La terre propriété d’État des moyens de production agricole est louée en fermage à des exploitants privés qui dégagent la plus-value et leur profit.
C’est du capitalisme, dirigé et contrôlé, mais du capitalisme. Sanctionné ou non, Jack Ma est un capitaliste.

Le capitalisme stricto sensu est le seul système économique complètement efficace : l’irrésistible appât du gain fait sens en dehors de toute morale, morale (idéologie) dont a forcément besoin le socialisme pour légitimer l’exploitation de l’homme par l’homme. En Chine comme ailleurs.
Jack Ma a été sanctionné, à juste titre, au nom de la morale socialiste, car patente reste sa réussite... capitaliste. L’homme chinois comme tout autre travaille pour l’argent, et... sans nul doute avec moins de conviction au nom d’une morale fût-elle socialiste. C’est... humain. Pure morale le dévouement du bénévole dont le travail est gratuit – un bénévolat qui dans nos contrées semblerait se tarir (enfin une bonne nouvelle)...

17/11/2024 07:37 par BRUNO GUIGUE

Parmi les livres consacrés à la Chine contemporaine, celui de Simon Leys, "Les habits neufs du président Mao" détient le record absolu de la promotion publicitaire dans le monde académique et médiatique francophone. Sans aller jusqu’à le traiter d’"escroc" et de "faussaire", comme le fait Cécile Winter, on peut tout de même se poser quelques questions.

Je livre ici à titre de contribution au débat un extrait de mon livre à paraître prochainement chez Delga, "L’Odyssée chinoise, de Mao Zedong à Xi Jinping" :

"Pour l’historiographie dominante en Occident, c’est la légende noire qui domine : despote sanguinaire, Mao Zedong aurait ruiné la Chine sur l’autel de ses utopies mortifères. Dans le monde académique et médiatique, le choix des sources traduit volontiers un tel parti pris. Porté aux nues par les médias français, un auteur anticommuniste comme Simon Leys, par exemple, est désigné comme « le seul intellectuel occidental » qui aurait conservé sa « lucidité » devant les « horreurs » du maoïsme : ne présente-t-il pas Mao sous les traits d’un tyran bouffi d’orgueil entraînant son pays dans l’abîme ? Un auteur chinois comme Mobo Gao, en revanche, est copieusement ignoré : dans ses travaux, n’a-t-il pas le tort de considérer la période maoïste du point de vue des ouvriers et des paysans ? Selon lui, la période 1949-1976 a apporté un mieux-être collectif et diffusé des valeurs égalitaires, amélioré la santé publique et vaincu l’analphabétisme. Alors qui faut-il croire ? L’intellectuel belge qui a commenté la Révolution culturelle depuis sa chambre d’hôtel de Hong Kong, ou l’intellectuel chinois, fils de petits agriculteurs du Jiangxi, qui a vécu cette période dans son village natal ? S’il faut dresser le bilan de la période maoïste, c’est sur la base de ce que le peuple chinois a vécu, et non selon les humeurs variables de l’intelligentsia occidentale. Peu importe que Simon Leys exhale sa haine viscérale du communisme, mais qu’il ignore de A à Z les réalités dont Mobo Gao a fait l’expérience concrète disqualifie son jugement."

17/11/2024 07:54 par BRUNO GUIGUE

sixiangjiaoyu et LGS

Merci pour votre remarque, pertinente comme toujours. Suite à votre proposition de traduction, je suggère donc à LGS de modifier comme suit le titre de l’article cité à la Note N°33 : "Le socialisme avance juché sur la tête du capital"

17/11/2024 08:51 par Jclaude

L’argent est un moyen de paiement, PAS une richesse. A partir de là, osons le crier TRÈS fort : le capitalisme n’est qu’une aberration. Certes la terre est un capital, mais pour faire fructifier cette terre en en faire bénéficier tout le monde, il faut travailler dur. Un banquier travaille-t-il la terre ? NON. Le créateur de richesse est le paysan qui touche à la terre, l’ouvrier qui extrait les minerais ou les transforme, l’artisan qui les valorise de son art. On ajoutera celles et ceux qui valorisent les enfants, car cela aussi est indispensable. Les autres sont des inutiles, des parasites.

17/11/2024 09:03 par CN46400

@Cunégonde,
Apparemment, la terre revient gratuitement aux paysans, encore faut-il, sans doute, que la production soit réelle. Reste que Lénine en avril 1918 (six mois après octobre) définit le capitalisme d’état comme la domination de l’état sur le capital (inverse donc du capitalisme classique) et ajoute que "le capitalisme d’état serait un immense progrès pour la Russie"...

17/11/2024 09:05 par xiao pignouf

Tu peux pas t’en empêcher ? Faut que tu poses un jugement sur tes interlocuteurs, c’est plus fort que toi

Faut se calmer, Assim, dire à quelqu’un « c’est dommage que... », il n’y a rien de plus innocent.

Si je t’invite chez moi, que tu déclines l’invitation et que je te dis : « c’est dommage que tu ne puisses pas venir », c’est porter un jugement ?

Non, c’est exprimer un sentiment. De la déception. Ici, parce que je me suis cassé le cul à te fournir une liste, exprès pour toi. Par deux fois en plus ! Et c’est comme ça que tu me dis merci. En croyant que je porte un jugement de valeur. Je te donne un dernier exemple : tu prépares une surprise pour ton amie qui doit venir, mais pour une raison indépendante de sa volonté, elle n’arrive pas comme prévu et ta surprise tombe à l’eau. Tu es déçue, non ? Pas contre elle personnellement, contre les circonstances, non ? Ben là, c’est pareil !

Il y a une tendance dorénavant à me sauter dessus au moindre prétexte. Heureusement que ça ne coûte rien.

17/11/2024 09:12 par Julie

à Bruno Guigue,

Peut-on trouver en librairie des traductions en français (je suis assez mauvaise en langues étrangères, anglais compris) de Momo Gao ? De préférence en livre de poche, mais je peux faire une exception.

Merci en tous cas pour votre excellent article.

17/11/2024 09:24 par xiao pignouf

Bruno Guigue,

Vous faites bien de préciser, en effet. Leys est un auteur à prendre avec des pincettes de 3 mètres comme dirait l’autre.

J’ai lu des tas de merdes bien pire sur Mao. Notamment, celle-là.

Je m’en suis sorti.

17/11/2024 09:43 par Suzanne

Non, Assim, tu n’es pas LA rurale de l’équipe :-) Et moi non plus je ne vais jamais au cinéma, je ne leur ai pas encore pardonné le pass sanitaire. De toute façon les beaux films chinois, tu ne les verras jamais au cinéma. Cela ne m’empêche pas de les regarder, ces films (légalement). Et mon ordi est vieux comme Mathusalem.

Pour M. Guigue, merci des compléments apportés. Pour ma part, j’en ai plus qu’assez des valeurs morales qu’on nous ressasse quand on nous décrit les révolutions, actions violentes, dures, sauvages par nature, alors que tout peut se penser à l’aune des ressources naturelles (lire "the race for what is left", de Michael Klare). A force d’enlever à tout le monde le pouvoir de se défendre, on va de plus en plus ressembler à un troupeau. Oui, c’est moche, les révolutions, oui, c’est horrible, mais c’est à travers de ces zones d’ombre que sont brutalement cassés les ressorts qui mettent le peuple au service des autres classes, classes qui ne culpabilisent pas une seule seconde, quand encore ils sont au courant de ce qui se passe. Je sais, on finit par se dire qu’on n’a plus que le choix entre un monde ultra autoritaire et un monde ultra mafieux. Mais je suis persuadée qu’on finira pas trouver un chemin.

17/11/2024 09:48 par Julie

Pour l’historiographie dominante en Occident, c’est la légende noire qui domine : despote sanguinaire, Mao Zedong aurait ruiné la Chine sur l’autel de ses utopies mortifères.

Compte tenu de mon âge, j’ai eu la chance de pouvoir fréquenter la librairie, aujourd’hui hélas disparue, la Joie de lire, d’un certain François Maspéro, éditeur de tout ce qu’on ne trouvait pas ailleurs, Trotskiste notoire, de sorte que j’ai une tout autre image de Mao, de la révolution chinoise et de la Chine Communiste que celle que vous décrivez. Je trouve que Maspéro mérite bien un petit hommage face à toutes les inepties qu’on lit dans les commentaires du GS au sujet des trotskistes : personne n’est parfait, ni Mao, ni Trotsky ne le sont, mais en dépit des controverses qui les concernent, ils ont, l’un et l’autre, apporté beaucoup à la pensée révolutionnaire et méritent d’être lus et mieux connus. Je les trouve pour ma part, l’un et l’autre, plus intéressants que le petit père des peuples.

17/11/2024 10:28 par Assimbonanga

Maints tyrans du passé se sont brûlé les doigts sur cet être apparemment si humble , si docile, sans soupçonner qu’il était capable de rébellion . Trop chatouillé à la "face" , il se redresse. D’autant plus qu’il est persuadé que, sans se mesurer avec le Fils du Ciel , il reçoit, comme tout un chacun, sa part de mandat du Ciel. Oui, vivant à ras de terre, il n’oublie pas que la vie ici bas est prise dans la transformation universelle, comme il est écrit dans le Livre des mutations dont il connaît quelques sentences. Seulement, il n’éprouve pas le besoin de lever la tête trop haut, de scruter trop loin, de se perdre dans les nuages ou de sauter à pieds joints dans l’inconnu. Par le tonnerre qui monte, par le vent qui souffle, par la brume qui se répand, par la pluie qui retombe, par la pleine lune qui ramasse en son sein tous les morceaux dispersés, n’est-il pas en communion avec l’au-delà ? Donc terrien il est, terrien il reste. Il ne doute pas que le limon jaune du sol et sa propre chair participent de la même substance , que son destin dépend de la terre et qu’inversement celui de la terre dépend de lui. C’est grâce à lui, chaînon indispensable , que la terre se transformera. Et, avec la transformation de la terre, lui et sa descendance seront transformés à leur tour. En quoi ? Il l’ignore, mais il fait confiance. En attendant, il a le souci de bien terminer son mandat. Et si l’on cherche à le faucher avant terme, il se révoltera et passera à la violence. S’il est pris et condamné à mort, il fera front. A l’instant suprême, il saura se montrer digne, jusqu’au bout conserver la face ! Puisque le destin le veut, il accepte de s’abandonner à l’ivresse du Grand Retour.

Providentiellement, j’avais gardé pour la fin le roman de François Cheng, Le dit de Tian-Yi. Je n’en suis qu’au début et cela semble paisible. Jusque là tout va bien ! Le texte que j’ai tapé de mes doigts ci-dessus me semble assez bien correspondre à la photo envoyée par Anonyme du 15/11/2024 à 15:03.
Il s’agirait d’un texte émanant d’un authentique Chinois mais retranscrit et remanié par François Cheng, de l’académie française.
Je ne sais donc pas le degré de fidélité à la réalité et de transformation pour complaire à l’imagerie dominante...

17/11/2024 11:14 par sixiangjiaoyu

Bonjour Bruno Guigue,

Je comprends que vous vouliez transmettre une vision plus nuancée de la Révolution Culturelle.
Mais je trouve que votre opposition Simon Leys - Mobo Gao est problématique.
Suggérer que le point de vue de Leys est celui de “l’étranger anticommuniste” et que Gao représente la vision du “peuple chinois” peut conduire à des confusions.
La position que Leys a développée depuis son hôtel à Hong Kong n’est en fait pas éloignée de celle que le parti a finalement adoptée concernant les 10 années de la Révolution Culturelle et que vous reprenez d’ailleurs dans votre essai.
Comme cela a été affirmé dans la résolution de 1981 que vous citez et répété d’innombrables fois par la suite :实践证明,“文化大革命”不是也不可能是任何意义上的革命或社会进步(sic)
« La pratique démontre que la Grande Révolution Culturelle n’est pas et ne peut être considérée d’aucun point de vue comme un progrès social ou révolutionnaire ».
La question n’est donc pas Leys ou Gao mais Gao et le consensus politique actuel en Chine, non pas comment Gao remet en cause le point de vue étranger sur la Chine mais comment ce qu’il apporte nuance l’évaluation officielle qui est faite de cette période par les Chinois.
Le livre de Gao est disponible en traduction française chez Delga.

17/11/2024 12:28 par Bruno Guigue

Julie, xiaopignouf

Simon Leys est plus que suspect, mais cela ne m’empêche pas de le lire, moi non plus. Cet auteur est beaucoup plus intéressant quand il traduit et commente Confucius, sans doute parce que c’est davantage son domaine que la politique dont il s’est mêlé par hasard pour tromper son ennui à Hong Kong en 1966.
Pour ce qui est des biographies de Mao, celle de Jung Chang et de son époux britannique est un monument de propagande. Même Alain Roux, pourtant peu enthousiaste à l’égard du Grand Timonier, consacre deux pages, dans la préface de sa propre biographie de Mao, à énumérer les âneries les plus caractéristiques de ce pavé. Tout compte fait, à ma connaissance, la moins mauvaise des biographies de Mao en langue française reste celle d’Alain Roux,d’ailleurs inspirée par celle de Philip Short. Pour les écrits de Mobo Gao, "Batailles pour la Chine " est chez Delga (2020) et "La fabrication de la Chine" aux Éditions critiques (2009).

17/11/2024 13:15 par Julie

A propos de François Cheng,

J’ai beaucoup aimé le premier roman que j’ai lu de lui, un roman clairement autobiographique, et probablement peu romancé (dont j’ai hélas oublié le titre - peut-être Le Dit de Tianyi), qui concernait sa vie en Chine.
Né le 30 août 1929 à Nanchang (province du Jiangxi, Chine), il est arrivé en France avec ses parents en 1948 et a été naturalisé français en 1971 (source : Wikipedia)
Je me suis sentie très proche de ce chinois-là et toute étonnée de ressentir une telle proximité avec un lettré chinois. Il était certainement déjà lettré en français aussi quand il l’a écrit, car le livre est très bien écrit.
Le dernier livre que j’ai lu de lui, dans lequel il philosophe sur la mort, est très cool et te plaira peut être, quant à moi je trouve qu’il sombre dans un mysticisme de bon ton, un peu facile. Sa sincérité ne fait aucun doute, mais il me semble davantage guidé, avec l’âge et le succès, par le soucis d’assoir le personnage qui a plu à ses lecteurs français et ce personnage justement me plait moins.

17/11/2024 13:18 par CN46400

@B Guigue,
On ne peut être crédible si on ne répond pas aux critiques anticommuniste courantes. Nous ne sommes plus au 19° siècle, ni au début du 20°.
Pourquoi l’URSS de Staline, et la Chine de Mao, ont eu, largement, recours au travail forcé qui est l’exact antithèse du communisme marxiste, travail grossier, rendement mini, déchets et pertes maxi ?
En fait la conscience de classe des prolos soviétiques ne s’est pas spontanément généralisée à partir d’Octobre. Une partie de ces travailleurs a continué de penser que "tout travail mérite salaire", et un salaire doit être capable de satisfaire le mieux possible les besoins de consommation des prolos.
Hors, la pensée stalinienne, qui faisait florès à l’époque, c’était l’industrie lourde d’abord, le reste après, donc, entre autres, les produits manufacturés qui font aussi la vie des prolos. A quoi bon travailler dur si le salaire ne permet pas de satisfaire des besoins matériels sommaires frappés de pénuries omniprésentes 70 années durant ? Surtout que certains travailleurs, au nom de "la construction du socialisme" acceptaient ces restrictions, justifiant, du même coup, les contreintes sur les moins motivés.
J’ai été en URSS en 75 et 85 et chaque fois j’ai constaté le phénomène. Cadeau à notre interprète= une paire de bas nylon (sic) ; impossibilité de trouver une paire de chaussures souple pour une femme du groupe ampoulée etc... L’URSS a vendu des Ladas en Occident. Avant de les livrer, il fallait les vérifier en profondeur à Molsheim (Alsace) pour débusquer les nombreuses malfaçons....Imaginons si la Chine actuelle devait adopter ce genre de procédure pour exporter tout ce qu’elle vend en Occident !
La solution pourtant existait, je la lit dans les OCs de Lénine (tomes 27,36,42, 32,35,33,45) où sont, épars, les articles sur la NEP.....

17/11/2024 13:52 par Anonymouse

> J’ai lu des tas de merdes bien pire sur Mao. Notamment, celle-là.

Bien vu...

Historiens et chroniqueurs, écrivains, éditeurs de livres ont lentement transformé l’histoire de 20 millions de Chinois morts de faim entre 1959 et 1961 en 20 millions de morts « sous Mao », puis 20 millions « tués par Mao », un nombre qui est passé de 20 millions à 30, à 40, 50. Aujourd’hui, une grande partie de la société occidentale pense que Mao a « tué » 80 millions de Chinois. Son propre peuple.

Le récit occidental prétends que Mao effrayait tous ses adjoints qui ont rapporté des récoltes de céréales entièrement fictives pour éviter les conséquences possibles, ce qui a conduit Mao Zedong à distribuer de manière inconsidérée la nourriture et finalement, il doit porter la responsabilité totale des innombrables décès.
C’est une bonne histoire, mais comme la plupart des histoires d’origine occidentale, c’est un mensonge.

En discutant des causes, les chroniqueurs occidentaux se concentrent à l’unanimité sur Mao Zedong pour le condamner, mais ils ne mentionnent qu’avec insouciance une série de catastrophes naturelles, nombreux typhons majeurs, pluies torrentielles persistantes.

Ces catastrophes naturelles, les inondations, les typhons, les insectes, n’ont pas provoqué de famine. Ils ont simplement causé des pénuries alimentaires.
De même, la prétendue mauvaise gestion de Mao a peut-être (et peut-être pas) aggravé les pénuries alimentaires, mais cela n’a pas non plus provoqué de famine.

Alors, pourquoi Mao n’est-il pas allé au marché quand il a découvert qu’il y avait une pénurie de nourriture dans la cuisine ?
La réponse est qu’il est allé au marché, mais le marché était fermé.
Il a été fermé parce que les banquiers, en raison de leur influence sur l’ONU nouvellement créée et de leur contrôle sur le Gouvernement américain, ont orchestré un embargo alimentaire mondial contre la Chine.

Ainsi, le monde occidental, le Canada, l’Australie, les États-Unis et l’Europe, qui disposaient tous d’énormes stocks de surplus alimentaires, sont restés assis pendant trois ans à regarder 20 millions de Chinois mourir lentement de faim.

L’embargo alimentaire contre la Chine s’est poursuivi jusqu’en 1972, avec une première phase lancée en représailles à l’implication de la Chine dans la guerre de Corée. Il est ouvertement admis que le but de cette « guerre humanitaire » était de provoquer la désintégration de la Chine et de vouloir la diviser.

17/11/2024 17:35 par Anonyme

sixiangjiaoyu

Ce n’est pas moi qui oppose Simon Leys et Mobo Gao : ils s’opposent par le contenu contradictoire des appréciations politiques qu’ils portent sur le même événement. Je constate avec regret que celui qui vivait à la ferme dans le Jiangxi est ignoré des médias francophones, tandis que celui vivait à l’hôtel dans une colonie britannique est porté aux nues. Vous dites que le jugement porté par Leys est le même que celui que porte le CC dans sa résolution de juillet 1981. Certainement pas ! Celui du CC sur Mao est tout en nuances, tandis que celui de de Simon Leys est particulièrement haineux. les écrits suivants de cet imposteur, d’ailleurs, ne cesseront de prophétiser la chute inévitable de l’abominable régime totalitaire chinois. Avec la clairvoyance que l’on sait. Il faut oublier Leys, comme il faut oublier Orwell, Aredt et Cie.

18/11/2024 08:15 par xiao pignouf

Je vais quand même essayer de nuancer sur Leys.

Si le récit qu’il fait de la Chine, en tout cas dans toute sa part critique, n’a pas eu d’impact profond et durable sur ma perception personnelle de ce pays, c’est parce que je l’ai lu pendant les premiers mois de ma vie là-bas. Pour bien d’autres raisons, j’ai pu avoir des idées fausses sur ce pays et son histoire, mais je les ai corrigées empiriquement.

Quand je suis arrivé en Chine en 2005, mes connaissances sur ce pays étaient nulles et ma vision confusément négative, en raison de ce qui en était dit à l’époque dans les médias, notamment sur le Tibet ou sur les évènements de Tian An Men dont j’avais un vague souvenir, mais ça n’était pas du tout présent dans mon esprit, en tout cas très loin derrière l’excitation du voyage. Je n’étais pas prédestiné à y aller. Au contraire, c’était le fruit du hasard. Globalement, je suis arrivé en Chine avec l’esprit neutre. Et je me souviens des premières minutes de mon arrivée en bus à Shanghai, après quatre années sur une île perdue du Pacifique et une année dans la campagne de Haute-Garonne : l’impression d’être au milieu d’une fourmilière géante.

C’est un ami et collègue belgo-chinois qui m’a prêté les Essais sur la Chine de Simon Leys. Ce bouquin, ce sont les premiers pas sérieux que je faisais dans le récit politico-historique de la Chine communiste et particulièrement la Révolution culturelle. Je me souviens d’un livre passionnant que je n’ai pas quitté avant d’arriver à la fin.

Est-ce qu’il m’a donné une vision négative de la gouvernance chinoise ? Non, pas particulièrement. La révolution n’est pas un dîner de gala, dixit Monsieur Mao, et j’avais depuis longtemps abandonné toute idée romantique sur la question. La révolution culturelle n’a pas été davantage une promenade de santé, bien au contraire. Elle a traîné son lot de cruautés et d’injustices et il n’y a pas que Simon Leys qui l’a dit. Quand on commence à connaître intimement des Chinois, un peu à l’écart des cercles du Parti, ce qui n’est pas une mince affaire tant il est présent dans presque chaque famille, derrière les réticences à parler politique accrues par la barrière de la langue, on finit par comprendre que parmi ceux qui avaient 20 ans au moment de la Révolution culturelle, peu en ont la nostalgie .

La question est de savoir si on peut tout mettre sur le dos d’un seul homme.

Non, bien sûr. S’il a probablement fait des erreurs, on ne peut ignorer les circonstances dans lesquelles elles se sont produites, au premier rang desquelles l’état structurel de la Chine après un siècle de domination étrangère, d’occupation japonaise et de luttes fratricides, et les volontés extérieures à maintenir la Chine dans un état de faiblesse et de dépendance visant à provoquer l’échec du projet communiste. Leys, qui a été témoin de ce séisme historique du landerneau confortable de la colonie britannique, ne pouvait qu’avoir une vision biaisée et parcellaire, mais tout n’est pas à jeter dans le récit qu’il en fait. Le seul vrai problème le concernant aujourd’hui est l’instrumentalisation de son oeuvre dans la propagande ayant cours en Occident.

Comme un mao (centime chinois), le Grand Timonier a pour toujours deux faces. L’une sombre, résumée par l’épisode traumatisant de la Révolution culturelle (dont on trouve une multitude de traces dans la production littéraire chinoise) et l’autre éclatante, celle d’être l’artisan de la renaissance chinoise sans qui elle aurait aujourd’hui un tout autre visage.

Pour conclure, je dirai qu’il faut aussi se garder de prendre pour argent comptant les opinions de personnes dont l’histoire familiale est liée à l’exil de Chine et qui se sont, de fait, construits très certainement dans l’anti-communisme.

18/11/2024 10:50 par Julie

à anonyme, 17/11/2024 à 17:35

il faut oublier Orwell, Arendt et Cie.

Je ne sais pas qui est Cie, mais pour Orwell et Arendt, je ne suis pas d’accord : ils nous ont laissé des témoignages irremplaçables l’un sur la guerre d’Espagne, l’autre sur le procès d’Eichmann. Que ces témoignages déplaisent à certains, n’enlève rien à leur pertinence, quels que soient les désaccords que l’on peut avoir par ailleurs avec leurs convictions personnelles.

18/11/2024 14:30 par Anonyme

@xiao,
Bien sûr qu’il faut dire ce qui choque en bien comme en mal, mais le mécanisme qui conduit aux décisions doit lui aussi être interrogé. Par exemple s’insurger contre le travail forcé en URSS comme en Chine est normal, mais fermer les yeux sur le mécanisme politique qui a conduit à cette situation est intolérable. Hors que font les anticommunistes ? sinon utiliser ces faits contre les communistes sans faire un seul pas de plus, ne serait-ce pour critiquer cette situation.
Après le 20° congrès on entendit des explications comme : "les soviéts ont traité la barbarie par la barbarie". Raisonnement spécieux mais légèrement crédible. Maintenant on peut voir un manifestant qui arrête une colonne de char à Pékin, tout en entendant une voix qui parle des massacres de Tien An Men....

18/11/2024 14:32 par Assimbonanga

Je parasite quelque peu l’article de Bruno Guigue et j’en suis un peu confuse. Néanmoins, on reste globalement dans le thème : la Chine, ses idéaux versus ses sordides réalités.
Moi, j’aimerais éventuellement repartir sur un nouveau cycle de lectures chinoises mais des romans écrits après 2000, des récits sur les jeunes, des expériences enthousiasmantes. Des récits sur la vie quotidienne contemporaine . Qu’est-ce qui peut bien susciter l’enthousiasme de la jeunesse ? Quelles sont les aventures chez la jeunesse ?

Dans un paysage dévasté par l’immobilier , l’agriculture a dû bien changer. Tout ce à quoi s’accrochait le Chinois de François Cheng a forcément disparu. L’âme du moine et du bandit, qu’en reste-t-il ? Les quartiers aussi ont été rasés pour faire place au modernisme. Je crains que ça n’engendre encore beaucoup de traumatismes et de gens deboussolés.
Les gens heureux n’ont pas d’histoire mais les drames sont féconds pour la littérature si bien que le romancier chinois a du pain sur la planche pour dégoter des scenarios, ça doit pas manquer mais je rêve quand même de belles histoires, individuelles ou collectives ! Je ne peux pas me contenter d’attendre la sortie du prochain polar de Qiu Xiaolong qui m’a profondément déçue avec Amour meurtre et pandémie (2022) !! C’était d’un convenu ! Conforme à la ligne du parti... étasunien.

18/11/2024 15:10 par Assimbonanga

Le coup fatal ! Regardez ce reportage d’Arnaud Miguet, envoyé spécial de France 2 en Chine :
Chine : quand les animaux de compagnie prennent la place des enfants Durée 3:54
Vous ne vous en remettrez pas ! On tombe de l’armoire.
(Je ne crois pas que ce soit un fake fabriqué par chatgpt !!! ;-) C’est du vrai de vrai.

18/11/2024 17:35 par SHAO Liang

@ Anonyme

En discutant des causes, les chroniqueurs occidentaux se concentrent à l’unanimité sur Mao Zedong pour le condamner, mais ils ne mentionnent qu’avec insouciance une série de catastrophes naturelles, nombreux typhons majeurs, pluies torrentielles persistantes.

Les chroniqueurs non, mais la CIA en parlait. Parmi les rapports declassifiés de CIA, dans celui de l’année 1962, "Prospects For Communist China" ( https://www.cia.gov/readingroom/docs/DOC_0001098211.pdf ), on peut lire :

" 7. Le silence presque complet de Peiping sur les résultats économiques de 1960 et 1961 et sur les projets pour 1961 et 1962 obscurcit les causes et l’ampleur de ce renversement. Il est clair que les plans trop ambitieux que les dirigeants de Peiping se sont obstinés à mettre en oeuvre ont perturbé la planification économique et la production, surchargé les installations et l’équipement et démoralisé la population. En outre, au milieu de l’année 1960, l’épuisement des réserves de céréales et autres, une crise de la balance des paiements et le retrait soudain de la plupart des techniciens soviétiques ont gravement perturbé le programme industriel. En outre, des conditions météorologiques défavorables, des programmes mal conçus et une mauvaise gestion ont entraîné trois années successives (1959-1961) de mauvaises récoltes.

8. En 1961, la production agricole chinoise était probablement inférieure à celle de l’année « normale » 1957, alors que la population avait augmenté d’environ 60 millions d’habitants. Il en est résulté une faim et une malnutrition généralisées. L’amélioration des moyens de transport et le contrôle plus efficace mis en place par le régime au cours des dix dernières années ont permis de répartir les souffrances de sorte que, bien que tout le monde (à l’exception de quelques privilégiés) soit sous-alimenté, il n’y a pas eu de famine massive localisée, comme c’est le cas traditionnellement en Chine."

19/11/2024 04:02 par Anonyme

> Assim

Une classe moyenne de 400 millions de Chinois, cela fait toujours 1 milliard qui n’en font pas partie.
800 millions de Chinois extraits de la Pauvreté Extrême... Admirable, unique au monde, c’est certain.
Cela dit, l’adjectif "extrême" ne peut pas être mis de côté. Et la définition chinoise de la Pauvreté est méconnue.

Une photo prise en Mongolie intérieure (en Chine) qui donne une idée de l’ambiance générale.
Et remettra les idées à l’endroit.
En zoomant dans la neige de la partie centrale, tu pourras y voir une jolie expression de la jeunesse universelle.

19/11/2024 04:12 par Georges Rodi

> Les quartiers aussi ont été rasés pour faire place au modernisme. Je crains que ça n’engendre encore beaucoup de traumatismes et de gens déboussolés.

Gloups...
Le quartier où mes beaux-parents d’ouvriers ont vécu.

19/11/2024 04:25 par Georges Rodi

> Les quartiers aussi ont été rasés pour faire place au modernisme. Je crains que ça n’engendre encore beaucoup de traumatismes et de gens déboussolés.

Suite du Gloups.
L’extérieur est bof bof.
Mais l’intérieur en dit déjà un peu plus.
Admirons cette combinaison Cuisine, évier, WC/Douche.
Photo prise en 2022.

Dans la pièce principale de 20m2, avec un lit double, une table de 1m2, ils ont vécu et élevé leurs 2 enfants.
Ont-ils vécu Heureux ?
Disons qu’ils ont connu une vie beaucoup plus aisée que les grands-parents qui en ont bavé des ronds de chapeau.

19/11/2024 04:40 par Georges Rodi

Gloups, suite.

Dans le quartier se trouvent encore des constructions en bois, toujours habitées, sans eau courante et chauffées aux courants d’air.
Bien sûr je les trouve plus belles.
La charpente en particulier, typique des constructions populaires chinoises.
Parfois, j’ai un côté bobo qui me prends par surprise.

19/11/2024 07:58 par CN46400

Le dernier anonyme (18/11/24-14h30) c’est moi, SVP excusez-moi !

19/11/2024 09:27 par CAZA

Le capitalisme sauvage international sionisé et le bonheur des pauvres :
<<<< Dans la pièce principale de 20m2, avec un lit double, une table de 1m2, ils ont vécu et élevé leurs 2 enfants.

Forte ressemblance avec là où vivait ma grand-mère dans les années 50 à Béziers .Mais c’ était beaucoup + grand genre 50 m2 mais ils étaient 5 .Bon y’avait pas de fenêtres juste la porte de rue vitrée ni de toilettes qui étaient communes à l’ étage .Le luxe avec un robinet et un lavabo .
Toujours la même histoire de la paille et la poutre pour dézinguer les ennemis politiques .
Et évidemment dénoncer et monter en épingle les problèmes de cet adversaire que l’ on a soi même provoqués .
La propagande que ça s’ appelle .

19/11/2024 09:54 par xiao pignouf

CN46400,

Je suis d’accord avec ce que vous dites dans ce post, bien sûr.

L’âme du moine et du bandit, qu’en reste-t-il ?

Comme quoi la littérature est un moyen qui a ses limites pour comprendre la réalité...

19/11/2024 11:39 par Jean-Yves Leblanc

Cet excellent texte et ce qu’il nous apprend sur les révolutionnaires chinois devrait faire réfléchir la gauche radicale française d’aujourd’hui qui dit vouloir abattre le capitalisme et aller au socialisme en se fondant sur la petite bourgeoisie citadine et ses préoccupations sociétales ainsi que sur les quelques bastions ouvriers syndicalisés qui demeurent. Dans le même temps, elle méprise cette France périphérique paupérisée et majoritaire dont elle abandonne les préoccupations au RN et dont elle considère les jacqueries (cf. les gilets jaunes) avec circonspection.

19/11/2024 12:38 par Vincent

Pourquoi essayer de conserver les théories de Marx dans le "socialisme chinois", il n’y a plus rien des théories de Marx dans le socialisme chinois (diminution du temps de travail, fin des classes, fin des rapports marchands, fin de l’Etat, le communisme comme réalisation des travailleurs eux-mêmes, etc.). Le capitalisme s’est imposé avec Deng Xiaoping qui d’une certaine façon a sauvé la Chine... Avec lui c’est la mise en place du droit au licenciement (63 millions de suppression d’emploi dans le secteur public entre 1994 et 2003), l’enrichissement personnel, la location d’entreprises étatiques à des privés, etc. Toute la suite du développement de la Chine tient au développement du capital, piloté il est vrai, par un parti unique qui n’a de communiste que le nom. Essayer d’utiliser la dialectique pour montrer une continuité dans le socialisme là ou il y a clairement une fracture... La révolution a échoué essentiellement car les bases matérielles ne permettaient pas une révolution prolétarienne. Marx l’avait expliqué, la révolution prolétarienne n’est possible que dans les pays les plus développés, car c’est le capitalisme, qui par le développement de ses propres contradictions, produit les conditions matérielles pour l’émergence du communisme. Les révolutions en URSS et en Chine ont échoué en tant que révolution devant mener au communisme, mais elles ont réussi en tant que révolutions bourgeoises et elles ont conduit à un rapide développement du capitalisme, dirigé plus ou moins bien, par un parti central exerçant une dictature sur le prolétariat et les paysans. Il ne faut pas juger négativement la Chine pour cela, il n’y avait pas de miracle possible (passer d’un pays complètement arriéré par rapport aux pays européens de l’époque à une société communiste).

En fait, il serait plus juste de parler du capitalisme à la chinoise comme forme du capitalisme d’Etat.

Le développement absolu (production pour la production) est la mission historique du capital et c’est bien ce que nous voyons en Chine, un formidable développement des forces productives (avec quelques ratés, les villes fantômes par exemple) mais qui ne se fait pas en vue d’améliorer le sort des travailleurs, il se fait pour développer la puissance de la Chine, c’est-à-dire la puissance de la classe dominante qui prend la forme d’une bureaucratie dans le capitalisme d’Etat. Bien sur, le sort des travailleur s’améliore avec le passage de la domination réelle du capital et la possibilité du mécanisme de la survaleur (plus-value) relative et ce malgré l’interdiction des syndicats et la répression policière. La croissance prodigieuse de la Chine est due au fait qu’elle dispose des technologies de la fin du 20ème et du début du 21ème et d’une composition organique du capital initialement très faible, ce qui permet un taux de rendement du capital très élevé.

19/11/2024 15:49 par act

@Assim

Je n’ai pu lire l’ensemble des commentaires, mais grâce à cntrl+f je constate que Xiao a déjà cité Liu Cixin mais sans insister, ni préciser qu’il écrit de la science fiction/SF
Il est un des auteurs les plus lu en Chine, sa trilogie à succès (international) "le problème à trois corps" (dont l’adaptation netflix, que je n’ai pas vu et ne verrai pas, a fort déçu en Chine) est tout simplement géniale.

Certains passages, heureusement rares, sont du "hard-science" (SF très technique, scientifique), j’avoue avoir tourné quelques unes des ces pages sans les lires mais pour le reste : quel talent !

Il propose une réponse très intéressante, pourtant simple et plutôt effrayante, au fameux "Paradoxe de Fermi" ("S’il y avait des civilisations extraterrestres, leurs représentants devraient être déjà chez nous. Où sont-ils donc ?" ou "Pourquoi les extraterrestres ne se montrent-ils pas ?")

Je vais pas te spoiler l’intro qui plonge dans le passé et non l’avenir, elle décoiffe (et prouve que la "liberté d’expression" existe aussi en Chine), ni la suite, juste préciser, pour celles et ceux qui ne l’auraient pas capté, que derrière le scénario SF trépidant, Cixin propose aussi une très fine analyse de la situation historique/géopolitique que la Chine vit actuellement.

PS : Dommage que tu sois pas SF...(hin-hin-hin ! ;)

20/11/2024 13:56 par Élie

Merci Bruno Guigue pour cette synthèse.
J’aurais eu besoin d’éclaircissement sur une des conclusions.
"La société chinoise accepte que certains puissent s’enrichir beaucoup plus que les autres, parce qu’ils travaillent davantage ou parce qu’ils ont fait un bon investissement"
C’est étonnant, le mythe liberal de l’entrepreneur deviendrait une réalité en Chine selon vous ?
En écrivant ça on pourrait croire que vous niez les contradictions actuelles et la réalité d’une exploitation capitaliste, tout l’argumentaire dialectique de l’ article s’effondre.
Ça nous fait passer pour la caricature véhiculée par les mao de dengiste liquidateur procapitaliste.

20/11/2024 15:33 par Assimbonanga

@Xiao, j’avoue avoir été très surprise de ta réaction (17/11/2024 à 09:05). Je pensais que tu pouvais me permettre un reproche en toute amitié parce que jusqu’ici nous n’avions eu aucun désaccord. J’ai dû me tromper, d’une part sur l’amitié, d’autre part sur ta tolérance au reproche...
Tu avais mille moyens de me répondre, tu es doté de grandes compétences littéraires et d’une pratique de la prise de parole et je pensais vraiment que tu allais pratiquer la diplomatie... Perso, je suis déçue. J’espérais mieux. Quant aux lecteurs des commentaires, ils apprécieront...
Tu me conseilles certains livres que j’ai déjà lus... Je crois d’ailleurs que c’est toi qui m’avais indiqué Qiu Xiaolong et son inspecteur Chen qui m’avait permis d’entrer dans Shangaï comme si j’y étais, avec ma recherche google à portée de main. Tu vois, je t’en suis reconnaissante !

@Act, j’ai déjà dévoré la trilogie du problème à trois corps et je peux m’enorgueillir d’appartenir à ceux qui auront lu l’original plutôt que la version Netflix !!! Comme je l’ai dit dans ma demande, j’arrive au bout d’un cycle. Ayant ingurgité les trucs connus, je deviens plus sélective sur la suite pour compléter mon tour d’horizon et surtout, pour mon moral, j’ai envie d’enthousiasme et de récits optimistes. Au fait, parallèlement, j’ai englouti toute la série des Robots d’Asimov et les cinq tomes de Fondation. "Dommage que tu sois pas SF..." (émoji clin d’œil) Azimov, c’était aussi un conseil de lecture d’un contributeur du GS. Geb ? Xiao ? Malheureusement, j’ai oublié.

@Georges Rodi, merci pour la photo que l’on peut agrandir et y voir tous les détails. En France aussi, on peut revendiquer de vivre frugalement dans un cabanon. Constructions illégales : ces Français qui vivent dans des cabanes Le bonheur n’est pas indexé sur la capacité à acheter un t-shirt de grande marque pour un chien. Permets-moi juste de penser que les individus chinois peuvent être bouleversés par le changement de civilisation vertigineux qui s’opère, avec se bienfaits et ses méfaits. Les uns n’allant pas sans les autres. Le changement touche toute la planète, qu’il soit numérique ou climatique. Mais la Chine y va dans les grandes largeurs. Il n’y a même plus de place pour enterrer les morts or j’ai cru comprendre que le rituel de la mort était importantissime pour un Chinois (Yu Hua, Le septième jour).

Comme quoi la littérature bien est un moyen pour comprendre la réalité... ;-)) N’est-ce pas, Xiao ?

20/11/2024 22:19 par legrandsoir

@Xiao, j’avoue avoir été très surprise de ta réaction (17/11/2024 à 09:05). Je pensais que tu pouvais me permettre un reproche en toute amitié parce que jusqu’ici nous n’avions eu aucun désaccord. J’ai dû me tromper, d’une part sur l’amitié, d’autre part sur ta tolérance au reproche...

Vous devriez échanger vos mails pour les scènes de ménage.

21/11/2024 07:42 par CN46400

@ Vincent,
"il n’y a plus rien des théories de Marx dans le socialisme chinois "
Qu’y a-t-il de marxiste dans Lénine, six mois après octobre ; "Le capitalisme d’état serait un grand progrès pour la Russie" ?

21/11/2024 09:46 par Assimbonanga

C’est marrant comme les administrateurs sont sensibles à certains accrocs et pas à d’autres. Certains comme PapaRazzi (ou équivalent) peuvent pendant des jours se livrer à leur syndrome Gilles de la Tourette et insulter grassement tout un chacun sans que ça soit choquant. Peut-être parce que le style viril est admis dans un cadre de lutte des classes ?

21/11/2024 11:18 par Georges Rodi

> Assim

J’apprécie le fait que tu cherches à comprendre la Chine, car je m’y emploie sur place depuis 13 ans, et pour tout dire, je me sens très très loin du compte.

Le faire à travers des romans ne t’avancera pas énormément.
Je serais curieux d’avoir une liste de romans français permettant à un Chinois de comprendre la France d’aujourd’hui.

A travers des films, tu peux voir mille détails, entendre les dialogues, la musique, en bonus de l’histoire racontée. Et si tu as un ordi connecté, tu dois pouvoir trouver des moyens d’en obtenir.
En demandant conseil peut-être ?
De ce que j’ai compris (la dernière fois que j’en ai discuté avec mon frangin) c’est plutôt sur les sites non-officiels que tu pourras espérer trouver quelques rares films chinois (ou russes). Il a aussi un côté anar-anti-GAFAM, peut-être qu’il ne m’a pas dit l’entière vérité.

Je ne vois pas non plus comment un voyage organisé t’avancerait beaucoup plus dans cette quête.
Les quelques images que je t’ai fait passer, c’est le genre de choses qui ne feront jamais partie d’un circuit. Pas par volonté de le cacher... Car non seulement les circuits ne proposent pas grand chose d’original, mais ils passent aussi à côté de choses magnifiques.
Comme cette plantation de thé par exemple.

Cela dit.
Bien sûr qu’il y a aussi des comportements débiles parmi les Chinois.
Certains sont fiers de parader en Porsche, de boire du Coca, ou d’offir à leur gamin de 4 ans une Ferrari électrique en plastoque. Tu peux aussi trouver des temples ultra-touristiques entièrement dédiés au Dieu du Fric, des toubibs escrocs, des mères qui abandonnent leur gamin aux jeux vidéos pendant qu’elles jouent au Majhong et toute une panoplie d’individus dénués à première vue de la moindre profondeur.
C’est une banalité de le rappeler.

Enfin, les photos d’apparts d’ouvriers ne sont pas là pour sous-entendre qu’il n’existerait pas en France de conditions de vie semblables. Si ce n’est qu’en Chine, c’est très courant. Mais pour te dire que lorsque ces quartiers sont rasés, il n’y a pas que des traumatisés.
D’autant qu’en Chine, on n’est pas propriétaire de la terre mais d’un droit d’usage limité dans le temps.
Et depuis toujours, les Chinois savent que le gouvernement peut leur imposer d’aller vivre ailleurs.
C’est totalement dans les moeurs.
Moi-même, je me suis fait à l’idée :)

21/11/2024 16:25 par Assimbonanga

Cher Georges, ma question était assez précise et limitée, sur des conseils de lecture strictement. Je vois plein de gens voler depuis au secours de mon éducation, c’est assez marrant...
Donc, ça ne me servira à rien de lire, ça ne me servira à rien de voyager, mais par contre, c’est bien pour moi de voir du cinéma...
J’en reviens pas ! Je vais donc rester enfermée chez moi derrière un écran, je ne vois rien de mieux pour mon élévation pendant que toi seul peux accéder à une plantation de thé en vrai !!! Je suis sidérée. Je tombe de haut, les Communistes théoriques !

21/11/2024 18:03 par xiao pignouf

@GS

Au début, je pensais que la réponse d’Assim à votre « commentaire » était exagérée.

Puis, à bien y réfléchir, celui-ci me dérange aussi.

Vous auriez pu parfaitement et légitimement nous dire que le forum n’était pas le lieu pour ce type de prise de bec.

On aurait compris.

Mais vous avez choisi de le faire sur un autre mode.

Dans la vie réelle, vous imaginez-vous dire la même chose face à un désaccord virulent entre deux militants de sexe opposé ? Quelles seraient les implications d’un tel sous-entendu ?

Non, bien sûr, vous ne le feriez pas, parce que ce n’est pas correct et parce que ça vous vaudrait un retour de bâton désagréable.

22/11/2024 02:23 par Georges Rodi

> Vincent
Aaaah, les « villes fantômes ».
On en voit pas mal à la BBC.

Oui, en Chine, il y a pas mal de villes nouvelles qui nécessitent du temps pour se peupler, comme toute ville nouvelle.
https://blog.richardvanhooijdonk.com/en/the-truth-about-chinas-futuristic-ghost-cities/

Et il y a aussi des quartiers sévèrement sous-peuplés, dont les appartements ne trouvent pas preneurs au rythme souhaité. Que je peux appeler « Quartiers fantômes » par sympathie.

Un total de 1.048 « Quartiers fantômes » a été recensé dans le pays en 2020.
Ils couvraient une superficie totale de 353,64 km2. Soit une moyenne de 300m2... Ce sont bien des quartiers, pas des villes.
Cela représentait à l’époque une capacité d’accueil pour 13 millions de personnes.
Un chiffre qui peut sembler énorme, sauf qu’il est encore prévu d’intégrer 300 millions de Chinois en milieu urbain dans les années à venir.
Et Les « quartiers fantômes » identifiés sont principalement situés dans des zones urbanisées dynamiques.

Depuis 2020, la crise mondiale en cours de déploiement a refroidi l’envie des chinois d’investir dans un achat immobilier, et sur la lancée des chantiers, le stock d’appartements a augmenté de 50% environ.
Gros problème pour les promoteurs et pour les municipalités qui bouclaient leur budget grâce à cette activité.

Ce à quoi Beijing s’est toujours opposé.
Pour Beijing, la priorité doit être la création d’emplois en particulier dans les industries à haute valeur ajoutée.
La crise immobilière est donc vue positivement de ce côté car elle a permis de faire chuter les coûts d’acquisition et de reprendre en main les élus municipaux (les élus !) qui n’en faisaient qu’à leur tête et qui doivent maintenant venir quémander de quoi payer les salaires de leurs équipes.
Ce qu’ils obtiendront sous condition.
Pour ce faire, Beijing leur a alloué récemment un budget équivalent à 6 milliards U$ .
C’est un peu plus que 2 jours de plus-value de la balance commerciale chinoise pour donner une idée.

Du côté des acheteurs potentiels, les conditions de prêts bancaires sont devenues plus supportables.
https://www.legrandsoir.info/spip.php?page=forum&id_article=39996#
Tout cela fait hurler les commentateurs américains (Bloomberg...) qui rêvent de voir Beijing en faire beaucoup plus et dépenser sans compter en cette période de crise économique.
Cela n’arrivera pas.
Beijing a déjà donné en 2008, pour être au final critiqué pour son endettement et abreuvé de sanctions.
Il n’est plus question de sauver à nouveau les économies du G7.

Ps : l’immobilier de bureaux par contre nécessitera beaucoup d’années pour sortir la tête de l’eau. Je vois passer des offres comiques en ce moment : loyer gratuit (compensé par des charges très élevées). Je ne pense pas que cette formule magique donne le moindre résultat :)

22/11/2024 03:03 par Georges Rodi

... C’est bien ce que nous voyons en Chine, un formidable développement des forces productives... mais qui ne se fait pas en vue d’améliorer le sort des travailleurs...

Oouhla camarade :)
En Chine, la campagne contre la pauvreté extrême, les paysans qui ne payent plus de loyer sur leurs terres mais au contraire reçoivent de l’argent... Pas trop capitaliste tout cela.

Ajoutons-y les investissements colossaux en infrastructures routières, ferroviaires, télécommunications, transport d’énergie et d’eau dans tout le pays. Ce sont des investissements que tout capitaliste considérerait comme inutiles et en pure perte, car il suffirait de laisser les paysans vivre de peu et ouvrir les portes des villes côtières à l’immigration intérieure pour obtenir un meilleur résultat.
Par meilleur, cela s’entends en termes de PIB qui augmenterait de 2% et à moindre frais.

Là encore, les commentateurs de Bloomberg ne parviennent pas à comprendre la politique de Beijing qui persiste à vouloir développer les provinces de l’intérieur.
Cela dit, s’ils avaient 2 sous de connaissances militaires stratégiques, ils se poseraient moins la question.

Pour faire bon poids, ajoutons qu’en 20 ans, le revenu moyen des ouvriers a été multiplié par 4. Pas mal non ?
Sur la même période, aux USA, le revenu horaire n’a pas bougé.
Si Beijing envisage une classe disons aisée de 800 millions de Chinois d’ici 2030, c’est obligatoirement des classes ouvrières qu’elle sera issue.

22/11/2024 07:49 par Georges Rodi

> Assim

Ayaaaah...
Bien sûr que si tu viens en Chine, tu y découvriras beaucoup de choses en plus de donner plaisir à tes yeux.
Fais-le si tu le peux.
Mais tu ne sais pas le nombre de gens qui pensent avoir tout compris de ce pays après y avoir passé 2 semaines entre Shanghai, Beijing, Xian et Shenzhen et qui tentent de me l’expliquer...

22/11/2024 08:28 par xiao pignouf

Georges,

De toute façon, même dans le circuit régulier des salles de cinéma, il est très difficile de pouvoir voir des films chinois. Pareil sur des plateformes du type Netflix.

La seule option, c’est le téléchargement illégal.

Alors s’il te plaît, ne poussons pas Assim dans la criminalité...

22/11/2024 09:18 par Georges Rodi

> Vincent
Alors... La Chine, capitaliste ou communiste ?

Nous avons tous le même handicap de départ. Celui de regarder la Chine avec nos yeux et nos outils d’occidentaux.
Le marxisme par exemple est un outil d’analyse occidental, avec des notions de « classes » qui sont fondées en soi, mais qui nous coincent aussi dans des schémas de pensée, car la société traditionnelle chinoise présente des aspects inhabituels, voire uniques, qui peuvent aider à comprendre le « Communisme aux caractéristiques chinoises ».
En voici déjà deux.

Absence de castes et fluidité des classes sociales.
Il s’agit là peut-être de la plus importante de ces caractéristiques chinoises.
Le système féodal a pris fin en Chine il y a 1300 ans environ, et presque tous les Chinois étaient égaux devant la loi. A part évidemment les 2 extrêmités de la société (le pouvoir impérial d’un côté, esclaves et prostituées de l’autre).
Cependant, cette égalité des chances était complètement déconnectée de l’égalité économique.
Il existait un écart extrême entre riches et pauvres dans tous les coins de la société, et même dans les plus petits des villages.

Pendant la majeure partie du XXe siècle, l’analyse marxiste a divisé la population chinoise en fonction de l’extraction des richesses : les propriétaires fonciers qui tirent la majeure partie ou la totalité de leurs revenus du travail salarié ou des loyers perçus ; les paysans riches, moyens et pauvres, en fonction de leur capacité à embaucher ou pas leur propre main-d’œuvre ; et les ouvriers agricoles, qui possèdent des terres insignifiantes et tirent leurs revenus en se louant à d’autres.

Cette distinction purement économique n’était pas calcifiée dans des structures de caste : un propriétaire foncier pouvait perdre ses terres et devenir paysan pauvre suite à une mauvaise affaire et un pauvre paysan devenu riche pouvait être immédiatement considéré l’égal de tout autre propriétaire terrien.

L’égalité juridique complète et les inégalités économiques extrêmes ont contribué à l’un des systèmes de marché libre les plus extrêmes de l’histoire, non seulement dans les villes de Chine, mais surtout dans ses vastes zones rurales qui abritaient la quasi-totalité de la population.
La terre était la principale forme de richesse et pouvait être librement achetée et vendue, échangée, louée, sous-louée, hypothéquée en garantie d’un prêt. Les prêts monétaires et les prêts alimentaires étaient largement utilisés, en particulier en période de famine, et les taux usuraires étaient la norme, généralement de plus de 10% par mois. Dans les cas extrêmes, les enfants et même les épouses pouvaient être vendues en échange d’argent et de nourriture.
Les agriculteurs pauvres n’ayant ni terre ni argent mourraient souvent de faim, et dans tous les cas, leur lignée était condamnée à disparaître faute de pouvoir payer la dot d’une épouse. Dans le même temps, les activités des agriculteurs aisés étaient hautement marchandes et entrepreneuriales.

Dans la Chine actuelle, on trouve encore cette volonté de devenir aisé, très riche si possible. La concurrence exacerbée que se livrent localement les entrepreneurs privés n’a pas d’équivalent.
Beijing en profite lorsqu’il s’agit de développer de nouvelles activités en soutenant plusieurs petites entreprises plutôt qu’une grande, et en s’opposant à toute tentative de monopole.

Bureaucratie. Méritocratie.
Essentiellement, la Chine a éliminé la caste héréditaire des seigneurs féodaux bien avant les pays européens, en la remplaçant par un système ou tout un chacun pouvait, sur concours, accéder aux plus hautes responsabilités.

En 1850, la population totale de la Chine est passée à plus de 400 millions. Mais le nombre de Chinois ayant réussi l’examen pour atteindre les sommets du pouvoir était généralement inférieur à 100 par an.
Et même si nous incluons les rangs inférieurs de l’administration, le nombre total de diplômés dans le pays n’était que de quelques dizaines de milliers, soit une fraction tout à fait dérisoire de la population totale.
L’impact culturel de cette sélection au mérite a été énorme et il se fait encore sentir aujourd’hui dès la petite école jusqu’aux concours d’entrée aux universités.

Pour les dynasties Ming (1368 - 1644) et Qing (1644 - 1911), il existe des statistiques sur l’origine sociale de cette élite qui montrent qu’aucune société occidentale n’a jamais pu égaler la vitesse et l’efficacité de cet ascenceur social.
Plus de 30% des diplômés étaient issus de familles n’ayant produit aucun haut fonctionnaire au cours des trois précédentes générations, et au cours des six siècles couvrant ces deux dynasties, moins de 6% de l’élite dirigeante chinoise provenait de la génération précédente. L’ascenseur social ne faisait pas que monter.

Le PCC s’est parfaitement coulé dans cet habit, en l’ajustant aux temps modernes.
Le parcours pour accéder aux plus hauts postes nécessite encore une formation solide et une sélection sévère. Et si, aux USA, les dirigeants ont en grande majorité suivi des formations juridiques, en Chine, adieu les concours de la cour impériale basés sur la calligraphie et les préceptes de Confucius, ce sont plutôt les écoles d’ingénieurs et les formations scientifiques qui sont à l’honneur.

La formation politique sur le tas et la montée en grade suit le modèle impérial chinois.
Le parti aura su y ajouter l’importante notion de Volontariat.
Difficile en effet de parler de bureaucratie bourgeoise en Chine lorsque l’on voit les membres du Parti répondre à la moindre demande d’intervention.
Les 3.000 toubibs et infirmières déployés à Wuhan pour faire face à une épidémie inconnue étaient tous et toutes membres du PCC.
Certains y ont laissé leur vie, je tiens à le rappeler.
Volontaires d’office, ils se sont engagés à l’être aussi en cas de conflit, d’innondation, de tremblement de terre ou de typhon...

Je ne saurais dire précisemment si le Parti actuel renouvelle son élite aussi fortement que le faisaient les dynasties Ming et Qing.
Les « Princes Rouges » font partie de ces histoires qui sortent périodiquement dans les médias occidentaux. Il y a toujours un effet de loupe déformante dans ce genre de littérature.
La Vox Populi que j’écoute me dit qu’il y aurait environ 20% des postes du Parti qui seraient occupés par des fils à papa. Qui le sait ?
Et même si c’était 30%... 70% de dirgeants ultra-compétents, ce ne serait pas suffisant pour un gouvernement efficace ?
Efficace, il l’est.

Synthèse amusante.
Le soutien économique de Beijing, dont se plaignent beaucoup les dirigeants du G7 n’est pas forcément bien compris par ces derniers.
Prenons l’exemple d’une industrie chinoise qui fait parler d’elle, celle des véhicules électriques.

La part de la main d’oeuvre dans le coût d’un de ces véhicules, c’est 5%.
Ce n’est donc pas sur les salaires chinois que la différence se fait.
C’est sur le coût des matériaux, de l’énergie, des infrastructures et des fournitures.

Les petites entreprises privées qui livrent moquettes, colles, fils électriques et autres fournitures, n’ont pas d’actionnaires à satisfaire : elles peuvent tirer les prix au plus bas.
Matériaux, infrastructures et énergie, c’est l’affaire des sociétés d’Etat, qui ne sont pas là pour faire des plus-values.
Elles sont là pour soutenir l’activité chinoise en proposant à tous leurs services et leurs produits au meilleur prix.
Je mets une 3eme couche aux gars de Bloomberg qui se moquent de l’efficacité économique quasi nulle des entreprises publiques chinoises. Ils ne comprendraient absolument rien à ce qui se passe ? Pas impossible.

Ce qui permet aux constructeurs d’automobiles -capitalistes chinois- de gagner, c’est de pouvoir s’appuyer sur cette base industrielle à économie non-capitaliste.

En image, le communisme et le capitalisme en Chine.

22/11/2024 09:29 par Jclaude

J’ajouterai : selon ma façon de voir les choses, le socialisme NE DOIT PAS ÊTRE MARXISTE.
https://jbl1960blog.wordpress.com/?s=Landauer

22/11/2024 10:54 par Julie

Dans les cas extrêmes, les enfants et même les épouses pouvaient être vendues en échange d’argent et de nourriture.

C’est ce que Georges appelle, quelques lignes plus haut, "l’égalité juridique complète". Je comprends mieux certains de ses commentaires.

L’égalité juridique complète ne concernait semble-t-il que les hommes. Pour Georges, a priori, le deuxième sexe n’a pas à se soucier d’une quelconque existence juridique. Mais, magnanime, il concède quand même à Assim, le droit de visiter la Chine. Pourquoi pas, après tout ? L’essentiel étant que ça ne nuise pas à son économie.
Contrairement à Georges, Mao, lui, défendait l’idée que nous étions "la moitié du ciel".

22/11/2024 11:13 par Georges Rodi

> Xiao

... Ce qui m’a surtout fait réagir, c’est qu’Assim puisse envisager de découvrir la Chine en voyage organisé...

22/11/2024 12:44 par Assimbonanga

Plusieurs choses.
Hé oui, l’intervention du GS était bien un peu sexiste, je cite : "Vous devriez échanger vos mails pour les scènes de ménage." En effet, les commentaires sont continuellement le lieu de prises de becs entre les contributeurs et, sous prétexte que c’est entre entre un homme et une femme, ça changerait de nature ? Tss, tss...

@Georges, comme tu le sais, si j’arrive à me propulser en Chine, surmontant toute ma flemme, mes procrastination, ma phobie du numérique (pas de danger que je fasse du téléchargement illégal de films) , ce sera déjà un exploit. Alors, tu crois que tout à coup je vais devenir comme ces bourrins qui, je cite, pensent avoir tout compris de ce pays après y avoir passé 2 semaines entre Shanghai, Beijing, Xian et Shenzhen et qui tentent de me l’expliquer... Voyons, Georges ! Tu sais très bien que c’est sur Le Grand Soir, grâce aux articles, et par le truchement des sinophiles pratiquants que sont Georges Rodi et Xiao Pignouf, que j’ai tout appris ! Je ne vous en remontrerai pas, promis.

@Tous. On peut se satisfaire au moins que cette page aura permis la promotion littéraire et cinématographique. Les cinéphiles auront pu y puiser des références. Et tous les livres cités par les uns et les autres restent gravés dans le marbre cybernétique ici même. Je me demande si Le septième jour, et Le Problème à trois corps ne sont pas les plus récents des romans...

22/11/2024 12:59 par CN46400

@Rodi,
La Chine est certes unique, mais, pas plus que l’Occident, elle n’a échappé à la division en classes sociale dès qu’elle quitta le statut du communisme primitif, en même temps que la situation des chasseur-cueilleurs. Vous parlez d’esclave, de propriétaire, de dot, bref de tout ce qui fait classe sociale, en Chine comme en Occident. Au demeurant, si la loi de la chute des corps (Newton) existe en Chine, celle de la lutte des classes (Marx) doit et a dû aussi s’y exprimer. Comme n’importe quel occidental, le chinois aime l’aisance matérielle, ceci impliquant cela.
A la fin de sa vie, Lénine voyait l’avenir de la révolution en Chine du fait du potentiel de force de travail qui voyait là bas ; il citait aussi l’Inde, pour la même raison, mais pas de concrétisation pour le moment. Reste des particularités, notamment religieuses, qui comptent aussi dans l’évolution matérielle des peuples...

22/11/2024 19:40 par Assimbonanga

@Georges Rodi, si tu veux bien m’indiquer comment ne pas aller en Chine en voyage organisé, je suis toute ouïe !
(En ne parlant ni anglais ni chinois, en n’ayant plus pris l’avion depuis 30 ans. Cela pourra peut-être être inimaginable à ton niveau. Autant les Chinois sont différents les uns des autres, autant les Français c’est pareil, émoji clin d’œil.)
@Julie, merci. Ça fait qu’on est deux à être paranoïaques ;-) ;-) ;-)

23/11/2024 04:53 par Georges Rodi

> Julie,
L’égalité juridique complète ne concernait semble-t-il que les hommes. Pour Georges, a priori, le deuxième sexe n’a pas à se soucier d’une quelconque existence juridique.

1/ Mon commentaire précisait qu’une égalité juridique des chances -je répète, des chances- n’empêche pas de déboucher sur une inégalité économique extrême, avec tous les excès qui vont avec.

2/ Le même commentaire parle aussi d’esclaves.
Des hommes dont le sort n’avait rien d’enviable non plus.
( Hommes dont j’ai posté une image le 15/11/2024 à 14:47... Cet anonyme là, c’est moi).
S’il faut peser entre lui et une femme qui devient servante, ou prostituée, lequel des deux a le sort le plus funeste, je dois dire que je n’ai pas trop envie de le faire. J’ai juste envie de voir renversé les systèmes qui imposent ces situations.

3/ De fait, et depuis des millénaires, l’immense majorité de la population -hommes, femmes, et enfants confondus, sans distinction- a souffert d’une vie misérable.
Et ils continuent de souffrir ensembles autant qu’ils le peuvent.
Même si, et je le sais, lorsque la famine devient insupportable, les premiers à être mangés seront les enfants comme cela a été documenté ces dernières années au Soudan par exemple.

3/ Quid du symbole du Yin-Yang Julie ? Ne figure-t-il pas aussi le masculin et le féminin ? Fait-il partie de certains de mes commentaires que tu comprends mieux :)

C’est un procédé un peu dur à accepter de voir sélectionné ainsi un extrait de commentaire pour soutenir une accusation qui me paraît sortie d’un chapeau.
Mais c’est un risque que chacun accepte de courir lorsqu’il vient commenter.
C’est mon cas, et avec le recul, ça m’a souvent permis d’avancer.

> Assim
1/ La Chine est ouverte à des visites sans visa. Les gens qui en profitent ne sont pas des bourrins. Ce sont des gens honnêtes qui viennent se faire leur propre idée sur place.
N’empêche que passée leur surprise de découvrir un pays incroyablement accueillant, tous tombent encore dans les poncifs.
Exemple parmi 100 « Si la Chine est si sûre, c’est parce qu’il y a des caméras partout »... Ben non, il y a encore plus de caméras à Londres... Ce n’est pas l’explication.

2/ Je t’ai déconseillé a priori les voyages organisés. En te précisant que tu ne découvriras jamais ainsi des endroits comme cette plantation de thé.
Je remets la paragraphe correspondant :
Je ne vois pas non plus comment un voyage organisé t’avancerait beaucoup plus dans cette quête.
Les quelques images que je t’ai fait passer, c’est le genre de choses qui ne feront jamais partie d’un circuit. Pas par volonté de le cacher... Car non seulement les circuits ne proposent pas grand chose d’original, mais ils passent aussi à côté de choses magnifiques.
Comme cette plantation de thé par exemple
.

Si c’est pour me faire engueuler en retour, sans autre justification qu’un coup de calcaire, ça me coupe toute envie d’aller plus loin sur ce sujet.

3/ Si en plus tu t’entends avec Xiao pour prendre au premier degré le moindre commentaire, comme celui du GS, sexiste oui bien sûr... Merci bien.
Ne plus accepter la moindre touche d’humour, c’est exercer sur les autres sa police personnelle de la pensée.
Plus grave, c’est s’enfermer dans ses certitudes.
Il n’y a plus d’espace médiatique public où sont autorisées les moindres remarques teintées d’ironie. C’est quoi l’idée, faire pareil ici ? Ça n’arrivera pas :)

23/11/2024 07:43 par Georges Rodi

> Assim
J’ai posté mon commentaire avant d’avoir accès au tien, du 22/11/2024 à 19:40.

Et pour les amateurs de coïncidences (un phénomène théorisé en physique quantique), une image de 2 photons en état d’intrication quantique.
https://www.livescience.com/physics-mathematics/quantum-physics/quantum-yin-yang-shows-two-photons-being-entangled-in-real-time

23/11/2024 08:21 par Julie

A Georges Rody

1 - ma connaissance de la culture chinoise est très limitée, mais je connais le symbole du ying yang. Je ne vois pas en quoi il est censé t’absoudre de ton aveuglement machiste.

2 - Tu n’as pas à te plaindre de nos critiques : tu as la chance de pouvoir y répondre. Chance que tout le monde n’a pas, même ici sur le GS.

3 - Il y a plein de macho qui commentent le GS. Tu n’es pas le pire, tu n’es pas le moindre non plus. Y a pas qu’Israel qui a le droit de se défendre (droit que je conteste d’ailleurs en l’état actuel des relations internationales et de la fonction qu’y occupe "l’état juif") !

4 - Je crois que tu n’as pas bien compris les critiques qui te sont adressées, mais je suis persuadée que ça viendra (on te lâchera pas !)

Tout ceci dit en toute camaraderie : je n’en apprécie pas moins les infos que tu nous apportes sur la Chine actuelle.

23/11/2024 09:48 par Julie

A Georges, Assim, et tous ceux qui aimeraient visiter la Chine,

Et si on s’organisait un voyage collectif en Chine, avec l’aide de ceux qui la connaissent suffisamment pour nous tuyauter ?

23/11/2024 10:10 par Assimbonanga

@Georges Rodi, "vous devriez échanger vos mails pour les scènes de ménage".

Sympa ? J’espère que tu apprécies ce petit trait d’humour. Je pense que tu as remarqué que sur LGS, plein de mecs s’engueulent et se lancent invectives et accusations mais jamais on ne les a qualifiées de scènes de ménage...

Chine. Pour moi ce qui serait original, c’est déjà d’aller dans un aéroport ou voyager dans le train le plus moderne du monde. Je ne suis pas en recherche du voyage le plus original à mon stade ! Juste du voyage. Pour commencer. Et surtout, je n’ai aucun moyen de faire autrement. On constatera au passage que personne ici ne se précipite pour m’en suggérer...

C’est marrant que tu passes par des jugements sur les poncifs des touristes en Chine et sur leur bourrinisme éventuel. Qu’est-ce qu’on s’en fout, ici, entre camarades ? D’ailleurs, je pense que beaucoup de touristes "font la Chine" comme ils "font New-York ou l’Irlande", deux fois par an un voyage. J’offre un cas de figure particulier : plus de voyages depuis 30 ans et deux ans de lectures à fond sur le sujet.

Par contre, il t’a échappé qu’avec Xiao, les relations ne sont pas au beau fixe puisqu’il cherche à établir actuellement les éléments de preuve de ma paranoïa, au moyen de procès verbaux à partir d’extraits de mes écrits qu’il met en exergue dans des encadrés (c’est de l’humour bien sûr, je plaisante par extrapolation, à ne pas prendre au premier degré.) Déploie tes antennes, camarade Georges !

En tout cas, je te félicite d’avoir la certitude que tu n’as pas de certitudes. Je te félicite d’avoir la certitude d’avoir de l’ironie et, comme tu as de l’humour, tu vas apprécier ces félicitations ! L’humour ne vaut que s’il est appliqué à tous ;-)

23/11/2024 12:05 par sixiangjiaoyu

Ce que je trouve tout à fait passionnant et fascinant dans l’article ainsi que dans les commentaires, c’est l’idée de retrouver une continuité, une cohérence dans l’histoire de la Chine et du parti communiste chinois.

Bruno Guigue voit dans Xi Jinping la synthèse de Mao et de Deng (un yin, un yang, voilà la voie).

Georges Rodi considère que la sélection des élites en Chine est basée sur la méritocratie et qu’elle s’inscrit dans une tradition qui remonte aux examens impériaux. (Et en guise de boutade, il voit dans la physique quantique, le prolongement de la pensée taoïste).

Pour ma part, j’ai toujours été frappé par les ruptures et la volonté de rompre avec le passé : je pense qu’elle a caractérisé une bonne part du XXème siècle et qu’elle correspond à l’expérience vécue des gens qui ont traversé ces décennies dramatiques.

Le regard rétrospectif transforme l’histoire (avec ses impondérables et ses errements) en destin.
Le succès actuel de la Chine change le regard que les Chinois avaient l’habitude de porter sur leur passé récent ou plus lointain. Les gens qui descendaient sur la place Tiananmen (en 1919) en criant "A bas la boutique de Confucius" se sont réincarnés en sages vénérables qui vénèrent le grand Kong.

Lequel des deux points de vue, celui qui voit la rupture et celui qui décèle la continuité, dit-il la vérité de la Chine d’aujourd’hui ? Kant explique, parait-il, que les savants suivent deux tendances opposées : il y a ceux qui privilégient l’homogène et ceux qui s’attachent à l’hétérogénéité, les uns cherchent à définir le genre, les autres, l’espèce. L’erreur consiste à prendre ces deux façons de voir pour une caractéristique des choses elles-mêmes et non pour l’expression de nos intérêts intellectuels. Dans le fond, il est vrai qu’un chat n’est pas un tigre (de papier) mais ils n’en sont tout de même pas moins des félins.

La Chine est-elle socialiste ou confucéenne ? Peut-être autant qu’une souris et un éléphant sont tous deux des mammifères.

23/11/2024 16:42 par Georges Rodi

> Assim

Julie a une idée positive. Aller en Chine en petite équipe, c’est mille fois plus instructif, c’est partager les frais de didi, d’un guide éventuellement, d’hôtel si vous restez entre copines (la Chine est le pays le plus sûr au monde),
C’est tès très grand, évitez de vouloir aller partout. Choisir la saison. Hors vacances chinoises.

Sinon, il y a aussi des temples perdus dans les montagnes. Si Julie confirme qu’elle ne me lâchera pas, on peut tenter des trucs sympa. J’en parle juste comme ça...

23/11/2024 19:05 par Assimbonanga

D’après un précédent commentaire de Julie, j’imagine qu’elle sera séduite par l’idée de Via Ferrata ! Sacré Georges, toujours à la portée de l’autre ! Sinon, moi je suis partante. ;-)

24/11/2024 12:01 par Julie

A tous,

Si mon commentaire vous parvient, malgré les multiples censures dont je fais l’objet depuis quelques jours, je suis partante aussi... dans les limites du budget que je pourrai y consacrer ; ce qui implique qu’on puisse inclure le budget dans notre projet. Et je pense que pour ça, et pour les bonnes adresses, nous aurons besoin de ton aide, Georges, et, si elle le veut bien, de celle de sixiangjiaoyu.

On peut aussi envisager un projet modulé en fonction des possibilités (physiques, financières) et des désidérata de chacun, à condition toutefois qu’elles soient compatibles, notamment géographiquement.

Est-ce qu’on peut élargir le projet aux contributeurs masculins du GS, contrairement à ce que semble avoir compris Georges ? Est-ce qu’Assim serait d’accord ? Ou est-ce qu’il vaut mieux rester "entre copines" ?

Peut-être devrions-nous prévoir une charte de bonne conduite : pas de comportements macho ce qui implique le respect des choix féminins, dans tous les domaines, et leur éventuelle négociation, mais à égalité et sans paternalisme (ce qui a le don de m’exaspérer), pas de chef ni de directeur de pensée,... Autre conditions ?

Je pense que certains camarades commentateurs, tout macho qu’ils sont, seraient capables de la respecter, mais peut-être pas tous ?
Est-ce qu’on peut imaginer un tri a priori ? sur quels critères ?

La via ferrata, c’est la voie ferrée en général, ou il y a quelque chose qui s’appelle comme ça en Chine ?
Je n’ai pas d’a priori sur les moyens de transport. Les transports en commun ont l’avantage de faciliter les contacts avec les autochtones, même si on ne parle pas la même langue, pourvu qu’ils soient aussi désireux que nous de communiquer.

Faut-il se procurer un ou plusieurs dictionnaires de poche (lesquels ?) ? C’est une méthode que j’ai pratiquée lorsque je voyageais au moyen orient et qui fonctionnait assez bien : on baragouinait ce qu’on pouvait en anglais, et on posait le doigt sur le mot du dictionnaire qu’on ne pouvait pas simuler par gestes.
(Je ne dois pas oublier, cependant, que je suis sourde maintenant !)

D’autres idées ?

24/11/2024 16:08 par Abdul

"si elle veut bien, de

sixiangjiaoyu"

Je crois, chère Julie, que sixiangjiaoyu est masculin

24/11/2024 16:25 par Assimbonanga

Il existe désormais des appli de téléphone pour traduire ce que dit l’interlocuteur...

La photo de Georges, est-ce la via ferrata de Huayin ?

Le JT 20h de France 2 diffuse régulièrement des reportages d’Arnaud Miguet. J’ai vu notamment un immense pont suspendu dont le tablier est en verre. En marchant dessus, on voit le gouffre en dessous. Flippant. Ce type d’ attractions touristique mobilise 10 ou 20 000 touristes par jour. A la découverte des montagnes de Zhangjiajie

Julie, je ne fais obstruction à rien. J’accepte toute proposition honnête. Toutefois, je ne me fais guère d’illusion sur l’aboutissement de cette magnifique idée. Suggestion à toi : créer un ARTICLE court, juste pour centraliser les contributions à ce projet de voyage, si les administrateurs ne s’y opposent pas.

24/11/2024 16:48 par Assimbonanga

Ou alors c’est le Mont Hua Shan.
Cela te tente-t-il, Julie ? Allons-nous confier nos destinées à l’Agence Georges Rodi ?
(Je ne m’explique pas ce que fait un reportage de Brut sur la page de France Infos par contre...)

24/11/2024 17:05 par Assimbonanga

Un dernier reportage d’Arnaud Miguet pour France 2. J’espère qu’il suscitera les réaction de Bruno Guigue, Georges Rodi, Xiao, sixiangjiaoyu et tout le monde. La voix off d’ Arnaud Miguet est forcément critique, toutefois les images restent factuelles.

Chine : le tourisme plus que jamais patriotique
Reportage de 2019. Au pied de la statue de Young Mao Zedong, construite sur l’île Orange située sur la rivière de Changsha, des centaines de touristes viennent des quatre coins de la Chine.

24/11/2024 20:42 par Julie

à Abdul,
Merci : je ne l’avais pas compris.

A Assim,
Pour l’instant je n’ai pas grand chose à mettre dans un article. J’aimerais que les éventuels intéressé(e)s se manifestent et fassent connaitre leurs souhaits et leurs idées.
Si nous ne sommes que nous deux, j’ai peur que ce soit un peu rasoir pour toi, du fait de mes limites.

Par exemple, je dois prévenir les personnes intéressées que bien que je sois émerveillée par les paysages de montagnes chinoises,je crains le vertige. Si certains souhaitent s’y rendre, ce que je comprends et envie, je serai obligée de m’abstenir de la visite (je resterai à l’hôtel, si c’est possible). Ce n’est pas grave si nous sommes plusieurs. C’est peut-être plus embêtant si tu te retrouves toute seule.

Pour ce qui est du téléphone, actuellement je ne parviens pas à décoder ce que j’y entends (très vaguement, voire pas du tout) mais ça n’interdit à personne de profiter de l’info (c’est juste pour prévenir que je ne suis pas un cadeau !).
Peut être que dans quelques mois je serai mieux équipée (j’ai choisi il n’y a pas encore tout à fait 4 ans un appareil zéro reste à charge)... A moins que quelque bombe me tombe sur la tête d’ici là.

Ceci dit je ne serai pas vexée si le projet se réalise finalement sans moi... à condition que vous nous racontiez tout.

25/11/2024 09:17 par CAZA

En 2015 un Voyage en Chine a eu lieu .Les sinophobes n’ ont pas aimé .

https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19552022&cfilm=145804.html

25/11/2024 09:26 par Julie

Au GS,
Je ne trouve pas le commentaire dans lequel j’expliquais que ce qui m’intéresse surtout c’est de découvrir la vie quotidienne des chinois... Plus exactement des petites tranches de vie, que ce soit dans les transports en commun, les resto fréquentés par le peuple travailleur, ou toutes autres occasions de faire connaissance.
Censuré ? A paraître incessamment ? Ou est-ce que dans mon enthousiasme, j’ai oublié de l’envoyer ?

Aux administrateurs,
Est-ce que vous acceptez que le GS serve de support à un projet de voyage en Chine, formé par vos lecteurs, ou est-ce que nous devons chercher un autre support ?

Aux amateurs de beaux paysages,
le site https://french.news.cn/ en publie régulièrement de magnifiques photos. Ce n’est pas la même chose évidemment que de s’y immerger, mais ce sont de beaux aperçus.

25/11/2024 13:49 par legrandsoir

Est-ce que vous acceptez que le GS serve de support à un projet de voyage en Chine

Euh... Pas notre truc.

Idée (au pied levé) : créez un article dédié au projet (une sorte d’appel à participer) en indiquant une adresse de contact. A partir de là, la balle est dans votre camp.

25/11/2024 12:04 par Jean-Yves Leblanc

A partir d’un article fouillé de Bruno Guigue qui explique comment les communistes chinois se sont écartés (à tort ?) des dogmes marxistes d’abord pour tisser des alliances et prendre le pouvoir puis ensuite pour "sinisiser" le marxisme, les commentaires (102 tout de même !) se sont mis pour une bonne moitié hors sujet, passant de la "scène de ménage" à l’agence de voyages. Il y aurait pourtant tant de leçons à tirer de l’expérience chinoise pour nous Français (de gauche). Alors que la France est en pleine crise, que les prix flambent, que nous sommes à 2 doigts d’une guerre nucléaire et que, en Juillet, nous sommes allés fermer la bouche des classes populaires et sauver le soldat Macron, n’y aurait-il pas matière à faire autre chose que des plans tourisme ?

25/11/2024 14:01 par xiao pignouf

en Juillet, nous sommes allés fermer la bouche des classes populaires et sauver le soldat Macron

Macron s’est sauvé tout seul en niant le résultat des urnes.

25/11/2024 15:39 par cunégonde godot

M. Leblanc :
A partir d’un article fouillé de Bruno Guigue qui explique comment les communistes chinois se sont écartés (à tort ?) des dogmes marxistes d’abord pour tisser des alliances et prendre le pouvoir puis ensuite pour "sinisiser" le marxisme, les commentaires (102 tout de même !) se sont mis pour une bonne moitié hors sujet, passant de la "scène de ménage" à l’agence de voyages. Il y aurait pourtant tant de leçons à tirer de l’expérience chinoise pour nous Français (de gauche). Alors que la France est en pleine crise, que les prix flambent, que nous sommes à 2 doigts d’une guerre nucléaire et que, en Juillet, nous sommes allés fermer la bouche des classes populaires et sauver le soldat Macron, n’y aurait-il pas matière à faire autre chose que des plans tourisme ?

Le petit-bourge (in)soumis adore l’exotisme et les discutailleries jusqu’à plus soif « dans les resto fréquentés par le peuple travailleur » (sic) ; le petit-bourge (in)soumis discutaille du marxisme chinois pour oublier qu’il se noie chaque jour un peu plus dans la mélasse européiste dans laquelle, idéologiquement, il s’est jeté corps et biens. Pathétique...

25/11/2024 16:58 par Assimbonanga

Et allez ! Jean-Yves Leblanc remet une couche de scène de ménage. Cette expression introduite par un administrateur aura fait florès ! Gros succès du propos sexiste, on note au passage, avec le sourire bien entendu.

@Julie, c’est mort, laisse béton.

On dirait que le reportage sur le portrait géant de Mao n’a pas rencontré de succès. Chine : le tourisme plus que jamais patriotique. Dommage que ce ne soit pas votre truc !

25/11/2024 17:36 par xiao pignouf

Le petit-bourge (in)soumis adore l’exotisme et les discutailleries jusqu’à plus soif « dans les resto fréquentés par le peuple travailleur » (sic)

Quel fantasme, Cunégonde ! Toi qui es probablement plus bourgeois(e) que je ne le suis...

Heureusement qu’il y en a qui rêvent encore de voir autre chose que leur canapé et leur téloche.

25/11/2024 18:19 par Suzanne

Moi aussi un peu surprise de la tournure qu’auront pris les commentaires, mais hélas j’y ai un peu participé en citant "la gouvernance de la Chine" et le film "Fujian Blue", toutes mes excuses à Bruno Guigue !
Cependant, je ne peux pas m’empêcher d’ajouter au "plan tourisme ", après cette phrase d’Assim : "Il existe désormais des appli de téléphone pour traduire ce que dit l’interlocuteur..." qu’il existe un magnifique moyen de tenter de connaître une culture et une population : apprendre leur langue, même si ce n’est qu’une langue commune, le putonghua.
S’astreindre à l’apprentissage du mandarin, une voie royale pour se poser les bonnes questions.

25/11/2024 18:31 par Assimbonanga

D’une part, il existe le communiste théorique qui discute inlassablement de l’histoire et des dogmes marxistes pour tisser des alliances et prendre le pouvoir puis ensuite pour "sinisiser" le marxisme, et d’autre part, il y aurait quelque part, dans un monde merveilleux, le communiste pratiquant prêt à partager, aider et accueillir. Je pense que le communiste pratiquant est vraiment très difficile à débusquer, espèce en grand danger de disparition.
Merci Caza pour tes récents envois, j’ai trouvé la bande annonce direct sur YT du film de Yolande Moreau, l’anti-touriste : VOYAGE EN CHINE. C’est sûr, le voyage de Yolande Moreau semble exemplaire, hors des sentiers battus, c’est formidable. Quelles merveilleuses rencontres d’une grande qualité humaine ! On en rêve.
Mais c’est un film. Du cinéma. Le peuple ordinaire, il s’achète un voyage clé en main chez Leclerc !

25/11/2024 20:23 par sylvain

l’alliance entre elite intellectuelle citadine et revolutionnaire et monde paysan est quelque chose de rare. Dans une tout autre mesure et avec des résultats très différents cela me rappelle l’insurrection zapatiste

26/11/2024 13:05 par Assimbonanga

@Suzanne, ton conseil est fort judicieux toutefois, sur ce site, il y a peu d’adolescents entre 13 et 15 ans qui seraient susceptibles d’être orientés vers l’avenir. Nous en avons déroulé du câble et on peinerait à faire la somme de toutes nos expériences cumulées, stages, conférences, salons, séjours, pratiques régulières !!! Pour ma part, j’ai tâté du Qi Qong, de la calligraphie chinoise et de quelques mots de vocabulaire mais je ne les mémorise pas vraiment. Il me faudrait un bain plus important pour que ça devienne utilitaire et donc que l’apprentissage du langage s’impose de lui-même.
Quant aux noms des auteurs que j’ai lus, c’est dingue mais dès que j’attaque le suivant, j’oublie le nom du précédent. Il me manque, je suppose, de pouvoir en parler oralement avec une autre personne ayant ce centre d’intérêt. L’oralité est souhaitable pour l’apprentissage des langues. Même pour le latin et le grec, avec un prof et des étudiants.

Pour en revenir à la littérature, j’ai de la chance. Je termine (momentanément) par François Cheng et son Dit de Tan Yi, et le chapitre 17 me reconnecte à l’enthousiasme révolutionnaire que les autres bouquins avaient totalement occulté du fait des dérives, exactions, violences, monstruosités, bourreaux, victimes, désastres environnementaux qui hantaient leurs pages en une avalanche d’horreurs déprimantes. C’est vrai que je me languissais de l’enthousiasme du mouvement zapatiste que mentionne Sylvain. Mais le mouvement zapatiste n’a pas connu les dérives épouvantables que l’on sait pour la Chine. Toute manière, la tendance aux lynchages abominables date d’avant la révolution chinoise. C’est une constante qui remonte à loin en arrière.

Xiao, tu peux regarder le reportage télévisé sur une planche à clous si tu penses que le canapé rend beauf.

26/11/2024 16:15 par Suzanne

Assim : je ne comprends pas la remarque sur les adolescents. La capacité d’apprentissage est partagée par tous les âges des humains, heureusement. A mon avis, il est même devenu urgent d’apprendre le chinois, car cette langue se place désormais à côté de l’anglais dans son emploi international, il n’y a qu’à fréquenter (ce que je fais très peu) les aéroports pour en être convaincu : les panneaux d’information y sont bilingues, anglais/mandarin. Voir Charles de Gaulle ou Nice, par exemple.
Par contre, apprendre une langue, surtout une qui n’a pas le même système d’écriture que la nôtre, demande beaucoup de... travail.

26/11/2024 18:20 par Jclaude

@Assim @Suzanne l’un des frères de mon gendre habite Taïwan depuis 20 ans : il ne se plaint pas de la langue, pourtant dans l’île on en est resté au vrai mandarin, alors que (je pense que Georges pourra me le confirmer) la Chine continentale s’est mise à l’époque de Mao à un chinois simplifié, le Pinyin. Un autre frère y est allé aussi (j’ai pu parler un peu avec sa compagne en visite en France, en anglais : elle est infirmière-chef au pôle chirurgie de Taïpeh), mais lui a préféré revenir.

26/11/2024 19:12 par Assimbonanga

C’est vrai Suzanne : désormais une ligne aérienne directe entre Marseille et la Chine.
Hé bien, il va falloir s’y mettre. Ça fait longtemps que tu apprends ?

26/11/2024 23:25 par malitourne

Dans un roman chinois dont le nom de l’auteur est sorti de ma mémoire, j’avais été fasciné par la passion pour l’élevage des perruches que les paysans du sud affectionnaient avec une ardeur si peu commune. Me raffraichiraient vous la mémoire ?

27/11/2024 18:30 par Dimitri

Petit message pour les modérateurs : Si vous publiez ma critique, c’est que vous n’êtes pas assez communistes, camarades ! :-)

Bruno Guigue entreprend une analyse approfondie des liens entre le marxisme et le socialisme tel que pratiqué en Chine, en particulier sous l’égide du Parti communiste chinois (PCC). Si son texte se veut une exploration des fondements théoriques et historiques de la "sinisation du marxisme", plusieurs éléments soulèvent des interrogations quant à l’objectivité et à la rigueur de son approche.

1. Acceptation non critique des sources officielles :

L’auteur s’appuie largement sur des documents officiels du PCC, tels que la "Résolution du comité central du parti communiste chinois" de 2021. En reprenant ces sources sans les soumettre à un examen critique, il adopte implicitement le point de vue du parti. Cette approche peut donner l’impression d’une reproduction de la rhétorique officielle plutôt que d’une analyse indépendante. Une critique plus équilibrée aurait nécessité de confronter ces sources à des perspectives alternatives ou critiques, notamment celles de chercheurs indépendants ou d’opposants intellectuels.

2. Manque de mise en perspective historique :

Si le texte retrace les différentes phases de la sinisation du marxisme, il néglige d’aborder les épisodes où le PCC s’est éloigné des principes marxistes. Par exemple, les réformes économiques initiées par Deng Xiaoping ont introduit des éléments capitalistes significatifs dans l’économie chinoise. L’absence de discussion sur les conséquences sociales de ces réformes, telles que l’augmentation des inégalités ou les problèmes environnementaux, limite la profondeur de l’analyse.

3. Éviction des contradictions internes :

L’auteur présente la transition économique de la Chine comme un processus harmonieux, aligné sur une interprétation évolutive du marxisme. Cependant, il omet de mentionner les tensions et contradictions internes, telles que la coexistence de politiques socialistes avec une économie de marché capitaliste. Cette omission peut être perçue comme une minimisation des défis que pose cette dualité, tant sur le plan théorique que pratique.

4. Absence de critique des politiques contemporaines :

Le texte ne questionne pas les politiques actuelles du PCC qui peuvent être en contradiction avec les idéaux marxistes, notamment en matière de droits humains, de libertés individuelles et de démocratie ouvrière. Le marxisme prône l’émancipation des masses et la suppression de l’exploitation, mais le texte ne s’attarde pas sur les restrictions politiques et sociales en Chine, ni sur le contrôle exercé par le parti sur la société civile.

5. Usage ambigu de concepts théoriques :

La notion de "sinisation du marxisme" est centrale dans le texte, mais elle n’est pas clairement définie. Cette ambiguïté permet de justifier des écarts par rapport au marxisme sous couvert d’adaptations culturelles ou nationales. De plus, l’assimilation du communisme à des concepts traditionnels chinois, comme la "grande unité sous le ciel", peut diluer les principes marxistes fondamentaux en les mélangeant avec des notions culturelles spécifiques, sans explication suffisante.

6. Présentation unilatérale des réussites économiques :

Si l’auteur met en avant les succès économiques de la Chine, tels que l’éradication de l’extrême pauvreté et le développement industriel, il ne mentionne pas les problèmes liés à ces progrès. Les inégalités croissantes, la corruption persistante, les problèmes environnementaux et les conditions de travail parfois difficiles ne sont pas abordés. Une analyse marxiste complète devrait considérer ces aspects pour évaluer si le modèle chinois sert réellement les intérêts du prolétariat.

7. Minimisation des critiques externes :

Le texte ne fait pas référence aux critiques internationales du modèle chinois, qu’elles proviennent de marxistes d’autres pays ou d’organisations de défense des droits humains. Cette omission peut donner l’impression que le modèle chinois est universellement accepté comme une réussite du marxisme, ce qui n’est pas le cas.

8. Conclusion orientée :

L’auteur conclut en affirmant que la Chine actuelle incarne un socialisme en construction et que sa réussite doit servir de référence pour définir le socialisme lui-même. Cette position peut être considérée comme biaisée, car elle ne tient pas compte des divergences significatives entre la pratique chinoise et les principes marxistes traditionnels. Elle suggère également que toute critique du modèle chinois serait injustifiée, ce qui limite la possibilité d’un débat ouvert et constructif.

En somme, le texte de Bruno Guigue présente une vision du socialisme chinois largement alignée sur la perspective officielle du PCC, sans offrir une analyse critique des divergences avec le marxisme classique. En négligeant les contradictions, les défis et les critiques du modèle chinois, l’auteur propose une lecture partiale. Une évaluation plus équilibrée nécessiterait de confronter les réalisations et les échecs du socialisme chinois aux principes marxistes, tout en tenant compte des contextes historique, culturel et socio-économique. Cela permettrait d’engager une discussion plus nuancée sur la question complexe de savoir si le socialisme à la chinoise est véritablement marxiste.

PS. Il est profondément indigne et révoltant que l’auteur réduise les atrocités massives et les millions de morts de la Révolution culturelle à de simples "erreurs". Comment peut-on ainsi minimiser une période si sombre et brutale de l’histoire chinoise, marquée par des violences extrêmes, des persécutions systématiques et une destruction culturelle sans précédent ? Cette banalisation des souffrances humaines témoigne d’un mépris flagrant pour les victimes et d’une volonté délibérée de masquer la gravité des crimes commis. C’est une insulte à la mémoire de ceux qui ont souffert et perdu la vie, et cela relève d’une tentative éhontée de réécrire l’histoire au profit d’une propagande politique. Il est inacceptable de passer sous silence l’ampleur de ces horreurs en les qualifiant simplement d’"erreurs", et une telle attitude devrait susciter une indignation légitime et profonde. C’est d’ailleurs bizarre et carrément triste de voir qu’aucun commentateur sur ce site ne semble avoir un problème avec cela !

27/11/2024 22:54 par xiao pignouf

Dimitri,

Je trouve votre commentaire intéressant puisqu’il apporte de la contradiction. Il rejoint dans ce sens celui de Vincent un peu plus haut.

Jusqu’à votre conclusion : d’abord, il est faux de dire que B. Guigue minimise les crimes de la Révolution culturelle. Il les met en perspective avec la Chine d’aujourd’hui et la vision que le PCC mais aussi le peuple chinois ont de ce passé. Les questions que vous abordez devraient conduire à se demander comment déterminer le plus exactement possible le degré de responsabilité de Mao dans le cours de la RC. Quand on connaît un peu la Chine, on sait que la centralisation du pouvoir n’a jamais empêché les barons locaux de faire du zèle, ne serait-ce qu’en matière de corruption. Il est clair que la RC a échappé à son iniatiateur.

Par contre, comme il y a une vaste bibliographie sur le sujet comprenant bon nom d’ouvrages de propagande anti-communiste et anti-chinoise, ce serait bien de nous aiguiller sur vos propres lectures qui ont probablement permis de solidifier votre point de vue actuel.

28/11/2024 09:25 par CN46400

B Guigue décrit le "socialisme chinois" en le soumettant à l’équation de Marx qui a décrit le socialisme comme l’issue à un capitalisme centenaire (Angleterre,Allemagne, France...) et pas d’une contrée tout juste entrée dans un capitalisme embryonnaire comme la Russie de 1917 ou la Chine de 1949.
Guigue répond juste à une question qui découle de cette situation : "Le socialisme chinois est-il marxiste ?". Je ne vois pas pourquoi les tâtonnements criminels de Mao qui ne connaissait, contrairement à Deng, rien du capitalisme occidental de son époque, devraient, éternellement, être portés au débit des responsables chinois du moment et du régime qu’ils dirigent.
Pour ma part, je pense que le bilan chinois des 80 dernières années concerne plutôt Lénine, sa pratique, et ce qu’il nommait : "le capitalisme d’état" que Marx et sa théorie.

28/11/2024 10:47 par Assimbonanga

@Dimitri. J’ai beaucoup apprécié ton article très élaboré. Il recouvre les questions que je me pose en d’autres termes, par le biais du roman et des vies privées.

28/11/2024 11:19 par Georges Rodi

> Xiao

Ouais... Bof...
Lorsque Dimitri mentionne les inégalités croissantes, la corruption persistante, les problèmes environnementaux et les conditions de travail parfois difficiles, il ne fait que jouer de la mandoline.

Comme il n’y avait plus aucun Chinois riche sous Mao, et qu’il y en a aujourd’hui, je veux bien admettre que l’écart des richesses s’est accentué. Mais il y a comme qui dirait une certaine logique sous-jacente non ?
Détail : aucun monopole privé n’a pu se constituer en Chine

Les problèmes environnementaux, ils se résolvent. Merci de me citer un seul pays qui fasse mieux. Le tout sans déverser ses industries polluantes et ses déchets dans des pays lointains pour aller au bout du raisonnement.

La corruption persistante... Ok, tout exercice du moindre pouvoir peut être accompagné de corruption. Une totale banalité. Ce serait pire en Chine qu’ailleurs ? Ou plutôt mieux maîtrisé ? Et comment justifier cette critique autrement qu’en citant les cadres chinois jugés et condamnés pour corruption.

Les conditions de travail parfois difficiles... Je ne sais pas combien de personnes mettent encore leurs pieds dans des usines -il faut dire qu’en UE, il y en a de moins en moins- toujours est-il que je le fais souvent.
Les pires conditions sont là où il y a le plus de misère.
Je compare la Chine à l’Inde, (la comparaison la plus légitime qu’il soit) et j’arrête de me demander si le modèle chinois sert réellement les intérêts du prolétariat.
Et lorsque je compare le management des sociétés publiques et des sociétés privées, encore moins.

Minimisation des critiques internationales du modèle chinois, qu’elles proviennent de marxistes d’autres pays ou d’organisations de défense des droits humains.
Ayaaah, entre les deux, il faudra choisir, on risque de se déchirer avec ce grand écart :)

L’auteur conclut en affirmant que la Chine actuelle incarne un socialisme en construction
Ce n’est pas une conclusion de sa part, c’est ce que dit le gouvernement chinois.

Et que sa réussite doit servir de référence pour définir le socialisme lui-même. Cette position peut être considérée comme biaisée, car elle ne tient pas compte des divergences significatives entre la pratique chinoise et les principes marxistes traditionnels.
B. Guigue consacre le plus clair de son article à décrire ces divergences, à commencer par la base paysanne vs une base prolétarienne (pas très développée à l’époque) Cela ne limite en rien la possibilité d’un débat ouvert et constructif.
Et pour le constructif, le commentaire de Dimitri me laisse sur ma faim.
Merci de lui avoir demandé un peu plus de concret.

Quand au Post Scriptum, et la charge sur la révolution culturelle, je n’y vois pour l’instant que l’histoire à la sauce Wikipedia.
La même histoire qui nous embourbe sur les raisons de la grande famine, Tian An Men, Le Tibet, le Xinjiang, Hong-Kong...
Serait-il possible que pour une fois, l’histoire que l’on nous chante sur la révolution culturelle soit juste ?

L’évènement a eu lieu, il a marqué le peuple chinois.
Sur les causes et les conséquences, je serais preneur d’histoires et d’explications sur ce moment que je connais peu avant de me lancer comme Dimitri le fait dans une condamnation banale qui méprise notre droit à faire preuve, à priori, de sens critique.

28/11/2024 16:53 par ANTOINE

Xiao, je connais Dimitri, tant qu’il s’agira de commettre une diablerie quelconque à l’égard de Bruno GUIGUE, il le fera ! Il en a les capacités intellectuelles. Votre réaction est excellente .....comme toujours !

30/11/2024 07:22 par Vincent

Georges, merci pour tes réponses. Je concède que mon prisme d’analyse est purement marxiste ou plutôt "marxiste-engelien" (je ne rejette pas Engels comme bien d’autres "marxistes". Je ne nie pas que la Chine ait sorti de la pauvreté, avec sa révolution, des dizaines millions de personnes, car d’une certaine façon ce serait nier le rôle révolutionnaire et progressiste du capitalisme. Le capitalisme est un progrès par rapport aux modes de production antérieurs. Néanmoins, l’accumulation primitive décrite par Marx s’applique aussi en partie au cas de la Chine (expropriation des dizaines de millions de petits paysans pour les transformer en prolétaires, c’est-à-dire en main d’oeuvre pour l’industrie). Et on ne me fera pas croire que c’est un sort enviable...bien que l’on puisse voir cela comme une nécessité historique.

Tu parles de l’Etat subventionnant les paysans pour les sortir de la pauvreté, certes, je ne le nie pas non plus, mais l’Etat est le capitalisme collectif, le comité d’administration du capital et celà est encore plus vrai dans le capitalisme d’Etat. L’Etat capitaliste (quelle que soit sa forme) agit en tant que reproducteur des rapports capitalistes et cela peut passer et doit même passer par de grands travaux peu rentables ou même pas rentables (du moins à court terme) de manière à faciliter la reproduction élargie du capital en général. L’Etat agit toujours sous couvert de l’intérêt général, mais en réalité, sous ce masque, il agit toujours, s’il est bien administré, pour l’intérêt général classe capitaliste, à commencer par lui-même.

Dans cette perspective, je considère que les révolutions russe et chinoise, bien qu’elles aient échoué comme révolutions prolétariennes, ont réussi comme révolutions bourgeoises tardives. Elles ont permis de dépasser les structures féodales ou semi-féodales pour introduire un capitalisme moderne, sous la forme du capitalisme d’Etat. Cela dit, cette trajectoire n’était pas une fatalité : des révolutions bourgeoises se sont également déroulées sans passage par le capitalisme d’État (comme au Japon ou en Corée).

30/11/2024 10:03 par CN46400

@ Vincent,
Le marxisme ne tolère pas les définitions imprécises. Quand Lénine parle de "capitalisme d’état" c’est par antithèse au capitalisme classique dont Marx disait, et démontrait qu’il "commandait l’état". Alors que Lénine maintenait qu’avec la NEP, c’est l’état qui devait "commander au capital". Et c’est bien ce qui se passe dans la Chine, depuis Deng Xiao Ping, alors que dans l’URSS de Staline le capitalisme avait, officiellement, cessé d’exister dès 1927 (arrêt de la NEP).
L’exemple de l’agriculture est éloquent = nationalisation de la terre + collectivisation du travail en URSS après la fin de la NEP et en 1950 en Chine (communes populaires) jusqu’en 1980 où, si la nationalisation de la terre est conservée, l’exploitation redevient privée, sous contrôle étatique.
Sans ces précisions, le régime chinois ne pourrait se définir comme "socialiste marxiste"...

01/12/2024 08:30 par BRUNO GUIGUE

Même si l’anonymat des intervenants me gêne beaucoup, je vais répondre point par point aux critiques de Dimitri :

"Acceptation non critique des sources officielles"

Qui a dit que j’acceptais quoi que ce soit ? Je décris un processus historique existant, qui ne dépend pas de ma subjectivité, qui s’appelle la sinisation du marxisme. Se référer à des sources officielles chinoises est une preuve de sérieux intellectuel.

"Manque de mise en perspective historique"

On me reproche de "négliger d’aborder les épisodes où le PCC s’est éloigné des principes marxistes". J’ai précisément expliqué que juger le socialisme à la chinoise en fonction des idées de Marx n’avait aucun sens. En revanche, il est légitime de mesurer l’écart théorique creusé par un siècle de pratique des communistes chinois. C’est ce que j’ai modestement tenté de faire.

"Eviction des contradictions" "L’auteur présente la transition économique de la Chine comme un processus harmonieux"

Je me demande si Dimitri parle de mon article, lequel repose intégralement sur l’analyse du concept de contradiction et montre que le PCC a la lourde tâche de tenter de résoudre les contradictions successives qui jalonnent la longue marche du socialisme chinois.

"Le texte ne questionne pas les politiques actuelles du PCC qui peuvent être en contradiction avec les idéaux marxistes, notamment en matière de droits humains, de libertés individuelles et de démocratie ouvrière"

Ces catégories sont-elles marxistes ? Et la situation des "droits de l’homme" en Chine est-elle ce que les officines occidentales en disent ? Mon livre "L’Odyssée chinoise", dont la parution est imminente, traite amplement le sujet. Le présent article aborde la question sous un autre angle.

"La notion de "sinisation du marxisme" est centrale dans le texte, mais elle n’est pas clairement définie"

Je suis désolé si ma modeste entreprise n’atteint pas les sommets de votre intelligence, et j’attends avec impatience votre propre contribution constructive.

"Si l’auteur met en avant les succès économiques de la Chine, tels que l’éradication de l’extrême pauvreté et le développement industriel, il ne mentionne pas les problèmes liés à ces progrès"

Eh oui, il y a des problèmes. Comme l’a rappelé Georges Rodi, il suffit d’aller faire un tour en Inde pour relativiser ceux de la Chine. 10 ans d’écart pour l’espérance de vie, le revenu disponible par tête trois fois supérieur, etc.

"Le texte ne fait pas référence aux critiques internationales du modèle chinois"

Il faut croire que ce n’est pas ma feuille de route, et d’autres, beaucoup plus influents que moi, s’en chargent tous les jours. J’assume mon parti pris.

"L’auteur conclut en affirmant que la Chine actuelle incarne un socialisme en construction et que sa réussite doit servir de référence pour définir le socialisme lui-même"

Oui, absolument, c’est un socialisme en construction qui est encore au stade primaire pour plusieurs décennies, c’est un régime de transition de longue durée qui charrie son lot de contradictions.

L’avenir dira si le PCC est capable de résoudre ces contradictions par le haut.

01/12/2024 09:11 par CN46400

@ Vincent,
Je m’aperçois que votre post dépasse ma réponse. Il est exact que le pb, en 1917 comme en 1949 concerne "l’accumulation primitive’ insuffisante aussi bien en URSS qu’en Chine au moment où la révolution surgit. En 1789, Marx n’existait pas ; en 1917 et 1949, sa pensée était au zénith. Au point que Kaustky, contre l’opinion de Lénine, pensait que la révolution devait abandonner la Russie, pour attendre que le capitalisme y ait produit tous ses effets. "La révolution est arrivée là où la chaîne du capital s’est brisée, pas là où les professeurs l’attendaient (Occident...)", répond Lénine.
Et c’est alors qu’il propose la NEP et le "capitalisme d’état". Mais il n’a que six années de vie devant lui, alors qu’il pense, et dit, que la durée de la NEP doit se prévoir pour "plusieurs générations..." Comme Staline, Mao n’a pas compris Lénine, c’est Deng qui comprendra, 60 ans après 1920, le point de vue de Lénine, avec les résultats que l’on connaît maintenant....

01/12/2024 09:26 par xiao pignouf

Bruno Guigue,

Je ne vois pas pourquoi l’anonymat serait gênant, à partir du moment où votre contradicteur ne vous offense pas. C’est la qualité des arguments qui prime et ceux de Dimitri vous donne l’occasion de clarifier votre pensée. En plus, en publiant sur le GS, et comme l’immense majorité des forums de discussions en ligne, vous savez très bien que vous vous exposez à un commentariat majoritairement sous pseudonyme.

Si vous publiiez sous un nom d’emprunt, ça ne changerait rien à la qualité de vos articles.

01/12/2024 11:16 par BRUNO GUIGUE

Xiao pignouf

L’anonymat du contradicteur et le caractère offensant du propos sont deux sujets totalement distincts.
C’est sans doute "vieux jeu", mais je préférerais dialoguer avec des personnes dont je connais au moins le nom et le prénom. Que les réseaux sociaux ne fonctionnent pas de cette façon ne m’a pas échappé, et c’est pourquoi je réponds rarement aux commentaires.

01/12/2024 16:23 par Julie

A Bruno Guigue,

Quand on n’est rien, qu’on est vieux et isolé dans un village de France majoritairement facho et qu’on n’a pas les moyens financiers de se défendre, soit on ferme sa gueule, soit on s’exprime sous pseudo.

01/12/2024 17:42 par xiao pignouf

C’est sans doute "vieux jeu"

J’en connais qui diraient « boomer »... :))

mais je préférerais dialoguer avec des personnes dont je connais au moins le nom et le prénom

Et bien ça ne vous laisse que Georges Rodi et il ne vous contredira pas.

01/12/2024 19:12 par Assimbonanga

Parmi les contributeurs, il y a ceux qui sont quelqu’un (écrivain, syndicaliste, activistes, responsable d’asso) et ceux qui ne sont rien, seulement connus de leur propre famille. J’ai pas envie que ma famille vienne me lire, perso. Je me sens bien plus libre en restant inconnue. N’étant rien, n’appartenant à aucun groupe, pas protégée par un réseau de militantisme, pas envie de me mettre en danger, m’exposer, pour un bénéfice nul pour la société.

Je pense toutefois que je me suis fait un pseudo et qu’ici, chacun est devenu une personne identifiable, par l’habitude de se fréquenter. Et de s’engueuler. En toute égalité & fraternité bien sûr. Avec la liberté de l’anonymat.
Par contre, un truc détestable, c’est ceux qui changent de pseudos au gré de l’humeur, juste pour faire un bon mot...

01/12/2024 21:31 par Suzanne

Bruno Guigue, vous êtes seulement "victime" d’une situation exceptionnelle, c’est-à-dire une situation où l’auteur renommé d’un article publié ici nous...répond. Accepte de discuter qui plus est. Cela n’arrive pas souvent, sinon jamais, et c’est pourquoi vous êtes gênés de nos pseudos, dont nous ne pouvons nous passer parce que sur internet, moins on en dit mieux c’est, comme le dit très justement Assim.
Mais un grand merci d’avoir répondu, d’avoir affronté notre groupe de camarades (on s’engueule mais on s’aime bien en vérité). On est peut-être à la veille d’un grand mouvement où les gens de bonne volonté se parleront entre eux, quelle que soit leur condition, leur niveau d’étude, leur renommée, leur expérience. Bien amicalement à tout le monde en passant.

Suzanne

01/12/2024 23:32 par Julie

A Assim,

L’avantage des pseudo constants ce sont les relations qu’ils permettent de construire entre les lecteurs, mais chacun doit pouvoir garder la liberté de changer de personnage, s’il le souhaite. Ça peut aider à évoluer.

Je me dis que ceux qui changent de pseudo ont leurs raisons, peu importe lesquelles ; ça ne me regarde pas forcément. S’ils n’ont pas envie d’être reconnus, même par leur pseudo, c’est leur affaire, pas la mienne. Ce qui m’importe c’est ce qu’ils écrivent, et qu’on puisse le cas échéant le critiquer.
Je pense à cet égard, à un écrivain connu, dont j’ai beaucoup aimé certains livres écrits sous un pseudo que personne ne connaissait... contrairement à son nom d’écrivain, un autre pseudo, mais habituel et célèbre celui-là.

De toute façon on ne peut empêcher personne de le faire. C’est à chacun d’évaluer ce qui lui convient le mieux.

03/12/2024 20:00 par kisuije

[...] Comme j’ai aimé la Chine ! Il y a ainsi des pays, que l’on accepte, que l’on épouse, que l’on adopte d’un seul coup comme une femme, comme s’ils avaient été faits pour nous et nous pour eux ! Cette Chine à l’état de friture perpétuelle, grouillante, désordonnée, anarchique, avec sa saleté épique, ses mendiants, ses lépreux, toutes ses tripes à l’air mais aussi avec cet enthousiasme de vie et de mouvement, je l’ai absorbée d’un seul coup, je m’y suis plongé avec délices, avec émerveillement, avec une approbation intégrale, aucune objection à formuler ! Je m’y sentais comme un poisson dans l’eau ! Ce qui me semblait particulièrement délicieux, c’était cette spontanéité, cette ébullition sans contrainte, cette activité ingénieuse et naïve, tous ces petits métiers charmants, cette présence universelle de la famille et de la communauté, et aussi, faut-il le dire, ce sentiment partout du surnaturel, ces temples, ces tombeaux, ces humbles petits sanctuaires sous un arbre où le culte se compose d’une baguette d’encens et d’un morceau de papier, tout cela m’était comestible

04/12/2024 13:42 par Julie

Comme j’ai aimé la Chine ! Il y a ainsi des pays, que l’on accepte ...

A vue de nez : pas un communiste. Un écrivain français qui a visité la Chine avant qu’elle soit communiste.
Mais lequel ?
Là j’ai dû tricher : j’ai cherché la première phrase sur le net et je l’ai trouvée...

05/12/2024 11:36 par Assimbonanga

Ce qu’on peut clairement déduire de l’article de Reporterre sur le Xinjiang, c’est que le lobby Institut Ouïgour d’Europe a bien fait son boulot... C’est écrit noir sur blanc au début de l’article. Ce lobby anti-chinois aplacé un article sur le magazine Reporterre, c’est tout bénéf et c’est pas le magazine Reporterre qui pourra financer un voyage pour deux journalistes au Xinjiang pour vérifier. Ce serait une grosse opération, obtenir les contacts, avoir le traducteur... Je ne sais pas le montant de la cagnotte qu’il faudrait y consacrer...
Moi, présentement, je ne suis encline à financer le voyage d’aucun reporter. Je me demande bien pourquoi (émoji se frotte le menton dubitativement).

05/12/2024 23:46 par Maxime Vivas

c’est pas le magazine Reporterre qui pourra financer un voyage pour deux journalistes au Xinjiang pour vérifier.

Du coup, Reporterre reprend sans vérifier les fake news made in USA et made in médias français (ceux des 9 milliardaires).
Reporterre pourrait commencer à lire ici les articles sur le sujet. Il pourrait aussi lire les livres d’un administrateur du GS qui a enquêté 3 fois sur place. Ils pourraient lire les déclarations de la Haut commissaire aux droits de l’homme (ONU) et le "rapport" des enquêteurs de l’ONU (on trouve tout ça dans mon second livre sur le Xinjiang).
J’attire aussi votre attention sur ce point : il n’y a pas sur le Xinjiang un différend entre Reporterre et moi, il y a un différend entre un gars et un autre. L’un écrit sur Reporterre, l’autre sur LGS. L’un raconte sans savoir, l’autre a vu, et plutôt 3 fois qu’une.
La grosse différence est la suivante : sur le Xinjiang,
1 -j’ai lu la presse des milliardaires, la presse de gôche, la presse bien-pensante, la presse des syndicats de journalistes, le baratin des Glucksmann, Clémentine Autain, Olivier Faure, etc.
2- j’ai lu la presse chinoise, les écrits des intellectuels états-uniens qui contestent le génocide (comme d’ailleurs les avocats de la présidence états-unienne), j’ai lu le rapport du Haut commissariat aux droits de l’homme de l’ONU et je suis allé voir.
3- Reporterre en est resté volontairement au point 1 ci-dessus.

Ils ont fait un choix politico-démago mou du genou. Sur ce sujet, je n’ai aucun respect pour eux.

06/12/2024 11:03 par Assimbonanga

@Maxime Vivas, hé bien voilà ! Il fallait que ce soit dit et c’est dit ! Et bien dit.

Du coup, Reporterre reprend sans vérifier les fake news

Reporterre est crédule et tient pour vrai ce que la légende la plus couramment répandue colporte sur la bonne foi d’un Raphaël Glucksman... Hé oui, c’est comme ça. Personne n’a le droit de dire que les beaux habits de l’empereur n’existent pas et qu’en réalité il est à poil. C’est un des miracles de la société des humains. S’accorder sur une convention commune immatérielle. On comprend pas !

11/12/2024 15:41 par sixiangjiaoyu

Bonjour Monsieur Guigue,

Selon le programme des Nations Unies World population prospect, l’espérance de vie aux États-Unis en 2024 est de 79,46 ans contre 78,02 en Chine.
D’après ce même jeu de données, l’espérance de vie en Chine a dépassé celle des États-Unis de 2020 à 2022 avant de reculer légèrement en 2023. En 2024, elle est revenu à son niveau de 2020.
Il est donc en inactuel d’écrire que l’espérance de vie en Chine est « loin devant les États-Unis ».
https://population.un.org/dataporta...

12/12/2024 13:04 par Georges Rodi

Le Président de Taïwan fait escale sur l’île de Guam, où se trouve la plus importante base militaire des USA dans le Pacifique.

Difficile de comprendre ce que ce type trouve de positif du côté des USA en ce moment de l’histoire.
L’Ukraine ? La Palestine ? Les bons émis par la FED ? Rubio dans l’équipe de D.Trump ? Ce que leur "protection" va coûter au peuple Taïwanais...? Je ne sais.

L’histoire doit retenir qu’il fait de son mieux pour déclencher un conflit avec Beijing.

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