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Les enquêteurs internationaux rendent leurs conclusions sur l’accident du MH17. Pourquoi laissent-ils tant de questions en suspens ?

Le mandat du groupe d’enquête conjoint (JIT), chargé d’étudier les circonstances de l’accident du Boeing MH17 à l’Est de l’Ukraine le 17 juillet 2014 , touche à sa fin. Au début de l’année prochaine, les enquêteurs devront dévoiler les résultats de ses travaux. Mais plus l’enquête avance, plus de questions envers le JIT se posent et plus de doutes concernant leur capacité de désigner les vrais responsables de la mort de 298 passagers s’élèvent.

Le rapport incomplet

Lors d’une conférence de presse en mai 2018, les enquêteurs internationaux ont présenté des preuves permettant selon eux d’accuser l’armée russe de l’accident. Dès le début, cette version, qui est d’ailleurs tout à fait probable, était la seule que le JIT a développé. Est-ce que les enquêteurs ne devraient pas exploiter toutes les pistes ?

Le refus de Moscou de coopérer à l’investigation et une campagne agressive de propagande russe freinent l’enquête. Mais les membres du JIT, eux-mêmes, donnent des armes à Poutine en ignorant les informations fournies officiellement par Moscou. Ainsi, le rapport du concepteur du missile Bouk, a été rejeté comme étant en porte-à-faux avec la ligne du JIT. Fred Westerbeke, enquêteur en chef, a littéralement déclaré : "leurs conclusions sont contraires aux nôtres. Nous ne les partageons pas...Je ne veut pas savoir si elles sont correctes ou pas ".

En septembre 2018, le ministère de la Défense russe a tenu, à son tour, une conférence de presse sur la destruction du vol MH17. Se basant sur des documents jusqu’alors « secret défense », l’armée russe a assuré que le missile « a été assemblé le 24 décembre 1986 et délivré par train » à l’ouest de l’Ukraine. « Après la chute de l’Union soviétique, le missile n’a pas été rapatrié sur le territoire russe et a été incorporé à l’armée ukrainienne ». Moscou affirme d’avoir remis ces documents à la justice. Le JIT n’a donné jusqu’à présent aucun commentaire aux informations reçues. Comme si la conférence de presse russe n’avait jamais eu lieu.

« Le travail du JIT est très politisé »

Les experts indépendants dénoncent les méthodes du JIT et étudient d’autres théories plausibles. Ainsi, Max van der Werff, un blogger néerlandais qui est allé deux fois sur le site de l’accident du MH17, n’exclut pas plusieurs versions possibles de ce qui s’est passé. Selon lui, l’armée ukrainienne aurait pu tirer le missile par erreur, comme ce fut le cas en 2001, où elle avait abattu au-dessus de la mer Noire le vol 1812 Siberia Airlines transportant 76 passagers.

D’après Christian Roger, ancien leader de la Patrouille de France, une autre hypothèse n’est pas à écarter : prise de contrôle de l’unité de véhicules Bouk russe par des militaires ukrainiens connaissant cette technologie, dont ils disposaient.

Le travail du JIT est très politisé, souligne Max van der Werff, car la plupart des pays membres du groupe, notamment les Pays-Bas et l’Australie, historiquement hostile à la Russie, cherche tout prétexte pour la critiquer. La Malaisie, pourtant, qui n’est pas si biaisée envers Moscou, n’a pas trouvé les dernières conclusions du JIT convaincantes. Pour le ministre malaisien des Transports, Anthony Loke, les preuves recueillies par les enquêteurs internationaux ne confirment pas l’implication de la Russie dans l’accident du MH17. La Belgique s’est aussi abstenue de commentaires définitifs. Le rapport du JIT s’appuie principalement sur des photos et des vidéos publiées dans les réseaux sociaux dont l’authenticité personne ne peut valider, évoque l’expert néerlandais. Donc, le JIT ne possède aucun document qu’il peut déposer devant les juges.

Outre cela, Max van der Werff pointe du doigt de nombreux témoignages qui s’opposent à la ligne officielle du JIT d’un côté et expliquent pourquoi il ne faut pas écarter différentes versions des faits de l’ autre. Les enquêteurs néerlandais n’ont pourtant pas dévoilé les données que Kiev aurait dû fournir au JIT. Depuis la catastrophe, l’Ukraine, par ailleurs, n’a pas tenu de conférence de presse et n’a publié aucun rapport.

Les détails cachés par l’Ukraine

D’abord, Valentine Nalivaïchenko, le chef du Service de sécurité d’Ukraine (SBU) à l’époque, a déclaré que les séparatistes pro-russes avaient voulu abattre un avion russe visant à créer un casus belli pour que Moscou soit intervenu en Ukraine. Le SBU a ensuite effacé ses propos du site, mais ils sont accessibles via les archives. Après, le SBU a soumis et tout de suite rejeté l’hypothèse selon laquelle le Bouk ayant abattu MH17 avait été pris par les rebelles de l’armée ukrainienne.

À ce stade, une question se pose : pourquoi les autorités ukrainiennes ayant tous les outils pour mener une enquête détaillé et non biaisée n’ont-elles pas présenté de conclusions solides ? Les dernières publications du JIT ne contiennent aucune information concernant les positions des Bouks ukrainiens le jour de l’accident ou des enregistrements des aiguilleurs du ciel. Si les militaires ukrainiens sont innocents, comme Kiev affirme, pourquoi l’Ukraine et le JIT ne dévoilent-ils pas ces données ?

En outre, les experts ont mis en question les affirmations de Kiev sur l’absence de vol de l’aviation militaire le 17 juillet 2014. Les autorités ukrainiennes ont assuré que les forces aériennes du pays n’avaient pas effectué de vol. Pourtant Max van der Werff a réussi à récupérer des témoignages des gens qui avait vu des avions de combat voler le jour de la tragédie, à une si basse altitude qu’ils n’ont pas pu abattre le MH17. Mais pourquoi alors le cacher ?

Voici une autre question ambiguë que les Pays-Bas et plusieurs officiels européens préfèrent éviter : pourquoi le pays n’avait pas fermé son espace aérien au-dessus de la zone de conflit ? Certes, il avait dû le faire compte tenu que peu avant l’accident du MH17 les séparatistes avaient abattu des avions de combat ukrainiens. Or, le danger pour le trafic aérien était bien évident. Mais Kiev n’aurait pas voulu perdre le profit qu’il tire de la circulation aérienne internationale, ce qui compte au moins deux cents millions d’euros par an. Qui qu’il en soit, l’espace aérien de l’Ukraine sans restriction s’est avéré une des erreurs fatales ayant mené à la mort des 298 passagers du vol MH17. Amsterdam a même demandé les familles des victimes de ne pas porter plainte contre Kiev car cela aurait pu torpiller la coopération avec l’Ukraine dans le cadre du JIT, indique le journaliste néerlandais Peter Klein.

Avant que l’on n’obtienne les réponses aux questions posées ci-dessus, l’enquête ne peut pas être qualifiée de non-biaisée car l’Ukraine aussi, comme la Russie, était partie prenante du conflit qui a entraîné l’accident. Pour désigner les vrais causes de la catastrophe et rendre un jugement il est indispensable de collecter et analyser soigneusement toutes les données fournies par les deux parties. Ainsi, l’enquête est encore loin de son terme. Le mandat du JIT qui échoit le 1e janvier 2019 serait prolongué au moins d’un an.

Célia Schmidt

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