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Les gloutons de l’éco

Quand on évoque les mauvaises pratiques économiques, on pense d’abord aux fonds spéculatifs dénués de toute éthique, aux traders avides de gains rapides ou autres raiders, spécialisés dans les OPA hostiles et qui utilisent tous les moyens pour s’enrichir sur le dos des entreprises, en toute immoralité. Mais les gloutons de l’éco, ceux qui avalent les plus petits qu’eux, au risque de les dépouiller au passage de leur richesse, matérielle et immatérielle, ne sont pas toujours ceux que l’on croit…

Les PME françaises ont tendance à se faire avaler…

C’est un phénomène bien connu : en France, bien peu de PME qui grandissent sont indépendantes. Quand elles dépassent les 500 salariés, elles ne sont plus que 5% à l’être encore, selon un rapport parlementaire de Bruno Rétailleau publié en 2010. Sans parler de celles qui ne sont plus françaises, car tombées dans les mains de groupes étrangers : récemment Sonia Rykiel ou Alti sont passées sous le giron de groupes asiatiques. Bien sûr, on peut considérer que c’est la loi du marché, et que chacun y trouve réellement son compte. Mais le rapport Rétailleau voit dans ce phénomène un autre symptôme : il met en cause les grandes entreprises qui « veillent à ne pas laisser prospérer des entreprises suffisamment fortes pour leur faire concurrence ». Et en l’occurrence, on ne peut que s’indigner des pressions et des pratiques que subissent certaines de ces petites entreprises de la part de celles qui les ont avalées, ou qui souhaitent à tout prix les engloutir…

Entre pressions et malveillances : un combat inégal

Ces absorptions ne se font pas toujours de plein gré. Eric Careel, qui dirigeait Inventel, à l’origine de la Livebox d’Orange, révèle ainsi les pressions qu’il a commencé à subir dès que sa société a commencé à prendre de l’importance. Il raconte : «  [mes gros clients] m’ont mis la pression pour que je trouve un acquéreur ». Une lutte inégale : Inventel a alors rejoint le giron du géant Thomson…
Pour ceux qui résistent, les conséquences peuvent être dramatiques. Car les ogres du marché ont des moyens de pression immenses… Pierre Gaches, qui dirige Gaches Chimie, explique ainsi qu’en 1999, l’un des représentants de Brenntag, le mastodonte de son secteur (distribution de produits chimiques), a fait part de son souhait de racheter sa PME. Face à son refus, Brenntag a livré à Gaches Chimie une sévère guerre des prix et a fait pression sur l’ensemble de ses fournisseurs… Avec succès. Mais la ténacité de Pierre Gaches à faire reconnaître l’irrégularité de ces pratiques a permis à l’Autorité de la Concurrence de prendre en main le dossier, cette dernière ayant prononcé une importante sanction contre Brenntag et quelques-uns de ses complices pour entente sur les prix. Cependant, pour une reconnaissance judiciaire de ce type, combien de PME ont-elles disparu en raison des pratiques illicites de grands groupes exerçant de véritables abus de pouvoir ? « Je te contrôle ou je te fais disparaître » semble être un cruelle devise pourtant bien répandue…

Les brevets : le nerf de la guerre

Quand des brevets sont en jeu, les gloutons deviennent d’autant plus gourmands. Prendre le contrôle d’une entreprise pour récupérer ses inventions est une pratique courante. Lorsqu’en 2012, Google a racheté Motorola, c’était très clairement – Google l’a affirmé - pour mettre la main sur ses 17000 brevets. Si dans l’absolu cette stratégie n’est pas répréhensible, on observe que dans certains cas, l’appropriation de brevets a des airs d’opération de dépeçage en règles…

L’ancien dirigeant de LBMA (Laboratoire de Biotechnologie Marine Appliquée) affirme ainsi avoir été victime de l’appétit d’un fonds de placement pour les brevets innovants qu’il a développés dans le cadre de sa société, qui a mis au point un sérum naturel aux propriétés anti-inflammatoires et aux applications médicales multiples. En 2006, le fonds de placement OTC entre au capital de LBMA, qui cherche à se recapitaliser. Il exige la cession des brevets et des marques de l’entreprise. Mais les relations entre la PME et son actionnaire se gâtent rapidement, le dirigeant finit par être révoqué et la société, qui n’est plus maître de ses propres innovations –le fonds est soupçonné de les avoir utilisées dans d’autres négociations commerciales…-, est irrémédiablement fragilisée. D’autres entrepreneurs se sont dits victimes de ce type de pratiques de la part de fonds d’investissements désireux de récupérer des brevets pour les utiliser selon leurs propres stratégies, avant de se débarrasser des embarrassantes sociétés qui les ont mises au point…

GDF Suez se fait elle aussi remarquer pour son appétit de PME dans le domaine des énergies renouvelables. L’énergéticien a, entre autres, pris en 2008 une participation majoritaire dans Energia, PME spécialisée dans les pompes à chaleur qui affichait alors une santé rayonnante. Et depuis… après une réorientation ratée vers le solaire, Energia a perdu la quasi totalité de ses effectifs, et a connu une mise en redressement judiciaire. En cause pour Fabrice Crobeddu, le fondateur d’Energia : la gestion chaotique dont a fait preuve GDF Suez à l’égard de sa société, qui interroge sur les véritables intentions du groupe lorsqu’il a absorbé cette PME. Pour Fabrice Crobeddu, l’explication est claire : « GDF Suez n’a rien fait pour sauver l’entreprise car elle concurrençait leur activité de gaz. Ils voulaient juste transférer nos précieux techniciens vers leurs filiales ». Il a décidé de mener l’affaire devant les tribunaux : à ce jour toutes les décisions rendues lui ont été favorables.

Jean-Michel Germa, le fondateur de la Compagnie du Vent, a connu une mésaventure similaire. GDF Suez est ainsi devenue actionnaire majoritaire de cette PME, star de l’éolien, en 2007. Mais depuis, le groupe semble plutôt travailler à son affaiblissement qu’à sa croissance. Il l’a notamment écartée du projet de réponse au stratégique appel d’offres concernant l’éolien offshore au large du Tréport, dans lequel la Compagnie du Vent était pourtant déjà bien engagée (GDF Suez ayant récupéré au passage les études déjà réalisées par la PME), pour répondre dans le cadre d’un consortium avec d’autres acteurs. Une réponse finalement non retenue par l’État, qui laisse un arrière-goût d’immense gâchis… Jean-Michel Germa, qui cherche à défendre devant les tribunaux les intérêts de l’entreprise qu’il a fondée– il a été révoqué entre temps- accuse le groupe d’avoir voulu récupérer les études et savoir-faire de sa PME, avant de la laisser péricliter… pour mener une stratégie parallèle « de groupe » avec d’autres partenaires, dont une PME directement concurrente de la Compagnie du Vent, Neoen, qui a sans doute comme principal avantage d’être détenue par l’influent Jacques Veyrat. Les dommages collatéraux sont lourds : des dizaines d’emplois sont menacés au sein de la PME, dont la survie même est incertaine.

Entre pouvoir et responsabilités

« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », a dit Voltaire. Ceux qui détiennent l’argent, ceux qui occupent une place importante sur leur marché ont, de fait, de grands pouvoirs sur les acteurs qui les entourent. Et la responsabilité d’agir de façon éthique, pour le maintien d’un écosystème économique – et social – vertueux. Ce qui est, de toute façon, meilleur pour le marché en général. La folie des grandeurs et la soif de puissance ont malheureusement parfois tendance à le faire oublier…

Julien Verdier

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