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Mai 68 mondain contre mai 68 social

Les commémorations officielles des 40 ans de mai 68 doivent beaucoup à Nicolas Sarkozy.

En affirmant qu’il voulait « liquider mai 68 » celui-ci a en effet réveillé une envie de vérité sur ce que fut la plus grande grève générale de l’histoire de France et peut-être du monde. Après tout, vouloir en liquider le souvenir, c’est le meilleur hommage à lui rendre : cela prouve que 40 ans après, mai 68 est encore présent au point qu’il obsède encore l’actuel président, la droite, le patronat, ses caisses noires.

Du coup les commémorateurs médiatiques officiels, ayant senti le danger, ne présentent plus mai 68 que sous son jour mondain, historiquement déformé, dénaturé. On a droit aux Serge July, Daniel Cohn-Bendit, Laurent Joffrin, Romain Goupil sans souci de leur trajectoire inversée. Serge July explique que « mai 68 c’est la dernière grande grève du XIX° siècle ».

Cohn-Bendit répète « Oubliez Mai 68 ». Joffrin fait un journal droitier qui se prétend indûment l’héritier de mai 68. Goupil approuve l’intervention de Bush en Irak avec l’autre soixante-huitard Bernard Kouchner passé de l’autre coté de la barrière. France inter organise le 22 mars, entre la Sorbonne et l’Odéon, une journée avec tous ces gens là sans même donner la parole à un seul syndicaliste. Ladite journée se conclut par le « téléphone sonne » consacré à un vieux débat entre Albin Chalandon et Jean-Jacques Servan-Schreiber, revu et commenté par Laurent Joffrin. On a vu des télés laisser monopoliser la parole sur mai 68 par des Max Gallo, Glucksman père et fils, et autres Tillinac.

En fait Nicolas Sarkozy ne veut pas « liquider » le mai 68 mondain, il orchestre même sa mise en médias : n’a t il pas pris Kouchner le va t"en guerre extrémiste, dans son gouvernement ? Un tiers mondiste, deux tiers mondains ? Non, ce qu’il craint c’est le mai 68 social, pas celui des étudiants mais celui des 9 à 11 millions de grévistes.

Tout le monde aurait oublié les étudiants, les barricades de Gay-Lussac, s’il n’y avait pas eu l’immense grève générale salariale.

Par exemple, je suis allé manifester aux côtes de Rudy Dutschke à Berlin en février 68 : le mouvement étudiant allemand était beaucoup plus fort que le mouvement étudiant français, mais personne ne s’en souvient car il n’y a pas eu de mouvement du salariat allemand de l’ampleur du mai 68 français.

Mai 68 ce n’est pas résumable aux barricades étudiantes !

D’ailleurs les premières barricades de 1968 sont ouvrières : fin janvier 1968 c’est à Caen qu’elles commencent pendant huit jours avec des manifestations à répétition, barricades et grèves de jeunes ouvriers de la Saviem, de Ferrodo, de Moulinex, qui mettent la ville en état de siége.

Mai 68 est le produit d’un long processus de luttes sociales qui commence en 1963 avec la grève des mineurs qui, en trois mois, en dépit de la réquisition de de Gaulle, finit par obtenir le 5 avril, 11 % d’augmentation de salaires. C’est un signal déclencheur pour quatre ans de luttes montantes, le nombre de jours de grèves, de grévistes, la durée des grèves, les formes de luttes vont aller croissantes… En 1966 et 1967, il y a deux « 17 mai », deux journées nationales d’action unitaires CGT, CFDT, FO, FEN massivement suivies contre les ordonnances anti-sécurité sociale de Georges Pompidou. Elles mobilisent deux fois 1 à 2 millions de personnes. En mars 1967, aux élections législatives, la gauche manque la majorité au Parlement d’un seul siége. Dans ces années-là , les conflits célèbres et durs se multiplient comme à Redon ou à Rhodiaceta.

Les signes annonciateurs sont là  : seul un journaliste du Monde comme Pierre Viansson-Ponté ne les voit pas, il écrit en février « la France s’ennuie » alors que la France entière est prête à exploser.

Au début l’explosion n’est en effet qu’un mouvement radical de la jeunesse scolarisée, qui porte à la fois des questions universitaires et scolaires et anti hiérarchiques. Cela occupe le terrain d’avril à début mai, avec l’apogée de la « nuit des barricades » du 10 mai. Mais tout bascule surtout les 15, 16 et 17 mai, quand une vague sans précédent profite de l’occasion pour parcourir tout le pays : de Sud-Aviation à Renault-Cléon, dans toutes les entreprises du pays, par millions, tous les salariés entrent dans un vaste mouvement de grève prolongé pour les salaires, les conditions de travail, la durée du travail. C’est ce qui provoque la crise du régime sur le point se s’effondrer. Le général de Gaulle ne comprend rien à ce qui se passe, il ordonner la répression et même de tirer sur la foule, n’est même pas suivi par son premier ministres et ses préfets, à en douce, va chercher l’armée, puis revient, et profitant de l’incapacité de la gauche à se mettre d"accord, à demander des élections, à proposer une issue politique, prend le premier l’initiative de dissoudre l’assemblée nationale.

Pendant ce temps-là , le gouvernement Pompidou négocie et fait d’importantes concessions de salaires, d’amélioration de conditions de travail, de droit syndical, de promesses de réduction de la durée du travail à Grenelle. Bien que les avantages soient grands, les salariés estiment n’en avoir pas assez et continuent trois semaines de plus, par millions, la grève…

C’est la plus grande grève de l’histoire de France et sans doute du monde. Tous sont touchés, industrie et services, métallos, chimistes, cinéastes, gardiens de musée, joueurs de foot, chirurgiens dentistes ou infirmières, enseignants et gardiens de prison. Partout un véritable soulèvement social massif effraye le patronat.

Au point que 40 ans après, la force propulsive de mai 68 n’est pas épuisée.
Mai 68, en fait, c’est la première grande grève du XXI° siècle.

On n’a cessé d’en revoir le scénario, en mars 1973 contre la loi Debré, en 1976 et 1979 à l’université et dans la sidérurgie, en 1986 avec la mort de Malik Oussekine, le retrait du plan Devaquet et la grande grève qui a suivi, en 1994 avec la grande manifestation contre Bayrou et celles contre le CIP, en novembre décembre 1995 contre le plan Juppé, en 2003 contre les scélérates lois Fillon contre les retraites, en 2006 contre le CPE…

La vie sociale profonde de notre vie rete encore structurée par les effets profonds de la grande grève de mai 68. La victoire de la gauche en 1981 est un effet différé de mai 68. La victoire de Lionel Jospin en 1997 est un effet différé de nov-déc 95.

C’est cela qui effraie Sarkozy et lui a fait défier, calomnier, dénaturer mai 68 : il a raison car c’est une grande grève générale de ce type qui stoppera l’ensemble de la politique intégriste, néo libérale réactionnaire qu’il met en oeuvre depuis cinq ans.

A nous d’y travailler dans l’unité de toute la gauche !

Gérard Filoche, le 31 mars 2008

Auteur de "mai 68 histoire sans fin, liquider mai 68, même pas en rêve" Ed. JC Gawsevitch 480 p 23 euros

gerard.filoche@wanadoo.fr

site : www.democratie-socialisme.org

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COMMENTAIRES  

01/05/2008 04:22 par Gérard D.

... dans l’unité ou pas "... il a raison car c’est une grande grève générale de ce type qui stoppera l’ensemble de la politique intégriste, néo libérale réactionnaire ..."

01/05/2008 08:53 par xéno

Opposer un 68 mondain à un 68 social, c’est aller peut-être aller un peu vite en besogne...

Projeter les conflits de 2008 sur 68, ce n’est pas de parler de 68, car 68 ne se défini pas par l’après-68, mais par l’avant-68.

Et l’avant 68 c’était :
 des bonnes soeurs en cornette,
 des uniformes pour tout le monde
 des photos de classe de lycée où se côtoyaient des pull-col-ronds (fils d’ouvriers) et,
 des costumes 3 pièces (fils de bourges),
 des pointos et leurs horloges pointeuses,
 des usines au bout de la rue,
 des casquettes et galons dorés
 des pelouses interdites au public
 les brassards de deuil,
 des syndicats
 des bouchers avec un chemise pied-de-poule,
 des villes qui se vidaient aux mois d’aout.
 des augmentations du pouvoir d’achat (tiens tiens),
 des luttes pour l’augmentation du pouvoir d’achat (tiens ? tiens tiens)
 des prolos qui jouaient les prolos et des notables qui tenaient le haut du pavé,
 des bourses du travail
 des curés en soutanes
 des "hirondelles" avec pèlerines plombées...

... tout un mode disparu,

L’après-68 ça a été :
 le Ministère du Temps Libre
 les conférences de presse de Pompidou nous racontant 2008,
 le déclin des syndicats
 Jean Ferrat et ses chansons anti-lycéennes se faisant huer au Palais des Sports, par les pères des nouveaux lycéens à la fête de CE de Renault qui ne voulaient plus pour leurs enfants de cette vie de héros d’atelier

15/05/2008 15:03 par Anonyme

En 68, j’avais 23 ans et était à la fac de Lettres de Montpellier ; j’ai "fait" 68 ; mais je ne vois pas pourquoi je devrais gaver les jeunes avec des souvenirs d’ancien combattant (d’ailleurs con et battu ; cf les élections du mois de juin suivant).
Marre des ces vieux cons qui ressassent, plus ou moins enjolivés d’ailleurs, leur exploits. Mort aux cons, surtt s’ils sont vieux et rabachent.
Kamadra

28/08/2009 17:34 par duperrier

MAI 1968 les Etudiants Ouvriers Employés,pour une fois ont tous Obéis à la C I A pour chasser le Générale Degaulle qui avait renvoyé les G I hors de la FRANCE ,Nous avions la FIERTE d’être FRANCAIS ,Maintenant la CIA à placé un de ses AGENT ,Ces caisses Noires ET avec MITTERRAND ses escroqueries URBA Crédit Lyonnais ext ext ext avec les autres ils nous ont ratiboisés ,la Gauche comme la Droite sont des escrocs Mais je vois qu’ils ont encore des FANS ,Le PAQUEBOT FRANCE N’A PLUS DE CAPITAINE DROIT SUR L’ICEBERG ,les Français ne représentent plus rien ,sont des toutous obéissant aux dictats des Associations ANTI FRANCAIS et de Leur MAITRE

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