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Ni rationnelles, ni féminines : la sexualisation des femmes violentes (Countercurrents)

Les femmes qui se livrent à des violences sont souvent l’objets de récits sexualisés dans lesquels leur conduite est décrite comme une déviation des traits féminins normaux (’pacifiques’). Ces récits sexualisés nient la capacité de violence des femmes en excluant celles qui s’y livrent du royaume de la rationalité et en les considérant comme des non-femmes.

A cet égard, la couverture médiatique du procès en appel d’Amanda Knox et de sa libération de la prison de Perugia en Italie qui s’est ensuivie, a défié toute concurrence. Knox, qui a été reconnue coupable d’avoir tué sa colocataire et a été condamnée à 26 ans de prison, a été régulièrement décrite par les médias et l’accusation comme un "démon femelle" hyper-sexualisé. Dès son arrestation après le meurtre, les motivations attribués à Knox ont été mélangées à des histoires de "jeux sexuels qui auraient mal tourné" au cours desquels elle aurait réussi à "persuader" deux hommes de devenir ses complices du meurtre. A l’aide de bribes de sa vie et de photos soigneusement sélectionnés, Knox a été peinte comme une "séductrice diabolique" qui n’avait pas hésité à recourir à la violence et au meurtre dans son obsession pour le sexe et le pouvoir sexuel.

Le cas de Knox n’est pas isolé. Les discours concernant les femmes violentes décrivent souvent les femmes comme ’intrinsèquement’ passives et ’par essence’ nourricières et opposées à la violence. Les femmes qui se livrent à des violences sont donc souvent considérées comme irrationnelles et leurs actes sont qualifiés d’anomalie par rapport ’à la manière dont les femmes sont supposées se conduire’. Pour maintenir des idéaux normalisés sur les hommes et les femmes (gender), les femmes violentes sont donc qualifiées de ’femmes maléfiques’ dont les actes ne sont pas conformes au comportement naturel des femmes et doivent donc avoir des ’causes particulières’. La sexualité est utilisée pour expliquer la violence des femmes depuis toujours. Les femmes violentes sont représentées comme des femmes sexuellement déviantes et dépravées. Elles se livrent à des violences à cause de leur appétit insatiable pour le sexe et le pouvoir qu’on peut en retirer. Les femmes ’normales’ ont des relations sexuelles ’privées et contrôlées’, tandis que les femmes violentes sont ’obsédées’ par le sexe au point de devenir violentes.

Il y a aussi le cas de la comtesse Elizabeth Báthory de Ecsed (1560-1614), "la comtesse sanglante" qui est considérée comme une des "femmes serial killer les plus meurtrières". On a dit d’elle qu’elle avait tué des centaines de jeunes et jolies vierges pour se baigner dans leur sang afin de garder sa jeunesse et sa beauté. Sa violence a été ’expliquée’ par son besoin de rester jeune pour garder son pouvoir sexuel. De même Katherine Knight, la serial killer australienne, qui a été condamnée en 2001, a été décrite comme une femme hyper-sexualisée. Sa violence a été ’expliquée’ par son insatisfaction sexuelle alors même que ses partenaires affirmaient qu’ils entretenaient avec elle des relations sexuelles qui "auraient satisfaites une personne normale."

Comme le dit Kietnar dans son article "Victimes ou vamps ? l’image des femmes violentes dans le système judiciaire criminel", attribuer la violence des femmes à leur sexualité déviée ou maléfique revient à dire que les femmes violentes, en plus d’avoir commis des crimes bien réels, sont sorties du cadre naturel de leur sexe (gender). Les hommes violents sont des hommes qui n’ont pas réussi à contrôler ’l’agressivité naturelle de leur nature masculine’ ; les femmes violentes quant à elles, sont des femmes qui ont trahi leur nature fondamentale. Les hommes ont une prédisposition au mal et doivent s’efforcer de contrôler leurs instincts tandis que les femmes sexuellement dépravées et déviantes se transforment en des êtres maléfiques non féminins qui se livrent à la violence.

Les criminelles ne sont pas les seules femmes dont la violence soit sexualisée, les femmes qui se livrent à des violences politiques, les militantes, les insurgées, les nationalistes et même les soldates sont soumises aux mêmes représentations. Les insurgées tchétchènes qu’on appelle souvent "les veuves noires" sont décrites comme des femmes exotiques, mystérieuses, voilées (donc sans visage) et dangereuses. On refuse à ces militantes le bénéfice de leurs actions en en faisant les pions des leaders rebelles tchétchènes (mâles) qui les auraient convaincues d’utiliser leurs corps pour venger la mort des combattants tchétchènes. L’image qu’on en donne sexualise et fétichise leurs actions. Les femmes qui commettent des attentats suicides ou des génocides sont représentées de la même manière. Actuellement, en Inde, le gouvernement décrit les insurgées maoïstes, comme des femmes "sexuellement impures et contaminées". Dans ce cas précis, sexualiser les militantes et les décrire comme ’déviantes’ non seulement explique leur participation à la dissidence mais justifie aussi la mission ’civilisatrice’ du gouvernement indien.

La sexualisation des femmes violentes permet de les cataloguer comme des non-femmes, des erreurs biologiques, des anomalies de la nature. Les femmes violentes seraient des exceptions par rapport "au reste des femmes" et leur violence viendrait de leur féminité défectueuse. Ces représentations viennent renforcer les stéréotypes et normes sexuels (gender) qui déterminent la conduite appropriée et les limites que les femmes doivent respecter et qui les subordonnent aux hommes. Par exemple, les femmes dont les vêtements sont considérés comme ’inappropriés’ sont accusées de ’provoquer’ les hommes et de ’séduire’ leurs violeurs ou agresseurs sexuels. De plus, la sexualisation des femmes coupables de violences politiques en fait des femmes incapables de choix indépendants et rationnels. Elle prive les femmes violentes du bénéfice de leurs actes en les cataloguant comme des non-femmes dont les actes sont irrationnels. Cette manière de décrire et d’expliquer la violence des femmes les exclut, elles et la manière spécifique dont ces femmes modèlent et remodèlent la politique mondiale en passant du personnel au politique et vice versa.

Cela fait des dizaines d’années que les femmes violentes, des exceptions déviantes et dénuées de signification, sont exclues de la politique mondiale. Cette exclusion a aussi conduit à un dangereux corollaire selon lequel une femme dont la sexualité serait jugée ’anormale’ serait encline à la violence. Après tout, malgré l’absence de preuves matérielles, Amanda Knox a passé quatre ans en prison en partie parce que la description sexualisée qui en faisait une femme fatale revenait à fournir un motif de meurtre là où il n’y en avait pas

Akanksha Mehta

Akanksha Mehta est chercheur à S. Rajaratnam School of International Studies (RSIS) de Singapour, spécialiste de la violence politique et entre les sexes (gender). On peut la joindre à www.twitter.com/aknksha et www.akankshamehta.com.

Pour consulter l’original : http://countercurrents.org/mehta161011.htm

Traduction : Dominique Muselet pour LGS

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