Nouveau triomphe chaviste aux élections municipales du Venezuela

Avec 66,17 % des suffrages la nouvelle mairesse de Caracas, Erika Farias a été propulsée par l’électorat des grands quartiers populaires et dépasse même le score de son prédécesseur chaviste Jorge Rodriguez. Son programme vise à mettre en place dans la capitale un « grand réseau de pouvoir communal ». La droite conserve les mairies du Caracas « chic » : Chacao, Baruta, El Hatillo, ou celle de San Cristobal, à la frontière colombienne.

Plus de 300 mairies gagnées sur les 335 à pourvoir, un poste de gouverneur repris à la droite dans l’État pétrolier stratégique du Zulia. L’importante victoire du chavisme aux élections du 10 décembre 2017 confirme – comme lors des votes de juillet et d’octobre – l’abîme entre l’image martelée par les médias d’une « dictature » et une démocratie qui bat des records en matière d’élections. Ce scrutin est le 24ème en 18 ans de révolution. Le Conseil des Experts Electoraux d’Amérique Latine (CEELA) (1) a rappelé par la voix de son président Nicanor Moscoso que les partis de droite comme de gauche ont déclaré être satisfaits du déroulement des 9 audits préalables aux élections : « Ce processus d’audit est inédit et unique dans la région. Il permet que toutes les étapes du processus, tout ce qui est programmé et tout ce qui fait partie du processus soit contrôlé par des techniciens et par les membres des différents partis politiques délégués devant le Centre National Électoral. (..) Le lundi 11 décembre, au lendemain du scrutin, le CEELA a donné lecture de son rapport final : « Le processus de vérification citoyenne s’est déroulé en toute normalité et avec succès. On a pu constater que « le nombre de bulletins de votes en papier introduits dans les urnes et le nombre de votes électroniques enregistrés par les machines, coïncident à 100%“. (2)

Plus de 5 mille candidats s’affrontaient dans ces élections. Le Grand Pôle Patriotique (coalition chaviste) ayant présenté des candidatures uniques, la grande majorité des candidats étaient d’opposition. La participation a atteint 47,32%, soit 9.139.564 électeurs (davantage qu’aux présidentielles chiliennes), un chiffre considérable d’autant que le scrutin était organisé en pleine guerre économique, avec chantage aux prix des produits de base de la part du secteur privé et blocus financier occidental, et que les secteurs radicaux de l’opposition avaient appelé à le boycotter. Ce scrutin a aussi valeur de symbole régional : au même moment, au Honduras, la population voit son droit au suffrage présidentiel réprimé dans le sang, sous la pression des Etats-Unis et d’une oligarchie économique et militaire, sans que les médias occidentaux s’en émeuvent outre mesure. (3)

On pourrait donner une importance moindre à l’élection municipale qu’à celle des députés à la Constituante en juillet ou à celle des gouverneurs en octobre. En réalité elle renforce la politique de dialogue et de sortie de crise « par le haut » prônée par le gouvernement bolivarien. L’intensité de la déstabilisation meurtrière entre avril et juillet, dont le montage inversé avait servi aux médias à faire croire à une répression du « régime », n’a fait que galvaniser le rejet de la violence par la majorité des vénézuéliens. Les sondages confirment leur préférence pour un dialogue politique auquel plusieurs partis de droite ont finalement accepté de se plier. Le président Maduro a annoncé une réunion nationale le 16 décembre avec les 335 maires élus et les 23 gouverneurs pour mettre en place « un seul plan de services publics ». Le président Evo Morales l’a félicité : « chaque élection au Venezuela met en échec les plans d’interventions de l’Empire  ». Prochain rendez-vous dans quelques mois, en 2018, pour les présidentielles.

Thierry Deronne
Caracas, le 11 décembre 2017.

(1) « Fort de cinquante observateurs, dont vingt ex-présidents, vice-présidents et magistrats d’organismes électoraux dans leurs pays respectifs, le CEELA a accompagné et observé plus de trois cents scrutins, partout sur le continent (sauf aux Etats-Unis !). Son porte-parole, le colombien Guillermo Reyes peut difficilement être considéré comme un redoutable gauchiste : il a été président du CNE colombien – pays où la droite monopolise le pouvoir depuis la nuit des temps ». (Maurice Lemoine, « Insoumission vénézuélienne », https://venezuelainfos.wordpress.com/2017/10/25/insoumission-venezuelienne-par-maurice-lemoine-memoire-des-luttes/)

(2) Voir http://albaciudad.org/2017/12/ceela-ratifico-confiabilidad-y-transparencia-de-municipales-de-este-domingo/

(3) Maurice Lemoine, « Au Honduras, le coup d’État permanent« , http://www.medelu.org/Au-Honduras-le-coup-d-Etat

 https://venezuelainfos.wordpress.com/2017/12/11/nouveau-triomphe-chaviste-aux-elections-municipales-du-venezuela/

COMMENTAIRES  

11/12/2017 22:30 par irae

Nouvelle qui n’a pas manqué de consterner arte qui nous a rejoué un petit coup de boite à meuh. A quand l’expression d’un doute sur la délicieuse opposition néolibérale ses accointances avec les usa, les détournements de fond de son égérie magistrate exilée ou ses meurtres.

Quand les journaleux feront leur métier déontologiquement et les poules auront des dents.

12/12/2017 08:11 par pierreauguste

Oui mais comment pleurer la mort d’une rock star marchandise de l’empire ou d’un écrivaillon qui renvoie Tutsis et Hutus dos à dos quand on a pas de PQ pour s’essuyer !!!!

12/12/2017 08:51 par Palamède Singouin

Cette victoire doit être relativisée par le fait que les 3 principaux partis de droite ne présentaient aucun candidat et appelaient - ça fait partie de leurs habituelles opérations de sabotage - au boycott de ces élections.

Ce faisant, ces partis se sont mis théoriquement hors jeu pour la présidentielle à venir. La Constitution vénézuélienne prévoit en effet qu’un parti qui appelle au boycott d’une élection ne pourra présenter de candidat à l’élection suivante.

On voit dès lors venir le coup suivant : la presse capitaliste ne manquera pas de décréter que "Le dictateur Maduro" interdit à l’opposition de présenter son candidat à la présidentielle.

12/12/2017 12:14 par Jérôme Dufaur

Merci une fois de plus à Thierry Deronne, dont le courage ("endurance dans l’impossible" selon la définition de Badiou) force l’admiration.
Pour pinailler, je dirais que l’incipit "(davantage qu’aux présidentielles chiliennes)" n’apporte rien dans la mesure où le Venezuela compte presque deux fois plus d’habitants que le Chili.
Si Thierry peut revenir sur l’accusation* (reprise par les médias à la masse ces derniers jours) selon laquelle Maduro "verrouillerait" la future élection présidentielle, ça serait intéressant. Merci d’avance.
*Si ce n’est déjà fait, par ailleurs, bien entendu.

12/12/2017 18:52 par Roger

Evidemment, on comprend pourquoi, notre oligarchie et ses media ne supportent pas qu’on puisse s’inspirer du Venezuela. C’est pourtant là, comme à Cuba, en Bolivie, et bien d’autres pays de Suramerica, que je trouve quelque raison d’espérer dans l’avenir de notre monde.

13/12/2017 16:56 par bostephbesac

A vrai dire, je n’ ai même pas entendu nos merdias en parler . Sans doute la peur que les gnes réfléchissent un peu : "comment une dictature peut-elle provoquer/laisser faire des élections ?".

13/12/2017 19:01 par Assimbonanga

France Inter vient d’annoncer le prix Sakharov remis aux opposants venezueliens qui ont souffert le martyr et dont 130 jeunes sont morts à cause de la répression. Oui, France Inter. Oui le prix Sakharov.
Forza LGS, tu vas y arriver !

19/12/2017 02:16 par Thierry Deronne

Cher ami Jérôme Dufaur, le taux de participation aux municipales vénézuéliennes tel qu’indiqué dans l’article (47,3 %) est supérieur à celui observé lors du premier tour des présidentielles chiliennes (46,8%).

Sur ceux qui traduisent en français les médias privés du Venezuela sur un "verrouillage des présidentielles", il est logique qu’après trois élections gagnées par les chavistes cette année, validées par le CEELA, on doive "s’agiter" davantage pour chercher les preuves de l’existence de la bête totalitaire. La technique est la même que depuis 18 ans : nier la présence de millions d’électeurs, du vote secret, de la validation internationale. C’est la solution finale : les gens, les isoloirs, les observateurs n’existent pas. Seul existe le fait du prince ou comme disait Sylvie Kaufman du "Monde" à propos de Chavez : "une capacité magique à se maintenir au pouvoir". En réalité Nicolas Maduro joue à diviser la droite, et parle de ces éléments extrémistes qui se mettent hors la loi eux-mêmes en sabotant les élections ou en ne reconnaissant pas l’arbitre électoral. In fine ce sera leur responsabilité comme celle du CNE, www.cne.gob.ve, de fixer leur participation aux élections et leur retour volontaire dans le champ démocratique. Maduro - avant et après leur séquence "insurrectionnelle" - a insisté sur la nécessité d’un dialogue politique. Il est enfin entrepris sous l’égide de médiateurs internationaux en République Dominicaine - négociation officielle que l’opposition démocratique quitte parfois avant de revenir. La prochaine réunion aura lieu au début de janvier, après une série (importante) d’accords.

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