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Le Monopoly où Paris se vend pour de vrai

Passe-passe entre Copé, le Qatar et l’immobilier d’Etat.

En avril 2007, dans cette période de ventre mou politique où Chirac s’en va alors que Sarkozy est sur le pas de porte, la France se sépare d’un « joyau de la République », le Centre des congrès de l’avenue Kléber à Paris. Contre 404 millions d’euros l’État cède ce lieu historique où furent signés les accords mettant fin à la guerre du Vietnam.

L’heureux acquéreur est le Qatar, une dictature qui n’a pas de comptabilité publique où l’argent de « l’État » est d’abord celui du roi et des siens. Cette fois c’est sous la casaque de la société immobilière Barwa Real Estate que les hommes de Doha emportent le banco. Surprise, au mois d’aout suivant, la même société revend son trésor à une autre structure qatarie, la Masraf Al-Rayan Bank elle-même actionnaire de Barwa à hauteur de 45%. Rassurez-vous, ce transfert laisse le Centre dans le patrimoine de la famille Al-Thani, celle qui règne d’une main d’or sur le Qatar.

En quatre mois, sans même avoir besoin de planter un clou, l’immeuble a pris un miraculeux bonus de 52 millions comme l’ont déjà raconté les auteurs du livre « Le Vilain petit Qatar » il y a un an… Emmanuel Limido, ami des princes du désert et directeur général de Centuria Asset Management, déclare alors au Monde : « La plus-value n’est pas nette puisqu’elle inclut sans doute une part de frais et travaux. » Quels travaux ? Heureusement Limido n’évoque pas la charge des impôts puisque, avant même qu’une heureuse loi soit votée par le Parlement et qui exonéra d’office nos amis qataris, l’impôt était directement négocié avec Bercy qui, gentil, ne demandait rien. Mais qui est ce discret « directeur de Centuria » ? Un homme clé du business immobilier qatari en France qui, sagement, tient le siège de sa société au Luxembourg où gonfle son bas de laine de 4 milliards, essentiellement abondé par le Qatar. C’est donc au titre de partenaire technico-financier de Doha que Limido, également patron de Paris Luxembourg Participation, s’exprime dans Le Monde.

A l’Assemblée Nationale, en 2008, Stéphane Romanet, directeur adjoint du cabinet de Kouchner, ministre des Affaires étrangères, est auditionné au sujet de la vente de Kléber. Rassurez-vous, pas pour faire la lumière sur ce solde et son opportunité, non, mais pour connaître l’avenir des services du Quai d’Orsay qui sont théoriquement logés à Kléber jusqu’en 2009… Lyrique, Romanet explique : « Il s’agit de mener une importante opération immobilière afin d’illustrer la capacité de l’État à mettre sur le marché des biens de prestige »… Si l’on comprend bien, l’État est devenu promoteur. Mais, patatras, mauvaise coucheuse, la Cour des comptes, un an plus tard, vient jeter le doute sur l’honnêteté de cette performance d’État. Les casse-pieds de la rue Cambon remarquent qu’un second tour d’appel d’offres aurait du être organisé afin d’obtenir un prix plus juste, et que les résultats secrets de l’appel ont été éventés ce qui aurait laissé l’opportunité à un acheteur malin de recaler son offre en fonction de celles des autres.

Bercy, sous la tutelle de Jean-François Copé, ne voit pas malice dans cette revente de Kléber aux allures d’Euro Millions. Le ministre peut pourtant avec aisance, autour du poulet familial partagé le dimanche, s’informer de la stratégie de Centuria. Son frère, Jean-Baptiste, joue les as de la finance chez EMCap Partners, une filiale de cette Centuria, tout cela depuis le si discret Luxembourg. Est-ce l’influence du jeune Jean-Baptiste ? Désormais le ministre de l’Économie des Finances et de l’Industrie, quand il ne trempe pas dans la piscine du brûlant Takieddine, se découvre un tropisme pour Doha où il séjourne régulièrement. De plus, son chef de cabinet Guy Alves, avant de prendre la tête de Bygmalion, fera un passage par cette Centuria « qatarisée ». On reste entre amis.
Le hasard faisant bien les choses, les services de Copé vont être en mesure d’enjoliver la vie parisienne de Hamad Ben Jassim, « HBJ », le tout puissant Premier ministre du Qatar et homme le plus riche du monde.

Puisque ce joyeux compère n’aime pas séjourner à Paris, où il ne trouve pas d’hôtel assez luxueux, qu’il achète donc un pied à terre ! Et voilà, ça tombe à pic, qu’un autre « joyau de la République » est à vendre, l’hôtel Kinski, situé au 53 rue Saint Dominique. Jusqu’ici ce petit palais est occupé par les services du ministère de la Culture. Après Kléber et les Affaires étrangères, c’est la Culture qui se dépouille pour le Qatar : « HBJ » se porte acquéreur de Kinski. Le service des Domaines a fixé le prix à 57 millions d’euros pour les 4 137 mètres carrés dont 2 400 de parc, avec « grotte et pièce d’eau ». Mais les bonnes fées existent et, finalement, le Premier ministre et tyrano du désert va débourser moitié moins : 28 millions selon nos confrères du Point ! Pour l’instant la Cour des comptes n’a pas eu le temps de placer ce marché sous sa loupe… En ce qui nous concerne, en dépit de multiples demandes, il nous a été impossible d’obtenir une seule information auprès des Domaines, ni auprès de Bercy qui est sa tutelle. L’État UMP est devenu un État socialiste mais les bouches restent cousues dans une louable continuité. Remarquons sans malice, avec ce hasard qui fait parfois mal les choses, que les bureaux parisiens de Jean-Baptiste Copé, situés au 41/43 rue Saint Dominique, sont à quelques dizaines de mètres de l’hôtel Kinki.

Restent que l’Etat, à son ami du Qatar, fait un cadeau digne d’un émir qui, pudique, paye avec un prêt venant de la Nationale Bank of Koweit. Pourquoi ne pas s’aimer entre émiratis ? Et la PBKBCK Kinski Properties Limited SA, maintenant propriétaire de l’hôtel, s’en va se nicher dans une fiduciaire au 15 boulevard Roosevelt à Luxembourg. Ne reste plus qu’à convaincre la Commission du Vieux Paris, afin de « restructurer » l’hôtel au goût de « HBJ », et tout devient pour le mieux au « Sam Suffit » du prince. Une légère torsion de bras sur cette Commission qui voit mal « les écuries se transformer en salle de gym »… pas grave. Bouygues, contre un chèque de 40 millions, s’occupe du plâtre, du ciment et du béton : à Paris « HBJ » peut enfin être heureux sous les plafonds peints sous Louis XVI par Simon Julien de Toulon.

Jacques-Marie Bourget
Source : http://www.mondafrique.com

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Thomas Frank. Pourquoi les pauvres votent à droite ? Marseille : Agone, 2008.
Bernard GENSANE
Rien que pour la préface de Serge Halimi (quel mec, cet Halimi !), ce livre vaut le déplacement. Le titre d’origine est " Qu’est-ce qui cloche avec le Kansas ? Comment les Conservateurs ont gagné le coeur de l’Amérique. " Ceci pour dire que nous sommes en présence d’un fort volume qui dissèque les réflexes politiques, non pas des pauvres en général, mais uniquement de ceux du Kansas, dont l’auteur est originaire. Cela dit, dans sa préface, Halimi a eu pleinement raison d’élargir (…)
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On l’appelle le "Rêve Américain" parce qu’il faut être endormi pour y croire.

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