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Pourquoi les occupations durables de l’Afghanistan échouent toujours

L’armée étasunienne se prépare actuellement à occuper durablement l’Afghanistan. Une réflexion sur l’analogie historique des Soviétiques en Afghanistan montre que cette entreprise a peu de chance d’être couronnée de succès.

Un responsable pakistanais a résumé le dilemme soviétique en Afghanistan comme suit :

Les Soviétiques peuvent continuer à occuper le pays, mais ils ne peuvent pas gagner la population. Plus ils restent, plus ils s’aliènent le peuple. Plus ils s’aliènent le peuple, plus ils sont obligés de rester. Ce dilemme russe est également le dilemme afghan, et les deux pays semblent condamnés à en subir les conséquences.

C’est dans le livre de Joseph. J. Collins, Afghanistan : The Empire Strikes Out, qu’on trouve ce commentaire, et c’est une bonne description de la situation actuelle en Afghanistan : il suffit de remplacer Soviétiques par Etasuniens.

Après avoir essayé d’en finir par la torture, les bombardements aveugles, les pots de vin tous azimut, l’escalade via le « déferlement » de renforts, COIN** et autres sottises de science sociale, l’armée étasunienne veut maintenant s’installer en Afghanistan pour dix ans pour arriver à une Afghanisation durable du conflit :

Des hauts-gradés militaires étasuniens, qui, il y a seulement quelques mois, avaient l’intention de retirer les dernières troupes étasuniennes d’Afghanistan avant la fin de l’année, parlent maintenant tranquillement d’un engagement étasunien qui reviendrait à maintenir des milliers de soldats dans le pays pendant des décennies.
...
Le Pentagone s’est rendu compte que la construction d’une armée et d’une police afghane efficaces prendra une génération, des milliards de dollars annuels, et le soutien constant de milliers de conseillers étrangers sur le terrain.

« On a compris qu’on ne pouvait pas partir », a déclaré un important officiel du Pentagone qui a une longue expérience de l’Afghanistan et de l’Irak, et qui, comme tant d’autres, a préféré parler sous couvert d’anonymat. « Les forces locales ont besoin de soutien aérien, de renseignements et d’aide logistique. Elles ne seront pas prêtes en quatre ou cinq ans. On va devoir y rester très longtemps ».

Dans le livre cité au début de cet article, il y a une analyse d’une occupation durable de ce type et des avantages et inconvénient d’une Afghanisation pour les Soviétiques :

« L’Afghanisation » pourrait constituer une solution de long terme, mais les efforts dans ces sens n’ont pas donné beaucoup de résultats, à ce jour. Cet échec n’est pas surprenant puisque les Soviétiques ont rarement réussi à former des cadres de type soviétique dans les pays du Tiers-Monde. Les mouvements pro-soviétiques autochtones ont rencontré plus de succès, mais seulement quand ils s’appuyaient sur le nationalisme ou sur l’appartenance ethnique ou tribale. Les chances que les soviétiques puissent exploiter de tels facteurs d’unification en Afghanistan sont extrêmement faibles.

Remplacez à nouveau Soviétiques par Etasuniens et l’analyse est valide.

Le document se termine par une leçon que les arrogants politiciens et généraux de Washington n’ont pas encore apprise :

L’Afghanistan montre clairement que le fait de détenir une immense puissance n’empêche pas de faire de grosses erreurs. Au contraire même, avoir beaucoup de pouvoir conduit à se croire invincible en toutes circonstances. L’Afghanistan démontre de façon éblouissante que même les superpuissances sont à la merci des forces historiques religieuses, ethniques, radicales et autres, dans leurs relations avec les pays du Tiers-Monde. Les divisions blindées et les missiles balistiques intercontinentaux de destruction massive (ICBM) ont rarement réussi à vaincre les forces nationalisme et la foi religieuse des autochtones. Les grandes puissances doivent en tenir compte dans leurs relations avec les pays du Tiers-Monde. Il y a des courants contre lesquels on ne peut pas aller.

L’Afghanistan est composé de peuples de diverses ethnies, tribus et affiliations religieuses. Il n’y a pas, excepté peut-être pour le sport, de réelle nationalité afghane sur laquelle on puisse bâtir une structure nationale pour diriger le pays. Les érudits des années 1980 le savaient, mais on a oublié leurs leçons. Quand les apprendra-t-on à nouveau ?

Moon of Alabama

Notes :

* Périmètres, 1982

** La contre-insurrection, aussi appelée guerre contre-subversive, guerre contre-révolutionnaire, guerre contre-insurrectionnelle, contre-guérilla ou COIN (de l’anglais Counter-Insurgency), est une doctrine militaire qui vise à obtenir le soutien de la population dans le cadre d’un conflit opposant un mouvement insurgé à une force gouvernementale de contre-insurrection (Wikipedia).

Traduction : Dominique Muselet

 http://www.moonofalabama.org/2016/01/why-a-long-term-occupation-of-afghanistan-will-fail.html
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COMMENTAIRES  

31/01/2016 20:07 par gus de nantes

dans ce coin là faut pas oublier deux choses qui peuvent avoir leur petite importance stratégique et financière ,

une frontière avec la chine ..... qui permettrait par l’afghanistan de vendre un paquet de truc chinois , sans que les US soient tenus au courant .... le vendre dans une belle partie de l’arabie ..... celle qui est en guerre depuis vingt ans pour cause de pétrole sous les pieds ..... couper toute forme de ravitaillement est une stratégie efficace et ancienne .

dans un deuxième temps selon l’ONU qui n’est pas exactement un repaire de parano délirant le pays est le premier producteur de l’or blanc , au monde , après je sais pas comment les mulets afghan arrivent à échapper à la surveillance de la première armée du monde pour écouler leur opium raffiné dans les rues de la grosse pomme , je sais pas ... faudra demander...
je sais pas pourquoi mais cette guerre a comme des relents de viet nam , sauce full metal .... je dis ça je dis rien ...

et puis une troisième bonne raison c’est les métaux rares et le pipe line , quoi que pour le pipe line ça fait un peu comme la bombe iranienne on en parle on en parle mais jamais elle passe danse la tarentelle ou la villanelle , ou le fandango ..

ce commentaire changera pas la face du monde , surtout depuis que expliquer c’est excuser .... je retourne étudier newton ce con la il excuse la gravité ^^

01/02/2016 07:47 par chb

« Il y a des courants contre lesquels on ne peut pas aller » : il y plus de 10 ans déjà, des commentateurs désolés du ’’bourbier’’ et du ’’fiasco’’ résultant des ingérences militaires tenaient ce genre de discours. Aussi en Libye a-t-on connu une autre version : pas d’occupation directe, pas de drogue (que je sache), juste la destruction et la collecte du pétrole via des bandes plus ou moins contrôlées. Quitte à en remettre un petit coup sur Tripoli, comme le prévoient les atlantistes.
Un autre aspect : la normalisation, et donc la mobilisation de forces occidentales pour ce faire, est très très longue. Au Moyen Orient, alors que selon les plans « le dictateur » en Syrie devait tomber en deux temps trois mouvements, on a entendu dès le départ des opérations de déstabilisation, et puis encore quand la France a commencé à bombarder, que cela allait durer des années, voire des décennies.
Le fiasco serait donc a priori pris en compte, il fait partie du plan. Pourquoi est-ce qu’on y va quand même ? Qui y gagne, malgré tout ?
Aussi : il était plus que probable que la vengeance de la part de groupes terroristes en Occident, du type Charlie ou Bataclan, était anticipée. Le massacre de blancos n’a pas permis ni à la presse d’analyser les erreurs stratégiques qui sautent aux yeux, ni à l’opinion de refuser les guerres humanitaro impérialistes. Sauf quelques rigolos et ’’rouge-bruns’’, personne ne remet en cause le processus d’ingérence et de course à la guerre. Le retour du boomerang sur Paris, eh ben tant pis, il ne suscite que plus d’engagement destructeur. Qui en profite, encore une fois ?

01/02/2016 21:19 par Dominique

Qui gagne a tous les coups dans une guerre ? La réponse est simple : les marchands d’armes et leurs souteneurs de toujours, les banques. C’est vrai historiquement (les premiers clients des banques furent les monarchies religieuses qui ensanglantèrent l’Europe pendant des siècles, la plus grande place financière était alors le Vatican), et c’est vrai aujourd’hui. Avant, les banques ne finançaient qu’une des parties, aujourd’hui elles financent les deux parties, par exemple Staline et Hitler au siècle passé, et pour être sur de s’y retrouver, elle multiplie le taux d’intérêt par 10, et abandonnent le perdant dés que la victoire à choisis son camp (après Stalingrad pour l’Allemagne nazie, soit 1 ans après l’entrée en guerre des USA contre ce pays.

Aujourd’hui on peut être sur que c’est du pareil au même, la seule différence est que les banques occidentales n’osent pas financer Daesh directement, alors les monarchies esclavagistes et salafistes du Golfe ont pris le relais.

02/02/2016 00:19 par chb

@ Dominique
c’est bien mon avis aussi. On en revient donc à constater que la presse appartient majoritairement aux financiers et aux marchands de mort. Les organisations progressistes, étranglées ou alignées, ne tiennent pas leur rôle. Déjà vu au siècle dernier : brrrr !

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