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Quand Israël et la Grande-Bretagne célèbrent le traumatisme historique des Palestiniens (Middle East Monitor)

Des manifestants palestiniens prient durant une manifestation contre les colonies juives dans le village palestinien de Deir Estia, en Cisjordanie occupée, le 2 avril 2010. (Najeh Hashlamoun/Apaimages)

Après cent ans, la Grande-Bretagne semble en être au même stade moral que lorsque le secrétaire britannique aux Affaires étrangères, Arthur Balfour, écrivait à un dirigeant de la communauté juive britannique, le baron de Rothschild, lui promettant l’établissement d’un « foyer national » pour le peuple juif en Palestine.

Au lieu de revenir sur cette mesure injuste et de provoquer des transformations historiques, des développements sociaux, et de réparer le mal fait aux Palestiniens, le Premier ministre britannique invite le Premier ministre israélien à une célébration pour marquer le centième anniversaire de la Déclaration Balfour. Cette célébration est en train de déclencher le traumatisme historique qui a laissé des cicatrices importantes dans la mémoire collective palestinienne au cours d’un siècle de déplacements et d’une domination militaire qui a démuni les Palestiniens, politiquement et culturellement, et les a traités comme des êtres problématiques et inférieurs.

La Grande-Bretagne est également responsable d’avoir imposé une immigration juive massive en Palestine et de lui avoir permis de posséder des armes et des chars de combat, pendant qu’elle écrasait les Palestiniens qui aspiraient à leur indépendance après 30 années de mandat. La violence et la défaite qui ont été imposées au peuple palestinien, ont été facilitées et organisées par la Grande-Bretagne. Leurs effets n’ont pas seulement fait du mal aux personnes immédiates de cette génération, qui ont été tuées ou déplacées ou dont les biens ont été volés ; mais tous les membres de notre société, et les multiples générations qui ont suivi, ont pris sur leurs épaules le fardeau du traumatisme historique du vol de la terre palestinienne, un vol qui a transformé le passé et l’avenir des Palestiniens.

Aujourd’hui, avec un soutien financier et politique sans précédent des États-Unis, le silence ou la connivence des grandes puissances du monde avec l’occupation, et les louanges internationales pour ses criminels (les funérailles de Shimon Peres en sont un exemple), les Palestiniens se rendent compte que nous vivons dans un monde où l’intimidation l’emporte sur la raison, et l’hégémonie sur l’éthique. Israël impose son discours avec autorité et piétinent les corps, les sentiments et l’organisation sociale des Palestiniens avec ses armes.

Des lois racistes

L’an dernier, Israël a promulgué cinq lois racistes : la « Loi d’exclusion », qui stipule qu’un membre de la Knesset peut être exclus du parlement par un vote majoritaire de 90 législateurs, une loi destinée à la minorité arabe des membres de la Knesset ; une autre loi, sur « l’incitation », incrimine les opinions politiques et vise à confisquer le droit d’expression et de vote à la Knesset à ceux qui manifestent leur opposition à l’occupation ou qui s’opposent au caractère d’Israël comme État juif et démocratique ; la troisième est le « projet de loi sur les ONGs », qui prend pour cible les organisations des droits de l’homme et impose des obligations particulières en matière de rapports aux organisations non gouvernementales qui reçoivent la majeure partie de leur financement depuis des gouvernements étrangers ; la quatrième, et probablement la pire, est la « Loi de régulation », qui permettra finalement l’annexion de 60 % des terres de Cisjordanie au profit des colons israéliens ; et, tout récemment, la « loi du Muezzin », qui veut étouffer le caractère musulman de notre terre en interdisant au muezzin d’appeler à la prière (appel qualifié de « pollution ») dans les mosquées de Jérusalem et des villes arabes de 1948.

« Le traumatisme est la catastrophe de la vulnérabilité »

Alors qu’Israël crée un fait accompli et s’étend géographiquement et démographiquement aux dépens des Palestiniens, les dirigeants palestiniens émettent des condamnations creuses ; effectivement, la direction palestinienne coexiste avec les colonies en réalité, et elle ne les affronte que dans les médias. Quand les dirigeants palestiniens se plaignent des colonies mais qu’ils restent les gardiens de ces colonies et les bénéficiaires passifs de la domination coloniale de l’occupation, alors les amis supposés de la Palestine ne peuvent que penser, « vous méritez ce que vous obtenez ».

Blâmer la victime

Une culpabilisation de la victime rend plus difficile pour celles et ceux qui subissent les mauvais traitements de protester et de rappeler leur traumatisme au monde. Le monde blâme les Palestiniens occupés pour leur mauvais sort et pour troubler la paix de l’occupation à chaque effort que nous faisons pour résister à Israël. Il conforte le récit de l’occupation selon lequel ce serait de la faute des Palestiniens si l’occupation a eu lieu, absolvant l’occupation de sa responsabilité ou de toute responsabilisation pour ses actions, et permettant à Israël de répéter et reproduire les atrocités qu’il a commises pour chasser les Palestiniens de leurs foyers et de leurs villes.

Mais, comme un violateur sournois qu’il est, Israël utilise des tactiques pour se garder une bonne image publique ; récemment, par exemple, il a annoncé qu’il acceptait que 100 orphelins syriens viennent résider en Palestine occupée, pendant qu’il refuse aux Palestiniens leur droit au retour et qu’il fait des centaines d’orphelins palestiniens. Et sur l’avant-poste d’ « Amona », Israël a diffusé des scènes dramatiques vers le monde, montrant Israël comme un État de droit qui expulse ses colons hors de la terre privée palestinienne, cela pour occulter la loi autorisant le vol des terres privées palestiniennes qu’il allait promulguer quelques jours plus tard.

Même les puissances arabes d’aujourd’hui reprochent aux Palestiniens occupés d’affronter l’occupation ; mais c’est une stratégie impuissante pour essayer d’éviter un sort potentiel comme celui des Palestiniens, cela donne le sentiment erroné que si ceux-ci s’alliaient aux bourreaux, alors l’occupation ne leur serait jamais arrivée ; sauf qu’il suffit de regarder l’Iraq, la Libye, la Syrie, le Yémen, pour constater l’échec d’une telle stratégie. La propagande arbitraire selon laquelle « les Palestiniens ont vendu la Palestine à Israël », qui gagne en popularité dans les médias égyptiens, est une preuve que l’on blâme l’attitude de la victime et que l’on se met du côté des bourreaux. En cataloguant et en accusant les Palestiniens, ces puissances essaient désespérément d’arriver à ce que les peuples arabes nous voient différents d’eux-mêmes.

Le déni est un obstacle à la paix

Lorsque le traumatisme historique des Palestiniens est totalement surmonté, il devient impossible d’en discuter, de le pleurer et de l’exprimer symboliquement, empêchant ainsi d’en réparer les dommages et augmentant la possibilité qu’il s’exprime en action/du passage à l’acte.

La célébration de Balfour constitue un déni du préjudice causé aux Palestiniens et revient à un refus de reconnaissance de l’existence du traumatisme et de la souffrance humaine, et d’en assumer la responsabilité morale ; la Grande-Bretagne n’a aucune honte de son histoire impérialiste qui a inclus l’érosion des Palestiniens. Elle continue de se comporter d’une manière hégémonique, considérant les Israéliens comme culturellement et racialement supérieurs aux Palestiniens. Si l’existence même de l’occupation traumatique est déniée, alors la responsabilité, les remords et la solidarité se trouvent rejetés, une immunité totale pour les violations commises par Israël continue de lui être accordée, et la souffrance des Palestiniens peut difficilement être reconnue, et encore moins guérie.

L’occupation a toujours espéré briser la conscience collective palestinienne avec les massacres et les guerres et en perpétuant la douleur qui reste fraîche dans notre mémoire. Aujourd’hui, le général Yoav Galant, ministre du Logement et ancien commandant de la région Sud qui dirigeait la guerre en 2008, parle d’une « quatrième guerre au printemps prochain ». Sur la radio israélienne, le ministre de la Défense israélien, Avigdor Lieberman, a déclaré que si le gouvernement décidait de mener une nouvelle guerre, cette confrontation devra se terminer par une grande victoire israélienne et l’écrasement de la résistance palestinienne à Gaza, et pour toujours. Mais, en réalité, ce ne sont pas les préparatifs de la résistance qu’Israël devrait craindre le plus, mais plutôt la désensibilisation des citoyens et la baisse du niveau de leur peur, conséquences des frappes, des chocs et des pertes répétés qui ont affecté la plupart des gens là-bas.

C’est une reconnaissance et non le déni qui est capable d’humaniser toutes celles et ceux qui sont impliqués, en cultivant l’empathie, la confiance et en ouvrant la voie à la guérison de l’histoire, à la réconciliation et à la construction de la paix. Exhorter Israël afin qu’il mette un terme à sa politique coloniale, au lieu de célébrer le vol de la terre palestinienne, est un domaine important de l’intervention thérapeutique dans le traumatisme et du rétablissement de la paix.

L’histoire ne sera pas écrite par la force seule, si irrésistibles qu’Israël et ses alliés semblent être ; certains Palestiniens ne seront pas réduits au silence devant l’atroce occupation de la Palestine. Nous allons exprimer notre témoignage historique et raconter notre histoire pour donner un sens aux griefs insensés du colonialisme ; le militantisme anti-oppression est notre remède contre le traumatisme politique ; et il nous guérira en tant qu’individus, et il nous aidera à guérir de l’histoire ternie de notre patrie.

Samah Jabr

Samah Jabr est jérusalémite.

Elle est psychiatre et psychothérapeute, chef de l’unité de psychiatrie du ministère de la Santé, professeur adjoint de clinique à l’université George Washingfton. Elle exerce en Palestine occupée.

Traduction JPP

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