Introduction
La souveraineté nationale est un principe fondamental de la démocratie moderne, incarnant la capacité d’un État à légiférer, gouverner et faire appliquer la justice sans ingérence extérieure. Pourtant, cette souveraineté est souvent mise à rude épreuve dans un contexte géopolitique marqué par des rapports de force asymétriques. L’analyse comparative entre la gestion par le gouvernement grec de SYRIZA (2015) d’une réforme pénale controversée, et la posture de l’État français sous Emmanuel Macron à propos de la libération conditionnelle de Georges Abdallah, met en lumière des différences profondes dans la capacité des États à défendre leur indépendance politique et judiciaire.
La Grèce, pays de dix millions d’habitants confronté à une crise économique et politique majeure, a fait preuve en 2015 d’une résistance publique notable face à une pression diplomatique directe des États-Unis. En revanche, la France, seconde économie de l’Union européenne, puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a choisi une posture de soumission tacite face aux mêmes types de pressions, en refusant d’appliquer une décision judiciaire au détriment des principes républicains. Cet article examine ces deux cas, mettant en exergue la portée politique, éthique et démocratique de leurs choix.
La Grèce face aux pressions étasuniennes : une souveraineté assumée
En 2015, dans un contexte économique délétère et sous surveillance étroite des créanciers internationaux, le gouvernement grec de SYRIZA a adopté une réforme pénale autorisant la libération conditionnelle de détenus, y compris des prisonniers politiques condamnés à de lourdes peines. Cette mesure, visant à désengorger les prisons et respecter les droits fondamentaux, suscita une réaction virulente des États-Unis, qui exprimèrent publiquement, par le biais de l’ambassade à Athènes, leur opposition via des messages diffusés sur les réseaux sociaux.
Le gouvernement grec fit alors le choix de maintenir sa réforme, réaffirmant la souveraineté de ses institutions judiciaires et législatives, malgré la pression diplomatique explicite. La libération conditionnelle de certains prisonniers, comme Savvas Xiros, fut mise en œuvre dans le respect des conditions humanitaires et légales prévues. Ce positionnement illustre une volonté politique forte de défendre les principes démocratiques, même au prix d’un rapport de force défavorable, témoignant que la souveraineté n’est pas une question de puissance ou de taille, mais de volonté et de dignité (Delpeuch, 2016).
La France d’Emmanuel Macron et l’affaire Georges Abdallah : une souveraineté en déclin
À l’opposé, la France, puissance majeure sur la scène internationale, riche, dotée de l’arme nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité, se distingue par une gestion bien différente des pressions étrangères dans le domaine judiciaire. Georges Abdallah, militant politique libanais incarcéré depuis 1984, a été jugé éligible à une libération conditionnelle depuis 1999, avec des décisions judiciaires favorables confirmées par les juridictions compétentes.
Cependant, la France bloque sa libération depuis plus de deux décennies, notamment par le refus des ministres de l’Intérieur de signer l’arrêté d’expulsion nécessaire à sa sortie. Ce blocage n’est pas justifié juridiquement mais résulte d’une soumission aux pressions diplomatiques émanant principalement des États-Unis et d’Israël. La gouvernance Macron, tout comme ses prédécesseurs, a ainsi choisi de ne pas appliquer la justice nationale, bafouant l’indépendance des pouvoirs et sacrifiant les principes républicains au nom de considérations diplomatiques (Roussopoulos, 2020).
Une comparaison éthique et politique
La comparaison entre ces deux cas révèle un paradoxe saisissant.
La Grèce, malgré ses difficultés économiques et géopolitiques, a su défendre sa souveraineté en résistant publiquement à une puissance étrangère, appliquant une réforme qui respecte les droits humains (Mavrodi, 2018).
La France, au contraire, puissance économique et militaire incontestée, a fait le choix contraire, en renonçant à faire appliquer une décision judiciaire, et en laissant la pression étrangère dicter une décision interne.
Cette situation soulève une question éthique majeure : la souveraineté d’un État ne doit-elle pas être mesurée à sa capacité à faire respecter ses institutions et sa justice, indépendamment de sa puissance ? Le refus de la France d’exécuter la libération de Georges Abdallah est une défaite pour les principes de la démocratie, une abdication de souveraineté qui fragilise la légitimité républicaine (Smith, 2019).
Conclusion
La souveraineté nationale est un pilier de la démocratie. L’expérience grecque de 2015 montre que même un État fragile peut défendre ce principe essentiel, en dépit des pressions extérieures. La posture de la France sous Emmanuel Macron, en revanche, révèle un recul inquiétant de la souveraineté dans un domaine crucial : l’indépendance judiciaire.
Au-delà des questions diplomatiques, ce refus de respecter la justice affaiblit la crédibilité de la France comme État de droit et compromet l’exemplarité de ses institutions. La souveraineté ne doit pas être un simple discours, réservé aux grands discours officiels, mais un engagement concret dans la défense des principes fondamentaux, même face à la pression des puissances étrangères (Bourdieu, 1997).
Bibliographie
– Bourdieu, P. (1997). La souveraineté nationale et les nouvelles formes du pouvoir. Paris : Seuil.
– Delpeuch, T. (2016). « La Grèce face à la crise : souveraineté et politique », Revue d’études politiques, 10(2), 45–67.
– Mavrodi, K. (2018). « La souveraineté grecque mise à l’épreuve », Politique étrangère, 83(3), 37–49.
– Roussopoulos, D. (2020). « Justice et souveraineté : le cas Georges Abdallah », Critique internationale, 85(1), 99–113.
– Smith, A. (2019). Sovereignty and International Law. Oxford University Press.