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Timbuktu ou Haiti dans le cinéma africain

Dans l’histoire des Césars, il est rare qu’un film rafle sept trophées, dont ceux de meilleur film et de meilleur réalisateur. C’est ce que vient de réussir Timbuktu, le film du réalisateur Abderrahmane Sissako, lors de la 40ème cérémonie des Césars, en février 2015.

Ce film qui raconte l’histoire de l’occupation d’une commune malienne (Tombouctou) par un groupe islamiste est venu résonner avec les récentes attaques islamistes en Europe, notamment en France. La force du film vient aussi de son équipe technique, qui a fait un travail exceptionnel. Le son, le montage, la photographie ont également été récompensés.

Ce film bien pensé, avec un scénario original, nous fait vivre des situations émouvantes. En son genre dramatique, il met à nu les violences imposées par ce groupe islamiste pour imposer leur mauvaise interprétation du Coran. Des mariages forcés sont imposés alors que sont interdits football, musique, cigarettes et commerce. Les islamistes vont jusqu’à tenter d’empêcher des musulmans de respecter leur rituel dans les mosquées. Il nous est présenté une société de frustration qui empêche toute existence humaine digne. Ce qui va soulever des révoltes dont les instigateurs seront sévèrement punis.

Au milieu de cette brutale occupation islamiste bien photographiée, Haïti est représentée par une femme sorcière dénommée Zabou, portant une robe multicolore longue qui traîne. Zabou, dominée par le séisme du 12 janvier, ne se préoccupe pas des agissements des occupants. Elle est l’une des rares dans le film qui résiste aux violences des islamistes dans la région. Elle a néanmoins collaboré avec les occupants en leur donnant des porte-chances pour traquer la population. Avec son coq en main, elle annonce les malheurs d’une population dénuée de toute son humanité. Parfois, on a tendance à comprendre qu’elle a, de concert avec les islamistes occupants, façonné les malheurs de la société. Ce qui donne l’image d’une Haïti porte-malheur, conservatrice et même réactionnaire.

Sa première apparition se fait lorsqu’elle promène dans la région en injuriant des personnes qui discutent, jusqu’à barrer la route à une voiture d’occupants munis d’armes de guerre. Avec sa robe qui traîne et un coq en main, elle est ridiculisée et humiliée par tous les habitants. Les enfants la charrient et les adultes la méprisent. Elle traite de connards ceux qui discutent de tout et de rien, comme du football. Cette femme est tellement libre qu’elle arrive à empêcher une voiture de circuler pendant un bon moment. Elle n’est jamais traquée par le chef des islamistes qui la connait très bien, pour des raisons spirituelles.

Zabou (incarnée par la chorégraphe haïtienne Kettly Noël) a son coin de logement bien arrangé. Elle chante les guinens pendant qu’elle caresse son coq. Elle ne respecte aucun principe des occupants. Elle fume à volonté tout en riant. Elle est joyeuse même au moment des violences faites aux femmes. On dirait qu’elle se réjouit des ,entées répressives des islamistes. Elle est seulement préoccupée par l’événement du 12 janvier 2010 qui a, dit-elle, fissuré Port-au-Prince et les Gonaïves. Cet événement l’empêche de penser au présent et lui a comme inculqué un comportement conservateur.

Il y a un moment du film qui mérite à ce titre notre attention. Les deux grands événements atroces du film sont réalisés en référence à Zabou. Le premier concerne la punition infligée aux artistes qui chantaient dans la chambre. Au moment de les lapider, le chef est venu chez Zabou pour avoir des porte-bonheurs et faire des sacrifices pendant quelques minutes. Le deuxième moment dramatique concerne la mort de Kidane et de sa femme. Pendant cette fusillade, Zabou passe tout en souriant avec son coq. Ces deux événements expriment l’image méchante d’Haïti qui ne fait qu’utiliser le vaudou à des fins de destruction.

Ce film présente le vaudou comme l’un des plus grands blocages de la société haïtienne. Il montre qu’avec le vaudou on peut être aveugle à la réalité actuelle. On peut s’enfermer dans le monde spirituel sans penser à la transformation du monde actuel. On peut même participer à l’établissement des dominations des couches défavorisées. Le vaudou est considéré dans ce cas comme un facteur d’aliénation qui donnerait une mauvaise conscience aux gens. Une telle conception minimise le rôle émancipateur qu’a joué cette pratique culturelle lors des batailles menant à la révolution haïtienne.

Dans ce film largement légitimé par le festival de Cannes 2014, les Césars 2015 et les Oscars 2015, on a un Haïti qui est prêt à tout accepter, qui se moque de l’exploitation et de la domination des couches défavorisées. C’est l’image d’une Haïti conservatrice qui y est décrite. Le réalisateur Abderrahmane Sissako, en voulant peut être mettre en avant le symbolisme de la liberté et le séisme du 12 janvier 2010, nous présente dans son film une Haïti insensible, méchante, collabo, fataliste et même ridicule. Comme s’il ne restait rien des acquis de la révolution de 1804.

Jean-Jacques Cadet
Doctorant en philosophie

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