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Venezuela : Entretien avec Aristóbulo Istúriz, ministre vénézuélien de l’Education et des Sports, par Hugo Prieto.


[ Un des symptômes de l’abandon dont souffrait l’éducation publique au Venezuela c’est ce qui se passait au Lycée Fermà­n Toro, où il y avait 102 élèves et 112 professeurs. C’est cette tendance qui a été renversée, selon le ministre de l’Education et des Sports Aristóbulo Istúriz. Pour les chiffres il préfère s’en remettre à ce que dit par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Si le Venezuela maintient la tendance commencée en 2004, « nous allons universaliser l’éducation l’an prochain ». L’Etat enseignant, concept proposé par Luis Beltrán Prieto Figueroa, est aujourd’hui d’actualité. ]



Aristóbulo Istúriz :
« Depuis que je suis ministre il n’y a pas eu un seul jour de grève ».


Ultimas Noticias, dimanche 18 juin 2006.



En 1964, Luis Beltrán Prieto Figueroa a déclaré la chose suivante : « Tout Etat responsable et disposant d’autorité réelle assume comme fonction l’orientation générale de l’éducation. Cette orientation exprime sa doctrine politique et en conséquence elle forme la conscience de ses citoyens. » Soutenez-vous cette idée ?

Je la soutiens avec la plus grande conviction. Je crois énormément en la doctrine de l’Etat enseignant et je crois que nous devons continuer de la défendre entre autres choses parce qu’elle est pleinement d’actualité au Venezuela. Quand il avançait cette idée, Prieto le faisait dans le sens robinsonien. Simón Rodrà­guez [Samuel Robinson] disait que si nous voulions une République nous devions former des républicains. Les républiques ne sont pas de ciment, ils ne sont pas de bitume, elles sont constituées par des personnes. Toute philosophie politique porte une philosophie de l’éducation, parce que tout modèle de société que l’on prétende construire requiert un modèle de citoyen, et le rôle de l’éducation c’est de former les citoyens pour cette société.


Quelle est « la doctrine politique » de l’Etat vénézuélien ?

La philosophie politique de l’Etat vénézuélien est définie dans la Constitution nationale. Le préambule de la Constitution exprime l’idéal politique. C’est-à -dire : Quel est le modèle de société auquel on aspire ? Quel est l’état idéal de société où l’homme puisse parvenir au bonheur ? C’est l’objectif de toute philosophie politique. Lorsque nous sommes allés au processus constituant, nous y sommes allés parce que le Venezuela savait ce qu’il ne voulait pas, mais nous devions nous réunir pour définir ce que nous voulions. C’est pour cela que Chávez a proposé comme stratégie la Constituante, laquelle permettait la participation démocratique de tous les Vénézuéliens afin qu’ils donnent leurs opinions quant au modèle de société qui devait enterrer la vieille société. C’est alors que l’on dit que la fin ultime de la Constitution c’est de refonder la République, de la refaire. C’est-à -dire une société démocratique, participative, protagonique, multiethnique et pluriculturelle. Voilà l’idéal politique de l’Etat vénézuélien.


Le président Chávez a dit qu’il ne trompe personne, que ceux qui votent pour lui votent pour un projet socialiste. Cependant il y a des gens qui pensent que la Constitution bolivarienne est très éloignée de l’idéal socialiste.

Ce qu’a proposé le président c’est un débat pour la construction d’un nouveau modèle de société, qu’il a défini comme socialisme du XXIème siècle. Il ne s’agit ni du vieux projet marxiste-léniniste ni du dit socialisme réel, mais d’un projet en construction, d’un nouveau projet socialiste qui réponde à notre temps et à notre peuple. Qu’a indiqué le président Chávez ? Que le socialisme c’est distribuer la richesse de façon équitable, qu’être socialiste c’est rechercher l’égalité sociale, l’équilibre économique et social. Ce que recherche la Révolution bolivarienne c’est construire une démocratie sociale. Cela ne veut pas dire que nous soyons opposés aux droits politiques. Cela est très important, mais ce n’est pas toute la démocratie, sinon au Venezuela il n’y aurait pas eu de [soulèvement populaire le] 27 Février [1989]. Ici il y a des libertés publiques depuis 1958, mais cela n’a pas empêché que les élites continuassent d’accumuler les richesses et que la brèche entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas continuât de croître au point que nous avons fini par avoir 20% des gens qui vivaient correctement et 80% qui n’en pouvaient plus. C’est pour cela que les gens se sont lancés dans les rues afin de faire justice de leurs propres mains. C’était une démocratie sans les gens, sans crédibilité.


Relativiser les droits politiques vis-à -vis d’autres droits comporte quelques inconvénients, notamment parce que l’existence des droits politiques garantit la liberté.

Personne ne s’oppose aux droits politiques. Nous réaffirmons les droits politiques. Au Venezuela il y avait plus de cinq millions de personnes qui non seulement étaient en dehors du Registre Electoral mais qui n’étaient même pas dans le Registre Civil. La Mission Identité a donné une participation politique à plus de cinq millions de Vénézuéliens.


Avec ces droits politiques, vous avez été maire, vous avez été député.

Je crois qu’une étape importante s’est déroulée, mais je crois aussi que c’est une étape dépassée, parce qu’à un moment donné les gens ont cessé de croire, sinon le 27 février ne se serait pas produit. Ramón Piñango, expert de l’éducation au Venezuela, est préoccupé par le fait que nous ne soyons pas capables de garantir 200 jours de scolarité par an. Il y a beaucoup de gens qui étaient dans les grands centres où les décisions étaient prises et qui ne sont jamais arrivé à rien. Depuis que je suis ici il n’y a pas eu une seule grève. Je dirais à Ramón Piñango que la paix scolaire, la présence massive de l’école, le fait que nous répondions aux revendications des enseignants et que ceux qui veulent provoquer des grèves n’est pas la moindre écoute parce qu’ils n’ont pas d’arguments pour aller à la grève, rien que cela, je le donne comme réponse à ceux qui disent qu’aujourd’hui il y a moins de jours de classe qu’avant.


Le but des 200 jours de classe est atteint au Venezuela ?

Ma réponse c’est qu’aujourd’hui avec Chávez il y a plus de jours de classe qu’avant. C’est ma réponse, assez claire. Depuis que je suis ministre il n’y a pas eu un jour de grève.


Dans le rapport annuel de Provea il est signalé que s’il y a bien une augmentation de 4% de la couverture en éducation pré-scolaire ; il y a 623 000 enfants de 3 à 5 ans exclus des salles de classe.

Ce chiffre doit être situé dans une échelle de 4 700 000 enfants. Notre but c’est l’universalisation du pré-scolaire, et pour l’atteindre nous sommes en train d’augmenter les places dans l’étape maternelle, qui va de 0 à 3 ans. Nous assumons l’éducation à partir du moment où la maman est enceinte ; c’est pourquoi le Simoncito, la nouvelle école, a non seulement un maître de maternel et de pré-scolaire, mais un maître communautaire, qui se rend où se trouve la jeune mère pauvre pour l’orienter sur les questions de l’allaitement, de la stimulation précoce, de l’hygiène, du langage et de tout une série d’éléments ayant à voir avec le développement de l’enfant. Auparavant on recevait moins d’un million d’enfants en âge pré-scolaire. Nous avons pris en charge l’éducation initiale et aucun gouvernement ne l’a soutenue avec l’enthousiasme et les moyens apportés par le président Chávez.


Dans ce même rapport on signale une récupération de 14% de l’éducation moyenne, mais il est également signalé qu’il y a 1 018 791 jeunes, entre 15 et 17 ans, qui se trouvent hors des salles de classe.

Ici il y avait une préoccupation supérieure pour l’éducation de base. Nous sommes en train de changer certains concepts, parce que l’éducation de base, qui est de 9 années, c’est l’éducation minimum. Si tu parviens à cela, très bien. Au-dessus de cela, les élites. Nous avons dit que l’éducation est obligatoire et gratuite à tous les niveaux. Nous sommes en train de convertir l’éducation initiale en un niveau, parce qu’ici le pré-scolaire n’était même pas obligatoire. Nous avons fait un grand effort pour augmenter la couverture de l’éducation initiale, et dans l’éducation de base nous avons attaqué les éléments fondamentaux de l’échecs, de l’abandon et de l’exclusion ; c’est-à -dire entre autres choses justement l’absence d’éducation initiale. Nous allons avoir une demande supérieure d’éducation moyenne, mais pour parvenir à cela nous devons améliorer l’éducation de base, en freinant l’exclusion et l’abandon. Cela nous l’avons obtenu avec les écoles bolivariennes.


Ce chiffre n’est pas exact ?

Je vais te donner le chiffre du PNUD [Programme des Nations Unies pour le Développement] ; il dit que si on maintient le rythme de croissance de ces quatre dernières années, le Venezuela parviendra à l’universalisation de l’éducation basique en 2007. Cela les Nations Unies -qui réalisent un suivi des Objectifs du Millénaire pour vaincre la pauvreté- l’avaient dit en 2004. Si tu améliores l’éducation de base, la logique te dit qu’il y aura une demande supérieure dans l’éducation moyenne. Mais que se passait-il dans les lycées du Venezuela ? Ils étaient abandonnés. Voyons le Nuñez Ponte, il avait 100 élèves, et on peut dire la même chose du Fermà­n Toro, du lycée Perú de Lacroix. Le Fermà­n Toro avait fini par avoir 102 élèves et 112 professeurs. Nous sommes en train de réparer le lycée Andrés Bello, le Fermà­n Toro, lesquels auront 3 500 élèves. Les lycées publics étaient des coquilles vides.


A quoi était due cette détérioration ?

A l’impact du néolibéralisme. Les professeurs ne remplissaient pas leur rôle vis-à -vis des élèves. Il y avait plus de grèves que de classes. On ne répondait pas aux revendications et les écoles n’étaient pas équipées. Aujourd’hui nous avons installé des laboratoires, des bibliothèques, des centres de ressources d’apprentissage, des ordinateurs. Nous avons fait un effort dans l’équipement.


Les lycées que vous citez ont été construits durant le gouvernement de Medina Angarita, les trois ans de gouvernement adeco [de AD, de 1945 à 1948] et la dictature de Pérez Jiménez.

Oui, oui, et tous ces lycées, toutes ces écoles, ils les ont ensuite abandonnés. L’école Répública del Ecuador en était au dernier stade, plus de la moitié fermée, et la situation était similaire pour dans l’école República de Bolivia dans La Pastora. Medina a construit de très belles écoles, et Pérez Jiménez a construit les groupes scolaires, et la démocratie à partir de 1958 a augmenté les places en construisant des écoles et des lycées, mais à partir du moment où le libéralisme s’est imposé on a considéré que cela était une dépense, et les orientations qui sont venues de l’extérieur c’était qu’il fallait réduire cette dépense. Il y a une détérioration de l’éducation publique pour faire prévaloir l’éducation au moyen de la télévision. Attention, cela ne s’est pas produit seulement au Venezuela, cela s’est produit dans toute l’Amérique latine. L’éducation a été considérée comme une marchandise, comme un article de marché, dont pouvaient jouir ceux qui pouvaient le payer. La conséquence de cela ça a été l’exclusion et l’idéologisation, la compétition, l’individualisme et le consumérisme.


Pourquoi ce gouvernement est-il si remonté contre la méritocratie ?

Ce que je crois c’est qu’il ne suffit pas de savoir et de faire si on n’a pas une conscience, si on n’a pas d’identité. Nous disons qu’il est important de savoir et de faire bien les choses, mais il est également important de savoir à qui nous portons préjudice et qui nous apportons des bénéfices. PDVSA était aux mains de messieurs qui savaient et qui faisaient mais qui n’étaient pas intéressés de savoir si le bénéfice était retiré par la Exxon, la Shell, la Mobil, ni de savoir si mouraient de faim les gens qui vivent sur la carretera vieja [route ancienne] Caracas-La Guaira.



Profil :

Le Noir Aristóbulo est né à Curiepe, Barlovento. Il a 59 ans. Il est maître normalien, professeur de géographie et d’histoire, diplômé de l’Institut Pédagogique de Caracas.

Il est issu d’une famille liée à l’enseignement et il a occupé plusieurs responsabilités de représentant syndical dans les organes professionnels de l’enseignement au Venezuela.

Il a milité dans la Causa R [dont les bases chavistes sont maintenant regroupées dans le PPT] et comme tous les jeunes de son époque il a été « ñangara » [façon proprement vénézuélienne de dire « communiste »]. La philosophie de la praxis est un grand apport d’Alfredo Maneiro [fondadeur aujourd’hui disparu de La Causa R]. « Si Alfredo était vivant, les choses auraient tourné autrement dans la Causa R » [dont les dirigeants se sont fondus dans l’opposition pro-américaine]. Et avec Chávez ? « Je crois que oui. Alfredo était si audacieux qu’à un moment il avait lancé (Jorge) Olavarrà­a ».





Les chiffres :

75 000 bibliothèques été installées par le MED [ministère de l’Education et des Sports] dans les écoles de base.

9 500 écoles ont été réparées dans tout le pays et en 2006 2 004 écoles vont être réparées.

1,4 billion de bolivars seront apportés aux installations scolaires, par PDVSA, les gouvernorats, la CVG et d’autres institutions.

5 500. C’est le nombre d’inscrits dans une cité éducative bolivarienne qui compte une école d’éducation initiale (le Simoncito), l’école bolivarienne, le lycée bolivarien, l’école technique robinsonienne, l’école d’éducation spéciale, l’espace éducatif émergent (pour la réinsertion des jeunes exclus) et, en plus, un village universitaire, un lieu où fonctionnent les missions.

340 milliards de bolivars seront investis, dans chacun des 24 Etats du pays, pour la construction d’un lycée bolivarien, d’une école bolivarienne et d’un Simoncito ; dans les 10 principales villes du Venezuela seront construits 10 lycées métropolitains bolivariens ; 5 écoles techniques agricoles et une cité d’éducation intégrale bolivarienne sera construite dans l’Etat de Zulia.

Le gouvernement apporte une subvention de 460 milliards de bolivars à l’éducation catholique. « C’est un apport supérieur à ce que donnaient les gouvernements démocrates-chrétiens de Rafael Caldera et de Luis Herrera Campà­ns », affirme Istúriz.

Hugo Prieto


- Traduction Numancia M. POGGI

- Source : Ultimas Noticias



Venezuela : La révolution sociale du président Hugo Chávez, par Salim Lamrani.


Venezuela - réforme agraire : La terre pour le peuple, pas pour le profit, par Gregory Wilpert.




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