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Comme la Tunisie ou l’Egypte, le Venezuela fut aussi une carte postale

Vous aimez les mensonges du Monde ? En voici un tombereau.

En ce début de 2011 le contraste est saisissant entre la France et le Venezuela. Le CEVIPOF, labo de recherches associé au CNRS, indique que seuls 38 % de français font encore confiance à leurs députés et que 57% considèrent que la démocratie ne fonctionne "pas bien" ou "pas bien du tout" . 39 % des français expriment de la méfiance, 23 % du dégoût, 12 % de l’ennui vis-à -vis de la politique (1). Au même moment, l’ONG chilienne indépendante Latinobarómetro, classe le Venezuela comme un des pays latino-américain où la population croit le plus dans la démocratie (84% des citoyen(ne)s). Les chercheurs attribuent ce record de confiance à la concrétisation effective de politiques sociales et économiques attendues par la population (2). Deux sondages de janvier 2011 dont celui de Datanalisis, proche de l’opposition, montrent que la popularité du président se situe entre 50 et 54 % grâce notamment aux mesures prises en faveur des mal logés et à l’augmentation des budgets sociaux. Pour Latinobarometro "il est paradoxal que ce soit au Venezuela que les gens croient le plus à la démocratie et que ce soit en même temps le pays le plus critiqué sur l’état de sa démocratie" .

Exemple parfait de ce "paradoxe" , un texte paru dans "Le Monde" du 2 février 2011, sous le titre "Un parlement inutile" (3). Son auteur, Jean-Pierre Langellier, n’enquête pas au Venezuela et se contente de traduire depuis l’étranger les titres des médias de droite, majoritaires dans ce pays.

D’emblée l’auteur exprime avec émotion son empathie sociologique pour la minorité que ces médias recrutent essentiellement dans la classe moyenne et supérieure. Ces quinze minutes de casseroles "bruyantes" , qui "font écho sur les tours" , ce "fracas" , ce "tintamarre" , qui semblent exciter M. Langellier, proviennent parfois de CD où les ustensiles pré-enregistrées s’expriment en boucle, voire de casseroles réelles que la domestique stoïque frappe à la fenêtre à la demande de ses employeurs. Avant de replier son tablier et de rentrer chez elle, dans ce barrio où 80 % de la population du Venezuela apprend alors par Globovision, à défaut de pouvoir lire "Le Monde" , que le pays s’est "exprimé massivement pour exiger le départ du dictateur" .

M. Langellier : "en septembre 2010, le président n’a pu empêcher ses adversaires de l’emporter, avec près de 53 % des suffrages. Un "charcutage" préalable des circonscriptions a contenu leur poussée." C’est faux. Les résultats du Conseil National Electoral ont été validés comme d’habitude par tous les observateurs internationaux.
Le "charcutage" que dénonce M. Langellier est la loi électorale adoptée par l’assemblée nationale, et acceptée par les toutes les parties avant l’élection. Le PSUV obtient 98 sièges sur un total de 165 contre 65 pour la très hétéroclite Coordination de l’opposition. Avec son mélange de scrutin majoritaire et de proportionnelle, la loi électorale reste perfectible. Dans l’état très peuplé du Zulia elle a entraîné une sous-représentation du camp bolivarien : bien qu’ayant obtenu 44,4% des voix, il n’a obtenu que deux députés sur douze.

Mais M. Langellier prend ses désirs pour la réalité lorsqu’il affirme comme le quotidien espagnol "El Paà­s" et la plupart des grands médias, que l’oppostion a battu le gouvernement avec. 52% des voix. Ce mensonge de la droite consiste à engranger des voix de petits partis indépendants qui ne s’identifient pas à elle. Les chiffres officiels et validés internationalement montrent que les candidats bolivariens ont rassemblé 5.399.574 voix contre 5.312.293 pour l’opposition, soit 46,23 % des suffrages exprimés contre 45,48 %." (4)

La courte victoire du camp révolutionnaire dans cette élection intermédiaire exprime un mélange d’impatience et de mécontement justifiés par certains échecs et par la lenteur des changements. Et même si l’accès aux bureaux de vote pour les secteurs populaires (qui rassemblent, répétons-le, 80 % de la population) s’est sensiblement amélioré, il reste des efforts à faire pour qu’ils jouissent du même confort logistique que la classe moyenne.

Le secrétaire général de l’OEA (Organisation des États Américains) José Miguel Insulza, pourtant plus sensible aux thèses de Washington qu’à celles de Caracas, a déclaré le 5 février 2011 que "les élections qui ont eu lieu ces dernières années au Venezuela ont été parfaitement normales et nous ne voyons pas pourquoi il n’en serait pas ainsi dans l’avenir" (5)

Parce que le Venezuela a prévu, comme n’importe quelle démocratie, une responsabilité juridique pour ceux qui appelleraient au meurtre ou aux coups d’État à travers un média, M. Langellier dénonce que "radio, télévision et Internet sont contrôlés plus strictement" .

Le professeur de journalisme Aram Arahonian, directeur de la revue "Question" et l’intellectuel vénézuélien Luis Britto Garcà­a rappellent qu’en 2011 l’opposition possède 90% du pouvoir comunicationnel, d’où elle lance des épithètes dénigrants contre la majorité du peuple vénézuélien - comme "singes, "plèbe" , "hordes" , "édentés" et autres adjectifs de discrimination ethnique et sociale (6) et d’où elle appelle régulièrement au coup d’État contre un president élu, comme l’a fait le chef du patronat en décembre 2010 (7). Une étude du Centre pour la Recherche Économique et Politique (CPER) basé à Washington sur les télévisions vénézuéliennes - médias les plus influents du pays - montre qu’en 2010 les chaînes publiques ne font que 5,4 % d’audience alors les chaînes privée font 94,5 % (neutres pour les moins politisées, radicalement opposées au gouvernement d’Hugo Chavez pour la majorité) (8). La proportion est la même pour la radio et pour la presse écrite. Récemment le gouvernement argentin a promulgué une loi pour démocratiser le "latifundio" médiatique. Celle-ci répartit le spectre radio-électrique de manière plus équilibrée : 33% des ondes au secteur public, 33% à l’associatif et 33% au commercial. Aussitôt les grands groupes privés qui possèdent les médias ont crié à la "dictature" .

"La censure d’Internet au Venezuela" est un des thèmes favoris de la désinformation mondiale contre la révolution bolivarienne. Pourtant, même un opposant comme Federico Ravell, ex-directeur de Globovision (chaîne dont M Langellier annonça la fermeture imminente en 2009 (9)) et actuel gérant d’une Web de news a reconnu en janvier qu’il n’y a aucune restriction : "En toute honnêteté, je dois dire que nous ne sommes sentis en rien limités" (10). En janvier 2011 l’UNESCO a décerné un prix au Venezuela pour la création d’un réseau national d’Infocentres qui connecte et forme gratuitement des centaines de milliers de citoyen(ne)s jusqu’ici exclu(e)s des technologies massives de l’information (11). Le gouvernement bolivarien a imposé l’usage de logiciels libres dans toute l’administration publique. Un des "gourous" de la communauté du logiciel libre, Richard M. Stallmann, recommande que l’on étudie les avancées du Venezuela dans ce domaine (12) . Twitter a fait son entrée dans tous les secteurs politiques. Le compte du président a dépassé le million de lecteurs et d’interlocuteurs. Il peut ainsi vérifier de première main la mise en oeuvre, les problèmes ou les retards dans l’application des programmes sociaux.(13)

Comble de l’ironie, la seule censure exercée sur Internet a été commise par des "Anonymous hackers" qui ont bloqué depuis l’étranger plusieurs sites… de l’Etat vénézuélien au nom de "la lutte contre Chavez, ennemi d’Internet" !... Preuve que la campagne mondiale de manipulation a porté. En 2008 déjà M. Langellier dénonçait la nouvelle loi de l’éducation parce qu’elle prévoyait une éducation critique aux médias dans les écoles, et préparait donc "la censure de la presse" (sic). Deux ans plus tard il n’en est rien, au point que l’opposition qui avait fait campagne sur ce thème, n’en parle même plus.(14)

Le "journalisme" de M. Langellier fonctionne ainsi, au fil des années : un bric-à -brac d’effets d’annonce empruntés aux médias de droite vénézuéliens, sans droit de suite pour le lecteur.

"Toutes les commissions parlementaires sont sous contrôle du pouvoir" . C’est faux. La plupart des commissions reviennent, démocratiquement, à la majorite élue. Mais de nombreux artistes sont préoccupés par la nomination à la tête de la Commission de la Culture de Miguel Angel Rodriguez, un animateur pugnace de RCTV (15) - cette télévision de droite dont M. Langellier avait faussement annoncé la fermeture en 2009 (16)). Rodriguez souhaite le retour à une culture plus "classique" , c’est-à -dire avec un peu moins de participation populaire…

M. Langellier affirme que les débats parlementaires sont contrôlés par le pouvoir, qui peut ainsi "éliminer les gêneurs" . C’est encore faux. Ce mardi 8 février 2011 les vénézuéliens ont eu droit à la retransmission en direct et sur toutes les chaînes d’un débat passionné. Pendant près de huit heures les députés de l’opposition ont pu interpeller et critiquer, parfois avec virulence, plusieurs ministres bolivariens. Cette séance de questions se poursuivra dans les semaines prochaines avec d’autres membres du gouvernement. Ironie de l’Histoire : plusieurs députés de l’opposition furent les acteurs du coup d’État sanglant de 2002 qui renversa le président élu pour le remplacer par le chef du patronat. Ils applaudirent alors le décret putschiste qui dissolvait l’Assemblée Nationale. Le premier député d’opposition à interpeller le gouvernement, Enrique Mendoza, fit fermer VTV, l’unique chaîne publique. C’est cette télévision qui transmet aujourd’hui sa parole intégrale, en direct, à l’ensemble de la population…

M. Langellier occulte le fait que les diverses institutions républicaines - qu’il qualifie de "chavistes" - comme le Tribunal Suprême de Justice ou l’Assemblée Nationale et ses commissions sont issues des décisions légitimes d’une assemblée élue au suffrage universel.

Ainsi, quand une "loi d’habilitation" a été approuvée par les députés pour permettre au président de légiférer directement et de prendre ainsi les mesures d’urgence pour aider et reloger des dizaines de milliers de victimes d’inondations catastrophiques, M. Langellier en tire (comme tous les grands médias) que "le parlement est inutile" . C’est faux : le parlement continue de son côté à discuter des lois et à légiférer comme en temps normal. On n’a jamais vu au Venezuela un tel bouillonnement de lois d’initiative populaire. Syndicats, mouvements paysans, groupes féministes, victimes d’escroqueries immobilières, associations de locataires et de concierges : le parlement bruisse de projets législatifs. Les organisations citoyennes manifestent, débattent, critiquent les lois existantes ou en proposent de nouvelles, dans la rue, à la télévision, dans les réunions avec les députés et le président. Loi du travail, loi contre l’impunité sur les disparus sous les régimes "démocratiques" d’avant Chavez, loi sur le droit locatif, loi sur l’éducation, etc.. au point que l’assemblée nationale vient de créer un nouveau centre de réception des projets citoyens.

Toutes les lois que M. Langellier et la droite vénézuelienne traitent de "paquet cubain" et qu’ils accusent de renforcer le contrôle de l’État, sont, au contraire, un des moteurs de la démocratisation. La loi du pouvoir comunal, approuvée par l’assemblée en 2010, approfondit la démocratie participative. Elle permet aux comunes et aux conseils communaux de diriger et de réaliser des travaux publics, de les superviser, de les financer. Plus de 40.000 de ces conseils communaux agissent déjà au Venezuela, outils efficaces de la participation populaire.

«  L’opposition dit qu’avec ces réformes, les parlements régionaux et les mairies vont disparaître, mais c’est faux. Ces institutions sont replacées dans une véritable unité dynamique. Désormais, au lieu d’avoir un gouverneur dans l’incapacité de résoudre un problème, les Communes pourront immédiatement y répondre » explique Ulises Daal, un des députés qui ont défendu la loi (17). Une des innovations majeures est le Conseil de l’Economie Communale, instance chargée de promouvoir le développement économique de la Commune. Son rôle sera de surveiller, évaluer et exercer le contrôle social sur les projets et les activités d’intérêt collectif. La Banque des Communes se charge de tout ce qui tient à la gestion économique de caractère social : administration, transfert, collecte et contrôle des ressources. Depuis 2008 le transfert de l’État aux organisations citoyennes atteint une dizaine de milliards de dollars (18).

Le nouveau règlement parlementaire, que M. Langellier dénonce comme "une camisole de force" satisfait une vieille revendication des députés : disposer du temps suffisant de parcourir sa circonscription, à la rencontre des habitants et de leurs problèmes, et veille ainsi à ce que certains parlementaires n’oublient pas la mission pour laquelle ils ont été élus.

Démocratie politique, très bien, mais justice sociale ? Rappelons, car M. Langellier n’en dira rien à ses lecteurs, que l’ONU, l’UNESCO, la CEPAL, le PNUD et la FAO ont confirmé récemment dans leurs rapports publics que le Venezuela a réussi à faire baisser de manière importante la pauvreté, à promouvoir la souveraineté alimentaire, l’éducation pour tous, la santé puiblique et qu’il est devenu en douze ans de révolution un des pays les plus égalitaires de la région.

Le mensonge final de M. Langellier reprend les campagnes du FN local sur "la gabegie financière de la présidence" . Cynique, il conclut : "Après tout, la révolution n’a pas de prix" .

Par contraste avec les présidences antérieures célèbres pour leurs fêtes très somptueuses, l’actuelle présidence du Venezuela a créé divers services qui attribuent quotidiennement des pensions à des personnes âgées qui n’ont jamais cotisé à la sécurité sociale ou des financements pour des patients cardiaques qui n’ont pas les moyens de payer des opérations de haut niveau. Comme les autres ministères, le palais présidentiel vient de déménager certains de ses services pour pouvoir accueillir, loger, nourrir et appuyer la réinsertion sociale des familles de victimes des inondations de décembre 2010.

Peut-être que le dégoût des français envers la politique provient-il aussi de cette inintelligence du monde entretenue par des médias cotés en bourse. Un matin, le réveil sonne, des peuples surgissent du silence, on ne comprend pas. Comme la Tunisie ou l’Egypte, le Venezuela fut aussi une carte postale. En 1989 son peuple manifestait contre les mesures néo-libérales du FMI et fut massacré sur ordre du président social-démocrate Carlos Andrés Pérez. De jeunes officiers "nassériens" , parmi lesquels un certain Hugo Chavez, indignés par la répression, décidèrent de se rebeller au nom de la pensée d’un certain Simón Bolà­var :" maudit le soldat qui retourne son fusil contre le peuple" .

Thierry Deronne
Caracas, février 2011.

Notes.

1. CEVIPOF, baromètre de la confiance politique,
http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/resultats2/

2. Voir http://laradiodelsur.com/?p=1298

3. "De l’inutilité d’un Parlement, Le Monde, 02.02.11,
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/02/02/de-l-inutilite-d-un-parlement_1474034_3222.html

4. Lire "Une défaite à l’envers" , de Renaud Lambert, le Monde Diplomatique,
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-10-01-Legislatives-au-Venezuela-une

5. Déclarations de José Miguel Insulza,
http://www.abn.info.ve/node/41764

6. Aram Arahonian, "un polo para descongelar la revolución" ,
http://www.rebelion.org/noticia.php?id=121875&titular=Venezuela:-un-polo-para-descongelar-la-revoluci%F3n-

7. Lire, de Eva Golinger, "Quelques points sur les "i" à propos du Venezuela et de Hugo Chavez" , 9 janvier 2011,
http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1402&lang=fr

8. "Médias et Venezuela : qui étouffe qui ?"
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-12-14-Medias-et-Venezuela

9. Voir http://www.legrandsoir.info/Le-Monde-Jean-Pierre-Langellier-procede-a-une-nouvelle-devaluation-du-journalisme.html. Autre exploit journalistique : le 2 octobre 2009, M. Langellier avait relayé la campagne du Parti de la Presse et de l’Argent brésilien reprochant au président Lula d’accueillir dans son ambassade au Honduras le président Zelaya, victime d’un coup d’État qui a ramené son pays à l’ère des escadrons de la mort et des traits de libre commerce.

10. Interview de Federico Ravell parTelesur,
http://www.telesurtv.net/secciones/noticias/87206-NN/fundacion-infocentro-demuestra-esfuerzo-del-gobierno-venezolano-por-democratizar-la-internet/

11. Voir sur le site de l’UNESCO ;
http://portal.unesco.org/geography/es/ev.php-URL_ID=13614&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html

12. Voir http://www.somoslibres.org/modules.php?name=News&file=article&sid=650

13. Voir http://www.medelu.org/spip.php?article341&var_recherche=twitter

14. Voir M. Langellier prend un aller simple pour le pays des soviets,
http://www.alterinfos.org/spip.php?article3791

15. Voir http://www.rctv.net/galerias/Galeria.aspx?GaleriaId=526&Galeria=Miguel+Angel+Rodr%C3%ADguez&CategoriaId=23&Categoria=fotos

16. "La fuite en avant de Hugo Chavez" , de JP Langellier,
http://www.lemonde.fr/idees/article/2009/05/18/Venezuela-la-fuite-en-avant-d-hugo-chavez_1194603_3232.html

17. Sur la loi du pouvoir communal, voir
http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1428&lang=fr

18. Interview récente de la jeune Ministre de la Commune Isis Ochoa :
http://www.mpcomunas.gob.ve/noticias_detalle.php?id=5876

19. Voir notamment l’article du quotidien chilien El Ciudadano
http://www.elciudadano.cl/2009/02/11/cepal-confirma-importantes-avances-sociales-en-Venezuela/

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