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L’esclavagisme, ou le stade Qatar du capitalisme

Le bilan des Népalais morts sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar a été revu à la hausse. Une délégation internationale de défense des travailleurs est attendue lundi à Doha. Le pays tarde à ratifier les conventions internationales.

C’est un phénomène météorologique unique au monde, presque un microclimat. Au cœur de la minuscule et désertique péninsule du Qatar, les thermomètres, qu’ils soient à alcool ou à mercure, n’affichent jamais de températures excédant 49 °C.

À l’origine de ce dérèglement climatique, la famille Al Thani et un quarteron d’entreprises, qui entendent contourner l’interdiction pour les ouvriers de travailler lorsque la température grimpe à 50 °C. Or, pour parachever ses désirs d’influence, l’émirat a besoin d’une main-d’œuvre abondante et corvéable à merci. Selon un recensement de 2010, le Qatar comptait seulement 180 000 nationaux pour 1,5 million d’étrangers. Au-delà des chantiers pharaoniques qui ont transformé les maisons de terre et les pistes de sable de Doha en une forêt de gratte-ciel, les travailleurs immigrés se font les soutiers du « miracle » qatari.

L’organisation de l’événement planétaire de la Coupe du monde de football de 2022, une vitrine sans pareille, a une nouvelle fois levé le voile sur l’esclavage moderne auquel a recours le Qatar pour assouvir ses rêves de puissance. La semaine dernière, le quotidien anglais The Guardian révélait la mort de 44 migrants népalais sur les chantiers de la Coupe du monde entre le 4 juin et le 8 août, dont la moitié auraient succombé à des attaques cardiaques ou à des accidents du travail. Hier, ce bilan était revu à la hausse avec 70 décès – pour la seule communauté népalaise – depuis le début de 2012, dont 50 sur des infrastructures dédiées à l’événement sportif pour l’année en cours. En 2010, l’ambassade du Népal à Doha recensait déjà 103 morts par crise cardiaque et 19 par accident du travail comme des chutes d’échafaudages.

À ces allégations, les gouvernements de Katmandou et de Doha opposent un déni sans pareil. Ainsi, Mohammad Ramadan, conseiller népalais aux 340 000 migrants installés au Qatar, tente de persuader que les chantiers sont «  sûrs  ». Avant la réunion de la Fifa, à Zürich, sur la sécurité des travailleurs et l’arrivée, lundi, d’une délégation internationale de défense des travailleurs à Doha, le Comité national des droits de l’homme qatari nie tout recours à «  l’esclavage ou au travail forcé  », comme l’indiquait Human Rights Watch dans un rapport de juin 2012. Si le Qatar invite un cabinet d’avocats à enquêter sur ces «  allégations  », il tarde toujours à ratifier les conventions internationales relatives aux droits de l’homme et des travailleurs.

« Des jeunes hommes meurent au travail »

Aux yeux de Sharan Burrow, secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale, cette situation rappelle pourtant «  la révolution industrielle  ». «  Des jeunes hommes en bonne santé meurent au travail, au Qatar. Certains meurent d’épuisement par la chaleur et de déshydratation après douze heures de travail sous un soleil de plomb. La nuit, ils dorment dans les camps de travail insalubres et exigus, sans ventilation, et aux conditions d’hygiène épouvantables.  » Recrutés par des agences dans leur pays d’origine, les migrants voient souvent leur passeport confisqué par les entreprises ou par leur «  tuteur  » légal, dont chaque étranger dépend pour louer une voiture, bénéficier du téléphone ou sortir du territoire. L’ambassadrice du Népal à Doha qui avait eu l’outrecuidance d’évoquer une «  prison à ciel ouvert  » a gentiment été expulsée par l’émir aux pétrodollars, qui ne supporterait pas de voir sa Coupe du monde virer au scandale et par la même occasion, les investissements de 156 milliards de dollars et la manne financière qu’ils promettent partir en fumée.

Entre soupçons de corruption et Météo. Il n’y a pas que sur le plan des droits de l’homme 
et de l’exploitation des travailleurs migrants que 
le Qatar est pointé du doigt. De nombreux soupçons de corruption entourent l’attribution 
du Mondial 2022 à ce minuscule mais richissime émirat gazier, inexistant sur la carte du football mondial, et ce, au nez et à la barbe des États-Unis, pourtant grand favori parmi les cinq pays candidats. Une enquête a été lancée par le comité d’éthique de la Fifa. Autre polémique, faut-il maintenir le Mondial en juin et juillet, ou le déplacer en décembre et janvier pour éviter les températures caniculaires du golfe (45 °C 
à 50 °C) ? Mercredi, à la veille du comité exécutif de la Fifa qui s’achève vendredi, le comité d’organisation s’est déclaré prêt à organiser la Coupe du monde «  en été ou à n’importe quelle autre période de l’année  ». Reste à la communauté internationale du football à trouver un consensus sur le bouleversement du calendrier des championnats. Ce qui est loin d’être évident, tant les intérêts financiers divergents sont énormes...

Lina Sankari

»» http://www.humanite.fr/monde/lescla...
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Les éditocrates - Mona Chollet, Olivier Cyran, Sébastien Fontenelle, Aude Langelin
Vous les connaissez bien. Leur visage et leur voix vous sont familiers. Ils signent tous les jours un éditorial dans la presse écrite ; ils livrent une chronique chaque matin sur une antenne de radio ; ils occupent les plateaux des grandes - et des petites - chaînes de télévision ; chaque année, voire plusieurs fois par an, leur nouveau livre envahit les tables des librairies. « Ils », ce sont les « éditocrates ». Ils ne sont experts de rien mais ils ont des choses à dire sur (presque) (…)
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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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