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Trois intellectuels américains jugent la « démocratie réellement existante » dans leur pays.

La démocratie américaine : Une coquille vide

« La convention qui rédigea la Constitution des Etats-Unis était composée de 55 membres. Une majorité d’entre eux étaient des avocats - pas un seul fermier, ouvrier ou paysan. 40 possédaient du Revolutionary Scrip [monnaie émise pour contrer la monnaie coloniale]. 14 étaient des spéculateurs de terrains. 24 étaient des prêteurs. 11 étaient des marchands. 15 possédaient des esclaves. Ils ont crée une Constitution qui protège les droits de propriété, pas les droits de l’homme ».

Senateur Richard Pettigrew. (In : « 200 CITATIONS POUR COMPRENDRE LE MONDE passé, présent et à venir ». Viktor Dedaj, Maxime Vivas. Editions la Brochure).

LGS

DOUG MORRIS [1]

Aux États-Unis, « la notion de démocratie se résume à l’aspect le plus élémentaire, le plus rudimentaire et la forme la moins développée de la démocratie : la démocratie électorale [...] forme de compétition limitée à deux grands partis financés par l’élite fortunée et les milieux d’affaires ».

Il arrive que l’intérêt du public se réveille lorsqu’on lui présente les hyper-spectacles des campagnes électorales, ou lorsqu’il est soumis à la répétition incessante de slogans creux qui parlent d’« espoir », de « changement ».
Mais, « le résultat final est que pratiquement rien ne change en ce qui concerne les besoins ou les préoccupations de la population, ou l’approfondissement de la démocratie ».

Dans les « démocraties électorales, les électeurs votent tous les deux ou quatre ans et n’ont pratiquement aucune influence sur les politiques ou les programmes ».

Ce qui signifie que « cette démocratie-là n’est qu’une coquille formelle et pratiquement vide, un arbre qui cache la forêt des véritables centres de pouvoir et de décision et qui se trouvent principalement au niveau des grandes sociétés ».

NOAM CHOMSKY [2]

Aux États-Unis, il n’existe qu’un seul parti - celui du business - composé de deux fractions : les « démocrates » et les « républicains ».

Ce qui est couramment appelé « élections » n’est que le choix entre deux politiciens de ces deux fractions, tous deux nés dans des familles fortunées et de grande influence politique, tous deux ayant fréquenté les mêmes écoles particulières et les mêmes universités d’élites où ils ont été formés à devenir des membres de la classe dirigeante.

L’élection est une immense campagne publicitaire qui mène la population à se concentrer sur de grands spectacles personnalisés, et la conduit à penser : « c’est ça, la politique ».

La population a la permission de voter, de temps en temps, d’élire un des candidats choisis par la classe dominante, mais ensuite, elle doit revenir chez elle et s’occuper de sa sphère privée.

HOWARD ZINN [3]

« Parce que l’armée reste dans les casernes et que la domination n’est pas totale, nous pouvons prétendre vivre en démocratie ».

« Son ouverture et sa souplesse rendent une telle société plus séduisante que bien d’autres, mais elles induisent également un type de contrôle bien plus efficace : on est moins tenté de protester quand on pense vivre dans une société pluraliste ».

Pourtant, ce pluralisme est très limité. On nous offre le même genre d’alternatives que dans les questionnaires à choix multiples où seules certaines options sont proposées.

Aux États-Unis, il y a « le parti démocrate et le parti républicain (options A et B) mais les autres partis ne sont ni ouvertement tolérés ni encouragés et encore moins financés. Il existe d’ailleurs une loi qui n’ouvre les débats télévisés des campagnes présidentielles qu’aux deux principaux partis ».

Les débats publics considérés comme légitimes offrent un choix tout aussi limité. Ainsi, pendant la guerre du Vietnam, on a doctement disserté sur l’opposition des « faucons » et des « colombes ».
Les premiers prônaient un bombardement généralisé de l’Indochine tandis que les seconds entendaient privilégier les bombardements ciblés. L’option du retrait pur et simple ne fut jamais envisagée.

Quant aux idées subversives, elles « sont noyées sous un flot de critiques et discréditées comme ne faisant pas partie des choix acceptables.
A moins qu’elles ne soient autorisées à survivre dans certaines marges culturelles - minimisées mais vivantes - et présentées comme autant de preuves du caractère démocratique, tolérant et pluraliste de notre société ».

Jean-Pierre Dubois.

Un parti unique, celui du BUSINESS

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URL de l’article in Le Petit Blanquiste : http://augusteblanqui.blogspot.com/2011/11/la-democratie-americaine-une-coquille.html

[1] Doug Morris, Eastern New Mexico University, USA, doug.morris@enmu.edu.

[2] Noam Chomsky, professeur émérite de linguistique, Massachusetts Institute of Technology (MIT).

[3] Howard Zinn, professeur émérite d’histoire à la Boston University, auteur de Nous, le peuple des États-Unis, Agone Ed., 2004.

COMMENTAIRES  

02/12/2011 05:01 par babelouest

Ne sommes-nous pas, en Europe, en train de vivre le même creux ? Ce n’est pas tout-à -fait à ce niveau, mais il s’en faut de peu désormais. Encore en France avons-nous un soupçon de pluralisme, que d’autres pays européens n’ont pas. Est-ce pour autant plus efficace ? Demandez à Philippe Poutou, s’il peut vraiment parler de ses idées à la télévision, à une heure de grande écoute sur les chaînes publiques.

02/12/2011 10:45 par E.W.

@babelouest

En quoi la situation serait différente chez nous, nous sommes dans le même cadre de vrais faux choix, exemple : austérité façon UMP ou rigueur sauce PS ?
Crois-tu que la question d’un choix autre que le libéralisme sera posée sur la place publique par un représentant de l’UMPS ?

La question sera peut-être posée par le NPA et en prenant l’exemple de Poutou tu finis l’argumentaire en démontrant que les

(...) idées subversives, elles « sont noyées sous un flot de critiques et discréditées comme ne faisant pas partie des choix acceptables.
A moins qu’elles ne soient autorisées à survivre dans certaines marges culturelles - minimisées mais vivantes - et présentées comme autant de preuves du caractère démocratique, tolérant et pluraliste de notre société ».

A des degrés divers, l’ensemble de l’article me semble pouvoir être adapté à la planète entière, les intérêts et la puissance des lobbys étant grosso modo les mêmes un peu partout.

02/12/2011 17:04 par yapadaxan

La démocratie US n’est que formelle. Elle est sommaire. N’oublions pas l’origine de cette nation : des religieux protestants qui fuient tout à la fois une Eglise et une monarchie. La question qui se pose à ces nouceaux migrants est la conquête du sol, l’expropriation des peuples autochtones et la nécessité du crédit rapide pour mettre vitalement de l’argent dans les fermes, l’artisanat, les communications, l’armée, et, enfin, l’industrie.

Le protestantisme européen est au départ de la banque, qui réhabilite l’usure juive et la modernise, alors que l’économie chrétienne catholique repose sur la thésaurisation jusqu’à la Révolution.

Tout repose sur la perspective d’un enrichissement rapide dans la mesure où, le pays étant totalement neuf, tout est à construire et que chaque entrepreneur peut faire fortune rapidement. Même dans le jeu, le pari et le hasard.

La liberté dont parlent les US est donc AVANT TOUT celle du culte et de la foi, la dimension sociale restant très relative. Vivre aux States, c’est mythiquement, vivre dans un Eldorado potentiel. L’exploitation ouvrière reste longtemps sous-estimée, d’autant que la condition pénible et dégradante est reportée sur les Noirs. Au sens où, au plan des représentations, tout in wasp est un élu de Dieu dont la destinée est "heureuse".

En Europe, la transition de la société rurale à la société urbaine, du servage au salariat, ne concerne que les classes laborieuses sans interférence raciale. Il n’y a pas d’intrus à exterminer contre lesquels il y ait un sentiment national d’appartenance. Il n’y a pas non plus une race d’esclaves immigrés de force qui renforce ce sentiment d’appartenance communautaire de race.

Aux States, tout se décline selon la mystique protestante du peuple élu et de l’analogie de la terre promise. Ce qui n’est absolument pas le cas en Europe. Europe où la lutte des classes remonte à l’Antiquité ne concernant que des peuples homogènes. Il a fallu combattre le maître, puis le seigneur pour, enfin, affronter le patron. Il va de soi que la nation US est de fait privée de l’historicité de cette lutte de classes et des rapports de production successifs. Au départ, les Américains, sont très fortement égaux au plan théorique. Cette illusion égalitaire n’a jamais pu être possible en Europe.

Sauf que, aujourd’hui, la puissance dominante impérialise les autres nations et leur impose ses codes de comportement. Ainsi UMP et PS deviennent-ils les équivalents des Républicains et Démocrates. Issus de contextes très différents, nos réalités politiques tendent donc à se rejoindre et se ressembler.

02/12/2011 17:50 par Anonyme

Après avoir ouvert cette page, avant d’en entreprendre la lecture, je suis allé me préparer un café. Ma conjointe était dans la cuisine, et la pauvre a eu à subir mon laïus… Je lui parlais de ce que j’allais lire. Je lui ai répété que nous vivions dans une pseudodémocratie au Québec, comme dans tout l’Occident d’ailleurs. Que notre pensée est contrôlée par les médias « la médiasserie » alimentés par les puissances de l’argent sous forme de publicité ou par les subventions des gouvernements, tous au service du capital. Que de ce seul fait, la démocratie n’existait plus. Que voter en 2011, en Occident, c’était choisir entre deux, quatre ou vingt Dupond et Dupont. Que de toute l’histoire de l’humanité les peuples n’auront jamais subi une telle violence : le contrôle de la pensée par les médias. Cela au point de rendre les armées, les dictateurs, caduques. Au point où les rois de Wall street en sont à remplacer leurs dictateurs du Proche-Orient par des pseudodémocraties. Pour des raisons d’efficacité… ils préfèrent fomenter leurs propres révolutions de palais avant que les bolivariens influencent le reste de l’humanité.

Diane, qui, pour une fois ne s’était pas endormie pendant que je parlais, me dit : « Ces forces de l’argent, c’est gros… ça fait peur. Il est utopique de penser que nous pourrons en venir à bout… ». Ce à quoi j’ai répondu que, bien sûr, le monstre paraît invulnérable, que tout commence par la reprise en main par les citoyens de leurs médias. Pour y arriver il faut abolir tous les médias existants, du moins, tous ceux qui dépendent des revenus de la publicité et de subventions d’où qu’elles viennent… et les remplacer par des médias qui vivront de ce que leurs lecteurs, auditeurs, téléspectateurs paieront à l’utilisation… et Diane qui me répétait : utopie… Sans doute avait-elle raison, mais avant de revenir à mon bureau, je lui ai dit que la faille dans le contrôle médiatique par le capital pourrait peut-être venir d’Internet. Je lui ai dit aussi, comme je le lui dis souvent ( elle est habituée à m’entendre radoter…), que si moi, quidam, sans autre qualité que de ne pas m’informer auprès de la médiasserie, peut arriver à un tel constat, seul, chez lui, dans sa cuisine ; d’autres, stimulés par les mêmes observations… pensent la même chose, au même moment.

Et voilà , que dégustant mon café froid devant l’ordinateur, je constate que de grands intellectuels : DOUG MORRIS, NOAM CHOMSKY, et HOWARD ZINN dénoncent la dictature capitaliste.

Et s’il n’était pas utopique de renverser le capitalisme international ?

Merci Jean-Pierre Dubois !

Merci Le Grand Soir !

Michel Rolland

02/12/2011 19:54 par Anonyme

Message aux modérateurs,

Pourquoi m’identifiez-vous sous le nom d’anonyme ? Je vous donne mon nom complet dans votre demande d’identification et je signe en plus...

Je n’ai pas honte de mes dires et je suis contre les pseudonymes...

Si je ne risque pas la fatwa ou une rafale de plomb de la CIA... auriez-vous la gentillesse à l’avenir d’inscrire mon nom complet ?

Merci !

Michel Rolland

02/12/2011 23:56 par legrandsoir

C’est pas nous. Il doit y avoir un bug dans notre système.

02/12/2011 19:55 par williamoff

" Aux États-Unis, il n’existe qu’un seul parti - celui du business - composé de deux fractions  : les « démocrates » et les « républicains ». "

Il me semble qu’il s’agit de " deux factions " d’un même parti, plutôt que " deux fractions.

04/12/2011 14:02 par yapadaxan

La démocratie américaine devrait retenir davantage l’attention du monde. Elle est réputée la 1ère du monde mais repose sur une imposture grandiose.

La question amérindienne n’est pas achevée et vouée à n’être qu’une période de l’Histoire. Elle reste contemporaine et actuelle, justement, parce qu’elle existe en creux. La mémoire collective étatzunienne ne se souvient que d’une seule origine : sa rupture avec la nation coloniale mère, l’Angleterre. Voilà qui en dit long sur cette façon de se penser en tant que nation. Alors, certes, elle se décrit facilement comme cosmopolite, mais n’incluant que les apports européens.
Dans ses origines, la nation américaine ne mentionne jamais le peuple originaire, réellement autochtone : les peuples amérindiens. Lorsque la recherche historique s’y intéresse, c’est en tant que peuple exotique, faisant et ne faisant pas du partie de la nation américaine. Cette approche maintient les amérindiens dans un ailleurs spatial et temporel et continue l’ethnocide. A la limite, ils sont américains s’ils abandonnent leur identité et leur culture. S’ils renoncent, une bonne fois pour toute, à ce qu’ils sont intrinsèquement, s’ils abandonnent leurs langues, leurs mythes et leurs religions. Ce n’est plus de l’assimilation, mais une capture continue, un emprisonnement ininterrompu.
Les USA ne reconnaissent pas officiellement la traite des Noirs, l’esclavage (puisque le Nord a vaincu le Sud) et le racisme.
Là encore, les Noirs sont américains s’ils renoncent à tout leur passé, à leurs anciennes cultures et langues. L’Histoire américaine se donne un point de départ officiel : le XVIème siècle, confirmé par la création de l’Etat au XVIIIème siècle. L’Histoire de la conquête est affaire de westerns. Une vision unilatérale de cette conquête. Dans le cinéma, l’Indien est l’étranger et l’intrus.

Il y a, fondamentalement, l’incapacité morale, intellectuelle et politique à façonner une Histoire scientifique. Il ne reste que des légendes, des épopées, des représentations qui s’appliquent à être héroïques. C’est un bluff fabriqué dès le départ et constamment entretenu.

L’autre hypermensonge est la légitimation des guerres US à l’étranger. L’Américain en uniforme est un héros positif qui donne sa vie pour une toujours bonne cause. Il combat le mal, l’erreur, la tyrannie ou le crime. Le western s’élargit jusqu’aux rizières asiatiques et aux sables des déserts arabes. L’ennemi est communiste et islamiste. Il est pervers, souillant le monde de par sa seule présence. Il est une incarnation satanique, une menace sur le monde et sur lequel il jette une ombre obscure. Seul le héros US est solaire. Il est humain, il connaît le sacrifice.

L’Américain est riche, chanceux de jouir de l’american way of life. Il s’en fout, il vit à crédit. Tout lui est accessible. Depuis sa première Bible jusqu’à la dernière voiture. Il est marié, a des enfants, une femme et un job. Pas besoin de parti marxisant ni de syndicat de classe. L’Américain moyen est viscéralement anticommuniste. Autant un nazi est fréquentable, autant un communiste est repoussant.

Le bipartisme US est fondé 2 fois sur le même parti. L’un est ultralibéral, l’autre fait mine d’être plus social. Son humanisme est une faiblesse. Chacun porte un colt, a le droit de tuer et considère le droit à la propriété comme le premier des droits. Toute entorse autorise qu’on dégaine. Le lynchage est une culture collective et populaire. Les prisons ne sont jamais bien loin. La peine de mort est plutôt bien vue.

Il n’y a pas de pauvres aux USA, mais des bourses, des temples du jeu et le dieu dollar. Il y a aussi des églises. Dieu, c’est un mec qui est ton poto. Il fait la guerre à côté de toi...

04/12/2011 18:01 par pilhaouer

"L’Américain est riche, chanceux de jouir de l’american way of life. Il s’en fout, il vit à crédit. Tout lui est accessible ... "

Sauf parfois :

http://envoye-special.france2.fr/le...

France télévision au service du grand capital ! (en général)

04/12/2011 22:17 par yapadaxan

@ Pilhaouer,

Je n’en disais que ce que la propagande nous a toujours asséné. Je n’ai certainement pas d’illusions sur le capitalisme US !!!...

09/12/2011 19:27 par peyo

La démocratie est une couverture pour les états dont les populations ont des idées avancées et qui luttent depuis toujours pour la construire, contre eux, avec du sang, des larmes et des illusions. En vérité les dirigeants font tout pour empêcher le progrès social. Les USA sont l’archétype de l’impérialisme, drapé dans son costume de liberté. Le monde avance et ce modèle vit sa fin, seuls les oligarques politiques et financiers croient encore pouvoir perpétuer ce système avec de nouvelles rustines. Maintenant nous connaissons en trop grand nombre le goût de la couleuvre et savons ce qu’ils veulent nous faire avaler. Leur avenir est bouché, la démocratie vaincra, peut être que la planète n’attendra pas aussi longtemps pour sanctionner toute cette gabegie.

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