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Les mensonges de la réforme des retraites

Desseins cachés.

1. La droite, les riches et le patronat n’ont jamais admis le principe des retraites universelles, gérées publiquement selon un principe égalitaire. Et ce qui est révélateur, dans leur vocabulaire, c’est qu’elles nomment « charges » ce que les progressistes et la gauche nomment cotisations, lesquelles couvrent les soins de santé, la retraite ou les périodes de chômage. Pour eux, ces sommes représentent une diminution intolérable de leurs profits, diminution à laquelle il faut remédier, en supprimant ces « charges ».

2. La droite, les riches et le patronat se rendent néanmoins compte que l’énorme majorité des gens aspirent à la retraite et sont prêts à cotiser pour cela. Mais, dès lors qu’ils sont bien obligés d’admettre le principe de la retraite, ce qui leur est de nouveau intolérable est que l’argent des cotisations aille directement aux retraités et échappe à leur rapacité. Or, les sommes en jeu sont considérables (310 milliards par an) et les fonds de pension, banques, assurances et autres aigrefins voudraient bien mettre la main sur ce pactole pour spéculer à leur profit. [Ce qui conduit souvent au désastre : retraités ruinés de Maxwell, d’Enron et des pays d’Amérique du Sud, souvent obligés de travailler sur leurs vieux jours].

3. Le but de la droite, des riches et du patronat est donc d’abolir les retraites publiques, collectives, et reposant en partie sur la solidarité, et de les remplacer par des fonds de pension, système individualiste, de type assurantiel. Pour ce faire, plutôt que de décréter brutalement la suppression des retraites héritées de la Libération, les forces de droite s’ingénient à dégrader le niveau des retraites en diminuant le montant des pensions, en retardant l’âge du départ en retraite et en exigeant davantage d’années de cotisation. Par exemple : prise en compte des 25 meilleures années au lieu des 10 meilleures, allongement de la durée de cotisation, retard de l’âge légal de la retraite, déconnexion de l’indexation des retraites sur les salaires et indexation sur l’inflation, décote et surcote, encouragement à la capitalisation par incitations fiscales, etc. Le but est de réduire les pensions à un niveau tel que les gens se tournent d’eux-mêmes vers la capitalisation.

4. A cet égard, le gouvernement a beau affirmer qu’il maintient le principe de la répartition, son plan intègre l’ouverture à la capitalisation. Sur la tranche de salaire supérieure à 10 000 euros brut (contre 27 016 euros actuellement), on ne cotisera plus dans le système commun, mais dans des fonds de pension. Or, il faut savoir que les plus pauvres ne peuvent cotiser efficacement. Toute leur paye, ou la plus grosse partie d’entre elle sert à des achats urgents. La capacité d’épargne est plus que proportionnelle au revenu.

Mensonges et déformations de la droite et du patronat

1. La droite et le patronat disent : puisque la vie s’allonge, il faut travailler plus longtemps. C’est faux ! Ce n’est pas parce que la durée de la vie augmente qu’il faut travailler davantage, c’est parce que la durée du travail (par jour, par semaine, par mois, par an, toute la vie) a été réduite que la vie s’est rallongée. Si on rallonge la durée du travail, l’espérance-vie régressera. Et elle a déjà commencé à régresser.

2. Ce n’est pas la durée de la vie qui importe, mais la durée de la vie en bonne santé (64 ans pour les femmes, 63 ans pour les hommes). Il est hypocrite de considérer que toutes les années de la retraite se valent. Lorsqu’on retarde l’âge de la retraite, les retraités vivent une vie de malade, et c’est saboter leur retraite que de ne pas leur permettre de vivre des vies de retraités en bonne santé.

3. Et ce qui importe aussi, c’est de tenir compte de la différence d’espérance de vie entre les ouvriers et ceux qui travaillent dans des bureaux, à l’abri des accidents, des fatigues et du contact d’engins ou de substances dangereuses. [Au passage, on a affaire ici à la même supercherie que lorsque les ultralibéraux vantent les bas taux de chômage dans les pays qu’ils présentent comme des modèles : États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne. Que veut dire un taux de chômage bas lorsque les salariés sont payés avec un salaire de misère ? Que veut dire la retraite lorsqu’on est malade ou handicapé, et qu’on ne peut plus en profiter ?].

4. Autre déformation : l’invocation de 42 régimes de retraite différents pour tout ramener à une seule règle. En effet, dans ces 42 régimes, les quatre principaux (le régime de base du privé et les complémentaires Agirc-Arrco plus les régimes des fonctionnaires d’État et des collectivités) représentent 84 % du total. Il n’était pas nécessaire de tout bouleverser pour ces 16 %. Cette (pseudo) disparité apparaît plutôt comme un prétexte pour aligner toutes les retraites vers le bas.

5. Encore une déformation : opposer les retraités du public et ceux du privé en présentant les premiers comme des privilégiés parce que leur retraite est calculée sur les six derniers mois de la carrière (au lieu des 25 ans pour les salariés du privé). En fait, les taux de remplacement des deux catégories sont proches car, en plus de la retraite du régime général, les salariés du privé bénéficient des retraites de l’Agirc ou de l’Arcco.

6. Encore une déformation et un mensonge : celui de compter les cotisations sociales comme des prélèvements obligatoires, de les assimiler à l’impôt et de dire que les Français sont les plus taxés du monde. Or, ce qui importe, c’est la comptabilité analytique que font les gens. Que l’on donne 100 euros à une caisse de retraite publique ou 100 euros à un fonds de pension privé, ce sont les mêmes 100 euros qui sont retirés de la consommation : autant de moins pour s’acheter des chaussures, des livres, aller au restaurant ou au cinéma. Et dans les pays où les cotisations sont privées, elles sont toujours plus chères que les cotisations publiques (pour un rendement inférieur, voire nul lorsque desspéculateurs ont joué et perdu les cotisations en Bourse).

Omissions ou silences de la droite et du patronat

1. Un grand nombre de seniors ne sont plus en activité depuis plusieurs années lorsque la retraite arrive : à quoi sert de retarder l’âge de départ à la retraite si on ne leur offre plus de travail ? Ce qui est le cas de la moitié d’entre eux.

2. La part des retraites est calculée pour représenter une proportion fixe du PIB revenu national (14 %). Comme le nombre de retraités augmentera, cela veut dire que la pension de chacun diminuera.

3. Au début, Macron a voulu supprimer la notion de pénibilité du travail, car ce mot induit que le travail est une douleur alors que le travail est, selon lui, émancipateur. Outre le changement terminologique, le compte est désormais géré par la CNAM (et non plus par la CNAV), son financement a été modifié et quatre facteurs de risque (sur dix) ne sont plus pris en compte (manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux).

4. Lorsqu’on fixe un âge-pivot à 64 ans (c’est-à-dire l’âge auquel on peut toucher la retraite à taux plein) et qu’on dit que l’âge légal reste fixé à 62 ans, on est faux jeton, car l’âge réel de départ en retraite sera de 64 ans et non pas de 62 compte tenu des fortes décotes.

La retraite par points

1. Le principe est « Un euro cotisé donnera les mêmes droits.(…) À carrière identique et revenu identique, la retraite doit être identique »,annonce un communiqué du haut-commissariat. Ainsi, à carrière courte et faible salaire, faible retraite ! La même chose pour tout le monde…

2. De plus, avec ce système, le calcul de la pension prend en compte l’ensemble de la carrière, et non plus les 25meilleures années du régime général, ou les six derniers mois de la fonction publique. Toute période de chômage sera pénalisée, de même ceux qui sont montés par le rang au lieu de sortir d’une grande école.

3. Dans un régime à points, les cotisations servent à acheter des points pendant la vie active. A la retraite, la pension est calculée en multipliant le nombre de points acquis par la « valeur de service ». Cette dernière et le prix d’achat sont ajustés chaque année par les gestionnaires des caisses de retraite de manière à équilibrer les finances. Il n’y a ni taux de remplacement garanti ni notion de carrière complète, donc pas de visibilité sur la pension. C’est un régime à prestations définies, doublement instable, comme celui des fonds de pension. La contributivité s’oppose à la solidarité.

4. Les systèmes Agirc et Arrco sont des systèmes par points. Ils ont baissé de 30 % entre 1990 et 2009. Et on ne se basera plus sur les 25 meilleures années ou sur les 6 derniers mois (fonctionnaires) mais sur toute la carrière, ce qui sera bien plus défavorable. Les périodes de chômage seront plus pénalisées puisque les points seront attribués selon l’indemnisation reçue alors qu’ils le sont actuellement selon le salaire de référence.

5. Dans la réforme préconisée, le taux de remplacement sera a priori le même quel que soit le niveau des salaires, ce qui sera relativement favorable aux salaires supérieurs au plafond de la SS. Il aurait fallu surévaluer les cotisations sur les salaires en-dessous du plafond, en leur attribuant plus de points et sous-évaluer les cotisations au-dessus en considérant que le salaire est un indicateur de l’espérance de vie.

6. D’une manière générale, les inégalités entre femmes et hommes s’aggraveront. Il suffit de comparer les pensions reçues dans les régimes en annuités et dans les régimes complémentaires à points. Les pensions des femmes représentent entre 41 % (Agirc) et 61 % (Arrco) de celles des hommes, contre un ratio compris entre 74 % et 90 % pour les régimes en annuités. Le rapport est systématiquement plus faible dans les régimes à points.

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