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Islande : NON et encore NON !

Le 9 avril 2011, les Islandais ont refusé, à près de 60%, de payer pour
assumer les erreurs de ceux qui ont conduit leur pays vers l’abîme. Ils
ont une nouvelle fois refusé par référendum l’accord Icesave, qui prévoit
que l’État indemnise les épargnants britanniques et néerlandais ayant
perdu de l’argent lors de la faillite de cette banque en ligne en 2008.
Ils ont donc confirmé le premier « non » prononcé en mars 2010, ce qui
agace au plus haut point tout à la fois les gouvernements islandais,
britannique et néerlandais, l’Union européenne, les banquiers et les
promoteurs de la mondialisation néolibérale. Tous ces hauts responsables
ne voient aucun inconvénient à ce que grâce à la déréglementation
financière, une banque privée nommée Icesave propose des taux mirobolants,
que des citoyens britanniques et néerlandais attirés par la promesse de
gains faciles y investissent en toute connaissance de cause, que Londres
et La Haye viennent éponger leurs pertes quand la crise éclate, puis que
ces gouvernements se retournent contre l’Etat islandais pour qu’il prenne
en charge les 3,9 milliards d’euros qu’ils ont dépensés, et que la
première ministre islandaise soit d’accord pour imposer cette purge à son
pays. Fort heureusement, le peuple islandais a une nouvelle fois dit non.

Avouons que les mines défaites de ceux qui pensaient que le peuple allait
accepter l’inacceptable ont été assez jubilatoires. Le Royaume-Uni et les
Pays-Bas, « très déçus », reprendront la procédure judiciaire devant
l’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange
(AELE). Selon le ministre néerlandais des Finances : « Le temps des
négociations est terminé, l’Islande demeure dans l’obligation de
rembourser, la question relève désormais des tribunaux. » Du côté du
gouvernement islandais : « Le résultat du référendum n’affectera pas le
début des versements par la société Landsbanki Islands hf [maison-mère
d’Icesave] aux créanciers prioritaires - y compris les autorités
britanniques et néerlandaises. » Le peuple s’est exprimé, il est
maintenant instructif de suivre le niveau de respect de cette décision.
Mais pour comprendre comment l’Islande en est arrivée là , un retour en
arrière s’impose.

Vue de l’extérieur, l’Islande, qui figurait au premier rang pour l’indice
de développement humain du PNUD en 2007, semblait être un petit paradis.
Avec une espérance de vie parmi les plus élevées au monde, un chômage
quasi inexistant, les conditions de vie difficiles des populations du
tiers-monde paraissaient bien loin pour les 320 000 Islandais.
Aujourd’hui, plus d’un tiers des ménages est surendetté.

Tout a commencé avec la révolution néolibérale des années Reagan-Thatcher
au virage des années 1980. Partout où elle fut appliquée, les inégalités
se sont creusées. L’Islande a participé à cette tendance forte et les
trois principales banques islandaises (Kaupthing, Glitnir, et surtout
Landsbanki à travers sa filiale en ligne Icesave), totalement privatisées
en 2003, ont rapidement trouvé leur place dans le monde de la grande
finance. Elles ont très vite élargi leurs activités à l’étranger, en
proposant des comptes courants en devises étrangères, rémunérés, au
Royaume-Uni (octobre 2006) et aux Pays-Bas (mai 2008). Devant le succès,
elles ont pu offrir des prêts alléchants et ont placé le reste de leurs
réserves dans des produits financiers parmi les plus risqués.

En octobre 2008, après le déclenchement de la crise mondiale, les banques
islandaises hypertrophiées s’effondrent. Pour éviter une panique bancaire,
les gouvernements britannique et hollandais acceptent de dédommager leurs
ressortissants détenteurs de comptes dans des banques islandaises. Puis
ces gouvernements présentent la facture (2,6 milliards d’euros pour le
Royaume-Uni et 1,3 pour les Pays-Bas) à l’Islande.

Le jour même du déclenchement de la crise, le FMI envoie une mission sur
l’île. Le 24 octobre 2008, il fait son retour en Europe de l’Ouest avec un
accord de prêt de 2,1 milliards de dollars, faisant de l’Islande le
premier pays occidental à recourir à son « aide » depuis un quart de
siècle. Comme toujours avec le FMI, en contrepartie, l’Islande s’engage à 
appliquer une terrible cure d’austérité.

Cinq ans après avoir privatisé ses trois banques, en septembre 2008, le
gouvernement islandais se trouve obligé de reprendre 75% de Glitnir. Le
mois suivant, il renationalise Kaupthing et Landsbanki. En février 2009,
Glitnir est totalement renationalisée. Le processus est très clair : quand
ces banques faisaient des profits colossaux, il fallait qu’elles soient
privatisées, mais dès qu’elles ont plongé dans le rouge, l’État a été
sommé d’assumer leur charge, d’emprunter lourdement pour faire face aux
échéances, puis de les reprivatiser au plus vite sans oublier de réformer
son économie dans un sens néolibéral pour faire payer la facture par la
population islandaise. Les réactions ne manquent pas. Tous les samedis,
durant plusieurs mois, la population manifeste contre les mesures
d’austérité qui impliquent notamment des attaques très dures contre le
système de protection sociale et contre les retraites.

Le 30 décembre 2009, le Parlement islandais vote de justesse la loi « 
Icesave », qui entérine le remboursement de 3,9 milliards d’euros à la
Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Cela revient à faire payer environ 100
euros par habitant et par mois pendant huit ans pour la faillite d’une
banque aux investissements très hasardeux. Devant la pression de la rue,
le président refuse de signer, appelant à un référendum contraignant pour
le gouvernement. En mars 2010, 93% des Islandais rejettent l’accord.

En parallèle, se tiennent les pré-négociations pour l’adhésion à l’Union
européenne afin de maintenir sous pression le gouvernement islandais. Les
discussions avec Londres et La Haye aboutissent à un nouvel accord en
décembre 2010. Le taux d’intérêt est ramené à 3,3% pour la part
britannique et 3% pour la part hollandaise, au lieu de 5,5%, et la durée
de remboursement allongée de huit à trente ans. La liquidation des actifs
de Landsbanki est mieux prise en compte. Suite à une pétition de 40 000
signatures, le président décide un nouveau référendum. La première
ministre, Johanna Sigurdardottir, ose déclarer : « C’est décevant. Nous
avions anticipé que le président allait signer l’accord sur Icesave […]
L’accord a été approuvé à la majorité au Parlement et ce n’est pas commun
qu’un président s’oppose à un accord adopté à une telle majorité ». C’est
cet accord que le peuple islandais vient de nouveau de rejeter.

L’actualité islandaise a de quoi donner un peu d’espoir, mais pas de quoi
être euphorique. Il ne s’agit pas d’une révolution en marche. Le mouvement
social n’est pas actuellement de nature à remettre en cause l’adhésion aux
principes du libre marché, du néolibéralisme et de l’orthodoxie
économique. Les élections n’ont pas vraiment changé la donne : le
capitalisme est toujours structurellement dominant. Et, malgré une forte
participation aux pétitions et aux manifestations, la crise « Icesave »
n’a pas encore suscité chez les Islandais la volonté farouche de faire
tomber le système qui les a ruinés. Mais l’histoire n’est pas finie…

Yvette et Mike Krolikowski - Damien Millet

Yvette et Mike Krolikowski sont militants au CADTM France (www.cadtm.org).

Damien Millet est porte-parole du CADTM France et coauteur avec Eric
Toussaint de
La crise, quelles crises ?, Aden-CADTM, 2010.

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