En Andalousie la terre appartient à ceux qui ne la travaillent pas, qui la possèdent par héritage familial ou vol (après la Guerre d’Espagne, les "vainqueurs" s’approprièrent de nombreux biens de familles "rouges"). L’oligarchie néo-franquiste possède des "cortijos" (propriétés) à perte de vue, pendant que des milliers d’ouvriers agricoles attendent sur la place du village que "el amo" (le maître) vienne les embaucher quelques jours à l’année.
Le syndicat andalou SAT pratique donc la "désobéissance" face à un ordre injuste, et des actions "illégales", mais ô combien légitimes, pour obtenir une authentique réforme agraire. Il occupe les terres oisives... pendant que l’armée espagnole occupe des pays lointains. Pour avoir campé pacifiquement sur un bien du ministère de la Défense , le SAT et Juan Manuel Sanchez Gordillo, son secrétaire général, ainsi que 52 militants , sont accusés "d’usurpation", de "désobéissance, de vol et autres "dégâts", par le Tribunal de Justice d’Andalousie. Le Tribunal évalue les "dégâts" à 794,14 euros... Colossal !! Le millième d’une chasse royale à l’éléphant. Et quel peut être "le prix" des près de 37% de chômeurs andalous ? Le prix des malversations dont se sont rendus coupables le gendre du roi et son infante d’épouse, un temps mise en examen, puis relaxée sur intervention royale dit-on ?
Selon le magistrat instructeur, les manifestants brisèrent une chaîne (quel beau symbole !) pour pénétrer sur cette riche terre où paissent, sur 1200 hectares, quelques ânes et chevaux... Les occupants voulaient y travailler, la faire prospérer... Insupportable "délit d’usurpation" et d’atteinte à la tranquillité des bourrins, leur signifia la garde civile, qui pacifia si bien l’Espagne après la guerre. Les gueux eurent même le culot de mettre un panneau proclamant "Egalité et Terre". Le magistrat en est atterré. La garde civile filma le crime qui sera présenté à la prochaine mostra de Carabanchel (ex-prison franquiste madrilène). Les vandales, se croyant tout permis, installèrent un campement sauvage pour dormir sur place et travailler la terre occupée. Ils utilisèrent même des abreuvoirs comme douches et s’emparèrent d’outils de labour abandonnés par les militaires.
Le 26 juillet, ils firent flamber 18 fagots de paille avec risque d’incendie, sans doute pour fêter l’assaut de la caserne Moncada par Fidel Castro.
Le 7 août, le "tribunal d’instruction numéro un de Osuna" ordonna l’expulsion des intrus, qui refusèrent d’obtempérer pendant 48 heures.
Le capitaine de "l’Institut armé" qui se rendit sur le front, déclara , désarmé, "avoir eu un peu peur" en rencontrant les leaders des rebelles. A Bagdad, il aurait fait dans son froc...
Incorrigibles, le premier mai 2013, les sans terre andalous ont occupé à nouveau le terrain et refusent aujourd’hui de répondre aux questions de la justice ; ils ne se sont même pas rendus à sa convocation. Ne pas se rendre : un impardonnable délit ; un acte de courage qui mérite toute notre solidarité. Les insoumis risquent de lourdes peines... Marinaleda, une utopie concrète.
Jean Ortiz
Disponible : « Marinaleda, l’ardente impatience », vidéo-documentaire de Dominique Gautier et Jean Ortiz).