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Le Plan B n° 23

Le Plan B met la clé sous la porte. C’est bien dommage. Sa critique des médias et ses enquêtes sociales étaient toujours aussi roboratives que sardoniques, mais son lectorat avait fortement diminué au fil des mois.

Je me souviens d’une interview de John Lennon, vers 1964, dans laquelle on lui demandait d’expliquer l’énorme succès des Beatles. Il répondit que son groupe produisait la musique qu’il fallait au moment où il fallait. Il utilisa le terme « adéquate ». Comparaison n’est pas raison, mais on peut se demander si Le Plan B offrait encore une matière adéquate à ses lecteurs. Centrer son contenu, jusqu’à plus soif, sur le déboulonnage, justifié mais systématique, de Joffrin, Minc, Plénel et quelques autres figures compromises des médias acquis au capitalisme financier, avait peut-être fini par lasser, sans donner une explication suffisante, une réponse structurée aux problèmes ardus que nous rencontrons depuis un bon moment déjà .

Mais ne boudons pas notre plaisir pour feuilleter une dernière fois ces pages démystificatrices (n° 23).

Le Plan B explique son échec en ces termes : « Depuis cinq numéros, ventes en kiosque et abonnements fléchissent. Mais surtout, la diffusion militante s’effondre, passant de 3500 exemplaires à moins de 200. Ce coup de sabre dans les jarrets reflète une humeur générale faite de braises sombres et de colères rentrées. La violence de la crise sociale et le sabotage des mobilisations de 2009 par les directions syndicales ont produit leur effet. Nous avons pris notre part à cette désaffection en n’animant plus avec la même constance les centaines de réunions publiques qui unissaient le journal à ses lecteurs. »

Parfois, chez Bernard Guetta, on se demande qui parle : l’ancien trotskiste, l’ancien PSU ou le fils de restaurateur (ou les trois à la fois) : « Il ne faudra pas seulement reculer l’âge de la retraite ou accepter que cela se fasse sous Sarkozy. Pour sauver cette conquête fondamentale qu’est la protection sociale, sans doute faudra-t-il la mettre, aussi, sous condition de ressources, la proportionner aux revenus, ne plus accorder, donc, les mêmes remboursements ou les mêmes allocations familiales aux plus aisés et aux plus démunis. » Le Plan B a raison de dénoncer ce raisonnement « crétinissime ». On s’étonne que Guetta n’ait pas songé à la réintroduction du suffrage censitaire.

Le Plan B se gausse, à juste titre, de la mini grève récente, en forme de « pet de lapin », des journalistes de La Dépêche du Midi. A leur décharge, il faut avoir à l’esprit que le propriétaire du journal, Jean-Michel Baylet, et sa famille, exercent sur la région, depuis une soixantaine d’années, un potentatus qu’on a du mal à concevoir dans une république démocratique.

Une ultime fois, Le Plan B dénonce les sondeurs patentés (Reynié, Perrineau, Rozès) qui, par-delà leur compétence très relative (ils se trompent aussi souvent que les clients du Café du Commerce), cachent leur adhésion pleine et entière à la caste dominante derrière de prétendues méthodes scientifiques.

Le Plan B s’interroge sur la politique médiatique (qu’il a toujours critiquée) de Besancenot après l’échec du NPA aux régionales (moins de voix que Dupont-Aignan en àŽle de France !) : « charmer les journalistes ne suffit pas toujours à convaincre les foules. »

A noter un reportage ahurissant sur Patrick Guerbette qui dirige une entreprise spécialisée dans la détection des migrants qui s’accrochent aux essieux des poids lourds. Un « chasseur de sans-papier qui aime faire rire ». Si la misère n’existait pas en France, ce type ne figurerait même pas dans le Bottin du téléphone !

Le Plan B revient une dernière fois sur les ménages que font certains journalistes prestigieux, sous les auspices, par exemple, de Speakers Academy, une société spécialisée dans ce genre d’activité parfaitement parasite. Quand on va sur le site de cette " académie " , on est spontanément aguiché par leur prose :

Vous souhaitez réserver Pascal Bruckner, Jacques Attali, Dominique Baudis, Jack Lang , Maud Fontenoy, Edgar Grospiron, Alain Spider-man’ Robert ou une autre personnalité du monde politique, sportif, scientifique ou artistique pour votre conférence ou atelier ? Speakers Academy® SARL se met à votre disposition pour organiser votre événement avec le conférencier de votre choix. »

A propos de la " crise " (de l’euro, de la Grèce etc.), Le Plan B cite fort à propos The Economist, cet hebdomadaire britannique qui reflète le point de vue du patronat et qui a longtemps soutenu le New Labour : « Les gouvernements peuvent utiliser une pression financière extérieure pour faire passer des réformes qui sinon auraient été inacceptables. »

Grâce au Plan B, on saura désormais que l’Iran a connu, il y a un siècle, un vigoureux mouvement de gauche, « alliage politique à base de socialisme et de religion ».

Pour finir en beauté, une citation de Nicolas Baverez (qu’il faudra peut-être pendre avec les boyaux d’Alain Minc) : « Le temps libre est appréciable pour aller dans le Lubéron, autant pour les couches les plus modestes, le temps libre c’est l’alcoolisme, le développement de la violence, de la délinquance » (20 minutes, 07/10/03). Ne serait-ce que parce qu’il nous offrait ce type de citation ignominieuse, Le Plan B a bien mérité notre total respect.

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Même Auteur
Roger Faligot. La rose et l’edelweiss. Ces ados qui combattaient le nazisme, 1933-1945. Paris : La Découverte, 2009.
Bernard GENSANE
Les guerres exacerbent, révèlent. La Deuxième Guerre mondiale fut, à bien des égards, un ensemble de guerres civiles. Les guerres civiles exacerbent et révèlent atrocement. Ceux qui militent, qui défendent des causes, tombent toujours du côté où ils penchent. Ainsi, le 11 novembre 1940, des lycées parisiens font le coup de poing avec des jeunes fascistes et saccagent les locaux de leur mouvement, Jeune Front et la Garde française. Quelques mois plus tôt, les nervis de Jeune Front avaient (…)
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