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Wikileaks, Cuba et l’autisme médiatique

Éditorial de Cubadebate

Le 2 décembre 2010

La base de données de Wikileaks contient 2080 messages que l’Agence d’Intérêts des USA, située à La Havane, a envoyés au Département d’État nord-américain, et pour l’instant aucun n’a été publié. Wikileaks les diffuse logiquement au compte-goutte, car les agressions du gouvernement nord-américain ne sont pas uniquement verbales. Ce site web subit un harcèlement cybernétique légalisé, ses serveurs ont reçu au moins deux assauts de connexions concentrées dont l’un d’eux était supérieur à 10Gb à la seconde, ce qui équivaut à une attaque simultanée de plusieurs millions d’ordinateurs.

Mais les cinq médias, dont le quotidien El Paà­s, qui ont publié ensemble les documents diffusés, avaient entre leurs mains toute l’information -les originaux sans aucune censure- que Wikileaks avait obtenu par l’intermédiaire de ses sources, et cela bien avant le dimanche - jour de la découverte du « cable gate »-. Ils ont eu le temps de la consulter, la regarder à la loupe et même l’arranger avec le Département d’État.

Voyez comment El Paà­s a titré le message du chef de la SINA.

Pour quelle raison n’ont-ils divulgué qu’un seul rapport daté depuis La Havane ? Où sont passées les autres 2079 dépêches ? Que disent-elles ? Pourquoi les entêtes reflètent-elles, comme si elles étaient incontestables, certaines appréciations sur Cuba délivrées par des diplomates-espions de pays tiers, alors que d’autres plus curieuses, et de plus grande importance journalistique, sont occultées ?

D’autre part, des 2080 rapports envoyés depuis La Havane et qu’El Paà­s a eu connaissance, le quotidien espagnol n’a publié qu’une ligne d’un de ces rapports, diluée au milieu d’appréciations sur Cuba, extraites d’autres rapports provenant d’Ambassades nord-américaines à Caracas et à Bogotá. Cette unique ligne vient d’un rapport daté du 27 février 2009 et signé par Jonathan Farrar, chef de l’Agence des Intérêts des États-Unis. Il s’agit d’un Questionnaire sur le Profil du Climat de Sécurité, (SEPQ) comme dénommé par le Département d’État, datant du printemps 2009 à Cuba :

On peut lire sur l’entête du rapport qu’il s’agit d’un Security Environment Profile Questionnaire (SEPQ), déjà traduit plus haut.

Ce formulaire est rempli de manière routinière par les ambassadeurs des EEUU partout dans le monde, un détail qu’El Paà­s omet de mentionner. Par exemple, Wikileaks avait passé au peigne fin d’autres SEPQ provenant de différentes ambassades, comme vous pouvez le voir ici :

SEPQ provenant de l’Ambassade d’Islamabad

Que nous dit El paà­s de ce rapport isolé et doublement disséqué ? Que « l’Agence d’Intérêts des EEUU à la Havane reconnait l’efficacité de la police (cubaine) pour traquer les "terroristes’, nom donné aux dissidents à Cuba ». La seule chose qui intéresse le quotidien, est de diaboliser le gouvernement cubain. Il ne prend même pas la peine de vérifier s’il est certain qu’ici on appelle « terroristes » les « dissidents » et encore moins, d’informer ses lecteurs que ces « dissidents » sont les destinataires de millions de dollars des deniers publics que le gouvernement des États-Unis leur octroie pour créer et financer l’opposition sur l’île. Une chose que le chef de la SINA doit certainement préciser dans son rapport.

Ce qui est intéressant, cependant, ce n’est pas ce qu’écrit El Paà­s, mais plutôt ce qu’il dissimule et les retombées internationales. Vérifiez par vous-même en lisant le rapport original. Vous trouverez les coupures assassines réalisées par El Paà­s dans les écrits de Farrar, et le traitement totalement autiste du rapport de cet homme, qu’il ne viendrait à l’idée de personne de qualifier de partial envers Cuba.

D’autre part, le chef de la SINA reconnaît, rien moins, la stabilité et la sécurité dont jouissent les diplomates nord-américains à Cuba, où « il n’existe aucune condition pour que surgisse un conflit à grande échelle (macro) », et il ajoute : « il n’y a pas de terrorisme autochtone », « il n’y a pas de groupe terroriste autochtone » et « il n’y a aucun groupe terroriste anti-nord-américains ».

Partie du formulaire envoyé au D.E. par le chef de la SINA et divulgué par Wikileaks.

Curieux constat, compte tenu de la place réservée à Cuba, par les États-Unis, sur toutes les listes noires existantes y compris celle des pays terroristes -à prouver qu’ils le soient- dont les diplomates restent sur le qui-vive dans une bonne partie des nations de ce que l’on appelle le Tiers-monde, où d’habitude ils ne sont pas les bienvenus.

Mais voyons d’autres appréciations du rapport :

· Toutes les manifestations (en face de l’Agence d’Intérêts) sont organisées par le gouvernement cubain ou elles ont, au moins, son approbation. Le gouvernement cubain réalise quotidiennement des manifestations à la Tribune Anti-impérialiste, mais en général elles sont organisées pour commémorer des dates historiques cubaines et ne sont pas de nature strictement anti-nord-américaine.

· La protection de la SINA est assurée par la PNR (Police Nationale Révolutionnaire) et la SEPSA. En cas de besoin, Cuba compte avec des effectifs préparés pour protéger la SINA.

· Les Services secrets et ceux du Contre-espionnage sont des services professionnels, aptes et hautement efficaces pour la pénétration de réseaux sur l’île et pour poursuivre des individus qu’ils considèrent comme des terroristes.

· Des sources sûres rapportent la présence de membres de l’ELN, des FARC et de l’ETA à la Havane, mais il est très peu probable que ceux-ci puissent développer des opérations terroristes sur le territoire cubain. (cette partie a été radicalement ignorée dans les rapports qui aujourd’hui circulent à profusion. Il n’y a pas écrit non plus, que les membres de ces groupes sont arrivés sur l’île, suite à des accords avec les pays respectifs).

· Cuba ne permet pas que des représentants d’autres gouvernements accrédités, aient un rôle d’agent de renseignements ou agissent comme terroristes contre les EEUU à partir de son territoire. Au sein du corps diplomatique, il est établi que le gouvernement cubain essaie d’éviter de donner des prétextes aux EEUU d’organiser des opérations antiterroristes contre Cuba.

· A Cuba il n’existe aucune condition pour que surgisse un conflit à grande échelle. Il n’y a pas de terrorisme autochtone, ni de groupe terroriste autochtone ni anti-nord-américains.

· La possession d’armes dans la population est contrôlée. L’utilisation d’armes à feu est très peu probable.

Par quel miracle un rapport aussi flatteur envers Cuba, rédigé par le chef de la SINA, est traduis dans son contraire ? Pourquoi ceux qui relaient la version d’El Paà­s ne se soucient même pas de lire la source originale ? Pourquoi lorsqu’il s’agit de Cuba, ne fait-on pas appel à un minimum de bon sens ? Au nom de quoi se permet-on de censurer jusqu’au plus discipliné des fonctionnaires impériaux lorsqu’il rapporte objectivement les faits sur Cuba, comme si maudire l’île serait devenu religion, comme si lui faire du tort serait devenu le sport du fanatisme religieux ?

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