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« Tous les hommes du Maréchal » (Dar Al Hayat)

"Méhémet-Ali, Vice-roi d’Égypte" - Auguste Couder, 1841

Aujourd’hui, beaucoup d’Egyptiens sont descendus dans les rues pour réitérer leur rejet du régime militaire et exiger la restitution du pouvoir à des civils élus. La réponse attendue - dont le Maréchal Hussein Tantaoui a offert un échantillon il y a deux jours - sera que pour l’armée il n’est pas question de renoncer à ce qu’elle perçoit comme étant ses droits non négociables.

La position de l’armée en appelle aux fondements de la légitimité sur laquelle elle base son insistance à rester au pouvoir et sa condition de voir la mise en place d’un référendum populaire avant de retourner dans ses casernes. L’armée égyptienne s’est entourée d’une aura de sainteté et de vénération - comme beaucoup d’autres institutions militaires arabes, dont la plupart ne méritent pas cette sanctification et cette vénération. Elle s’est présentée pendant des décennies comme étant la source de légitimité du pouvoir en Egypte, en raison du rôle qu’elle a joué dans l’établissement de la République, sa protection, le renversement de la monarchie et du fait de la corruption qu’elle a mise en place. Dans ce contexte, Gamal Abdel Nasser et Anouar al-Sadate ont exercé d’énormes efforts pour justifier la légitimité de l’autorité de l’armée. Quant à Hosni Moubarak, il n’a trouvé aucune autre histoire que celle de la « frappe aérienne » pendant la guerre d’Octobre pour étendre la légitimité de l’autorité de l’armée, ainsi que la sienne.

Au cours des dix derniers mois de son contrôle quasi totale sur l’Égypte (grâce au document des principes constitutionnels établis pour le Conseil suprême des forces armées pour répondre à ses besoins), Tantaoui a négligé de procéder à tout effort visant à renouveler la légitimité militaire. Il est même allé jusqu’à dire que la Révolution tirait sa légitimité de la protection que lui fournit l’armée, à un moment où la réalité est tout le contraire. En effet, maintenant que Moubarak a démissionné, l’armée a besoin d’une nouvelle source de légitimité pour son rôle au niveau de la vie publique. Tantaoui et ses compagnons supposent que les Frères musulmans pourraient constituer un nouveau partenaire, mais ces derniers ont été assez intelligents pour refuser de jouer le jeu de l’armée et renoncer à ses projets au moindre prix, décidant ainsi de maintenir une sorte de « dialogue critique » avec elle.

Après les tensions et les doutes générés par le massacre des Coptes à Maspero, un document d’Al-Silmi est venu révéler ce que l’armée avait tenté de dissimuler, à savoir la volonté mal taillée d’imposer sa tutelle sur toutes les institutions judiciaires et élues et de rester éloignée de tout les type de questionnements nécessaires dans un pays recherchant la démocratie. Le ton utilisé par Tantaoui, quand il s’adresse aux Egyptiens - et qui est très loin de la réalité - rappelle beaucoup la tonalité employée dans les discours de Moubarak pendant ses derniers jours, en termes de l’arrogance montrée envers le peuple égyptien et la dévalorisation de leur capacité à reconnaître leurs intérêts à court et à long terme.

Afin de comprendre le contexte du comportement des militaires de
l’armée égyptienne qui sont au pouvoir depuis Abdel Nasser, nous
devrions probablement revenir dans l’histoire de l’armée égyptienne
moderne, en particulier au moment où elle a été fondée par le Pacha
Mehmed Ali. En effet, le projet principal du Pacha Mehmet Ali était
d’utiliser cette armée comme un outil pour soumettre le peuple égyptien
aux souhaits de l’élite (qui était non-égyptienne à l’époque), et ce non par l’oppression directe, mais par la soumission des paysans égyptiens par le biais des restrictions strictes imposées par les officiers qui se sont engagés dans un réseau complexe d’intérêts et de loyautés et constituait une forme de société fermée. A ce niveau, le livre de Khaled Fahmy "All the Pasha’s men" [1] - dans lequel il a expliqué la structure sociale de l’armée égyptienne du temps de Mehmed Ali - est probablement un outil clé pour briser l’aura légendaire de laquelle les forces armées se sont entourées, tout en utilisant leur abstention de succomber à des contraintes imposées sur les autres institutions égyptiennes pour éterniser le contrôle de leur ramifications.

Ce que les officiers supérieurs de l’armée égyptienne ne peuvent ou ne veulent pas comprendre, c’est que la légitimité de leur autorité a expiré et que la contradiction exprimée par les révolutionnaires sur la Place Tahrir aujourd’hui est celle qui existe entre une autorité civile choisie par le peuple et une autorité militaire essayant de façonner le peuple en fonction de son humeur.

Le 25 Novembre 2011

Husam Itani - Dar Al Hayat

Note :

[1] "All the Pasha’s Men - Mehmed Ali, his Army and the Making of Modern Egypt" - Khaled Fahmy, Princeton University, New Jersey

Source : "All the Field Marshal’s Men"

Traduction par un lecteur assidu du Grand Soir

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