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« Mots croisés » : Faux-culeries et questions escamotées sur le nucléaire.

Lundi soir, sur France 2, dans l’émission cornaquée par l’insupportable Yves Calvi, par ailleurs modérateur de « C dans l’air » (1), les dix candidat(-e)s à l’élection présidentielle ou leurs délégué(-e)s disposaient chacun(-e) d’environ douze minutes pour énoncer leur point de vue sur la dette, l’emploi, l’immigration et le nucléaire. Je me focaliserai sur la dernière thématique, très peu abordée dans les « débats » d’avant premier tour.

Le chouchou de Carla Bruni-Sarkozy osa affirmer « nous vendons le nucléaire dans le monde entier », sans que cette allégation pour le moins exagérée ne soulevât la moindre récrimination parmi ses invité(-e)s.

Le groupe Areva, certes présent dans une centaine de pays, construit actuellement les quatre premiers réacteurs EPR à eau pressurisée de 3ème génération. En France, le chantier de Flamanville accumule les retards. La production du premier kilowatt n’interviendra sans doute pas avant décembre 2016. Le surcoût est d’ores et déjà évalué à 2,7 milliards.

Sempiternelles balivernes

En Finlande, le mastodonte de l’île d’Olkiluoto ne fournira pas de courant avant août 2014, ce qui provoque non seulement un conflit entre l’opérateur et le client Teollisuuden Voima Oyj (TVO), mais explose l’ardoise d’au moins 3,6 milliards. Le géant allemand Siemens, partie prenante du projet, avait annoncé, le 27 janvier 2009, son retrait du capital d’Areva Nuclear Power dont il détenait 34%, soit 1,620 milliard d’euros ; la rupture définitive a été scellée le 18 mars 2011. Peter Löscher, le patron autrichien, indiqua, le 18 septembre 2011, que le consortium se désengage définitivement de la filière. En Chine, les affaires semblent marcher un peu mieux ; à Taishan, dans la province méridionale de Guangdong, les composants lourds destinés au réacteur 1 viennent d’être livrés. Les travaux du second bloc, d’une puissance identique (1700 mégawatts), avancent. Le 17 février dernier, Areva et EDF ont signé un protocole d’accord portant sur la livraison de chaudières ainsi que des systèmes d’instrumentation et de contrôle qui équiperont la future centrale de Hinkley Point dans le Somerset (sud-ouest de l’Angleterre). Rolls-Royce agencera certains éléments « complexes » tout en fournissant des services techniques et d’ingénierie pour les deux premiers EPR (1600 MW par unité) du site susmentionné. Mais le « fleuron de notre industrie » a essuyé quelques revers. L’Afrique du Sud avait annulé, début décembre 2008, une opération estimée à 9 milliards d’euros. Un deal avec Abou Dhabi avait capoté, le 28 décembre 2009. L’Italie avait envisagé l’implantation, voulue par Silvio Berlusconi, de quatre nouveaux réacteurs ; les 12 et 13 juin 2011, 94,7% des citoyen(-ne)s ont rejeté cette folie, dans le cadre d’un référendum d’initiative populaire. Au Japon, le 25 mars, seul un des 53 réacteurs turbinait encore. Pourtant, le pays du Soleil levant ne subit ni la nuit noire, ni la cessation de toute activité.

Nathalie Kosciusko-Morizet, la porte-parole du Président, a ressorti les sempiternelles balivernes sur ce « patrimoine national et l’énergie pas chère ». Là également, personne n’a rebondi pour rétorquer que le kilowatt/heure nucléaire relativement bon marché, nous le devons aux subventions pharaoniques consenties par l’État (2), à la non prise en compte, dans les tarifs, des provisionnements (du reste nettement insuffisants) pour l’assurance, le démantèlement futur des installations et le stockage des déchets. De surcroît, seuls 33% de l’énergie primaire issue de la fission alimentent le réseau des lignes à très haute tension . Le reste fait plouf dans l’eau ou « s’évapore » dans l’atmosphère. Je n’ai pas non plus entendu la moindre remontrance quant à l’ineptie absolue, tant sur le plan thermique que sous l’angle budgétaire, de la chaleur électrique, encouragée massivement sous l’ère Mitterrand pour écouler les surplus de jus résultant du surdimensionnement du parc. Son rendement des plus médiocres la disqualifierait aux yeux de n’importe quel(-le) bipède un brin sensé(-e) : seulement 28% de la quantité fabriquée emplissent radiateurs et convecteurs. Le terme de « gaspillage » ne reflète que partiellement l’ampleur de cette absurdité !

Menteuse, la Joly !

Jean-Marc Ayrault, dépêché par François Hollande, a déploré le trop faible développement du secteur renouvelable. Gonflé, le mec ! C’est à l’été 1981 que nous avons loupé le coche de l’indispensable transition énergétique. A l’époque, non seulement la part de courant émanant de l’émission de neutrons avoisinait 38% du mix, mais les gouvernants fraîchement émoulus se brossèrent des promesses édictées lors des campagnes électorales. Aux orties la vaste consultation démocratique, « les modalités de contrôle des citoyens et des élus sur le processus de décision », la diversification des sources, de pair avec une vaste palette d’économies d’énergie !… En ce domaine comme en bien d’autres, la « gauche » au pouvoir se contenta d’assumer l’héritage de ses prédécesseurs.

Eva Joly n’a pas craint de crâner : « je suis la seule candidate à vouloir sortir du nucléaire ». Son nez chaussant, pour changer, des lunettes vertes, aussi horribles que la variante en rouge, aurait dû s’allonger. D’une part, Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste) prône un délai maximal de dix ans (pourquoi n’a-t-il moufté ?), alors qu’elle préfère une cadence « douce » sur deux décennies. Mais surtout, sa formation a finalisé, le 15 novembre dernier, pour des motifs de pur opportunisme afin de se garantir quelques circonscriptions « gagnables », un accord avec le PS qui réduirait de 75 à 50% d’ici 2025 la proportion d’électricité atomique. Dans ce laps de temps, l’Allemagne (dès 2022) et la Belgique auront tourné le dos à cette technologie aussi onéreuse que dangereuse. En Suisse, le Conseil fédéral a fixé en date du 25 mai 2011 le débranchement des réacteurs à l’issue de leur « durée de vie » (cinquante années !) ; le plus récent, celui de Leibstadt (Argovie), s’arrêterait en 2034. Chez nous, si le compagnon de Valérie Trierweiler accédait à la magistrature suprême, il ne bouclerait, au mieux, que la doyenne des centrales à Fessenheim (Haut-Rhin). Et encore, sans se presser ! D’une enquête réalisée pour l’ADEME (3) par l’institut BVA, il ressort que le nucléaire ne jouit pas d’une grosse cote chez nos concitoyen(ne)s. 0% des sondé(-e)s la jauge comme la moins dangereuse, la moins polluante, la plus respectueuse de l’environnement. Pas plus de 8% la perçoivent comme la moins chère, 5% lui prédisent un avenir, 2% lui attribuent de l’efficacité contre l’effet de serre. En revanche, 26% la considèrent comme la plus performante. Si l’approche globale des Français(-es) ne se calque pas sur la propagande officielle, il reste un travail pédagogique à accomplir, surtout dans l’éventualité du référendum voulu par le Front de gauche !

Derniers chiffres. D’ici 2020, l’Écosse et le Portugal couvriront 100% de leurs besoins en courant par des sources renouvelables, l’Autriche à 70%, nos voisins d’outre-Rhin à 50%. La France vise péniblement les 20% (en 2010, 12,4% provenaient de l’hydraulique).

René HAMM

Bischoffsheim (Bas-Rhin)

(1) Du lundi au vendredi entre 17H45 et 18H55 sur France 5. Avant-hier, recevant sur son plateau la politologue, spécialiste de l’Espagne, Sylvia Desazars de Montgailhard, Sophie Pedder, cheffe du bureau parisien de l’hebdomadaire anglais « The Economist », Peter Heusch, correspondant à Paris des quotidiens allemands « Kölnische/Bonner Rundschau », « Die neue Ruhr-Zeitung », « Die Südwest-Presse », ainsi qu’Alberto Toscano, journaliste et essayiste transalpin, le cumulard, qui répand aussi ses insipides sentences sur RTL, a lancé à la cantonade « Vous aussi, vous avez votre Poutou ? », se régalant que ses interlocuteur(-trice)s évoquent des « illuminés » (?!?) dans leurs contrées !... Vomitif ! Dans le numéro de mars-avril-mai du journal amiénois « Fakir », Franck Dépretz, Adrien Levrat et François Ruffin brocardent fort justement ce clébard du système comme un « voleur de débats », au même titre que Jean-François Achilli, Jean-Michel Aphatie, Anne-Sophie Lapix, François Lenglet.

(2) Le Commissariat à l’énergie atomique a bénéficié, entre 1946 et 1992, de subsides à hauteur de 308 milliards de F, soit 76% de son budget. 90% de l’enveloppe dévolue à la recherche en matière énergétique sont engloutis dans le nucléaire, contre 1,8% pour le secteur des renouvelables.

(3) Cf. « Stratégie & études » N° 31 du 2 février 2012.

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