30 ans après la grève des mineurs, les femmes qui ont participé au mouvement contre les fermetures des mines expliquent que cela a été un catalyseur qui leur a permis d’amorcer un nouveau tournant dans la vie.
Leur action est la réponse des femmes à Margaret Thatcher, qui était persuadée que l’intérêt personnel l’emporte toujours sur la solidarité de classe et avait, donc, pensé que la grève des mineurs de 1984-5 s’arrêterait rapidement à cause des pressions qu’exerceraient les femmes de mineurs sur leurs maris. Parmi le lot de documents rendus publics, cette année, par les Archives Nationales, on trouve des notes manuscrites qu’avait prises Thatcher lors d’une réunion qu’elle avait organisée avec les femmes des mineurs gallois briseurs de grèves.
Rose Hunter, du groupe de soutien des mineurs du North Staffordshire (North Staffordshire Miners’ Support Group), raconte ce qu’elle a vécu lors d’une commémoration à Bethnal Green :
"Thatcher pensait que les femmes allaient convaincre les hommes de reprendre le travail. Pas question. On ne s’en prend pas comme ça à notre communauté, nos camarades, nos sœurs.
Nous nous sommes, donc, organisées.
Et c’est ainsi qu’est né il y a 30 ans, le "Women Against Pit Closures" (le WAPC, "les femmes contre les fermetures des mines"), organisé rapidement et avec une détermination remarquable pour des personnes qui avaient peu d’expérience personnelle des actions militantes – et des groupes de femmes ont émergé et sont apparus dans tous les villages de mineurs.
Les femmes, qui, au début, avait pris en main les distributions de repas, se sont de plus en plus politisées.
Parfois à peine mieux considérées que des distributeurs de snacks, les femmes manifestaient, militaient, recueillaient les dons et participaient aux piquets de grève aux côtés des hommes.
Une des photos les plus tristement célèbres du mouvement de grève montre Lesley Boulton, du WAPC de Sheffield, lors de ce qui avait été appelé "la bataille d’Orgreave", qui lève la main au moment où un policier à cheval s’apprête à lui donner des coups de matraque (heureusement, quelqu’un près d’elle l’a tirée en arrière juste à temps, NDT).
Les femmes souhaitaient créer des liens avec d’autres groupes également victimes d’oppression systémique – elles se rendaient en Irlande du Nord et accueillaient les groupes de soutien des mineurs homosexuels (hommes et femmes) qui avaient fait la route pour se joindre aux piquets de grève.
Les femmes des Midlands racontaient que les communautés asiatiques avaient contribué généreusement à la caisse de soutien des grévistes après avoir vu les brutalités policières qu’ils subissaient, semblables à celles qu’ils connaissaient, et quand les travailleurs asiatiques de l’usine de confection de vêtements Kewal Brothers à Smethwick avaient débrayé, en 1984, 150 femmes et mineurs étaient allés les soutenir sur les piquets de grève.
Les difficultés qu’entrainait la grève étaient indéniables et voir les hommes reprendre le travail était déchirant pour beaucoup, en particulier pour les femmes, car, c’est pendant la grève qu’elles avaient connu les moments les plus passionnants de leur vie.
Nés dans le Sud du pays de Galles, ma famille et leurs voisins ont un souvenir amer de l’issue de cette grève, mais sont extrêmement fiers des actions qui ont été menées contre le gouvernement et la police, et du rôle que les femmes y ont joué.
Cette grève n’aurait pas eu lieu sans les organisations de femmes sur les piquets de grève, qui devaient affronter des brutalités insoutenables et subir le harcèlement sexuel de la part de la police, qui les appelait "les salopes de Scargill".
Si vous discutez avec des anciens mineurs ou avec quiconque ayant fait partie de la communauté qui avait été touchée par la grève, vous constaterez que le langage qu’ils emploient est le même que quand on parle de la guerre ; pas seulement la colère et le sentiment très réel de se battre contre un ennemi présent physiquement, mais aussi cet "esprit du blitz" qui poussait à chercher à survivre envers et contre tout en tant que communauté, et la camaraderie que cela avait entrainé dans les villages de mineurs.
Le WAPC est, aujourd’hui, toujours actif au niveau national et international : le dynamisme et la solidarité entre femmes de ces groupes n’ont pas disparu à la fin du conflit.
Parmi les femmes qui luttent actuellement dans tout le pays contre les réductions des aides sociales décidées par le gouvernement, beaucoup sont des femmes de la classe ouvrière qui s’étaient engagées au WAPC, ou qui se rappellent la participation de leurs mères au mouvement, et qui se battent à nouveau sur le terrain contre les réductions budgétaires qui les concernent directement, elles et leur communauté.
Cette grève est ancrée dans la mémoire collective des régions les plus touchées par l’austérité, et le passé, qui revient à la surface avec les baisses actuelles des prestations sociales des plus pauvres de la société, est souvent évoqué dans les meetings locaux.
Pour beaucoup, c’est cette grève qui a fait leur éducation politique. Les communautés de mineurs ont toujours eu une conscience politique et une conscience de classe, mais la grève a placé leur lutte dans un contexte plus large, et leur a donné l’occasion de voyager, d’apprendre à s’exprimer et de prendre de l’assurance.
Et cela se voit dans ce qui a été transmis aux générations suivantes. Les femmes qui sont engagées disent que leurs enfants et petits-enfants sont plus actifs politiquement.
Après la grève, de nombreuses femmes ont continué de s’investir dans les mouvements sociaux, et pour d’autres, cela a été un tournant décisif dans leur vie personnelle : beaucoup ont quitté leur mari, ont repris les études et ont trouvé du travail par elles mêmes.
Transformer la peur en colère, et la colère en action, faisait partie intégrante de la grève et, pour de nombreuses femmes de la classe ouvrière, elle leur a mis le pied à l’étrier pour changer de vie.
Dawn Foster
Par RR, traducteur occasionnel et bénévole pour le Grand Soir.
La Journée Internationale des Droits des Femmes, fixée traditionnellement au 8 mars, ayant été ignorée par le Grand Soir, ce document, qui évoque la longue grève des mineurs de 1984-5 en Grande-Bretagne à l’occasion de son trentième anniversaire, rappelle l’engagement des femmes dans le mouvement.
Quant à la période actuelle, l’action gouvernementale de la coalition s’acharne contre les populations pauvres, parmi lesquelles les plus vulnérables : les femmes, les enfants, les personnes âgées et les handicapés, en détruisant les acquis sociaux .
Lire le bilan à la fin de l’année 2013 dans cet article "The year government cuts changed the face of the welfare state". (eng.)
Quelques rappels à propos de la grève de 1984
Le NUM, National Union of Mineworkers, était, au XXe siècle, un syndicat de mineurs du Royaume Uni, et une force non seulement sur le plan syndical, mais également au niveau de la politique en GB.
Il s’est illustré plus particulièrement lors des trois grèves nationales de mineurs en 1972, 1974 et 1984–85.
Le NUM a perdu toute influence après la défaite suite à la grève de 1984-85 et la fermeture des mines de charbon, et est devenu un petit syndicat.
Le dirigeant du NUM était, à l’époque (depuis 1981 et jusqu’en 2000), Arthur Scargill et c’est lui qui avait engagé le mouvement de grève de 1984.
Il y a 30 ans de cela , le 12 mars 1984, débutait la grève nationale historique des mineurs, avec l’organisation progressive de piquets de grève dans tout le pays, et se terminait pratiquement un an plus tard, le 3 mars 1985.
Les mineurs protestaient contre la décision du gouvernement Thatcher, annoncée le 6 mars 1984, de fermer 20 mines de charbon dans toute la Grande-Bretagne et jusqu’à 70 à terme.
Cette grève avait, par la suite, été déclarée illégale, ce qui avait privé les mineurs des aides sociales.
En 1984, M Thatcher avait traité les mineurs en grève d’"ennemi intérieur".