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En attendant l’attaque du drone qui tuera Julian Assange...

Transcription de la conférence de presse d’Eva Joly en Suède du 27 mars 2014

Conférence de presse sur l’affaire Julian Assange par Eva Joly (abrégé en EJ), eurodéputée, ancienne candidate à la présidentielle, ancienne juge et procureure, cheffe de la Commission parlementaire de l’UE sur le développement. Joly a trente ans d'expérience comme magistrate et participe actuellement à l’élaboration de la politique de coopération internationale pour la nomination d’un procureur européen. Autres intervenants : Jon Thorisson, de l’Institut Joly Eva en Islande (abrégé en JT)

Eva Joly : Je vous remercie d’être venus. Je pense que je dois commencer par vous dire d’où je parle. Pourquoi je m’intéresse à cette affaire. Je pense que la première raison est que j’ai été juge et j’ai moi-même enquêté pendant environ 25 ans. J’ai d’abord été procureure puis juge d’instruction. Et j’ai mené, avec succès, l’une des enquêtes financières les plus importantes jamais réalisée en Europe. Ce fut le cas de l’affaire ELF qui a débuté en 1994 jusqu’à son dénouement en 2002 avec condamnations en 2003. Donc, cela signifie que je suis une magistrate, et donc je connais le fonctionnement de la coopération internationale et comment elle fonctionne de l’intérieur. J’ai travaillé avec elle pendant des années et je me bats avec elle. Et j’ai décidé en 2002 d’essayer de changer le monde depuis la Norvège. J’ai travaillé en Norvège pendant huit ans sur les questions de développement et sur les questions de lutte contre la corruption et pour améliorer la coopération internationale.

Et puis je suis devenue une MEP - membre du Parlement européen en 2009, et cela pour me battre, pour continuer à lutter contre la corruption, le blanchiment d’argent, et pour améliorer la coopération juridique. Et je dirige, au sein du Parlement européen, la Commission du développement et de l’Aide humanitaire. Je dirige le Comité de soutien à la démocratie. Et je suis impliquée dans la réflexion sur la création d’un procureur spécial en Europe. Ce qui signifie que je suis engagée dans ces questions depuis plus de trente ans. Donc, c’est mon parcours.

Et donc – pourquoi Julian Assange ? L’une des raisons est que j’ai été impressionnée lorsque WikiLeaks a débuté en 2006, par ce qu’ils ont publié, par ce que nous avons appris sur le monde dans lequel nous vivons et aussi en raison des hasards de la vie – quand je conduisais l’enquête sur la crise bancaire en Islande de 2009 à 2011, j’ai rencontré Julian Assange qui était en Islande en 2010. Je pense que c’était au printemps 2010. Et à cette époque, il y avait une atmosphère particulière en Islande à cause de la crise qu’ils traversaient, à cause de leur réveil démocratique. Comment se fait-il que les banquiers pouvaient les avoir conduits dans la banqueroute et personne n’a rien vu. Et rappelez-vous qu’il y avait de nouvelles élections et une volonté de changer beaucoup de choses. Et Julian Assange est venu avec l’idée que nous pouvions faire de l’Islande un refuge sûr pour l’information. Parce qu’en votre qualité de journalistes, vous savez que vous ne pouvez pas tout publier, que vous êtes exposés à la diffamation et que si vous êtes un journaliste britannique vous êtes aussi exposés à des injonctions et à des injonctions secrètes sur certains sujets. Et cette idée a reçu un large écho en Islande. Elle fut nommée Modern Media Initiative. Pour faire de l’Islande un endroit à l’opposé d’un paradis financier – un paradis de l’information. Et ce projet se poursuit et Jon [Thorsson] qui est avec moi est au comité de ce projet.

Voilà comment j’ai rencontré Assange la première fois. Et alors en 2010 – c’était la même année- quand j’ai appris l’histoire suédoise, j’étais choquée et –comment dire- je croyais que le système juridique suédois, qui est solide et qui a une longue tradition démocratique - trouverait la voie à suivre, et qu’il serait capable de conduire cette affaire dans un délai raisonnable. Et je suis allée voir Julian Assange à l’ambassade d’Equateur il y a un an. Juste pour prendre de ses nouvelles. Et j’ai vu comment il vivait –reclus dans une ambassade – un petit espace pour vivre, et j’étais alors inquiète de sa situation que j’ai commencée à approfondir. Et j’ai pensé que quelque chose devait se produire cette année et il ne s’est rien passé. Et je suis retournée le voir il y a un mois et j’ai trouvé alors que son apparence et son état de santé s’étaient dégradés depuis un an. Et alors j’ai décidé de faire quelque chose. Nous ne pouvons continuer avec cette situation qui est verrouillée. Le mandat d’arrêt, émis par les autorités de poursuite pénale suédoises datent de trois ans et demi. Donc ce qui importe aujourd’hui est d’avoir un nouveau regard sur cela.

Nous avons là une situation où il y a des intérêts légitimes des deux côtés. Nous avons la situation des victimes qui doit être prise en compte. Je n’ai pas d’opinion sur les responsabilités –qui est coupable et qui n’est pas coupable. Ce n’est pas mon but. Ce que je veux voir, c’est que nous devons trouver une solution et je pense connaître la solution. Le mandat d’arrêt est vieux de trois ans et demi. Et tout se passe comme si le parquet suédois ne prend pas au sérieux que l’Equateur a accordé l’asile. Et ce que signifie cet asile, c’est que le danger d’une menace d’extradition vers les Etats-Unis que Julian Assange allègue est réel –voilà ce que cela signifie. Et si vous lisez les journaux et recueillez les informations qu’ils contiennent – il y a des tonnes d’informations sur une enquête en cours aux Etats-Unis sur WikiLeaks, les fondateurs de WikiLeaks et sur Julian Assange lui-même et qu’ils tentent de le capturer pour le juger pour complicité de terrorisme et d’espionnage – plutôt que comme éditeur d’une plateforme à laquelle des gens envoient des informations. Et c’est une menace pour tous les journalistes dans le monde – si vous êtes en possession de documents par une source et c’est dans l’intérêt du public, vous pouvez être qualifié de complice de terrorisme. Je pense que ce n’est pas le monde que nous voulons.

Et cette situation a été jugée par l’Equateur comme étant suffisamment grave pour lui accorder l’asile. Donc je ne vois pas pourquoi Julian Assange devrait renoncer à ses droits humains à demander l’asile dans le but de répondre aux questions de la procureure suédoise ici en Suède. Et nous ignorons ce que la procureure fera de cette affaire et le risque d’avoir un ordre d’extradition arrivant en Suède. Et quand je vois ce que dit la procureure « nous savons qu’il ne peut pas être extradé » -je pense qu’elle parle de ce qu’elle ne sait pas. Ce n’est pas leur affaire. La procureure n’a pas son mot à dire sur l’extradition. Cela relève du gouvernement de décider et ensuite aux tribunaux, mais pas à la procureure à ce stade. Et donc je pense ici qu’il y a des malentendus que nous n’avons pas pris en compte comme le fait que Julian Assange a le droit de demander l’asile et que c’est une décision sérieuse que la poursuite suédoise ne peut pas prendre [et dire] « Bien, je ne me préoccupe pas de cela, il doit venir ici » et nous avons les droits des victimes [présumées], leurs droits humains de voir leur cas jugé. Parce qu’elles ont le droit de vivre leurs vies. Elles attendent depuis quatre ans.

Et donc, dans notre boîte à outils commune en Europe nous avons des moyens qui permettent une coopération internationale. Ce n’est pas une grosse affaire. Dans l’affaire ELF, je suis allée interroger à l’étranger un suspect qui avait fui la France, qui ne voulait pas revenir et j’ai réussi à l’interroger en Israël par exemple, nous n’avions aucune convention mais nous avons passé un accord ad hoc avec les autorités et cela a pu se faire. Nous avions la Convention de coopération européenne de 1959 et maintenant nous disposons d’une bien meilleure convention depuis 2000, qui est entrée en force en 2005, et qui a modernisé et rendu la coopération internationale bien plus efficace. Et je peux affirmer que le Royaume-Uni était connu pour ne pas coopérer facilement mais cela a également changé. Aujourd’hui, cette coopération est bien plus facile. Et je peux [affirmer] cela parce que je n’ai pas cessé de faire un travail d’enquête en 2002 parce que j’ai conduit, mis en œuvre et aidé l’enquête en Islande sur leurs banksters. Et vous savez qu’aujourd’hui c’est le seul pays au monde qui juge ses banquiers et obtient des condamnations.

Et nous avons utilisé cette nouvelle Convention européenne et nous avons obtenu la coopération du Luxembourg qui avait de très mauvais antécédents en matière de coopération juridique internationale et le plus important [inaudible – perquisition ?] qui était fait au Luxembourg a été fait depuis l’Islande. Donc ces nouveaux outils fonctionnent. Donc pourquoi le parquet suédois n’utiliserait-il pas ces outils qui sont dans la boîte à outils ? Ce n’est pas un traitement spécial pour Julian Assange. Cela concerne n’importe qui à l’étranger qui refuse de revenir si vous n’utilisez pas un mandat d’arrêt. Le mandat d’arrêt –c’est le bazooka. Vous utilisez la coopération [outils] pour obtenir cette information. Et ensuite si on fait cela, alors peut-être plus tard, il sera utile de faire des confrontations avec les victimes [présumées] et d’autres témoins, et je dirais que cela pourrait être fait par vidéoconférence même si ce n’est pas prévu dans le Code pénal. Cela se fait à la Cour internationale de justice quand les témoins sont en danger, cela se fait sur une base quotidienne dans tous les tribunaux d’Europe et je l’ai fait pour mes affaires importantes dans les années 90. Ce n’était pas prévu dans le Code pénal mais je l’ai fait d’une manière créative, en m’assurant sur qui étaient les témoins, des rendez-vous et la Cour suprême l’a accepté. Aujourd’hui, c’est dans la loi.
Les choses ne sont pas aujourd’hui comme elles l’étaient hier et nous ne pouvons pas vivre seulement en disant « Je ne peux rien faire que je n’ai pas fait hier ». Vous devez vivre avec les outils modernes dont vous disposez et si la loi suédoise ne les prévoit pas alors la loi doit être changée. Cela pourrait éventuellement être changé en urgence ou les juges peuvent le faire et voir ce qui se produit. Je veux dire que la Cour suprême peut autoriser cela. Et alors quand l’enquête préliminaire sera finie –les interrogatoires, les confrontations, alors la décision peut-être prise : soit il y a une affaire, soit il n’y a pas d’affaire.

Prenons le scenario où il y a une affaire : alors le parquet suédois peut l’envoyer devant les tribunaux, et la loi suédoise ne prévoit pas de jugements in abstentia. Mais cela, nous ne l’avons pas en France, ou alors pour des crimes sérieux, mais quand nous avons jugé notre ancien Président, Jacques Chirac, il a déclaré « Je suis trop fatigué pour venir, mais je veux que le procès avance et j’accepte d’être jugé d’une façon [contradictoire] avec mes avocats présents et je vous ai dit tout ce que je sais ». Et ainsi, ce fut fait en dépit du fait que dans la loi, il est dit qu’il devait être présent. Et vous devez alors vous rappeler pourquoi cette règle existe ? Elle existe en raison de la protection du suspect, pour assurer la procédure [contradictoire] et je [soutiens] que si les avocats d’Assange sont présents au procès et que Julian Assange lui-même [participe] par Skype ou par vidéoconférence, cela pourrait être une bonne procédure et nous prendrions en compte les intérêts de toutes les parties concernées : en ne sacrifiant pas le droit d’asile de Julian Assange au droit des victimes [présumées] d’avoir leur affaire jugée.

Et si cette solution n’est pas acceptable pour les procureurs suédois, ils peuvent utiliser un autre outil que nous avons utilisé parce que c’est utile et que j’ai utilisé moi-même –c’est une délégation de l’action publique. Ils pourraient envoyer leur dossier à l’Equateur et demander à la justice équatorienne de se saisir de l’affaire. Je vous remercie maintenant –voici une manière...

Q : Je tiens à préciser que vous dites que l’affaire pourrait être jugée dans les tribunaux équatoriens ?

EJ : C’est possible. Et puis, un élément de plus et alors j’arrêterai de parler et je vous laisserai la parole. Nous avons également des accords pour l’exécution de la peine. S’il était jugé en Suède et condamné à de la prison, il peut purger sa peine ailleurs. Tout cela est possible. J’ai vu du débat en Suède que la plupart des gens ne croient pas en la réalité du danger qu’encourt Assange. Je pense qu’il est primordial qu’il y ait un débat dans la société suédoise, parce que le monde a réellement changé avec Snowden. Avec ce que nous dit Snowden sur la surveillance de masse et aussi plus spécifiquement sur Assange. Et je suis sûre que vous connaissez cette interview à la télévision allemande où il dit qu’Assange figure sur une liste de chasse à l’homme (Manlunting).

Et vous pouvez vous rappeler que des membres éminents du Sénat [US] ont demandé qu’Assange soit jugé pour espionnage, pour terrorisme, je pense à Dianne Feinstein qui a dit cela. Et elle n’est pas n’importe qui. Elle est une membre importante du sénat américain et je vous recommande de lire son discours tenu au Sénat il y a environ deux semaines où elle a dit au monde et aussi aux journalistes suédois que la CIA et également les agences américaines ne respectent pas les règles. Et qu’ils se sont introduits dans les ordinateurs du Sénat et qu’ils ont supprimé des photos et des pages sur la CIA ne respectant pas les règles. Et je pense que nous avons du mal à comprendre combien le monde a changé avec toutes les informations que nous avons reçues d’Assange et de Snowden. Et je pense qu’il y a urgence, que cette situation est une plaie béante et je pense que ce n’est bon pour personne, et qu’il existe des moyens de la résoudre en prenant en compte les intérêts de toutes les parties. Je vous remercie.

Q  : Pouvez-nous parler de vos tentatives d’en discuter avec les responsables suédois concernés, notamment la procureure en charge de l’affaire et le procureur en chef ?

EJ : C’est facile à dire : j’ai demandé à rencontrer la ministre de la justice [Béatrice Ask – NDT], le procureur général [Anders Perklev – NDT] et Marianne Ny et personne ne veut me rencontrer. Et je me demande pourquoi. Je suis une personne honorable.

Q  : Avez-vous rencontré ce genre de sur-réaction ailleurs ? Est-ce inhabituel ?

EJ  : Normalement, quand je demande un rendez-vous, comme membre du Parlement européen, comme directrice d’un Comité en charge de 59 milliards d’euros par an, je l’obtiens.

Q : En avez-vous tiré des conclusions ?

EJ : C’est une question très difficile, du fait d’être ici en mon nom personnel. Personne ne me paye. Je prends sur mon temps personnel. Et j’espère, l’argent européen. C’est un problème européen. Cela montre que nous avons besoin d’une meilleure coopération. Si nous ne parvenons pas à résoudre ce problème entre l’Angleterre et la Suède –comment pouvons-nous penser que nous pourrons résoudre les problèmes de l’Afghanistan ou de la Turquie ou de beaucoup d’autres pays. J’ai aussi oublié de vous dire que je travaille en Afghanistan et que je ne suis pas anti-militariste. Je suis allée à l’école militaire. J’ai fait l’Institut supérieur d’études militaires en France. Et je travaille en Afghanistan comme une personne anti-corruption. J’ai été nommée par l’ONU et je travaille très étroitement avec des Américains qui risquent leur vie et je suis sensible à toutes ces questions.

Q : Comment décririez-vous votre relation personnelle avec M. Assange ? Etes-vous une amie personnelle ?

EJ  : Elle était inexistante jusqu’à ce que –c’est totalement transparent, je veux être totalement transparente – je le rencontré la première fois en Islande. Et j’ai senti que nous avions des points de vue communs sur les préjudices du secret dans le monde. Parce que j’ai passé ma vie à lutter contre les paradis fiscaux. Voyant comment beaucoup de banques sont criminelles –comment elles volent, comment elles s’autorisent elles-mêmes à prendre un large pourcentage de la valeur produite chaque année –c’était mon combat. Et j’ai aussi rencontré... parce que j’ai rencontré un journaliste, parce que je suis les affaires en Afrique –par exemple, l’affaire Trafigura avec le –quel était le nom du bâteau –Probokwal ( ?) je pense –cela allait de la Côte d’Ivoire et la propagation de beaucoup de déchets toxiques là-bas, j’ai suivi cette affaire parce que ça m’intéressait. Et soudainement, le Guardian a cessé d’en parler. Et ensuite, ils sont allés au parlement britannique pour poser des questions parce que vous avez l’immunité à la Chambre des communes. Et ils ont posé une question au Parlement sur Trafigura. Et alors nous avons appris qu’il y avait une injonction secrète pour toute la presse à parler de cette affaire. Donc j’étais très sensible à l’idée de faire de l’Islande un endroit sûr pour l’information. Ainsi c’était –il m’était sympathique. Et alors quand j’ai appris pour l’histoire ici en Suède, j’étais choquée, comme tout le monde. Et je voulais que ce soit examiné et j’espérais du fond du cœur qu’il soit innocenté. Mais je n’étais pas sûre –vous ne pouvez pas être sûrs –donc ce que je dis, c’est que cette affaire doit prendre fin.

Q : Mais vous ne décririez pas Assange comme un ami, un ami personnel ?

EJ : Non. Je ne le suis pas. Je ne le suis pas. Je veux dire –il y a un problème générationnel. Je sais que j’ai l’air très jeune et belle mais j’ai 70 ans et il a 40 ans je crois.

Q  : Etes-vous un rien optimiste sur un changement d’avis des enquêteurs suédois ?

EJ  : Ce qui me rend optimiste, c’est vous. Je pense que vous comprendrez. Et que vous écrirez des articles qui feront comprendre à l’opinion publique que ce n’est pas un problème suédois. Que c’est un problème international.

Q  : Mais vous savez que les procureurs ont déjà ignoré l’idée d’un lien vidéo ? La question a été [soulevée] avant.

EJ  : Oui, mais je n’aime pas les situations où la volonté d’une personne [comprendre la procureure Marianne Ny – NDT] puisse stopper toute une procédure. J’aime quand il y a des appels. Et je pense qu’il ne s’agit pas d’une telle chose comme « Voilà ce que je veux faire et c’est comme cela que çà doit se passer ». Ce n’est pas démocratique.

Q : Vous parlez de Marianne Ny ?

EJ : Oui, eh bien –elle avait le droit de conduire l’affaire comme elle l’entendait pendant quatre ans. Ca n’a abouti à rien.

JT : Elle a aussi la responsabilité de contribuer à une solution. Si sa politique actuelle ne marche pas et que l’affaire n’avance pas, elle en a l’obligation. Parce qu’à la fin, il s’agit d’une question de droits humains que toutes les personnes impliquées dans l’affaire ont le droit à une conclusion satisfaisante. Et ce n’est pas juste Assange mais aussi les deux filles. (sic –NDT)

EJ : C’est l’article 9 de la Convention européenne des droits humains.

JT : Et répéter la même solution et attendre des résultats différents ne marchent pas.

EJ : Ce que j’attends, c’est que la tête du parquet suédois devrait se saisir elle-même de l’affaire.

Q : Avez-vous discuté de tout cela avec les avocats suédois d’Assange ?

EJ : Non, je n’ai pas rencontré les avocats suédois. Je ne suis pas l’avocate d’Assange. Je parle depuis ma propre plate-forme, avec mes trente ans d’expérience dans ce domaine et je le vois sous différents angles. J’aurais pu rencontrer ses avocats. Ils vous donneront leur version. Je vous livre la version d’une membre du Parlement européen sensible aux droits humains. Si vous êtes attentifs à ce que je fais, vous verrez que je défends Basmah Belaïd –la veuve de M. Belaïd qui a été assassiné en Tunisie. De la même manière, je parle de l’importance de mener l’affaire au tribunal. Peut-être qu’un jour, je deviendrai avocate mais je suis toujours parlementaire. Je me présente pour un deuxième mandat parce que je veux faire avancer la question du procureur européen.

Q : Comment ce nouveau procureur abordera cette affaire ?

EJ : Que ferait un procureur européen avec cela ? La première étape –et nous prendrons cinq ans pour y parvenir, le procureur européen aurait seulement le pouvoir de prendre en compte les intérêts économiques de l’Union européenne, donc ce ne serait pas de son ressort. Mais je pense, dans une seconde phase, que nous devrions avoir un procureur qui peut prendre en considération la criminalité transnationale et les poursuites. Mais je pense que nous sommes très loin avant d’avoir un procureur unique.

Q : Il n’est pas encore établi que les deux femmes soient “victimes”, ce n’est probablement pas juste de les appeler “victimes” mais “victimes présumées”.

EJ : Victimes présumées, vous avez raison. Parce que nous avons la présomption d’innocence qui signifie que Julian Assange est innocent jusqu’à ce qu’il soit déclaré coupable, si et quand.

Q : Une autre chose est que le juge de la Cour suprême en Suède a lui-même déclaré qu’il n’y a aucun obstacle à ce que la procureure se rende au Royaume-Uni, donc il n’y a aucun obstacle juridique, même sous la loi suédoise.

EJ  : Je sais cela et là où je voulais en venir et dire avec force, d’un point de vue pratique, et je pense que ce n’est pas acceptable pour les intérêts ici, et aussi pour la réputation de la Suède, qu’une affaire puisse être stoppée pour une raison de prestige –il devrait y avoir des moyens d’avancer. Et s’ils n’existent pas, la loi devrait être modifiée.

Q : Pour autant que je sache, l’opinion publique n’est pas au clair à ce sujet. Je ne connais aucun sondage d’opinion publique systématique. Y a-t-il quelqu’un ici qui sache ? Parce que la presse ici a été très inégale.

EJ : Je pense que c’est très important de mettre les faits sur la table. Parce que la discussion, à moins que les gens soient au courant de ce qui s’est passé, du correspondant du Times [Michael Grunwald] disant à l’automne 2013 « Je suis impatient d’avoir à justifier une attaque de drones qui tuera Julian Assange » [Citation correcte : « J’ai hâte d’écrire sur la défense d’une attaque de drones qui éliminera Julian Assange » https://twitter.com/AbbyMartin/status/369232379350499329]. C’est très violent.

Jon Thorisson  : Et l’autre chose que nous essayons de souligner c’est que Julian Assange et WikiLeaks sont une organisation d’édition. Ils n’ont rien fuité. Ils ont pris des informations fuitées d’autres sources et les ont publiées. Donc pour vous les mecs, comme journalistes, c’est une question réellement importante parce que c’est la criminalisation du journalisme. La façon dont il a été traité ainsi que l’organisation WikiLeaks et maintenant les personnes associées à Snowden et je veux dire –Miranda, le compagnon de Glenn Greenwald qui a été appréhendé à l’aéroport de Londres et la saisie de ses ordinateurs et çà a été fait sous la législation anti-terrorisme britannique. Donc c’est une distinction très importante. C’est ce que les Américains essaient de faire et l’avocat de Chelsea Manning a déclaré qu’il avait le sentiment d’avoir deux accusés –l’un était Manning et l’autre Julian Assange. Parce qu’ils ont tout essayé pour projeter [Assange] dans le procès de Manning et dans les déclarations de clôture du procès de Manning aux Etats-Unis, ils ont mentionné le nom d’Assange 26 fois, juste dans les déclarations de clôture. Donc ce qu’ils tentent de faire, c’est d’établir une conspiration entre WikiLeaks et...

[Discussion non structurée]
Personne A : C’est une distinction qu’ils essaient de faire pour que WikiLeaks ne soit pas un récipient passif des fuites mais les a incitées...

EJ : C’est ce qu’ils veulent montrer...

Personne B : Vraiment, est-ce que c’est prouvé ?

Personne A : Non, c’est ce qu’ils essaient de dire.

Q : A propos de votre suggestion, avez-vous discuté de cela avec les autorités équatoriennes ?

EJ : Je pense que c’est prématuré. Nous avons d’abord besoin d’obtenir des autorités de la poursuite suédoise qu’ils soient prêts à s’y rendre et parce que l’Equateur a donné l’asile à Julian Assange, je pense que nous pouvons anticiper qu’ils ne s’opposeront pas. Mais nous sommes en territoire britannique, nous avons besoin de leur coopération et nous en avons besoin en premier. Et ensuite, nous avons besoin de la coopération des autorités équatoriennes.

Q  : Que faire s’ils refusent ?

EJ : Le Royaume-Uni a le devoir de coopérer, si on leur demande, conformément à la convention à laquelle je fais référence.

EJ  : Ils sont, et ils dépensent 4 millions de dollars –ou de livres- pour surveiller l’ambassade. Donc c’est aussi absurde, n’est-ce pas ? Un usage absurde de l’argent et du temps qui passe. Ok. Donc maintenant je pense qu’il est important que le débat ait lieu.

Fin

Traduction : Romane

Voir aussi :

 Assange affidavit (3 Septembre 2013) : https://tinyurl.com/AssangeAffidavit

 Exposé conjoint des faits, convenu entre les parties et soumis à
la Cour suprême du Royaume-Uni (1 Février 2012) : https://tinyurl.com/AgreedFacts

»» http://www.twitlonger.com/show/n_1s164cu
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New York Times Magazine, 28 Mars, 1999

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