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2015, L’Odyssée de la société

SYNOPSIS  : Nous sommes en 2015, à la recherche de la « société disparue », engloutie au fond des « âges farouches » de l’individualisme, du « marché autorégulateur », de la compétitivité du « sacrifice », et du management. La politique, qui suppose débat contradictoire a disparu. « Transparence » oblige, tout est désormais piloté automatiquement, par la MATRIX, dépositaire de « l’équilibre général » et… des sacrifices.

2015, L’ODYSSEE DE LA SOCIETE (Episode I)

LE FORMATAGE DE LA « MATRIX » : Des machines pilotées par informatique, dont le programme s’appelle « marché libre et non faussé » gèrent désormais les destinées humaines, dans un pacte appelé « pacte de gouvernance  » qui s’est substitué, sans le dire et sans référendum, à la Démocratie. Le citoyen, désormais appelé « client », est une cible « marchandise » que s’arrachent les publicitaires qui ont pris le pouvoir du « cloud ». La mémoire de l’humanité et ses évolutions, dénommées « Histoire », ont été « scratchées  », et remplacées par des disques durs formatés sur la temporalité… du marché, autant dire de « l’instant » qui « fixe un prix ». Tout bien, service, ou « être vivant » (animal ou humain) dépend désormais d’un prix, et pour les humains, sa valeur est définie par le « marché du travail », qui fixe le prix du labeur de chacun, en fonction de la demande de la « MATRIX ». Le prix est fixé à la journée, le S.M.I.C ayant disparu (trop cher). Le dimanche on travaille aussi, suite à la loi « Macron ». D’ailleurs, il n’y a plus ni dimanche, ni lundi. Les jours, la semaine, le mois, l’année, les saisons (réchauffement climatique oblige) ont disparu, il faut « simplifier  », il n’y a plus que… l’instant, qui en fonction de « l’offre et de la demande », fixe le prix, via la MATRIX.

Bien sûr, ce monde numérique du « meilleur des mondes » [1] a aussi supprimé les livres, les journaux, qui n’étaient plus lus, et le papier, inutile et couteux [2]. Tout donc se passe dans des transactions numérisées, instantanées, et optimisées, dénommées « trading », disponibles sur tous les écrans « connectés  » [3]. Les plus performants se retrouvent dans « l’hyper trading ». Dans ce système, dénommé « jeu » (vendus par les « Nobels d’Economie ») il y a ceux qui gagnent, car les « bourgeois  » sont en croissance, et il y a les perdants, dénommés « prolétaires ». Si l’évolution des « bourgeois » est de progression arithmétique, l’évolution des « prolétaires » est de progression exponentielle. Entre les deux, se trouvent les « managers », dont le rôle est d’organiser « l’exploitation des prolétaires », pour le seul bénéfice des « bourgeois » qui siègent dans des conseils d’administration. Les « Managers » ont des bureaux dans les tours de la Métropole et y vivent, l’environnement urbain et culturel leur a été mis à disposition par des investissements publics considérables (Paris, Lille, Lyon, Marseille). Les « prolétaires » à leur service, travaillent dans les Métropoles, mais logent (hébergement) en périphérie, dénommé « territoires » [4], développant le « nomadisme salarial ». Les communes, issues de la Révolution, ont été supprimées, car trop complexes à gérer par la MATRIX (trop de demandes sociales particulières nécessitant des réponses de qualité à proximité, de nature politique, donc conflictuelles).

Les rapports sexuels ont aussi disparu, trop de temps humain, passé en maquillage, rouges à lèvres, habillage, désirs, déshabillages, caresses, et d’énergie gâché dans l’acte sexuel (trop long), avantageusement remplacé par le « sexe-cloud » qui se branche pendant le sommeil, la jouissance s’obtient en rêvant, supprimant les pulsions réelles. Les gamètes sont alors récupérés via le « sexe-cloud » pour être traitées, en « flux tendus » vers des « cliniques couveuses », et profiteuses qui reproduiront la « force de travail » nécessaire. Plus de couples, ni de mariages, plus d’enfants à élever, plus de familles… que d’économies réalisées dans les procès pour divorces et séparations. La justice a aussi été simplifiée, plus rapide, les avocats ont disparu, il n’y a plus que des « procureurs-juges », car par définition, le prolétaire est coupable [5].

L’impôt a disparu car, tout étant marchandise, le service public et les fonctionnaires furent supprimés. De fait, la Politique, trop conflictuelle (choix) a aussi disparu, remplacée par la gouvernance (pilotage automatique mondialisé des marchés). Il n’y a plus de politique, puisque le marché « optimise » rationnellement les choix du « client roi » quant à la société, seuls les livres, qui ont disparu (trop de temps perdu en lecture), en parlaient, Il n’y a donc plus d’HISTOIRE [6], remplacée par MATRIX qui gère tout dans l’instant (nanoseconde)….

…/….

2015, L’ODYSSEE DE LA SOCIETE (Episode II)

SYNOPSIS  : Nous sommes en 2015, et un « prolétaire  » victime d’un accident de navette (les voitures n’existent plus) se retrouve perdu dans un village déserté, compétitivité territoriale oblige. Il se réfugie dans un bâtiment abandonné par l’Etat, l’Europe, et le F.M.I, qui se trouve être une ancienne bibliothèque communale et se mets à lire un ouvrage intitulé « L’histoire des luttes sociales » écrit par un certain LARX MARK, inconnu de la « MATRIX  ». Il apprend alors…

LE DEFORMATAGE : Depuis Spartacus, et la révolte des esclaves (73 avant J.C), les exploités se sont toujours révoltés contre les féodalités.

  • En 1789, pour abolir la féodalité de la noblesse de robe et d’épée,
  • En 1838, 1848, et 1871, pour imposer définitivement la république, interdire le travail des enfants, limiter la journée de travail à 8 h (première revendication syndicale).
  • En 1917, à la recherche d’un autre système économique qui ne soit plus celui du marché.
  • En 1936 et 1945 pour créer un début de Démocratie sociale (droit aux congés payés).

LES JOURS HEUREUX : En 1940, en pleine nuit noire, des résistants à l’ordre de Vichy, qui imposait le S.T.O (Service du Travail Obligatoire), au service d’HITLER et des nazis, rédigèrent un programme politique ambitieux, dénommé « les jours heureux ». Il comprenait notamment :

  • La création de la sécurité sociale, du droit au travail, et à la retraite pour les travailleurs,
  • La troisième semaine de congés payés,
  • Le S.M.I.G et les conventions collectives de branche, garantissant ainsi les rémunérations des travailleurs, par ECRIT, et non selon la loi de « l’offre et la demande ».
  • La Nationalisation de l’énergie et des industries stratégiques ainsi que les banques, construisant ainsi la souveraineté de la Nation, sur l’Economie, permettant la politique (intervention de la puissance publique sur l’économie, en faveur de l’intérêt général). Cette période fut appelée « les trente glorieuses ».

6 Millions d’adhérents à la C.G.T et de nombreuses luttes sociales permirent au monde du travail d’obtenir de nouveaux acquis sociaux notamment en 1968 (+ 30 % de hausse du salaire) et de nouveaux droits (reconnaissance de la section syndicale d’entreprise, obligeant de ce fait le patronat à négocier).

Depuis les années 80, les gouvernements libéraux ont mis en place un plan (« consensus de Washington  ») dont l’objectif était de libéraliser l’économie, en supprimant toute contrainte. Cette politique a débouché sur la mise en place d’un système dénommé mondialisation (compétitivité, libre échange, marché libre et non faussé, etc.) dont le seul objectif est pour le capital, de récupérer ce qu’il a été obligé de lâcher, dénommé « acquis sociaux » obtenus dans le cadre de la libération et des luttes sociales. Le chômage, la précarité de masse, la pauvreté, les cités abandonnées aux trafics (Armes drogue), l’émigration de survie, et la délinquance s’expliquent par cette politique de libéralisation, qui détruit la société du « vivre ensemble » partout dans le monde. D’où le besoin d’activer les « guerres de religion », et de cultiver les haines entre couleurs de peau, pour faire oublier les causes profondes des crises, qui se trouvent dans l’accumulation financière développée par les marchés, MATRIX des inégalités, et des crises successives (financières, économiques, sociales, énergétiques, environnementales etc..).

L’ODYSSEE DE LA SOCIETE : C’est pour avoir oublié le fait que « l’histoire n’est que l’histoire de la lutte des classes  », que la société est en perdition, d’où le besoin de son retour (ODYSSEE). LE FORMATAGE (voir recto) n’est pas un roman d’anticipation, mais une réalité en cours de réalisation, et plus nous attendons, et plus le formatage avance [7] et accélère jusqu’à disparition complète de la société. Seules des luttes sociales massives, débouchant sur une Révolution [8] pourront nous permettre de reconstruire une société (en France et dans le monde), fondée sur l’Humain, ses besoins, et son aspiration profonde à vivre en paix.

Fabrice AUBERT
Le 30 Décembre 2014

[1Aldous HUXLEY « le meilleur des mondes ».

[2De fait, les contrats de travail, les conventions collectives, les statuts ont disparu, happés par le « cloud ».

[3Télévisions, ordinateurs, smartphones, tablettes etc..

[4Où pullulent les Restaurants du cœur, qui se sont substitués à l’action publique.

[5Il ne peut que « négocier sa peine », les Bourgeois, n’étant jamais coupables (principe d’immunité).

[6« La fin de l’Histoire et le dernier homme », Francis FUKUYAMA, 1993.

[7« Valls demande des années de sacrifice », L’express du 29 Décembre 2014.

[8Il est désormais trop tard pour que le changement se fasse pacifiquement, car la MATRIX n’acceptera jamais désormais de voir son rôle dominant être remis en cause de manière pacifique.


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Michael PARENTI
Analyste politique progressiste de tout premier plan aux États-Unis, Michael PARENTI, docteur en Sciences Politiques de l’Université de Yale, est un auteur et conférencier de renommée internationale. Il a publié plus de 250 articles et 17 livres. Ses écrits sont diffusés dans des périodiques populaires aussi bien que dans des revues savantes, et ses textes engagés l’ont été dans des journaux tels que le New York Times et le Los Angeles Times. Ses livres et ses conférences, informatives et (…)
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