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Après le "Lux Leaks", quelles perspectives pour la transparence fiscale en Europe ?

Scandale fiscal dont l’Europe se serait bien passée, l‘affaire « LuxLeaks » a donné lieu à des révélations fracassantes : un système d’évasion fiscale très élaboré, connu de l’actuel président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker, ancien Premier Ministre du Grand-Duché pendant près de vingt ans. Face à une législation fiscale perçue comme définitivement injuste, les ministres des finances font profil bas. En attendant mieux ? La riposte semble s’organiser.

Wake up call

L’affaire LuxLeaks met le doigt sur les failles d’un système, ou plutôt des systèmes européens, loin d’être transparents. Un millefeuille administratif souvent indigeste et une réglementation loin d’être harmonieuse, causent un manque à gagner de quelques 1000 milliards d’euros aux Etats européens. Et le débat n’est pas nouveau. « Le problème, c’est que rien ne peut être fait contre les pays qui trichent en Europe » déclarait Eric Bocquet, rapporteur de la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion fiscale. De plus, de nombreuses pratiques critiquables, telles que le tax rulings qui permettent à une entreprise de demander à l’avance à quel régime fiscal elle sera soumise, se conformeraient aux règles européennes et internationales. C’est ce qu’a exprimé en marge du scandale Lux Leaks, le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna admettant que ces pratiques fiscales pourtant « légales » ne sont sans doute plus acceptables.

L’arsenal règlementaire pose question. Où est la limite entre optimisation et fraude fiscale, dans un contexte d’internationalisation de l’activité économique ? Les Etats semblent pourtant déterminés à imposer leurs vues sur la justice fiscale. Et la traque aux escrocs concerne tant les grosses que les petites entreprises.

Les PME, nouveaux fraudeurs

Si les regards sont le plus souvent tournés vers les multinationales qui ont les moyens d’échafauder des plans d’évasion fiscale des plus astucieux, les PME ne sont pas en reste. En effet, pressées par des législations, elles vivent parfois de manière injuste leur fiscalité : en France, les PME sont imposées à 22 % contre 8 % en moyenne pour les entreprises du CAC40. Et elles filent à l’anglaise ! Les chefs d’entreprises de PME n’hésitent plus à créer une société écran en Grande Bretagne ou en Espagne tout en restant installés en France où ils fraudent le fisc. Des intermédiaires rodés et peu scrupuleux proposent même d’accompagner cette nouvelle vague d’évasion fiscale.

Aussi, la société France Offshore a fait de « l’optimisation fiscale pour tous » son credo afin de séduire les petits patrons. Soupçonnée de fraude, elle fait l’objet d’une information judiciaire sur des faits présumés. Son patron, Nadav Benssoussan clamait encore en 2010 à l’AFP que « quelqu’un qui vend des chaussettes sur internet peut en un clic changer l’adresse de la société et la mettre dans un pays où l’imposition est beaucoup plus légère. » Un système de fausse facturation aurait permis à de nombreuses PME de sortir de leur bilan une partie de leur chiffre d’affaire et ainsi d’échapper à l’impôt français. Ces fonds étaient transférés à une banque lettonne puis récupérés par les PME. Au total, près de 300 millions d’euros auraient ainsi été détournés. Même logique pour le Cabinet St Matthew, spécialisé dans la création d’entreprises écrans à l’étranger : « Tous les chefs d’entreprise qui nous contactent le font à cause des taxes, L’Angleterre est un des pays les moins taxés d’Europe », explique Yanett Bellon, du cabinet St Matthew.

Mais qui dit PME ne dit pas petites conséquences. Ces dernières étant le moteur de l’emploi, les inquiétudes sont grandes de les voir s’expatrier pour raisons fiscales, notamment dans un contexte où le chômage et la crise économique persistent. Les déclarations du ministre irlandais des entreprises, de l’emploi et de l’innovation ne sont pas pour rassurer sur ce sujet. Ce dernier affichait en effet en mai 2012 sa satisfaction à voir des entreprises se domicilier sur ses vertes prairies. Ce fut entre autres le cas de l’entreprise française Smartbox dont le siège est à Courbevoie et la maison-mère en Irlande, de même que nombre d’autres sociétés du groupe Smart&Co créées sur place et soupçonnées d’être des coquilles vides. Toutes bénéficient sur place de largesses fiscales. Spécialiste des coffrets-cadeaux « à la française », l’entreprise est également dans le viseur des services financiers italiens qui la soupçonnent d’une fraude à la TVA : bien qu’ayant des activités de vente en Italie via ses circuits de distribution, Smartbox ne déclare a priori aucun montant de TVA auprès de l’administration fiscale transalpine. Le préjudice se monterait à plusieurs dizaines de millions d’euros.

Même schéma ou presque pour la famille Grosman, détentrice des magasins Celio et Jennifer, mais aussi de Goldenstump Investments Limited, une société implantée aux îles Vierges britanniques. Officiellement destinées à opérer le rachat d’hôtels en Grande-Bretagne, elle est également soupçonnée de servir d’outil d’optimisation fiscale pour la famille. Une fois encore, les autorités fiscales jugent que la limite est mince entre optimisation légale et fraude. Mais le problème de la transparence fiscale dans les paradis fiscaux dépend du niveau de coopération et d’harmonisation entre les différents Etats européens. A ce jeu, ils ne partent pas sur un pied d’égalité.

Des pays plus transparents que d’autres

En 2013, le Tax Justice Network (TJN), en partenariat avec la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires publiait son classement de l’opacité financière. Si la Suisse reste la championne toutes catégories (mais ne fait pas partie de l’UE), le Royaume-Uni talonne. La France arrive en 43e position sur 82 pays passés au crible et affiche un score de 41% d’opacité. Elle représente selon cette étude, 2.1% de la finance mondiale offshore. En octobre dernier, l’Allemagne a quant à elle signé avec cinquante pays un accord sur l’échange automatique d’informations bancaires, afin d’améliorer la transparence fiscale. Un pas vers les pays nordiques tels que la Norvège (hors UE également) dont l’expérience en matière de transparence fiscale est souvent vantée. La tradition remonte à 1863 et est perpétuée chaque année par le Parlement qui s’attache à mettre les contribuables du royaume à nu. Cette transparence (devenue un des plaisirs des norvégiens qui n’hésitent pas à se faire juge de la bonne moralité fiscale de son voisin) est également rigoureusement appliquée en Suède, où l’on assista au déballage de l’affaire dite de la « barre de Toblerone » : malencontreusement payée avec une carte de crédit de fonction et bien qu’immédiatement remboursée, elle avait couté la carrière de Mona Sahlin, alors numéro 2 du gouvernement.

Une riposte européenne enfin efficace ?

Si l’idée d’une transparence à la suédoise est utopique à l’échelle européenne (certains pourront encore longtemps manger des barres chocolatées aux frais du contribuable en toute intimité), des outils existent. En 2005, la directive sur l’imposition des revenus de l’épargne a été mise en œuvre. Elle a été renforcée en 2009 par la directive destinée à instaurer un système d’échange automatique d’informations entre les différents États membres pour les produits d’épargne, d’assurance-vie et de créances.

En janvier 2013, la Commission européenne estimait avoir mis fin au secret bancaire au sein de l’UE grâce à une directive sur la coopération administrative dans le domaine fiscal s’appliquant à l’ensemble des taxes et impôts hors TVA. Les cinq plus grands pays de l’Union européenne s’accrochent à l’adoption d’une législation communautaire équivalente au Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) américain dont l’objectif est de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale. La Belgique, les Pays-Bas, la Pologne et la Roumanie ainsi que le Luxembourg se sont ralliés à cette idée mais l’Autriche et l’Irlande freinent des quatre fers. Juncker est sorti du silence et propose un grand ménage européen confiant à Pierre Moscovici, nouveau commissaire européen à l’économie et à la fiscalité l’élaboration de propositions législatives. Pierre Moscovici confiait récemment, remarquer « un vent nouveau » sur ce dossier de la transparence fiscale. Aux gouvernements donc, de déployer leurs voiles.

Catherine Boyer

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