Que vaut l’esclave du capitalisme ?

Je crois bien en avoir déjà causé ailleurs, mais j’ai toujours le doute qu’évoquer un bon sujet au mauvais moment n’ait pas l’impact qu’il pourrait avoir s’il était traité au bon. Et ces jours derniers convergent tous tellement en ce sens que j’ai décidé de retenter mon sujet. Il y a eu la conférence Tedx de Jorion, Monique Pinçon-Charlot, les « fainéants » de Macron et ceux « qui ne sont rien », les « anti-spécistes » vegan radicaux, des discussions sur le capitalisme comme responsable de tous nos maux…. enfin en gros une sorte de dichotomie entre les discours compréhensibles, logiques, raisonnables de la plupart des gens, avec une réalité contraire qui semble au premier abord indéfendable : les riches possèdent déjà tout, et ils essaient encore par tous les moyens d’en gratter un peu plus sur le dos des pauvres. Personne ne trouve cela normal et pourtant c’est bien ce qui se passe : on veut faciliter les licenciements pour favoriser les embauches !

Face à cette contradiction apparente, monsieur Jorion nous parle de gratuité et du droit fondamental à l’existence, qu’étant des semblables nous devrions avoir de semblables droits. Tandis que certains dépensent une énergie considérable pour sauver un cochon dans un abattoir qui en tue plus de 2000 par jour. Ils revendiquent pour les animaux des droits équivalents à ceux des humains, sans sembler voir que ces mêmes droits accordés aux humains ne sont encore respectés nulle part : des enfants meurent de faim et vivent dans la rue, sont exploités ou contraints à se vendre pour survivre, partout dans le monde. Si seulement toute cette énergie était dépensée pour les aider !

On peut s’accorder facilement sur le fait que les inégalités de revenus engendrent des inégalités sociales mais il est plus difficile d’intégrer la philosophie qui sous-tend cette réalité : pour ceux qui font partie des 1%, ou des 10% si on veut être large, ils considèrent que leur réussite est le gage de leur supériorité : ils le méritent. Par extension (et aussi un peu pour apaiser leur conscience), ceux qui n’ont pas réussi ne le méritent pas : ils sont inférieurs. Lorque le décalage est trop grand, il apparaît que certains Hommes ne valent rien aux yeux de certains autres. Des fainéants, des gens qui ne sont rien.

Leur conception du monde et des Hommes est si éloignée de celle de la majorité que nous avons du mal à l’entendre, mais elle réside pourtant bien là : ceux qui crèvent de faim dans ce monde en sont responsables, et c’est tant pis pour eux ; de toutes les manières il n’y a pas assez pour tout le monde.

Orwell -encore lui !- avait bien décrit cela : « les prolétaires ne se révolteront que lorsqu’ils seront devenus conscients, et ils ne pourront devenir conscients qu’après s’être révoltés ». Nous sommes la force du nombre et pourtant nous ne faisons rien pour faire cesser cette mascarade. Le système capitaliste nous épuise à la tâche pour ne pas nous laisser le loisir de penser notre condition.

Orwell écrivait aussi, toujours dans 1984 : « le travail physique épuisant, le souci de la maison et des enfants, les querelles mesquines entre voisins, les films, le football, la bière et, surtout, le jeu, formaient tout leur horizon et comblait leurs esprits. Les garder sous contrôle n’était pas difficile »

et puis plus loin : « tout ce qu’on leur demandait, c’était un patriotisme primitif auquel on pouvait faire appel chaque fois qu’il était nécessaire de leur faire accepter plus d’heures de travail ou des rations réduites ».

Voilà à quoi nous sommes réduits aujourd’hui. Le capitalisme est l’ennemi contre lequel il faut lutter de toutes nos forces. Nous devons cesser d’engraisser tous les intermédiaires (qu’ils soient financiers ou politiques) et organiser notre société sans les 10% qui parasitent l’ensemble de l’humanité. Nous prêter entre nous, échanger entre nous, partager entre nous, décider entre nous, agir entre nous. Sans notre travail et notre misère ce sont eux qui ne sont rien. Ils ne valent plus rien. Les fainéants sont ceux qui récupèrent les fruits du travail des autres sans bouger le petit doigt : les actionnaires, les politiques, les héritiers…

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr

COMMENTAIRES  

21/09/2017 05:55 par Brian64

au-delà de cette critique à laquelle j’adhère, juste une remarque : il me semble que les vegans sont anti-spécistes et non spécistes : ils ne recnnaissent pas de différence en droit entre animaux et humains.

21/09/2017 07:55 par Caleb Irri

@ Brian64 et @ legrandsoir

Oui c’est "anti-spécistes" qu’il faut lire... merci !

21/09/2017 11:07 par legrandsoir

Corrigé...

21/09/2017 12:17 par Georges SPORRI

ABATTOIRS : les abattoirs les plus répugnants de FRANCE sont les hospices où sont stockés les vieillards dépendants ...
5 aide-soignants pour 10 patients en France , 8 en Allemagne et 10 en Suisse ...

21/09/2017 23:52 par alain harrison

Bonjour.

Bien résumé.
« « les 10% qui parasitent l’ensemble de l’humanité. Nous prêter entre nous, échanger entre nous, partager entre nous, décider entre nous, agir entre nous. Sans notre travail et notre misère ce sont eux qui ne sont rien. Ils ne valent plus rien. Les fainéants sont ceux qui récupèrent les fruits du travail des autres » »
Et cela depuis des millénaires.
La majorité en France ont une vue d’ensemble de la préhistoire et de l’histoire. Laissons les fils du canevas aux spécialistes, nous en savons assez pour passer de l’analyse aux solutions et aux actions pour mettre en place les conditions du passage du libéralisme sauvage au coopératisme solidaire. L’économie continue d’être un fantasme très résistant aux analyses. Mais pourquoi et comment ?
ACDTM pénètre les méandres du système économique et la vraie gauche doit bien sûr en prendre note.
Mais, nous les citoyens travailleurs n’en savons-nous pas assez, sans entrer dans le détail, que le système libéral ou que le communisme de 1917 n’en n’était qu’une continuité. Que la premier jet remarquable de Marx a été détourné. Que le CNR l’a été aussi.
Le potentiel est là, des expertises précieuses (le tout PIB à la cotisation) et plus actuelles conçu intelligemment sont la porte à ouvrir.
Voir l’ensemble et les interrelations sont indispensables et aujourd’hui nous sommes en mesure de démystifier le système.
C’est quoi les système ? Ce sont un ensemble de formules, de définitions, etc . C’est tout, ce sont ces mots qui tiennent lieu de fondement au système institutionnalisé (ONU, AUTAN, FMI et ci.).
Mais il faut voir et non penser voir. (Krishnamurti).
Comment dire, un CARTOON vaut mille mots : les patrons sont-ils indispensables ?
Mais le voyez-vous clairement ?
Ce que dit « « les 10% qui parasitent l’ensemble de l’humanité. Nous prêter entre nous, échanger entre nous, partager entre nous, décider entre nous, agir entre nous. Sans notre travail et notre misère ce sont eux qui ne sont rien. Ils ne valent plus rien. Les fainéants sont ceux qui récupèrent les fruits du travail des autres » »
N’est-ce pas que le phénomène de l’exploitation de l’homme par l’homme est la source des malheurs humains et de ses prétentions.
La différence avec les autres époques, c’est la sophistication et la redondance accumulée.

25/09/2017 09:38 par Dominique

« Nous sommes la force du nombre et pourtant nous ne faisons rien pour faire cesser cette mascarade. »
C’est même pire que cela : la plupart d’entre nous se lèvent le matin pour aller bosser et ainsi ils engraissent la bête.

« Le système capitaliste nous épuise à la tâche pour ne pas nous laisser le loisir de penser notre condition. »
Il nous épuise à la tâche car sont nous qui produisons les richesses, nous sommes les seuls producteurs de richesses. Que cela ne nous laisse pas le loisir de penser notre condition n’est qu’un dommage collatéral. Mais dans la mesure où la plupart d’entre nous est volontaire pour aller bosser et donc engraisser la bête, je ne suis pas sur que ce dommage soit collatéral. Car comme le dit très bien Reich, la plupart des gens choisissent, généralement par peur, le petit homme qui est en eux et ils laissent le grand de coté. C’est comme dans l’expérience de Pavlov, la presque totalité des gens collaborent. Ils ne se révoltent contre l’ordre établi que quand leurs conditions de vie deviennent invivables.

Après il y a les salauds, le 1% qui aujourd’hui est même moins de 1%. Eux ils ont compris et ils font le mauvais choix, celui de choisir le petit homme qui est en eux, non pas par peur ou ignorance, mais en toutes connaissances. C’est pour cela qu’ils sont des salauds. Et ils ont très bien compris que la majorité des gens ne sont que des zombies, des ombres qui préfèrent se lever le matin pour aller gagner une vie qu’ils ont déjà et engraisser ainsi un système absolument injuste, plutôt que de faire grève ou d’essayer simplement de vivre leur vie (c’est plus dur que de faire grève, mais il n’y a pas de syndicat pour t’en empêcher).

Il n’y a que 3 choses qui font peur aux bourgeois :
1) Ce ne sont pas eux qui appuient sur la gâchette.
2) La grève générale.
3) Les gens qui se débrouillent pour vivre en marge du système sans payer d’impôt.

26/09/2017 12:03 par manant

Sans l’Afrique, aurait dit Jacques Chirac, la France serait un pays du Tiers-Monde. Dire : "c’est nous qui produisons des richesses", en faisant allusion aux travailleurs français et européens, est certes juste, mais insuffisant. Car les richesses du Nord sont d’abord et pour l’essentiel (les matières premières) soutirées aux peuples du Sud (par les multinationales notamment). Aussi, sans culture anticoloniale, sans mise en cause radicale des inégalités des échanges Nord/Sud, il y a un aveuglement suspect dans l’oubli des sources réelles des richesses des peuples du Nord et… une explication à leur acceptation du système et des injustices qu’il génère chez eux où, progressivement, comme en Grèce, il deviendront les colonies des 1 ou 10% : des colonies où, naturellement, la démocratie aura progressivement laissé la place aux simulacres des républiques bananières. N’est-ce pas Jupiter ? Cela n’enlève rien à la pertinence des observations de Caleb Irri. Juste une mise au point.

16/10/2017 03:54 par alain harrison

Bonjour.
La Catalogne semble prendre le chemin de Tsipras ?

Il n’y a pas de plan, on dirait......

L’Espagne peut faire la tutelle, mais les Catalans peuvent préparer la Constituante. (En même temps)
La Constituante est la participation de tout le peuple.........

06/01/2018 09:01 par bibi

Permettez-moi juste une petite question, cher Caleb IRRI.
Si le capitalisme existe encore si bien aujourd’hui, n’est-ce pas parce que les 90% que nous sommes tendent tous (ou presque) vers les 10% du "sommet" ?
Amicalement...

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