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L’horreur des bavures, décrite par un grand reporter

Toc,toc ! Qui c’est ? C’est la frappe chirurgicale.

D'être vieux comme un naufrage me vaut d'avoir vécu quelques "représailles" de l'histoire. Ces opérations du genre bistouri à la Kouchner sont toujours des catastrophes qui s'empilent. Souvenirs.

Le 23 octobre 1983 à Beyrouth, à une heure si matinale que les rues ne sont occupées que par des plastiqueurs et les petits marchands de café, l’ami libanais, le frère, qui m’aide dans mon travail me téléphone : « Vite, le PC des français vient de sauter... je viens te chercher ». Je n’ai pas le temps de me raser, mais de faire un tour par le toit-terrasse de l’hôtel Commodore. Le pied à peine posé sur les dalles de bitume, un bruit d’apocalypse et une fumée de diable me bouchent l’horizon. Visiblement une seconde bombe vient d’exploser... Mohamed, mon homme essentiel, est déjà devant l’entrée de l’hôtel avec sa vieille Mercedes bleu ciel, toujours lustrée. Quelques mois plus tard Mohamed sera assassiné par les troupes israéliennes.

Peu de temps après les premiers nous arrivons au Drakkar, immeuble au sud de la ville. « Tu sais qu’ils ont aussi fait sauter les Américains à l’aéroport ? ». « Ben non ! Alors on y va ». Là-bas, un grand bâtiment annexe qui sert au stockage et la maintenance des avions n’est plus qu’un millefeuille très à plat. Etonnant changement de cap, la guerre n’est plus une affaire entre Arabes, entre Israéliens et musulmans, voilà qu’elle liquide les forces vives de la « coalition internationale », des Français et des Étasuniens. Cinquante-huit soldats tricolores meurent au Drakkar, deux cent quarante un GI à l’aéroport. Mitterrand se précipite pour montrer « la détermination de la France », tandis que Reagan ordonne à ses survivants de rentrer au pays

Le 17 novembre suivant dans la Bekaa, en représailles, la France bombarde la caserne Cheikh Abdallah occupée par des Gardiens de la Révolution iranienne et des miliciens du Hezbollah. Bilan deux morts, un berger et son âne.

Quelques temps plus tard, afin de châtier aussi les Syriens – quand on n’aime pas on ne compte pas – c’est le futur commandant Mafart, héros de l’affaire Greenpeace qui dirige à Damas un commando chargé de faire exploser le siège du parti Baas. Manque de lunettes ? L’équipe se trompe d’adresse et envoie au ciel une kyrielle de citoyens sans histoire. Deux ans plus tard, à Beyrouth, la CIA venge elle aussi ses pioupious étoilés, et tente de faire sauter le cheikh Fadlallah, chef caché du Hezbollah... Le religieux n’est même pas ébouriffé par le souffle, mais 80 de ses voisins trouvent la mort.

Tout cela pour vous dire que les représailles, type Macron-Le Drian, et autres experts du biniou, c’est d’abord dangereux pour les équidés et les voisins.

En 1991 les Étasuniens bombardent l’abri d’Amiriya à Bagdad. Là encore c’est un ami indigène qui me sort du lit : « Vite, ils ont bombardé un abri... ». Dix minutes plus tard nous sommes devant le cube de béton chauffé par le feu des missiles. De l’intérieur on va sortir 408 corps d’enfants de femmes et de vieillards. La « bavure » de la « frappe » dite « chirurgicale » est énorme, un crime de guerre. Et je ne suis pas très fier d’avoir en poche un passeport de la Communauté bombardeuse.

Heureusement, depuis ma radio ondes courtes je peux capter la vérité venue de Paris, Londres ou Washington. Les journalistes et experts sont d’accord. L’abri d’Amiriya était un objectif militaire utilisé par Saddam Hussein pour se cacher ! A entendre cela, les oreilles m’en tombent. Même le « Jane’s », le super dico qui vous détaille les outils liés à la guerre, est formel, cet abri de Bagdad est bien un « shelter », l’un des 17 édifices civils qui permettent à la population de la capitale irakienne de se protéger des missiles venus d’Iran. Ici donc ni Saddam ni rien de militaire. Mais pas d’excuses, pas de procès, pas de vengeance... N’est-ce pas une chance que de mourir sous le feu de la liberté et de la justice. OTAN en emporte de vent.

Et pourtant, ça bégaie, sa radote sur les ondes. « Saddam caché entre les femmes et les enfants ». « Bullshit » comme on dit au Texas. L’US Air Force, soit intoxiquée, soit froidement, pour tester un missile face à deux mètres de béton, a cyniquement assassiné 408 irakiens qui, signalons-le, étaient aussi des êtres humains !

En 1998 le grand bombing circus de la Communauté internationale plante sa toile au Kosovo. Allons-y gaiment dans les représailles. Contre des ennemis de BHL et de Plenel, donc des ennemis de l’Humanité. Près d’un pont voisin de Pristina, dans la nuit, je crapahute dans un pâturage. Là-haut un bus se rendant à Nis a été confondu avec un char serbe (26 morts). Et j’éprouve alors, dans l’herbe, l’étrange sensation qu’il y a à marcher sur le bras arraché d’un enfant.

Autres représailles plus au sud du Kosovo. Cette fois, les pilotes d’élite ont pris une colonne de tracteurs pour un défilé de chars. Les engins agricoles sont réduits en mâchefer et la soixantaine de corps en boulets de charbon. Le principal étant que la démocratie naisse enfin dans la poussière d’uranium appauvri. Ce qui, à la longue, doit donner de bien jolies fleurs.

Jacques-Marie BOURGET

COMMENTAIRES  

18/04/2018 06:15 par François de Marseille

Merci pour ce témoignage, le fait que nos gouvernement nous mentent en cachant ses forfaits prouve qu’il a peur d’une prise de conscience de la population.

18/04/2018 09:19 par BEYER Michel

L’arrivée sur le terrain de l’OIAC a-t-elle calmé les ardeurs de nos médias ????
Pas un mot sur la Syrie dans "Ouest-France" et "Télégramme"

18/04/2018 09:35 par J.J.

Un autre rappel d’un tour de force de nos aviateurs militaires à qui l’on fait cultiver la tradition : le bombardement le 8 février 1958 du village tunisien de Sakiet Sidi Youssef. Ce village est situé en Tunisie, un pays avec lequel la France n’était pas en très bonnes relations, mais pas en guerre non plus. Donc violation délibérée de la souveraineté tunisienne et de son espace aèrien.
Bilan : plus de 70 morts, dont 12 enfants de l’école du village, et plus de 140 blessés.

18/04/2018 16:51 par JUPITER

L’émotion et l’indignation par l’image .
Le western USA/IRAK DE 2003

Les ETATS-UNIS et surtout Dick CHENEY (exempt de service militaire parce que étudiant fut désigné comme secrétaire à la défense sous BUSH père.

Il A durant « Tempête du désert » , sous un prétexte fallacieux (la fameuse pour ne pas dire la fumeuse affaire des couveuses du KOWIET) donné le point de départ du déclanchement de la 1° Guerre d’Irak .

Il ne faut pas oublier que Paul WOLFOWITZ à en 1991 demandé à ce que les Américains aident les KURDES du nord de l’IRAK à se révolter contre SADDAM HUSSEIN.

Début de l’opération de « TEMPETE DU DESERT » avec la rumeur des couveuses du KOWEIT :

Donc comment faire connaitre l’Irak aux Américains et encore plus, comment les convaincre de la nécessitée « humaine » d’envoyer leurs enfants faire la guerre dans ce pays méconnu ? C’est bien là, que le scénariste a eu recourt aux médias : Des images de cadavres, d’enfants tués et de femmes Koweitiennes massacrées par le régime de Saddam commencent à hanter les télévisions et les journaux.

Et puisque dans tout scénario on a besoin d’un élément déclencheur qui stimule et déclenche un changement dans la situation, ici, le scénariste a eu recourt à la présumée histoire des incubateurs de bébés prématurés que les Irakiens ont arrachés dans les hôpitaux au Koweït.

C’est précisément un témoignage d’une jeune fille de 15 ans ( se trouvant aux Etats Unis) qui raconte avoir vu des bébés à qui on arrachait les incubateurs et ont laissaient mourir, qui secoue l’opinion publique

. Devant ce témoignage, les Occidentaux de la comite du congrès sur les droits de la personne, ne peuvent que verser leurs larmes.

Et donc :

Très touché par cette histoire, M. Bush avec l’accord du Prix Nobel de la Paix, Henry Kissinger, décidèrent, et d’un geste héroïque, d’envahir l’Irak et de tuer le méchant.

2° Guerre du golfe 2003, cette fois –ci Dick CHENEY et ses compères : Donald RUMSFELD (secrétaire d’Etat à la défense), Tommy FRANCK, Paul WOLFOWITZ, douglas FEITH ouvrirent un BUREAU DES PROGETS SPECIAUX (OFFICE SPECIAL PLAN).

Il ne faut pas oublier que le travail de cette officine fut de falsifier le matériel fourni par la C.I.A. et les renseignements militaires, afin de gonfler la menace des A.M.D. et fourni sciemment des fausses informations à l’O.N.U., par l’intermédiaire de Colin Powell avec son affaire des fausses fioles d’armes de destructions massives.

Les compères Dick CHENEY, Donald RUMSFELD, et le chef de cabinet Lewis LIBBY, n’hésiteront à bruler l’identité d’une fonctionnaire de la C.I.A. : Valérie PALME.

Pour quel résultat ???????

18/04/2018 18:36 par Opposum

Je conseille aux plus téméraires de regarder le "C dans l’air" de ce mercredi 18/04/18 consacré, en partie, aux bombardements opérés par la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis. Tout y passe : pétition de principe (tout le monde sait que...), manichéisme (pro-asssad vs anti-assad), sophisme par association (des médias alternatifs et des citoyens sceptiques disent A, la propagande russe dit A, donc les médias alternatifs et les citoyens sceptiques sont victimes de la propagande quand ils ne la propagent pas)... Florilège ! Et tout ça en l’espace d’un seul et unique tour de table. Félicitations !

18/04/2018 19:34 par Daniel BESSON

En réponse à J.J.
Sakiet était une opération parfaitement planifiée depuis longtemps , et légitime , en cas de provocation du FLN et de Bourguiba .
Lire " Le bombardement de Sakiet Sidi Youssef en 1958 et la complexité de la guerre d’Algérie " par Jacques Valette disponible sur cairn.info
Le gouvernement Tunisien a , en particulier , interdit l’accès de la mine et des zones forestiéres afin de cacher les pertes militaires du FLN
Je suis sur que l’excellentissime collection " Les journaux de guerre " consacrera un numéro à ce fait de guerre , avec son honnêteté intellectuelle coutumière !

19/04/2018 15:25 par J.J.

une opération parfaitement planifiée depuis longtemps , et légitime
J’ignorais qu l’on avait le "droit", la légitimité d’aller bombarder chez les voisins, sans parler du brillant résultat de l’opération .....
Ça me donne une idée : je vais aller dans le jardin de mes voisins couper l’arbre qui me fait de l’ombre.

20/04/2018 09:42 par Assimbonanga

Comme il n’y a pas d’article consacré au sujet NDDL visible sur toute la page du site LGS, je poste ici...
C’est un miracle qu’il n’y ait pas eu de morts à NDDL. La zone est envahi par des fourgons, camions, blindés, engins, survolée à tout instant par drones et hélicoptères. On y coupe l’électricité et l’eau sans respect des droits de l’homme et ne parlons pas des animaux qui sont là au milieu. Pendant l’expulsion d’une des habitations, un habitant a été roué de coup et immobilisé dans une flaque d’eau puis abandonné devant un hôpital psychiatrique. La température de son corps était tombée à 35°.
Les grenades ne sont pas lancées comme elles le devraient au ras du sol mais à tir tendu ou en cloche, visant les visages. Si, comme nous le disait Geb dans un de ses commentaires, certaines de nos troupes sont formées à bonne école auprès de spécialistes et d’expert du "maintien de l’ordre" tel qu’Israël peut en fournir, on imagine le respect des droits humains dont elles sont porteuses ! On imagine aussi que certains parmi les gendarmes piaffent de pouvoir en découdre vraiment. Dans les facs, ils ne se sont pas gênés pour taper à coup de matraques des étudiants à peine tirés de leur sommeil...
Bien sûr, c’est pas la Syrie. Evidemment. Mais le ferment y est. Et il y a toujours un début à tout. On n’oublie pas les perquisitions pendant la cop21, on n’oublie pas la fillette blessée dans un appartement parce que sa famille était d’origine maghrébine pendant les attentats. Etc...

20/04/2018 13:41 par legrandsoir

Comme il n’y a pas d’article consacré au sujet NDDL visible sur toute la page du site LGS,

On publie surtout ce qu’on reçoit. Ne vous avait-on pas naguère encouragé à écrire un article ? Allez...

20/04/2018 15:17 par depassage

Assimbonanga
Je vous comprends parfaitement. Mais la douleur, chacun la sent à sa manière, il fait crier certains et fait rentrer d’autres dans le mutisme. Quand en s’engage pour une cause, il faut s’attendre à tous les coups tordus possibles et imaginaires. Je ne peux pas deviner dans quel état vous êtes, mais vous me donner l’impression d’être trop sensible, ce qui n’est pas un défaut en soi car cela aiguise notre acuité cognitive. Quant aux luttes, elles se rejoignent toutes quel que soit le pays où elles se déroulent, car elles dérivent toutes des mêmes causes dans certaines sont bien cacher au commun des mortels du fait qu’on prend beaucoup de choses comme évidentes, alors qu’elles ne le sont pas. Comme c’est long à expliquer, je vais en rester là. Bon courage.

20/04/2018 17:23 par Assimbonanga

@Depassage, merci. C’est vrai ! Vous avez expliqué suffisamment. J’ai tendance à me mettre la rate au court-bouillon. Piano, pianissimo ! Et je vois apparaître, ô miracle, un article signé VILA. Tout arrive.

21/04/2018 05:07 par depassage

Daniel BESSON
Tellement la bêtise humaine est commune, je me suis longtemps retenu de vous répondre, mais j’aimerai vous poser la question suivante : De quelle légitimité vous parlez, de celle de l’animal ou de celle de l’être humain ?
Si c’est de celle de l’animal, je suis d’accord avec vous, on n’a rien à se dire. Tout est permis. Qu’advienne que pourra et surtout ne venait pas me dire que vous êtes un être civilisé. Et je ne prétends pas l’être, mais je pense que cela vaut le coup de sauvé quelques meubles.

21/04/2018 13:01 par Daniel BESSON

Cit : [ Ça me donne une idée : je vais aller dans le jardin de mes voisins couper l’arbre qui me fait de l’ombre.]
Si votre voisin vous jette des pierres ou tire sur vous depuis son jardin , vous avez plusieurs options :
1- Appeler la Police Nationale - ONU - pour qu’elle le neutralise !
2- Sauter par dessus la haie , lui donner un bon gros bourre-pif pour qu’il cesse une bonne fois pour toute !

21/04/2018 13:58 par babelouest

Je vois que certains ont une vision très "OXYDANTale de la situation... Ceux-là n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes si LGS réagit.

21/04/2018 14:54 par J.J.

Daniel Besson
C’est bien ce que je dis : la solution 1 est est la bonne.
La 2, comme à Sakiet, est illégale et démontre un manque absolu de sens moral, de goujaterie et de sang froid.
Il semble me souvenir d’ailleurs, qu’à l’époque, la France avait été condamnée par l’ONU pour quelques autres sanglantes broutilles pas vraiment honorables.

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