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L’inéluctable destin du néolibéralisme

Les laudateurs du néolibéralisme ne tarissent pas d’éloges à l’encontre de ce mode particulier de gestion de l’économie capitaliste et des sociétés qui le portent. Par l’extension toujours plus large de son périmètre et de la liberté de ses acteurs le Marché est paré de toutes les vertus.

Il serait le plus à même de générer la Richesse, de répondre au mieux aux besoins des individus et de l’Humanité, de contenir raisonnablement les inégalités socio-économiques. Le quidam moyen qui n’a pas eu le courage de lire les cogitations profondes des théoriciens patentés du néolibéralisme – tels Hayek ou Friedman – mais garde les yeux ouverts sur l’actualité du monde qui l’entoure, peine à croire à ces promesses énoncées voilà soixante ans au moins et savamment entretenues depuis. On lui répond qu’il est trop impatient, que les efforts nécessaires pour parvenir à tous ces bienfaits n’ont pas encore été suffisants, que cela ne serait qu’une question de temps. L’observateur critique reprend alors la parole pour poser une question faussement naïve : pourquoi le temps du néolibéralisme rime-t-il avec toujours plus d’autoritarisme ? Il est peut-être temps de prendre vraiment conscience que le néolibéralisme n’est pas qu’une simple rénovation du libéralisme économique forgé au XIXe siècle. Le vertige alors pourrait nous saisir.

Un apparent oxymore doucement s’impose dans les commentaires relatifs à la marche des affaires du monde économique : libéralisme autoritaire. Comment un système de pensée et d’action promettant aux Hommes d’aller vers toujours plus de libertés peut-il être en même temps facteur d’un surcroît d’autoritarisme ? Loin des livres des doctes savants néolibéraux la réalité du fonctionnement de nos sociétés contemporaines prouve magistralement qu’il n’est ici aucune contradiction. La libéralisation des marchés a besoin, pour être partout acceptée, d’un durcissement des lois envers les individus ne s’adaptant pas assez vite – quand ils ne les refusent pas – aux nouvelles règles du jeu économique et social. Nous faisons mine de croire que ceci est nouveau. C’est que nous avons la mémoire courte.

Dès octobre 1987, le magistrat Jean-Paul Jean publiait dans Le Monde Diplomatique un long article, déjà intitulé « Le libéralisme autoritaire », où il pointait minutieusement les transformations du Droit imputables à l’adaptation forcée au nouvel ordre économique. Il y écrivait en substance : "C’est uniquement en développant la répression que la société libérale peut se maintenir, en jouant sur les peurs et insécurités qu’elle-même produit. L’idéologie sécuritaire permet à la société libérale-autoritaire de trouver une cohérence et une identité par l’enfermement et l’exclusion de populations-cibles. Dans cette logique s’inscrivent ceux qui augmentent délibérément le nombre de détenus dans les prisons, qui veulent enfermer les toxicomanes, placer les adolescents difficiles dans des centres fermés, expulser un maximum d’immigrés. Poussée un peu plus loin, cette logique folle rejoint celle de M. Jean-Marie Le Pen et de ses « sidatoriums pour sidaïques ». Sa constante : éliminer des individus socialement repérés et éviter d’aborder les problèmes de fond auxquels nul ne peut apporter une réponse immédiate." Depuis lors, nous n’avons plus jamais quitté ce contexte mortifère. Seule change la manière de le concrétiser au fil des inventions économiques ou technologiques dont le modèle dominant n’est jamais avare et au gré de la réponse répressive plus ou moins forte apportée aux « retardataires ».

Cependant, la nécessité de l’adaptation ne concerne pas seulement des groupes d’individus épars. Désormais, nous sommes envahis par un sentiment tenace et oppressant, d’un retard généralisé, sentiment renforcé par l’injonction permanente à s’adapter au rythme des mutations d’un monde complexe difficile à saisir dans toutes ses dimensions. Nous assistons à une véritable colonisation du champ économique, social et politique par le lexique biologique de l’évolution. Retracer la généalogie de cet impératif nous ramène aux Etats-Unis Des années 1930 aux sources d’une pensée politique, puissante et structurée, qui a proposé un discours très charpenté sur le retard de l’espèce humaine au regard de son environnement et de son avenir. Cette pensée a reçu dès lors le nom de « néolibéralisme » : néo car, contrairement à l’ancien qui misait sur la libre régulation du marché pour stabiliser l’ordre des choses, le nouveau en appelle aux prérogatives de l’État (droit, éducation, protection sociale) afin de transformer l’espèce humaine et construire ainsi artificiellement le marché : une biopolitique aurait dit Michel Foucauld. Pour Walter Lippmann, théoricien étasunien de ce nouveau libéralisme, il ne faisait aucun doute que les « masses » sont accrochées à la stabilité de l’état social (la stase, en termes biologiques), face aux flux incessants de l’économie qui les déstabilisent. Seul un gouvernement d’experts serait en mesure de déterminer la voie de l’évolution des sociétés engluées dans le conservatisme des statuts. Cela ne vous rappelle rien ? C’est beau comme la Macronie !

Face au destin funeste du néolibéralisme, peut-on néanmoins garder une dose d’optimisme ? Hier, Lippmann s’était heurté à John Dewey, grand penseur du pragmatisme aux États-Unis, qui, à partir d’un même constat, appelait à mobiliser l’intelligence collective du peuple, à multiplier les initiatives démocratiques, à inventer par le bas l’avenir collectif. Il existe donc une autre interprétation possible du sens de la vie et de ses évolutions. Il est grand temps de la faire vivre !

Yann Fiévet

COMMENTAIRES  

26/02/2019 19:58 par sergio

justement parlons en du néolibéralisme..., et les yeux dans les yeux !
un citoyen ordinaire qui souhaite l’extinction pure et simple de votre classe de merdeux racistes et de parasites sociaux !
bien, je pense qu’il est grand temps de mettre les points sur les I !, bien que vous (ils se seront bien entendu reconnus) contrôliez 99,9% (il s’agit, vous l’aurez compris, des membres du gang de voleurs qui appartient au 0,1% d’arnaqueurs patentés qui imposent aux monde entier leur dictature !) des medias importants (il s’agit de ces 4 ou 5 merdeux, multimilliardaires, inutile de se demander comment ils nous ont volés tout ce pognon, mais bien comment, et depuis combien d’années ils nous l’on volé !, et grâce et ces vols, ces petits malins contrôlent tous les groupes de médias importants : journaux (les pires torchons que l’ont puissent imaginer !), une profusion de chaines télés ou radios (souvent d’Etat, c.-à-d., payées avec notre pognon !) et une multitude de sites « sociaux » (et bien d’autres moyens à leur portée), pour produire l’arnaque : asticot 1er, c.-à-d., l’ennuyeux macron, qui conduit inexorablement notre cher pays à la soumission totale des diktats européistes (de l’UE, institution juridiquement et institutionnellement, anti-démocratique !) et aux Etats-Unis d’Amérique du nord, dont on ne compte plus (tellement ils sont nombreux) les crimes de guerres et contre l’Humanité (et de tous les salopards du 0,1%, qui aurait soi-disant gagné leur guerre de classe)… et dans un article qui se veut, ou se voulait « objectif », « le Monde diplomatique », publie une abondante liste d’injures et de menaces en tous genres (surtout de mort) contre les Gilets jaunes, dont les auteurs devront en répondre (et de multiples manière, car pour certaines injures et menaces, il ne s’agit pas du tout de menaces en l’air, mais bien de menaces réelles, et cette mise en demeure, parfaitement légale et solennelle, après bien entendu la prise du pouvoir par le peuple français, c.-à-d., prise du pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Voici donc, quelques belles saloperies émises par les larbins d’un pouvoir autoritaire à la dérive, d’un racisme virulent envers le peuple français, issues d’un dictatorial :
Extrait d’un article paru sur le site « le Monde diplomatique », et intitulé « Lutte de classes en France » :
« … Ce genre de décomposition de la classe possédante est rare, mais il a pour corollaire une leçon qui a traversé l’histoire : ceux qui ont eu peur ne pardonnent ni à ceux qui leur ont fait peur ni à ceux qui ont été témoins de leur peur (2). Le mouvement des « gilets jaunes » — durable, insaisissable, sans leader, parlant une langue inconnue des institutions, tenace malgré la répression, populaire malgré la médiatisation malveillante des déprédations — a donc provoqué une réaction riche de précédents. Dans les instants de cristallisation sociale, de lutte de classes sans fard, chacun doit choisir son camp. Le centre disparaît, le marais s’assèche. Et alors, même les plus libéraux, les plus cultivés, les plus distingués oublient les simagrées du vivre-ensemble.
Saisis d’effroi, ils perdent leur sang-froid, tel Alexis de Tocqueville quand il évoque dans ses Souvenirs les journées de juin 1848. Les ouvriers parisiens réduits à la misère furent alors massacrés par la troupe que la bourgeoisie au pouvoir, persuadée que « le canon seul peut régler les questions [du] siècle (3) », avait dépêchée contre eux.
Décrivant le dirigeant socialiste Auguste Blanqui, Tocqueville en oublie alors ses bonnes manières : « L’air malade, méchant, immonde, une pâleur sale, l’aspect d’un corps moisi (…). Il semblait avoir vécu dans un égout et en sortir. Il me faisait l’effet d’un serpent auquel on pince la queue. »
Une même métamorphose de la civilité en fureur s’opère au moment de la Commune de Paris. Et elle saisit cette fois de nombreux intellectuels et artistes, progressistes parfois — mais de préférence par temps calme. Le poète Leconte de Lisle s’emporte contre « cette ligue de tous les déclassés, de tous les incapables, de tous les envieux, de tous les assassins, de tous les voleurs ». Pour Gustave Flaubert, « le premier remède serait d’en finir avec le suffrage universel, la honte de l’esprit humain ». Rasséréné par le châtiment (vingt mille morts et près de quarante mille arrestations), Émile Zola en tirera les leçons pour le peuple de Paris : « Le bain de sang qu’il vient de prendre était peut-être d’une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres (4). »
Autant dire que le 7 janvier dernier, M. Luc Ferry, agrégé de philosophie et de science politique, mais aussi ancien ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, pouvait avoir en tête les outrances de personnages au moins aussi galonnés que lui lorsque la répression des « gilets jaunes » (lire « Des violences policières aux violences judiciaires »), trop indolente à ses yeux, lui arracha — sur Radio Classique… — cette injonction aux gardiens de la paix : « Qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois » contre « ces espèces de nervis, ces espèces de salopards d’extrême droite ou d’extrême gauche ou des quartiers qui viennent taper du policier ».Puis M. Ferry songea à son déjeuner.
D’ordinaire, le champ du pouvoir se déploie en composantes distinctes et parfois concurrentes : hauts fonctionnaires français ou européens, intellectuels, patrons, journalistes, droite conservatrice, gauche modérée. C’est dans ce cadre aimable que s’opère une alternance calibrée, avec ses rituels démocratiques (élections puis hibernation). Le 26 novembre 1900 à Lille, le dirigeant socialiste français Jules Guesde disséquait déjà ce petit manège auquel la « classe capitaliste » devait sa longévité au pouvoir : « On s’est divisé en bourgeoisie progressiste et en bourgeoisie républicaine, en bourgeoisie cléricale et en bourgeoisie libre-penseuse, de façon à ce qu’une fraction vaincue pût toujours être remplacée au pouvoir par une autre fraction de la même classe également ennemie. C’est le navire à cloisons étanches qui peut faire eau d’un côté et qui n’en demeure pas moins insubmersible. » Il arrive cependant que la mer s’agite et que la stabilité du vaisseau soit menacée. Dans un tel cas, les querelles doivent s’effacer devant l’urgence d’un front commun.
Face aux « gilets jaunes », la bourgeoisie a effectué un mouvement de ce type. Ses porte-parole habituels, qui, par temps calme, veillent à entretenir l’apparence d’un pluralisme d’opinions, ont associé d’une même voix les contestataires à une meute de possédés racistes, antisémites, homophobes, factieux, complotistes. Mais surtout ignares. « “Gilets jaunes” : la bêtise va-t-elle gagner ? », interroge Sébastien Le Fol dans Le Point (10 janvier). « Les vrais “gilets jaunes”, confirme l’éditorialiste Bruno Jeudy, se battent sans réfléchir, sans penser » (BFM TV, 8 décembre). « Les bas instincts s’imposent au mépris de la civilité la plus élémentaire », s’alarme à son tour le roturier Vincent Trémolet de Villers (Le Figaro,4 décembre).
Car ce « mouvement de beaufs poujadistes et factieux » (Jean Quatremer), conduit par une « minorité haineuse » (Denis Olivennes), est volontiers assimilé à un « déferlement de rage et de haine » (éditorial du Monde) où des « hordes de minus, de pillards » « rongés par leurs ressentiments comme par des puces » (Franz-Olivier Giesbert) donnent libre cours à leurs « pulsions malsaines »(Hervé Gattegno). « Combien de morts ces nouveaux beaufs auront-ils sur la conscience ? », s’alarme Jacques Julliard.
Inquiet lui aussi des « détestations nues et aveugles à leur propre volonté », Bernard-Henri Lévy condescend cependant à signer dans… Le Parisien une pétition, agrémentée des noms de Cyril Hanouna, Jérôme Clément et Thierry Lhermitte, pour inviter les « gilets jaunes » à « transformer la colère en débat ». Sans succès… Mais, Dieu soit loué, soupire Pascal Bruckner, « la police, avec sang-froid, a sauvé la République » contre les « barbares » et la « racaille cagoulée » (5).
D’Europe Écologie – Les Verts (EELV) aux débris du Parti socialiste, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) aux deux animateurs de la matinale de France Inter (un « partenariat de l’intelligence », au dire de la directrice de la station), tout un univers social s’est retrouvé pour pilonner les personnalités politiques bienveillantes envers le mouvement. Leur tort ? Attenter à la démocratie en ne se montrant pas solidaires de la minorité apeurée. Comment contrer de tels gêneurs ? User d’une vieille ficelle : rechercher tout ce qui pourrait associer un porte-parole des « gilets jaunes » à un point de vue que l’extrême droite aurait un jour défendu ou repris. Mais, à ce compte-là, devrait-on aussi encourager les violences contre des journalistes au motif que Mme Marine Le Pen, dans ses vœux à la presse, voit en elles « la négation même de la démocratie et du respect de l’autre sans lequel il n’est pas d’échange constructif, pas de vie démocratique, pas de vie sociale » (17 janvier) ?
Jamais le sursaut du bloc bourgeois qui forme le socle électoral de M. Emmanuel Macron (6) ne s’est dévoilé aussi crûment que le jour où Le Monde a publié le portrait, empathique, d’une famille de « gilets jaunes », « Arnaud et Jessica, la vie à l’euro près » (16 décembre). Un millier de commentaires enragés ont aussitôt déferlé sur le site du journal. « Couple pas très futé… La vraie misère ne serait-elle pas, dans certains cas, plus culturelle que financière ? », estimait un lecteur. « Le problème pathologique des pauvres : leur capacité à vivre au-dessus de leurs moyens », renchérissait un second. « N’imaginez pas en faire des chercheurs, des ingénieurs ou des créateurs. Ces quatre enfants seront comme leurs parents : une charge pour la société », tranchait un troisième. « Mais qu’attendent-ils du président de la République ?, s’insurgeait un autre. Qu’il se rende chaque jour à Sens pour veiller à ce que Jessica prenne bien sa pilule ?! » La journaliste auteure du portrait chancela devant ce « déluge d’attaques » aux « accents paternalistes » (7). « Paternalistes » ? Il ne s’agissait pas, pourtant, d’une dispute de famille : les lecteurs d’un quotidien réputé pour sa modération sonnaient plutôt le tocsin d’une guerre de classes.
Tous ces abrutis à la solde du pouvoir, sont évidemment cités présentement et devront répondre de leurs ignobles déclarations devant le peuple français…, à bon entendeur !

26/02/2019 20:01 par sergio

un citoyen ordinaire qui souhaite l’extinction pure et simple de votre classe de merdeux racistes et de parasites sociaux !

bien, je pense qu’il est grand temps de mettre les points sur les "I" !, bien que vous (ils se seront bien entendu reconnus) contrôliez 99,9% (il s’agit, vous l’aurez compris, des membres du gang de voleurs qui appartient au 0,1% d’arnaqueurs patentés qui imposent aux monde entier leur dictature !) des medias importants (il s’agit de ces 4 ou 5 merdeux, multimilliardaires, inutile de se demander comment ils nous ont volés tout ce pognon, mais bien comment, et depuis combien d’années ils nous l’on volé !, et grâce et ces vols, ces petits malins contrôlent tous les groupes de médias importants : journaux (les pires torchons que l’ont puissent imaginer !), une profusion de chaines télés ou radios (souvent d’Etat, c.-à-d., payées avec notre pognon !) et une multitude de sites « sociaux » (et bien d’autres moyens à leur portée), pour produire l’arnaque : asticot 1er, c.-à-d., l’ennuyeux macron, qui conduit inexorablement notre cher pays à la soumission totale des diktats européistes (de l’UE, institution juridiquement et institutionnellement, anti-démocratique !) et aux Etats-Unis d’Amérique du nord, dont on ne compte plus (tellement ils sont nombreux) les crimes de guerres et contre l’Humanité (et de tous les salopards du 0,1%, qui aurait soi-disant gagné leur guerre de classe)… et dans un article qui se veut, ou se voulait « objectif », « le Monde diplomatique », publie une abondante liste d’injures et de menaces en tous genres (surtout de mort) contre les Gilets jaunes, dont les auteurs devront en répondre (et de multiples manière, car pour certaines injures et menaces, il ne s’agit pas du tout de menaces en l’air, mais bien de menaces réelles, et cette mise en demeure, parfaitement légale et solennelle, après bien entendu la prise du pouvoir par le peuple français, c.-à-d., prise du pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Voici donc, quelques belles saloperies émises par les larbins d’un pouvoir autoritaire à la dérive, d’un racisme virulent envers le peuple français, issues d’un dictatorial :

Extrait d’un article paru sur le site « le Monde diplomatique », et intitulé « Lutte de classes en France » :

« … Ce genre de décomposition de la classe possédante est rare, mais il a pour corollaire une leçon qui a traversé l’histoire : ceux qui ont eu peur ne pardonnent ni à ceux qui leur ont fait peur ni à ceux qui ont été témoins de leur peur (2). Le mouvement des « gilets jaunes » — durable, insaisissable, sans leader, parlant une langue inconnue des institutions, tenace malgré la répression, populaire malgré la médiatisation malveillante des déprédations — a donc provoqué une réaction riche de précédents. Dans les instants de cristallisation sociale, de lutte de classes sans fard, chacun doit choisir son camp. Le centre disparaît, le marais s’assèche. Et alors, même les plus libéraux, les plus cultivés, les plus distingués oublient les simagrées du vivre-ensemble.
Saisis d’effroi, ils perdent leur sang-froid, tel Alexis de Tocqueville quand il évoque dans ses Souvenirs les journées de juin 1848. Les ouvriers parisiens réduits à la misère furent alors massacrés par la troupe que la bourgeoisie au pouvoir, persuadée que « le canon seul peut régler les questions [du] siècle (3) », avait dépêchée contre eux.
Décrivant le dirigeant socialiste Auguste Blanqui, Tocqueville en oublie alors ses bonnes manières : « L’air malade, méchant, immonde, une pâleur sale, l’aspect d’un corps moisi (…). Il semblait avoir vécu dans un égout et en sortir. Il me faisait l’effet d’un serpent auquel on pince la queue. »
Une même métamorphose de la civilité en fureur s’opère au moment de la Commune de Paris. Et elle saisit cette fois de nombreux intellectuels et artistes, progressistes parfois — mais de préférence par temps calme. Le poète Leconte de Lisle s’emporte contre « cette ligue de tous les déclassés, de tous les incapables, de tous les envieux, de tous les assassins, de tous les voleurs ». Pour Gustave Flaubert, « le premier remède serait d’en finir avec le suffrage universel, la honte de l’esprit humain ». Rasséréné par le châtiment (vingt mille morts et près de quarante mille arrestations), Émile Zola en tirera les leçons pour le peuple de Paris : « Le bain de sang qu’il vient de prendre était peut-être d’une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres (4). »
Autant dire que le 7 janvier dernier, M. Luc Ferry, agrégé de philosophie et de science politique, mais aussi ancien ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, pouvait avoir en tête les outrances de personnages au moins aussi galonnés que lui lorsque la répression des « gilets jaunes » (lire « Des violences policières aux violences judiciaires »), trop indolente à ses yeux, lui arracha — sur Radio Classique… — cette injonction aux gardiens de la paix : « Qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois » contre « ces espèces de nervis, ces espèces de salopards d’extrême droite ou d’extrême gauche ou des quartiers qui viennent taper du policier ».Puis M. Ferry songea à son déjeuner.
D’ordinaire, le champ du pouvoir se déploie en composantes distinctes et parfois concurrentes : hauts fonctionnaires français ou européens, intellectuels, patrons, journalistes, droite conservatrice, gauche modérée. C’est dans ce cadre aimable que s’opère une alternance calibrée, avec ses rituels démocratiques (élections puis hibernation). Le 26 novembre 1900 à Lille, le dirigeant socialiste français Jules Guesde disséquait déjà ce petit manège auquel la « classe capitaliste » devait sa longévité au pouvoir : « On s’est divisé en bourgeoisie progressiste et en bourgeoisie républicaine, en bourgeoisie cléricale et en bourgeoisie libre-penseuse, de façon à ce qu’une fraction vaincue pût toujours être remplacée au pouvoir par une autre fraction de la même classe également ennemie. C’est le navire à cloisons étanches qui peut faire eau d’un côté et qui n’en demeure pas moins insubmersible. » Il arrive cependant que la mer s’agite et que la stabilité du vaisseau soit menacée. Dans un tel cas, les querelles doivent s’effacer devant l’urgence d’un front commun.
Face aux « gilets jaunes », la bourgeoisie a effectué un mouvement de ce type. Ses porte-parole habituels, qui, par temps calme, veillent à entretenir l’apparence d’un pluralisme d’opinions, ont associé d’une même voix les contestataires à une meute de possédés racistes, antisémites, homophobes, factieux, complotistes. Mais surtout ignares. « “Gilets jaunes” : la bêtise va-t-elle gagner ? », interroge Sébastien Le Fol dans Le Point (10 janvier). « Les vrais “gilets jaunes”, confirme l’éditorialiste Bruno Jeudy, se battent sans réfléchir, sans penser » (BFM TV, 8 décembre). « Les bas instincts s’imposent au mépris de la civilité la plus élémentaire », s’alarme à son tour le roturier Vincent Trémolet de Villers (Le Figaro,4 décembre).
Car ce « mouvement de beaufs poujadistes et factieux » (Jean Quatremer), conduit par une « minorité haineuse » (Denis Olivennes), est volontiers assimilé à un « déferlement de rage et de haine » (éditorial du Monde) où des « hordes de minus, de pillards » « rongés par leurs ressentiments comme par des puces » (Franz-Olivier Giesbert) donnent libre cours à leurs « pulsions malsaines »(Hervé Gattegno). « Combien de morts ces nouveaux beaufs auront-ils sur la conscience ? », s’alarme Jacques Julliard.
Inquiet lui aussi des « détestations nues et aveugles à leur propre volonté », Bernard-Henri Lévy condescend cependant à signer dans… Le Parisien une pétition, agrémentée des noms de Cyril Hanouna, Jérôme Clément et Thierry Lhermitte, pour inviter les « gilets jaunes » à « transformer la colère en débat ». Sans succès… Mais, Dieu soit loué, soupire Pascal Bruckner, « la police, avec sang-froid, a sauvé la République » contre les « barbares » et la « racaille cagoulée » (5).
D’Europe Écologie – Les Verts (EELV) aux débris du Parti socialiste, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) aux deux animateurs de la matinale de France Inter (un « partenariat de l’intelligence », au dire de la directrice de la station), tout un univers social s’est retrouvé pour pilonner les personnalités politiques bienveillantes envers le mouvement. Leur tort ? Attenter à la démocratie en ne se montrant pas solidaires de la minorité apeurée. Comment contrer de tels gêneurs ? User d’une vieille ficelle : rechercher tout ce qui pourrait associer un porte-parole des « gilets jaunes » à un point de vue que l’extrême droite aurait un jour défendu ou repris. Mais, à ce compte-là, devrait-on aussi encourager les violences contre des journalistes au motif que Mme Marine Le Pen, dans ses vœux à la presse, voit en elles « la négation même de la démocratie et du respect de l’autre sans lequel il n’est pas d’échange constructif, pas de vie démocratique, pas de vie sociale » (17 janvier) ?
Jamais le sursaut du bloc bourgeois qui forme le socle électoral de M. Emmanuel Macron (6) ne s’est dévoilé aussi crûment que le jour où Le Monde a publié le portrait, empathique, d’une famille de « gilets jaunes », « Arnaud et Jessica, la vie à l’euro près » (16 décembre). Un millier de commentaires enragés ont aussitôt déferlé sur le site du journal. « Couple pas très futé… La vraie misère ne serait-elle pas, dans certains cas, plus culturelle que financière ? », estimait un lecteur. « Le problème pathologique des pauvres : leur capacité à vivre au-dessus de leurs moyens », renchérissait un second. « N’imaginez pas en faire des chercheurs, des ingénieurs ou des créateurs. Ces quatre enfants seront comme leurs parents : une charge pour la société », tranchait un troisième. « Mais qu’attendent-ils du président de la République ?, s’insurgeait un autre. Qu’il se rende chaque jour à Sens pour veiller à ce que Jessica prenne bien sa pilule ?! » La journaliste auteure du portrait chancela devant ce « déluge d’attaques » aux « accents paternalistes » (7). « Paternalistes » ? Il ne s’agissait pas, pourtant, d’une dispute de famille : les lecteurs d’un quotidien réputé pour sa modération sonnaient plutôt le tocsin d’une guerre de classes.

Tous ces abrutis à la solde du pouvoir, sont évidemment cités présentement et devront répondre de leurs ignobles déclarations devant le peuple français…, à bon entendeur !

26/02/2019 20:31 par cesaropapiste

Foucault Michel, merci pour lui. Sinon, intéressante lecture (ou écoute) d’une des vôtres ou affiliée, sans doute, Barbara Stiegler avec ses questionnements philosophico-économiques sur les flux, les stases etc etc etc :

https://m.youtube.com/watch?v=NeBWN9rMKMs

27/02/2019 04:57 par monde indien

Merci pour ces texte et commentaire . On ne peut qu ’ être d ’ accord . La principale tâche demeure : par quoi remplacer cet ignoble " marché " ? Ou si vous préférez , que doit être le système de distribution qu ’ il faut mettre à la place du marché ? Et sans-doute , comment se rendre indépendants de ceux qui s ’ accrocheront au marché et continueront de faire chier tout le monde ?
Amicalement ,
http://mondeindien.centerblog.net/

27/02/2019 20:36 par Daniel BESSON

@LeMondeIndien
La G-R-A-N-D-E différence entre ce que dit cette superbe femme très intelligente qu’est Barbara STIEGLER en traduisant la pensée de John DEWEY et l’escroquerie intellectuelle à laquelle se livre Yann FIVET c’est que John DEWEY n’a jamais été contre le Capitalisme . Au nom de la diversité des expériences et du pragmatisme il condamnait même l’ostracisme des " nations libres " des années 30 ( UKUSA - France - Pays Bas - Belgique " ), les " having " , contre l’ Italie fasciste , l’Allemagne Nazie et le Japon impérial , les " having not " , et leurs expériences de capitalisme neo-Colbertien statocentré . Attention , je n’écris pas qu’il défendait ces régimes .
John DEWEY fut un des inspirateurs du Planisme , au moins d’une de de ses branches puisque les Planistes " canal historique " privilégiaient les gouvernements d’experts . Il est cité - en bien - par Karl HAUSHOFER , Anton-Antoine ZISCHKA dans " Sieg der arbeit " ( Je dispose d’une des dernière éditions en Fraktur chez NS Verlag datant de 1941 , un collector collectorissime !) , et dans " Unser Amerika - Der deutsche Anteil an den Vereinigten Staaten " par Colin ROSS .
Camarade FIVET , vous n’êtes pas le seul à écouter France Culture …

27/02/2019 23:56 par Daniel BESSON

OUPS ! Mon commentaire s’adressait à @Cesaropapiste qui donnait le lien de l’émission de France Culture !
John DEWEY n’était pas " Anti-Darwiniste " mais au contraire traduisait l’essence même du Darwinisme : Les espèces s’adaptent à leur milieu et cette adaptation est plurivoque et non pas univoque à l’opposé de la théorie neo-libérale . A ce titre il peut y avoir plusieurs formes de capitalisme ou d’autres expériences économiques qui sont légitimes et susceptibles d’arriver à un optimum économique , celle des états dits " totalitaires " en étant une qu’il ne faut pas rejeter à priori . Le pragmatisme n’est pas anti-capitaliste ou anti-marché , loin de là .
Pour la petite histoire des idées aux USA , Walter Lippman a été un des supporters les plus tenaces du film " Gabriel over the White-House " qui soutenait une présidence dictatoriale aux USA sur le modèle supposé de … Mussolini !

28/02/2019 03:55 par Bruno

Message parallèle pour méditer sur le bienfait du néolibéralisme macroniste :

Christophe Castaner ou le lavage de cerveaux ou comment mentir effrontément à des enfants de 8 ans :
Vidéo : https://www.facebook.com/grenadesflashballinterdiction/videos/369511986983866/

28/02/2019 18:01 par Danael

Le libéralisme économique, ayant épuisé ses possibilités d’accumulation de taux profit, nous impose par cette nouvelle structure néolibérale non plus la "liberté de consommer" par carte de crédit et endettement important, mais "l’obligation de consommer" en imposant sans cesse de nouvelles normes obligatoires pour aller puiser ce qui reste dans les poches des classes inférieures plus nombreuses et donc plus rentables pour l’accumulation du capital entre les mains des nantis. Mais la valeur de ce capital ne correspondant plus à l’économie réelle et ne participant plus de celle-ci , pour contenir ce scandale social il lui faut d’abord une échappatoire fiscale imprenable, la légalisation par voie juridique de son vol fiscal et enfin la démonstration d’une autorité imbattable et incontournable par une répression diversifiée et systématique de l’appareil de l’État qu’il a mis sous sa tutelle. Cependant il est clair que ce système autoritaire ne tiendra pas longtemps face à un corps social largement paupérisé, sans futur et de plus en plus scandalisé par cette autorité aveugle, illégitime et abusive.

28/02/2019 21:35 par warnec

" Il n’y a pas lieu de tenir compte des ’murmures’ du peuple , il faut qu’il comprenne,, au contraire, que son opposition, ses mouvements et ses ’violences’ ne serviront qu’à faire prendre les mesures les plus efficaces pour le contenir ! "
TURGOT 12 Mars 1774
le grand réformateur (<=>libéral) français
La violence, le déni, le vol sont dans les gènes du libéralisme depuis sa naissance au 16e siècle...ce n’est pas une histoire nouvelle.

02/03/2019 10:30 par ozerfil

"Le Capitalisme assassine" : tout est dit sur cette pancarte !

Il assassine des Hommes, des Peuples, leurs droits fondamentaux, les Animaux, la Planète, etc... pour le profit avant tout, sans tenir compte de rien d’autre !!

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