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L’hitlérisation de Jeremy Corbyn (entre autres)

Chaque fois que vous pensez impossible que l’antisémitisme fabriqué, hystérique, de la corporatocratie ne puisse devenir plus grotesque, ils se débrouillent pour se surpasser. Alors à présent suivez bien parce que, ce coup-ci, c’est tordu.

Apparemment, le Hitler étasunien et ses hommes de main conspirent avec un certain groupe secret de « dirigeants juifs » pour empêcher le Hitler britannique de devenir Premier ministre et d’éliminer tous les juifs en Grande-Bretagne. Étonnant, non ? Mais ce n’est pas le plus bizarre, parce qu’il se pourrait que le Hitler étasunien ne veuille éliminer lui-même tous les juifs de Grande-Bretagne, plutôt que de laisser ça au Hitler britannique... Les Hitlers sont notoirement jaloux de leurs accomplissements génocidaires.

Non, ce qui est bizarre, c’est que tout le monde sait que le Hitler étasunien n’entreprend rien sans l’approbation du Hitler russe, qui lui aussi est obsédé par l’élimination de tous les juifs, et par la destruction des fondements de la démocratie occidentale. Aussi, pourquoi donc le Hitler Russe voudrait-il laisser le Hitler étasunien et ses gorilles entraver l’ascension du Hitler britannique, qui en plus de vouloir voir éliminer tous les juifs, veut également détruire la démocratie, en refinançant fascistement le NHS [National Health Service  : système de santé national britannique], en renationalisant le système ferroviaire, et ainsi de suite   ?

Tout ceci n’a pas beaucoup de sens, n’est-ce pas ? Quoi qu’il en soit, voici la version officielle.

Dans un « enregistrement divulgué au Washington Post, puis rebattu par le reste des médias institutionnels*, le Reichminister des Auswärtigen, Mike Pompeo, déclare à un groupe de « dirigeants juifs » anonyme que le Hitler étasunien (c’est-à-dire Donald Trump) « réagira » (c’est-à-dire interviendra) contre le Hitler britannique (c’est-à-dire Jeremy Corbyn) pour protéger la vie des juifs en Grande-Bretagne si le Hitler britannique devient Premier ministre (et qu’il est probablement déjà en train de le faire). L’identité de ces « dirigeants juifs » n’a pas été révélée par le masse-média, vraisemblablement pour empêcher qu’ils ne soient assassinés par les commandos nazis de Corbyn. Quelle que soit leur identité, ils voulaient savoir si le Hitler étasunien et son cabinet fasciste « étaient désireux de travailler (avec eux) pour prendre des mesures si la vie devenait très difficile pour les juifs » après que Jeremy Corbyn se serait emparé du pouvoir, auto-déclaré Führer de la Grande-Bretagne communiste, et eut ordonné l’invasion immédiate de la France.

Pour quiconque a suivi de près la couverture impitoyable par le masse-média* de la secte nazie morbide de Jeremy Corbyn (c’est-à-dire le parti travailliste britannique) et l’épidémie globale d’antisémitisme, ce n’est pas vraiment une surprise que ce groupe de « dirigeants juifs » (qui qu’ils puissent être) ne veuille l’empêcher de devenir premier ministre. Je doute que leurs motivations n’aient grand chose à voir avec l’antisémitisme, ou quoique ce soit d’autre de particulièrement « juif » mais... bon, je suis un peu vieux jeu de ce côté. Je persiste à croire qu’il y a une différence fondamentale entre « les juifs » et la classe dirigeante du capitalisme mondialisé.

Je réalise que tant l’establishment néo-libéral que la frange néo-fasciste sont en désaccord avec moi, et qu’ils sont pareillement déterminés (pour des raisons différentes) à amalgamer les deux dans l’esprit public, mais c’est comme ça que je le vois, et je m’y tiens. Je ne pense pas que le monde soit contrôlé par « les juifs ». Je pense qu’il est contrôlé par le capitalisme globalisé.

Allez-y, traitez-moi de conspirationniste. Voici mon avis sur la panique de l’antisémitisme au Royaume-Uni.

Après quasiment quarante ans de privatisations et de restructurations, la société britannique est à la veille d’être transformée en ce cauchemar libéral sauvage et néo-féodal que sont déjà les EU. Les classes dirigeantes capitalistes sont tout à fait enchantées de cette situation. Ils voudraient maintenant achever de privatiser le Royaume-Uni, afin de pouvoir continuer sur leur lancée et privatiser le reste de l’Europe. La dernière chose qu’ils veulent à ce moment charnière, c’est que Jeremy Corbyn devienne premier ministre et commence à essayer de refaire une société de leur place de marché néo-libérale en gestation. Vous savez, là ou les soins de santé sont garantis à tous, où vous n’avez pas besoin d’un hypothèque pour acheter un billet de train, et où les gens ne tirent pas leur nourriture des poubelles.

Contrairement aux EU, où il n’y a plus de gauche politique fonctionnelle, et ou le système non parlementaire des « deux-partis » est quasiment entièrement contrôlé par la corporatocratie, au Royaume-Uni il reste encore quelques socialistes à l’ancienne, et ils ont repris le parti travailliste aux larbins blairistes néo-libéraux qui ont géré la transformation du Royaume-Uni en ce cauchemar néo-féodal sus-mentionné. Jeremy Corbyn est le chef de file de ces socialistes. La corporatocratie doit donc le démolir, reprendre le contrôle du parti travailliste, et le transformer à nouveau en parti de gauche factice, à l’image du parti démocrate aux EU, afin de pouvoir se concentrer sur l’écrasement du populisme de droite. Ainsi, ils doivent hitlériser Corbyn, pour le faire rentrer dans leur version officielle : la Démocratie contre les Nazi-Poutines.

Et vous voyez, c’est ce qui donne à la « Guerre Contre le Populisme » de la ploutocratie cette apparence tellement psychotique… à tout le moins pour quiconque y paye attention.

Aux EU, le soulèvement populiste est d’abord un phénomène de droite (car, une fois de plus, il n’y a pas de gauche à proprement parler). Et donc, la classe dirigeante néo-libérale s’emploie à hitlériser Donald Trump et à stigmatiser les millions d’Étasuniens qui ont voté pour lui comme une bande de nazis. Hitlériser Donald Trump a été ridiculement facile (il s’hitlérise quasiment tout seul), mais l’objectif final est de délégitimer le sentiment populiste qui l’a porté à la présidence. Ce sentiment est essentiellement néo-nationaliste. C’est donc un front unique de contre-insurrection. (c’est-à-dire néo-libéralisme contre néo-nationalisme).

Au Royaume-Uni, les choses ne sont sont pas si simples. Là, la classe dirigeante néo-libérale mène une opération de contre-insurrection contre les forces populistes sur deux fronts principaux : (1) les brexiters (c’est-à-dire le nationalisme) et (2) les corbynistes (c’est-à-dire le socialisme). Ils sont attaqués à la fois par la droite et par la gauche, ce qui fout en l’air la narrative officielle (selon laquelle les « ennemis de la démocratie » sont censés être des néo-nationalistes d’extrême-droite). Ainsi, aussi absurde et contradictoire que cela paraisse, il leur fallait agréger à la fois les populismes de gauche et de droite en un seul grand méchant ennemi hitlérien. Il leur fallait donc hitlériser Corbyn. Presto... crise du parti travailliste antisémite !

Bon, quiconque n’est pas un crétin babillant sait que Jeremy Corbyn n’est pas antisémite et que le parti travailliste n’est pas un repaire de nazis. Le fait même qu’une telle déclaration doive être faite témoigne du pouvoir du masse-média*... C’est bien sur précisément le problème que pose la campagne de diffamation que le masse-média* néo-libéral mène depuis trois ans.

Une campagne de diffamation est efficace et simple à mener. L’objectif est de forcer votre cible et ses alliés à proclamer des choses comme « je ne suis pas un antisémite », ou « je n’ai jamais eu d’activité sexuelle avec des petits garçons », ou tout autre calomnie que vous voulez les forcer à nier. Vous n’avez pas à prouver la culpabilité de votre cible. Vous cherchez simplement à invoquer une « réalité » dans laquelle chaque fois que quelqu’un pense à votre cible, il l’associe avec le contenu de vos calomnies.

C’est exactement ce qu’a fait le masse-média*, à Jeremy Corbyn, à Donald Trump, à Poutine, et à diverses autres personnalités. Ils l’ont fait à Sanders en 2016, ils le font en ce moment même à Tulsi Gabbard. Le but n’est pas seulement de diffamer ces cibles, mais également, et même surtout, d’invoquer un « monde » qui réifie le récit de leurs calomnies... un monde binaire du « bien contre le mal », un monde dans lequel quoi que ce soit qu’ils décident d’associer à leur cible (terrorisme, fascisme, racisme, ou n’importe quoi) est l’ennemi officiel de tout ce qui est bien.

Depuis le référendum du brexit et l’élection de Trump, la classe dirigeante a inventé un monde ou la « démocratie » est perpétuellement sous le feu d’une conspiration globale de « russes » et de « nazis » (exactement de la même façon qu’ils avaient précédemment inventé un monde sous la menace perpétuelle des « terroristes »). Ils ont créé une réalité post-orwellienne dans laquelle la « démocratie » (c’est à dire le capitalisme mondialisé) est la seule alternative au « néo-fascisme » (c’est-à-dire tout ce qui s’oppose au capitalisme globalisé).

Et c’est pourquoi Corbyn devait être hitlérisé, et pourquoi Poutine, Trump, Assad, Gabbard, Assange, les protestataires « gilets jaunes » en France, et quiconque s’oppose au néo-libéralisme globalisé, doit être hitlérisé. Socialisme, nationalisme... ça ne fait aucune différence, pas pour la classe dirigeante du capitalisme global. Il n’y a toujours que deux côtés dans ces « mondes » que que la classe dirigeante invoque pour nous, et il ne peut y avoir qu’un ennemi officiel. L’ennemi officiel, en ce moment, c’est le « fascisme ». Par conséquent, tous les « méchants » sont Hitler, ou nazis, ou racistes, ou antisémites, ou quelqu’autre variation de Hitler.

Le fait que cette « réalité » qu’ils ont concocté pour nous est parfaitement psychotique ne la rend pas moins réelle. Et ça ne va faire que devenir encore plus dingue, jusqu’à ce que la corporatocratie restaure la « normalité ». Alors, si vous vous considérez comme « normal », foncez, et essayez de forcer votre esprit à croire que les juifs ne sont plus en sécurité en Grande-Bretagne, ou en Allemagne, ou en France, ou aux EU, et que Donald Trump est un agent russe, et aussi littéralement Adolf Hitler, et un antisémite suprémaciste blanc qui conspire avec Israël et l’Arabie saoudite dans leur campagne pour détruire l’Iran et la Syrie, qui sont des alliés de son maître russe, comme l’est le Venezuela, qui lui aussi est menaçant, et que le plan secret de Jeremy Corbyn est de transformer le Royaume-Uni en Allemagne nazie, avec le soutien de Trump, qui essaye de le détruire, et que les Gilets jaunes sont des fascistes soutenus par la Russie, que Julien Assange est un espion violeur qui a conspiré avec la Russie pour faire élire Trump, ce qui est la raison pour laquelle Trump veut le traduire en justice, aussitôt qu’il aura fini d’éliminer les juifs, ou de les protéger contre Jeremy Corbyn, ou contre l’Iran, ou de laver le cerveau des Noirs étasuniens avec une poignée de publicités Facebook russes pour se faire réélire en 2020.

Foncez, essayez de rendre tout ça cohérent... ou peu importe, n’essayez pas. Reprenez juste de ce médicament quelconque avec lequel il se trouve que vous êtes traité, accrochez vous à CNN, MSNBC, ou n’importe laquelle des chaînes du masse-média*, et signalez moi à la police de l’internet pour la publication de contenu « extrémiste » dangereux. Vous savez, au fond du cœur, que je le mérite probablement.

C.J. Hopkins

The UNZ Review – www.unz.com

C.J. Hopkins est un auteur de théâtre récompensé, romancier et satiriste politique, basé à Berlin. Ses pièces de théâtre sont publiées par Bloomsburry Publishing (Royaume-Uni) et Broadway Play Publishing (États-Unis). Son premier roman, Zone 23 a été publié par Snoggsworthy, Saine & Cormorant Paperbacks. L’auteur est joignable à cjhopkins.com ou consentfactory.org

Traduction : par Embe, qui n’y voit absolument aucun rapport avec la façon dont sont traités certains personnages de la gauche française, ou brésilienne d’ailleurs.

* NdT : N’ayant toujours pas trouvé de traduction satisfaisante pour l’expression anglaise Corporate media, nous emploierons indifféremment au fil du texte les termes « les médias institutionnels » ou « le masse-média », cependant il nous semble qu’il manque à ces expressions la dimension de possession/contrôle par le grand capital qui est bien présente en anglais, caractéristique de la « grande presse » contemporaine, et bien « entendue » par l’auteur. Ces emplois seront signalés par une astérisque (*) donc.

(Pas si) incidemment, il nous semble que cela soulève le problème plus vaste du manque de vocabulaire adéquat pour décrire la – délirante – réalité contemporaine qu’est devenue la modernité technologique, ce qui dans une société donnée arrive rarement sans raisons, et n’est pas – nous semble-t-il – sans poser un sérieux problème de possibilité démocratique (relire LQR, la propagande du quotidien, Éric Hazan, Raison d’agir 2006).

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Deux tendances contradictoires se côtoient dans l’évolution politique du pays : la préservation des “ libertés fondamentales” et la tentative de bafouer celles-ci dès que la “ nation” semble menacée. Entre mythe et réalité, les États-Unis se désignent comme les champions de la « démocratie » alors que la conformité et la répression dominent la culture politique. Depuis la création des États-Unis et son idéologie nationaliste jusqu’à George W. Bush et la droite chrétienne, en passant par (…)
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Caitlin Johnstone

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