C’est le cas par exemple de l’information sur l’ampleur des destructions causées par la guerre. Le récit officiel ukrainien, comme celui en général des médias occidentaux, décrit, tous les jours, un pays détruit systématiquement, un pays rasé. Pourtant, les bâtiments gouvernementaux, le palais présidentiel, le parlement ukrainien, les services publics fonctionnent. Les visites des plus hauts responsables européens et américains se succèdent à Kiev sans que la Russie n’intervienne. Les trains circulent, la connexion internet existe et donc aussi l’électricité presque partout. D’ailleurs ce sont les Russes qui semblent contrôler une grande partie de la production d’électricité, notamment à travers le contrôle des centrales nucléaires. Ils n’ont, semble-t-il, entrepris aucune action systématique de destruction des infrastructures électriques ou d’opposition à la fourniture de l’électricité sur le territoire ukrainien. Rien n’est dit à ce sujet par les autorités ukrainiennes. C’est un des aspects étonnants de cette guerre.
Pour les villes détruites, il semble que ce ne soit que le cas des villes, Marioupol, Severodonesk et autres où se sont déroulés des combats acharnés à l’intérieur de la ville. Le spectacle est terrible. Mais, il y a là, ce choix stratégique fait par l’armée ukrainienne de ne jamais combattre en rase campagne et de se retrancher dans les villes, avec toutes les conséquences prévisibles pour la population et la ville, comme c’est le cas toujours dans les combats urbains.
Kiev aurait pu être bombardée et détruite, mais cela n’a pas été le cas. Bizarrement, cela est rarement commenté. Il semble que Kiev a été respectée par les deux belligérants, comme un trésor historique et civilisationnel commun. Le récit, fait au départ, de l’objectif russe de la conquête de Kiev ne repose sur aucune donnée factuelle et il n’y a aucune déclaration russe dans ce sens. Il a surtout apparemment servi à interpréter le retrait volontaire russe des environs de Kiev comme une victoire ukrainienne voire comme une " débâcle russe". Mais il ne faut jamais sous-estimer l’adversaire. On ne peut en effet écarter une manœuvre tactique des russes pour faire croire que leur objectif était Kiev afin de cacher leur objectif réel, le Donbass et d’immobiliser ainsi, loin de celui ci, une grande partie des forces ukrainiennes.
Un autre aspect troublant de ce conflit, c’est celui de l’attitude de la population, tant envers les autorités ukrainiennes qu’envers les russes. Au fond nous n’en savons pas grand-chose.
On a beaucoup épilogué sur une guerre qui aurait soudé les Ukrainiens, y compris ceux russophones, contre la Russie. Le soutien au pouvoir ukrainien est en général déduit de la combativité des troupes ukrainiennes ainsi que du résultat de l’élection du président Zelenski en mai 2019 avec 73% des voix, mais une popularité qui va très vite fortement chuter dans les deux années qui suivront.
Mais il est étonnant qu’il n’y ait eu à aucun moment, depuis la guerre, des grandes manifestations de masse de soutien au pouvoir à Kiev et dans les grandes villes. D’autre part l’exode massif des Ukrainiens vers les autres pays, dès le début de la guerre est lui aussi sujet à interrogations sur la confiance faite aux autorités et celle placée dans l’avenir du pays.
Il en reste l’impression souvent, d’une population dominée ici et là par ceux qui détiennent les armes, ukrainiens ou russes selon, d’une population souvent résignée, qui souhaite avant tout le retour à la paix, et qui ne voit absolument pas l’utilité d’une guerre qui est vécue en sorte comme une malédiction.