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Marchandisation des soins : avec les APE, l’Europe étrangle ses anciennes colonies d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, par Wim De Ceukelaire.




STOP APE





Intal, lundi 15 octobre 2007.


Le commerce européen et la santé publique dans le Sud. Le CNCD-11.11.11 part en campagne contre les APE



Les « Accords de Partenariat Economique » (APE) sont des accords liant l’Union Européenne et un groupe de pays que l’on appelle les pays ACP. Il s’agit de 77 anciennes colonies d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’où l’abréviation ACP. Les pourparlers ont débuté en 2002. Normalement, les nouveaux accords doivent entrer en vigueur en janvier 2008. En tant que telle, la santé n’est pas un thème qui est explicitement abordé lors des tractations. Pourtant on s’attend à ce que les APE aient un grand impact sur la santé des populations des pays pauvres. Une raison de plus de suivre ces négociations de très près.



Avant toute chose, soulignons que les partenaires impliqués dans les négociations ne sont pas sur un pied d’égalité. L’Europe, qui parle d’une seule voix, se trouve face à un groupe de pays divers, aux intérêts divergents et sans structure centrale ayant la capacité de négocier. De plus, les conséquences de ces accords auront une ampleur beaucoup plus conséquente dans ces pays qu’en Europe. En effet, si les pays ACP sont des partenaires commerciaux relativement insignifiants pour l’Europe, le vieux continent est quant à lui, le principal partenaire commercial des ACP. Ces derniers ont donc énormément à perdre et l’impact des accords sur leur économie et la vie quotidienne de leur population sera dès lors beaucoup plus important.



Marchandisation des soins

A l’occasion de la sortie de « Sicko », le nouveau film de Michael Moore, le débat sur la marchandisation de la santé publique européenne reprend de plus belle. On craint en effet que l’Europe ne pousse, par le biais des APE, à une commercialisation des soins de santé dans les pays en voie de développement.

Les APE sont des accords de libre-échange qui visent à diminuer les taxes à l’importation. Pour les pays pauvres, ces taxes sont une source importante de revenus. A cet égard, différentes études prévoient que l’application des APE provoquera une diminution de 3 à 20% des recettes publiques de ces pays. Cela signifie concrètement qu’à l’avenir, ces pays auront encore moins d’argent à injecter dans les services publics et donc également dans les soins de santé.

Dans la plupart des pays en développement, les fonds voués à la santé publique sont déjà largement insuffisants. En 2001par exemple, les chefs de gouvernement africains s’étaient engagés à consacrer au moins 15% du budget de l’état aux soins de santé. Six ans plus tard, pratiquement rien n’a été fait à ce niveau-là . Aujourd’hui, la plupart de ces gouvernements peinent à respecter les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui préconise de consacrer 60 dollars par habitant à la santé. Avec la signature des APE, la diminution des revenus des taxes à l’importation ne va bien sur pas améliorer la situation.

Les APE ne visent pas seulement le commerce de marchandises mais aussi les services. Or, la fourniture de soins de santé tombe dans la catégorie du commerce de services. Par ailleurs, il existe un ensemble de services qui - tout en ne dépendant pas directement du secteur de la santé - sont indispensables au bien-être des populations. Pensons par exemple à la distribution d’eau potable, au ramassage des poubelles ... La libéralisation du commerce de ces services signifie que les multinationales européennes et autres ont le feu vert pour par exemple exploiter la distribution d’eau dans les pays en développement comme une entreprise lucrative. Et la population des ces pays sait par expérience que les fournitures de services deviennent ainsi rapidement inaccessibles pour les plus pauvres.


Les médicaments

Depuis 1995, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a explicitement lié les droits de propriété intellectuelle - dont les brevets font partie - au commerce. Depuis lors, aucun accord de libre-échange ne peut être négocié sans que ces droits ne reviennent à l’ordre du jour. Avec les APE, la situation est identique.

L’accord de l’OMC portant sur les droits de propriété intellectuelle (ADPIC), est controversiel parce qu’il favorise les multinationales pharmaceutiques et limite l’accès aux médicaments pour les plus pauvres. En effet, les médicaments sont protégés par des brevets qui ont une durée de 20 ans. Cet état de fait permet aux multinationales pharmaceutiques de s’assurer un monopole sur leurs produits et donc de maintenir des prix artificiellement élevés.

Néanmoins, l’accord sur les ADPIC comprend également quelques dispositions qui offrent aux pays en développement quelques moyens de défense contre les géants pharmaceutiques. Les licences obligatoire leur permettent ainsi de contraindre une multinationale à partager un brevet avec une société locale. Des médicaments génériques peuvent alors être produits, à moindre coût.

Aujourd’hui, beaucoup redoutent que la Commission européenne n’essaie d’imposer des APE qui soient plus contraignants que les accords de l’OMC. Le but est probablement de miner les dispositions spéciales prévues dans l’accord sur les ADPIC, telles que les licences obligatoires.

Cette peur ne relève pas du fantasme lorsqu’on lit les propos tenus, il y a quelques mois, par le commissaire européen en charge du Commerce, M. Mandelson. Critiquant l’attitude de la Thaïlande qui avait fait usage des licences obligatoires, il a précisé que « l’utilisation de ces dispositions ne pouvait devenir une habitude car cela minerait le système des brevets ». Pourtant, la Thaïlande n’a fait qu’activer une procédure prévue par les accords de l’OMC.

Mandelson prétend que l’Europe n’exige pas des pays en développement qu’ils fassent plus de concessions dans les négociations APE, que celles déjà consenties avec l’accord sur les ADPIC. Mais dès qu’un pays, comme la Thaïlande, prend des mesures concrètes, l’attitude de l’Europe laisse à penser qu’elle serait favorable à un durcissement de la réglementation concernant les brevets.


Souveraineté alimentaire

La campagne 11.11.11 se focalise essentiellement sur la façon dont les APE menacent la sécurité alimentaire. Le secteur de l’agriculture en Europe est extrêmement important pour le vieux continent et est largement subventionné. C’est ainsi que les groupes alimentaires européens peuvent exporter à moindre coût. Mais dans le Sud, les petits paysans n’arrivent pas à concurrencer ces biens moins chers qui envahissent les marchés. Si les APE contraignent les pays ACP à ouvrir totalement leurs frontières, ces derniers et leur population auront encore plus de mal à maintenir leur propre agriculture.

Il va de soi que ceci est important pour la santé des peuples du Sud. Pour la plupart d’entre eux, l’agriculture constitue la source essentielle de revenus, et c’est précisément ce secteur qui est en danger. De plus, une alimentation saine est la pierre angulaire de la santé publique. Des habitudes alimentaires adaptées aux produits locaux sont à présent remplacées par un régime basé sur des produits importés, parfois de qualité inquiétante, et qui sont dépendants des caprices du marché.

Face à cette situation, le CNCD et 11.11.11, la coupole flamande du mouvement Nord-Sud, plaident pour la souveraineté alimentaire. Cela signifie que les pays du sud doivent avoir le droit de définir leur politique agricole en fonction des besoins de leur population et de caractéristiques environnementales, économiques, sociales et culturelles propres. Du point de vue de la santé publique, nous ne pouvons qu’approuver ces idées.

Entre-temps, l’Europe met les pays ACP sous pression afin qu’ils signent les accords avant la fin de l’année. Le Commissaire européen en charge du Commerce, M. Mandelson, a déjà fait savoir que l’Europe compliquerait les importations de ces pays, à partir de janvier 2008, si ces derniers ne cèdent pas aux exigences de la Commission. Pour le moment, les pays ACP tiennent bon et il semble que les accords ne seront pas signés dans les temps impartis. Face à cette situation, Intal se joint au mouvement Nord-Sud pour maintenir la pression en Belgique et pour que l’Europe abandonne ses exigences exorbitantes. Il est grand temps que l’on réfléchisse enfin un peu sur la façon dont nous voulons offrir aux enfants des anciennes colonies européennes le droit à un avenir sain.

Wim De Ceukelaire


- Source : Intal www.intal.be




Les APE et l’introduction des OGM dans notre politique agricole représentent un suicide économique pour le Mali, comme pour d’autres pays pauvres, par Mariétou Konate.

Pour la souveraineté alimentaire, refusons les Accords de Partenariat Economique UE-ACP !






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