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Les Verts fossoyeurs de l’altermondialisme

Altermondialisme

Malgré l’expansion marquée de la conscience environnementaliste, rien ne semble se pointer à l’horizon pour modifier la trajectoire de notre système de production capitaliste. C’est pourtant lui le véritable moteur du désastre écologique. Ce système reste fondé sur un principe de croissance économique illimitée et, loin de se remettre en question, il maintient son cap insensé chez nous en même temps qu’il fleurit à une allure accélérée en Chine, en Inde ou au Brésil. Même la dernière crise financière, pourtant sévère, ne l’a pas modifié d’un iota.

Il peut sembler injuste de vouloir rendre notre nouvelle ferveur environnementaliste responsable de cette inertie mais c’est pourtant sa part de responsabilité que je voudrais cerner ici. C’est parce qu’elle constitue un rouage essentiel de notre conscience collective et qu’elle pourrait jouer un rôle différent.

Mon constat, c’est que la vague écologiste a étouffé la vague altermondialiste. Elle a déplacé sur un plan strictement matériel une réflexion qui portait au départ sur la société. Nos yeux sont maintenant braqués sur des cirques ternes comme celui de Copenhague pendant que les forums sociaux mondiaux se font de plus en plus timides, égarés et sans conséquences. Ce joli coup de barre a requis la collaboration de tous, aussi bien des grands manitous que des petits militants plus ou moins verts que nous sommes presque tous devenus.

Verts militants et grands récupérateurs

A la base, il y a les citoyens de bonne volonté, qui votent de plus en plus vert. Mais les Partis Verts n’ont qu’un seul et unique programme : c’est la verdure. Comme les questions sociales, économiques et politiques sont trop compliquées, ils évitent de s’en mêler pour ne pas perdre de votes. Le pire, c’est qu’ils ont l’impression d’être bien partis, sous prétexte qu’ils recueillent un pourcentage croissant de votes parmi les mécontents des vieux partis. En fait, ils réussissent surtout à freiner l’essor des véritables partis alternatifs.

L’éveil d’une conscience environnementaliste ne semble susciter que des ajustements mineurs dans le choix des gadgets à consommer. Ceux qui en ont les moyens se pavanent avec des autos hybrides, les autres se contentent des petits gestes du recyclage quotidien. Le problème des petits gestes, ce n’est pas tellement qu’ils risquent de prendre la place des grands, c’est qu’ils peuvent déplacer notre champ de conscience vers la mauvaise cible. La foi a besoin d’être alimentée par des rituels mais les rituels peuvent aussi devenir des soporifiques aussi efficaces que le chapelet ou l’aumône : ils créent de la bonne conscience à peu de frais et confortent le système social dominant sans le contester. Je préfère encore la mauvaise conscience.

Les citoyens de bonne volonté ne sont pas les seuls à vouloir préserver notre culture matérialiste si enivrante. Ils emboîtent le pas aux grands manitous de la nouvelle économie verte, ceux qui font fortune en convainquant les gouverne ­ments de subventionner la destruction des vieux chars pour pouvoir en vendre plus vite des nouveaux. Ces écologistes-là sont les chouchous des gouvernements, du moins ceux qui ne vivent pas du sable bitumineux.

La progression des idéaux verts se nourrit de leur récupération comme instruments de marketing. Le vert est rapidement devenu un simple logo facilitant la vente ou le vote, tout comme le bio ou l’équitable, si bien que le consommateur finit par oublier la différence entre les trois pour ne retenir que le signe « plus » : ce sont de bons produits.

Pendant ce temps, nous laissons les riches dormir en paix. Ils ne sont pas les seuls responsables mais leur position aux commandes des institutions leur confère une plus grande responsabilité. Il reste qu’acheter pour $49 des lecteurs DVD qu’on jettera au bout d’un an est aussi scandaleux qu’empocher des primes faramineuses pour s’acheter des jets privés, et cela en vertu de l’empreinte sociale, pas seulement de l’empreinte écologique. Ce qui importe, c’est de cibler le système même qui est en cause : celui qui définit le bonheur comme un niveau de consommation et l’être humain comme une créature animée de besoins illimités et vouée à l’irresponsabilité puisque tout finit avec sa mort individuelle et matérielle.

Les vrais enjeux

Faut-il sauver la planète ou les humains ? Comme ce sont des humains qui choisissent, la réponse semble évidente. Mais quels humains ? Il peut très bien arriver que le choix soit fait par les riches seulement et vise seulement leur propre préservation, comme d’habitude. Ce qui est nouveau dans l’histoire, c’est que cette option n’est plus envisageable parce qu’on ne peut plus construire des murs ou des frontières pour séparer l’air ou l’eau des pauvres de ceux des riches, même si ces derniers préfèrent l’ignorer. Il faut à tout prix les - c’est-à -dire nous - forcer à regarder cette réalité en face.

Personne ne peut fournir les plans détaillés de la nécessaire révolution. Seuls des grands objectifs peuvent être définis. On peut les ramener à deux cibles essentielles : la transformation des institutions politiques, économiques et sociales, et l’émergence d’une nouvelle culture. C’est précisément ce à quoi s’était attaqué spontanément le mouvement altermondialiste au moment où il a émergé, au tournant du millénaire. On pourrait penser que ce mouvement, après que les médias aient réussi à le rendre synonyme de cagoulards casse-pieds, s’est simplement essoufflé mais en réalité, il a plutôt été dévié. Les idéaux qui l’ont inspiré n’ont pas disparu, ils ont simplement été noyés dans un discours écologiste plus tapageur et plus subventionné.

Au-delà de la boulimie de surconsommation et de la misère imposée à des continents entiers, il y a une culture, il y a une société avec son système économique et ses institutions. Ce sont des constructions humaines et il est donc possible de les changer car rien de tout cela n’est irrémédiablement inscrit dans notre nature humaine. Cette nature a, pendant très longtemps, produit des économies durables et des cultures axées sur l’être humain, où la liberté signifiait l’absence de contraintes plutôt que la multiplicité des choix entre nos 78 modèles de 4X4, où l’on pouvait chercher à être une richesse plutôt qu’à être riche. Puis est arrivé le « développement », qui a fini par inverser les priorités et définir la consommation des biens matériels comme une fin en soi. Nous ne pouvons pas revenir en arrière mais nous pouvons saisir l’occasion que nous donne la conscience écologique pour remettre notre société mondialisée sur une trajectoire historique plus prometteuse.

Denis Blondin
http://www.politicoblogue.com/les-verts-fossoyeurs-de-laltermondialisme.html

Denis Blondin est anthropologue. Il a mené des recherches sur le racisme, sur les petites sociétés d’Amérique latine ou du Québec et sur la mondialisation. Il a notamment publié : La mort de l’argent. Essai d’anthropologie naïve (2003), Les deux espèces humaines. Autopsie du racisme ordinaire (1994), L’apprentissage du racisme dans les manuels scolaires (1990).

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