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Autoritarisme au Venezuela ? Réponse à Gabriel Hetland

Le Venezuela domine une fois de plus l’actualité internationale alors que les manifestations violentes visant à renverser le gouvernement élu de Maduro entrent dans leur septième semaine.

Les manifestations ont coûté la vie à cette date à au moins 54 personnes depuis le 4 avril, dépassant la précédente vague de manifestations violentes anti-gouvernementales de 2014, connue comme « la Sortie ».

Toutefois, cette fois-ci les troubles coïncident avec une grave récession économique et un paysage géopolitique transformé, marqué par le retour de la droite au Brésil et en Argentine, ainsi que par un régime encore plus belliqueux à Washington.

En attendant, l’indignation internationale face à ce dernier effort violent pour évincer le gouvernement chaviste a été bien plus feutrée que la dernière fois.

A l’exception notable d’une lettre ouverte des membres de LASA (Latin American Studies association), d’une déclaration conjointe UNAC/BAP (United National Antiwar Coalition et Black Alliance for Peace), et d’autres actions de protestation moindres, la gauche aux Etats-Unis est restée pour l’essentiel aussi passive face à l’intervention de plus en plus ouverte de l’administration Trump contre le Venezuela, qu’à l’égard de la censure systématique des medias, préfèrant le silence à la solidarité active avec le chavisme.

Dans cet environnement, certains universitaires ont publiquement rompu avec le gouvernement Maduro à cause de sa réponse à la crise économique et politique actuelle du pays.

Dans un récent article pour NACLA, le professeur adjoint de l’Université d’Albany, Gabriel Hetland, se désolidarise du gouvernement bolivarien, évoquant des préoccupations au sujet de la dérive « autoritaire » de Maduro.

« Cependant, si bien les allégations précédentes d’autoritarisme de la part du Venezuela avaient eu peu de fondement, ce n’est plus le cas aujourd’hui », écrit-il.

Tout en respectant profondément les contributions critiques du professeur Hetland au débat sur le Venezuela, à Venezuelanalysis –un collectif de journalistes et de militants qui ont à un moment ou à un autre vécu, étudié et/ou travaillé au Venezuela-, nous rejetons fermement cette accusation d’autoritarisme pour des raisons aussi bien analytiques que politiques.

Remettre les pendules à l’heure

Hetland cite un certain nombre d’actions récentes du gouvernement vénézuélien pour étayer ses allégations, notamment la soi-disant « dissolution » de l’Assemblée Nationale, tenue par l’opposition, par la Cour Suprême, l’ « annulation » du référendum révocatoire, le report des « élections municipales et régionales qui auraient dû avoir lieu en 2016 » et le blocage de l’activité législative de l’Assemblée Nationale par la Cour Suprême en 2016.

Ce récit pose bien entendu un certain nombre de problèmes.
Pour commencer, plusieurs éléments sont présentés de telle sorte qu’ils induisent en erreur, voire sont totalement inexacts.

Tout d’abord, comme l’a signalé Venezuelanalysis à l’époque, les décisions du 29 mars de la Cour Suprême (TSJ) n’ont pas « dissous » l’Assemblée Nationale, contrairement à ce qui a été rapporté de manière quasiment uniforme par la presse dominante. Les décisions visaient plutôt à autoriser temporairement le pouvoir judiciaire à exercer les fonctions législatives pertinentes, ce qui dans ce cas signifiait l’adoption d’un accord pressant pour une entreprise mixte entre l’entreprise pétrolière de l’état vénézuélien PDVSA et son homologue de la Russie, Rosneft, était décisif pour la solvabilité de PDVSA. La décision, basée sur l’article 336.7 de la constitution vénézuélienne, a provoqué une division au sein du chavisme, l’ancien et l’actuelle Procureur Général ralliant les camps opposés de ce clivage constitutionnel. On peut certes critiquer la décision, maintenant annulée, sur la base de motifs constitutionnels et politiques, mais la présenter comme une « dissolution » du parlement est de mauvaise foi.

Ceci nous conduit à la question du blocage par la Cour Suprême de la législature à majorité d’opposition de 2016. Il est indéniable que la TSJ a en fait annulé trois des quatre lois que l’AN avait réussi à adopter l’année dernière. Toutefois, c’est un jeu qui se joue à deux et Hetland minimise gravement le rôle joué par l’opposition dans cette longue impasse institutionnelle. Il est important de noter que l’AN n’a « abusé de ses compétences » que « dans certains cas », comme le décrit Hetland.

Dès son investiture en janvier 2016, l’AN a déclaré la guerre à l’ordre institutionnel bolivarien conçu par le chavisme, le président de l’AN, Henry Ramos Allup promettant d’évincer Maduro « en six mois », une menace ouvertement inconstitutionnelle à l’encontre d’un président en exercice. Un échantillon de la législation souhaitée par l’Assemblée Nationale en 2016 inclut une loi pour privatiser le programme de logements publics du Venezuela, une loi pour restituer les terres et les entreprises expropriées à leurs anciens propriétaires, une loi forçant l’éxécutif à accepter l’aide humanitaire dans le pays, l’infâme loi d’amnistie ainsi qu’un amendement à la Constitution qui réduirait rétroactivement de deux ans le mandat présidentiel. On peut ajouter à cette liste la tentative de coup d’état parlementaire de l’opposition, lorsque celle-ci déclara que Maduro « avait abandonné son poste » en octobre d’abord, puis encore une fois en janvier dernier, chose que Hetland omet de reconnaître. Il ne dit pas non plus la raison du statut actuel de la législature, déclaré « nul », c’est-à-dire le refus de l’opposition de révoquer trois de ses députés de l’état d’Amazonas actuellement mis en examen pour achat de voix, en violation flagrante de la haute cour. On a donc le droit de critiquer le blocage de l’AN par la TSJ, mais minimiser l’effort systématique du parlement fait pour renverser par tous les moyens le gouvernement bolivarien induit franchement en erreur.

De la même manière, Hetland omet le rôle joué par l’opposition dans la suspension du processus de référendum révocatoire (RR).

Comme nous l’avons indiqué, le parlement dominé par l’opposition a pris ses fonctions avec pour objectif de renverser Maduro « en six mois », objectif bien évidemment incompatible avec le réferendum révocatoire, qui prend un minimum de huit mois. En effet, le RR n’était qu’une des quatre stratégies pour évincer Maduro que l’opposition avait prévues dans son plan dévoilé en mars 2016, qui incluait également l’amendement constitutionnel cité précédemment, une assemblée constituante pour réécrire la constitution (l’opposition est maintenant contre), et exciter la rue pour contraindre Maduro à démissionner. Etant donné ses propres divisions intestines, l’opposition a pris du retard dans le démarrage du référendum révocatoire et a fait de graves erreurs procédurales, comme la collecte de 53658 signatures frauduleuses, qui a fourni un prétexte au gouvernement pour paralyser indéfiniment la procédure devant les tribunaux. Nul doute que le gouvernement Maduro a traîné des pieds lors du processus de referendum révocatoire, sachant parfaitement qu’il risquait de le perdre, mais ce n’était pas du tout le scénario partial que présente Hetland.

Enfin, le Conseil National Electoral (CNE) a effectivement reporté les élections régionales prévues pour l’année dernière, invoquant des conflits logistiques par rapport au processus de RR, argument indéfendable sur le plan constitutionnel et politique. Il vaut cependant la peine de signaler qu’il existe un précédent de ce type de retard : les élections locales de décembre 2004 ont fini par être reportées à août 2005 pour cause de référendum révocatoire contre le Président Chavez l’année précédente. Dans sa hâte pour discréditer le caractère démocratique du Venezuela, Hetland fait l’impasse sur cet important détail.

En outre, si bien il est parfaitement légitime de critiquer le gouvernement bolivarien parce qu’il retarde la course des gouverneurs, pour les élections municipales c’est une toute autre histoire. Les élections locales sont prévues en 2017, ce qui signifie qu’elles peuvent avoir lieu à tout moment avant la fin de l’année. En suggérant que le gouvernement a reporté les élections locales, Hetland commet une autre erreur factuelle qui lui permet de consolider sa démonstration essentiellement idéologique d’un « autoritarisme rampant » du gouvernement Maduro, comme on le verra plus loin.

Fétichisation la démocratie libérale

Au-delà de ces inexactitudes et de ces déformations, le principal problème de l’article de Hetland est sa notion implicite d’ « autoritarisme », qu’il ne prend jamais la peine de définir.

Sans s’étendre sur l’origine du terme, force est de rappeler que l’autoritarisme est loin d’être un concept politiquement neutre.

Comme Hetland le fait remarquer à juste titre, le chef d’accusation d’autoritarisme a été lancé de manière contestable contre le gouvernement Chavez et d’autres gouvernements de la « vague rose » qui étaient dénoncés par les commentateurs et politologues occidentaux pour avoir osé contester l’hégémonie de la démocratie représentative capitaliste et (néo)libérale.

En effet, pendant toute la dernière décennie, les politologues sous la conduite de l’ancien ministre des affaires du Mexique Jorge Casteñeda ont fait la distinction entre une gauche « bonne », réformiste, libérale, représentée par celle de Lula Da Silva au Brésil, qui est prête à composer avec Washington et le capital transnational et une « mauvaise » gauche, radicale, populiste, incarnée par Hugo Chávez, qui a ouvert les vannes libérales et représentatives pour conduire la participation de masse dans la gouvernance démocratique.

Comme le souligne Sara Motta, c’est une distinction binaire de nature profondément coloniale : la « bonne gauche » occidentalisée et « mûre » a appris des soi-disant échecs du marxisme révolutionnaire et épousé le réformisme, alors que la « mauvaise gauche » reste engluée dans le clientélisme et l’autoritarisme tribal du passé « prémoderne », qui la rendent hostile à la démocratie libérale.

Cette dichotomie « bonne/mauvaise gauche » n’a bien entendu rien de nouveau, c’est la sempiternelle distinction entre gauche « révolutionnaire » et gauche « démocratique » appliquée à la gauche latino-américaine depuis la Révolution cubaine, qui à son tour remonte à l’opposition classique de la « civilisation » contre la « barbarie ».

Hetland, au lieu de remettre en question le critère idéologique libéral sur lequel elle repose , perpétue cette distinction binaire coloniale, lorsqu’il annonce que le gouvernement Maduro a basculé dans le sombre règne de l’autoritarisme : En annulant le référendum révocatoire, en suspendant les élections et en empêchant les dirigeants de l’opposition de se porter candidats, le gouvernement vénézuélien entrave la faculté du peuple vénézuélien de s’exprimer par la voie électorale. On voit mal ce que cela peut être d’autre, sinon de l’autoritarisme rampant.

En d’autres termes, ce qui semble pour Hetland constituer de « l’autoritarisme », c’est que l’on invalide des normes formelles de la démocratie libérale, notamment la séparation des pouvoirs, menaçant les droits politiques de l’opposition de droite du pays.

Ce qui ressort de cette approche formaliste est une sorte de liste à cocher à la Freedom House, où les points forts et les points faibles des régimes du Sud (liberté d’expression, de la presse, etc.) sont soupesés statistiquement avant que la sentence morale irrévocable ne tombe concernant la « qualité démocratique ». Le Venezuela n’est pas encore un « régime autoritaire total », nous dit Hetland, « étant donné l’accès significatif qu’a l’opposition aux médias traditionnels et sociaux et l’importante capacité de celle-ci de participer à la contestation anti-gouvernementale ». Sur ce point, la conclusion de Hetland est pratiquement identique à celle du courant dominant les centres d’études de l’Amérique Latine, qui a depuis longtemps inventé des formules alambiquées telles que « autoritarisme compétitif participatif » pour caractériser le gouvernement bolivarien.

Le problème de ce point de vue est qu’il finit par réifier ces pratiques soi-disant autoritaires, et par en faire la cause – associée aux efforts de l’opposition pour renverser le régime- de la crise actuelle du Venezuela plutôt que le symptôme du rapport de forces sous-jacent.

Le piétinement supposé de certaines normes démocratiques libérales –notamment le report des élections régionales- par le gouvernement de Maduro est sans conteste très préoccupant, précisément parce qu’il met en évidence l’impasse catastrophique dans le processus révolutionnaire bolivarien.

Venezuelananalysis a depuis longtemps critiqué les manœuvres institutionnelles imposées par le gouvernement bolivarien pour endiguer les efforts de l’opposition pour évincer Maduro, que nous considérons comme une tentative conservatrice de maintien du statu quo au lieu de mobiliser les masses du peuple d’en bas pour sortir de la paralysie actuelle et trouver une sortir de la crise dans des conditions révolutionnaires.

Dans la même veine, nous avons critiqué les tendances au sein de l’état qui selon nous consolident le pouvoir de fractions de la classe « boli-bourgeoise » corrompue et réformiste dans la bureaucratie et l’armée, notamment le contrôle direct des importations par de l’armée, la libéralisation de facto des prix, la réduction des dépenses sociales associée à un service de la dette draconien, l’Arc minier de l’Orénoque, une procédure discutable mais maintenant modifiée d’enregistrement des partis et un tournant conservateur dans la politique de lutte contre la criminalité.

Or, Hetland reste étrangement silencieux au sujet de ces reculs et de ces régressions des quatre dernières années, qui à toutes fins pratiques sont bien plus graves que nombreux des abus « autoritaires » qu’il décrit.

C’est précisément là que l’accusation « d’autoritarisme » trahit son parti-pris idéologique libéral : en donnant la priorité aux violations procédurales qui frappent l’opposition bourgeoise de droite, Hetland rend invisible la dynamique sous-jacente de l’affrontement de classe qui a un impact brutal sur les classes populaires.

Par conséquent, et contrairement à ce qu’affirme Hetland, le problème n’est pas en soi que les normes démocratiques libérales ont été affaiblies, mais plutôt que la construction révolutionnaire des institutions alternatives de la démocratie radicale participative –« l’état communal » selon Chávez- est confrontée à des obstacles structurels décisifs.

Sur ce point il faut être sans ambigüité : la démocratie libérale n’est ni absolue ni universelle, et sa relation aux processus révolutionnaires est toujours fonction du contexte. Imposer ces normes à la Révolution cubaine, par exemple, dans son contexte de siège impérial génocidaire est le comble de l’absurdité et de l’irresponsabilité politique. Dans ces circonstances, le modèle cubain de démocratie révolutionnaire, malgré ses défauts et ses limites, n’est pas moins légitime que d’autres projets socialistes démocratiques qui ont utilisé stratégiquement certains éléments de la démocratie libérale, comme le Chili et le Nicaragua dans les années 70 et 80 ou le Venezuela et la Bolivie aujourd’hui.

Le processus bolivarien est cependant fondamentalement différent, dans la mesure où il repose sur la voie électorale vers le socialisme qui aborde l’ordre démocratique et bourgeois existant comme un espace stratégique de lutte contre l’hégémonie. Dans ce contexte, la suspension de certains droits libéraux tels que les élections ou certaines libertés pour l’opposition ne seraient acceptables que dans des circonstances exceptionnelles, si le gouvernement bolivarien était en train de prendre des mesures révolutionnaires pour régler la crise actuelle et exigeait une légitimité sans conteste à ses bases sociales.

Malgré l’indéniable spirale de violence politique et économique provoquée par l’opposition, le Venezuela ne traverse malheureusement pas l’équivalent d’une « période spéciale », dans la mesure ou la direction du parti et de l’état a échoué à s’attaquer à la corruption endémique et à mener l’offensive contre l’ennemi capitaliste local et transnational, comme ce fut le cas lors de tournants révolutionnaires cruciaux en Russie, en Chine et à Cuba.

Compte tenu de cette réalité, le message qui émane de certains secteurs du chavisme selon lequel il ne saurait y avoir d’élections dans des conditions de combat – un argument légitime dans d’autres contextes, notamment dans la Grande-Bretagne assiégée par les Nazis- est pour le moins contestable. Néanmoins, cet argument est utile dans la mesure où il démontre que la démocratie libérale est un critère d’évaluation totalement inadapté aux processus révolutionnaires, qui obscurcit bien plus qu’il n’éclaire la situation, comme dans le cas de la critique de Hetland de « l’autoritarisme » au Venezuela.

Qu’ils s’en aillent tous ?

Dans ce diagnostic des causes de la crise actuelle, notre position coïncide avec celle de la grande majorité des mouvements de gauche vénézuéliens dont la principale doléance est loin d’être la litanie des pratiques « autoritaires » contre l’opposition de droite qu’énumère Hetland, mais bien au contraire les mesures réformistes et parfois franchement contre-révolutionnaires du gouvernement Maduro.

La même chose vaut pour les classes populaires du Venezuela – la base sociale du chavisme- qui se moque bien de ce que la Cour Suprême ait bloqué l’Assemblée Nationale et de ce que le président ait gouverné par décret d’urgence économique depuis février 2016. Selon l’institut de sondages indépendant Hinterlaces, près de 70 % des vénézuéliens ont une opinion défavorable du parlement contrôlé par l’opposition, tandis que 61% ont peu d’espoir qu’un gouvernement futur de l’opposition règle les problèmes économiques profonds du pays. La majorité des vénézuéliens souhaite plutôt que le gouvernement Maduro reste au pouvoir et trouve une solution à la crise économique actuelle. Leur mécontentement ne vient pas du recours de Maduro aux pouvoirs d’urgence, contrairement à ce que racontent les medias, mais plutôt de ce qu’il échoue à s’en servir pour prendre des mesures décisives de consolidation de la révolution, au lieu de faire davantage de concessions au capital.

Malgré les revers, reculs et trahisons qui ont caractérisé les quatre dernières années depuis le décès de Chávez, l’humeur parmi les masses vénézuéliennes n’est pas celle d’un rejet uniforme de tout l’establishment politique du Venezuela, comme le suggère Hetland dans une généralisation simplificatrice.

S’il y a un slogan qui reflète bien l’humeur des classes populaires vivant en ce moment dans les barrios et villages du Venezuela, ce serait sans doute : Que se vayan todos. Qu’ils s’en aillent tous.

Si bien le chavisme a perdu une partie importante de ses soutiens au cours des cinq dernières années et si les rangs des indépendants, ou des ni-ni, ont grossi pour atteindre plus de 40% de la population, le PSUV demeure remarquablement le parti le plus populaire du pays, ses soutiens passant de 27 à 35% de la population depuis janvier. De même, Maduro compte sur l’approbation de près de 24% des vénézuéliens, ce qui en fait un président plus populaire que ceux du Brésil, du Mexique et du Chili – fait systématiquement omis par les medias internationaux non indépendants. Ces sondages demeurent assez incroyables compte tenu de la gravité de la crise économique qui ravage actuellement le pays, et témoignent de l’efficacité partielle de certaines mesures du gouvernent, telles que les CLAPs (Comités locaux d’approvisionnement et de production), ainsi l’absence de programme alternatif proposé par l’opposition.

De même, malgré la désillusion croissante à l’égard du gouvernement et les indices d’une éventuelle rupture, le fait est que la majorité écrasante des mouvements sociaux du Venezuela et des partis politiques de gauche continue de soutenir Maduro.

Qui plus est, cette unité de la gauche en soutien au gouvernement bolivarien n’a fait que se durcir face à l’offensive de l’opposition en cours et en vue de l’Assemblée Nationale Constituante qui doit se tenir dans les prochains mois.

Aussi déconcertante qu’elle soit, cette défense farouche du gouvernement Maduro est parfaitement logique pour au moins deux raisons.

La première, comme peut en témoigner tout chaviste qui a vécu les six dernières semaines de terreur de droite, le choix entre la continuité du chavisme au pouvoir et un régime d’opposition n’est pas une simple question de préférence idéologique, c’est une question de survie, nul ne peut prévoir le degré de violence politique et structurelle que débriderait l’opposition si elle parvenait à prendre Miraflores. Cela ne revient en aucun cas à nier ni à minimiser les répercussions de la crise économique actuelle, pour laquelle le gouvernement porte une grande part de responsabilité, mais il n’y a aucun doute qu’un gouvernement d’opposition porterait cette guerre économique contre les pauvres à un nouveau niveau de sauvagerie néolibérale.

La deuxième est que l’existence du gouvernement bolivarien incarne la persistante possibilité d’une transformation du petro-état bourgeois hérité, dans le cadre de la transition vers le socialisme du 21ème siècle. S’il est vrai qu’il a de raisons d’être sceptique quant aux possibilités réelles de faire avancer la démocratisation et la décolonisation de l’état vénézuélien dans cette conjoncture, il y a eu un déferlement de soutien populaire à l’Assemblée Nationale Constituante qui pourrait servir de vecteur à une reprise de l’offensive révolutionnaire et institutionnaliser les revendications radicales venant d’en bas.

Ce vaste consensus de soutien décisif au gouvernement apporté par la gauche du Venezuela contraste nettement avec l’approche de Hetland de « la malédiction sur vos deux maisons », qui, selon Ellner, aboutit à « mettre dans le même sac les leaders de l’opposition et les chavistes », comme deux alternatives également indésirables.

S’il y une énorme colère et frustration à l’égard du gouvernement, qui pourrait se traduire par une terrible défaite électorale du chavisme lors des prochaines élections, le sentiment qui prévaut toutefois dans une grande partie des classes populaires du Venezuela face à la terreur que fait régner en ce moment l’opposition demeure est « no volverán » (ils ne reviendront pas).

Le rôle de la solidarité

Tout ceci nous conduit à la position des militants de la solidarité internationale avec le Venezuela.

Nous sommes absolument d’accord avec Hetland pour dire que c’est du devoir de chaque personne de gauche et de chaque progressiste qui se respecte de « rejeter tout appel à l’intervention impérialiste visant à « sauver » le Venezuela ».

Néanmoins, alors que l’anti-interventionnisme est une nécessité urgente, la question se pose de savoir avec qui nous sommes censés être solidaires.

Hetland nous appelle à être aux côtés de « la majorité des Vénézuéliens qui souffrent aux mains d’une opposition revancharde et inconsciente, et d’un gouvernement incompétent et irresponsable. »

Le résultat d’une approche de ce type, de la « malédiction sur vos deux maisons » est un refus de prendre parti dans ce combat, en un mot, la neutralité. Cette position découle naturellement du cadre libéral de Hetland de l’autoritarisme, qui place nécessairement l’intellectuel occidental dans le rôle de l’arbitre désincarné, adoptant le point de vue cartésien de « l’œil de Dieu », selon les termes d’Enrique Dussel, seul capable de pondérer objectivement les vertus et les déficits démocratiques des régimes du Tiers Monde.

A contrario, Venezuelanalysis prend inconditionnellement position pour le mouvement socialiste bolivarien du Venezuela, qui dans cette conjoncture continue de soutenir de manière critique le gouvernement de Maduro.

Nous adoptons cette position non par aveuglément à l’égard des nombreux défauts et trahisons du gouvernement bolivarien, mais parce que (et en particulier nos écrivains sur le terrain) nous savons que pour un très grand nombre de chavistes, le choix entre la radicalisation de la révolution et la restauration de droite est littéralement, une question de vie ou de mort.

Lucas KOERNER

Traduction pour Le Grand Soir : Paula Raonefa

»» https://venezuelanalysis.com/analysis/13136
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