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Birmanie - Total, démocratie et à -côtés : la course aux richesses du Myanmar a commencé, A. d’ Argenzio, P. Pescali.




Birmanie, Philippe Rekacewicz






La timidité européenne en Birmanie s’appelle Total, par Alberto d’ Argento.


Il manifesto, 28 septembre 2007.


Bruxelles

L ’Europe, tout comme le reste du monde, a redécouvert la répression en Birmanie, vieille de 45 ans. Le problème est que l’Union Européenne, tout comme les Usa, continue à oublier que ses entreprises aussi contournent l’embargo imposé à ce pays.

Hier, à l’unanimité quasiment, le parlement européen a approuvé une résolution qui condamne l’action du gouvernement militaire de Rangoon et soutient avec force celle des manifestants. Strasbourg, lit-on dans le texte, « applaudit la courageuse action des moines birmans et des dizaines de milliers d’autres manifestants pacifiques contre le régime antidémocratique et répressif au pouvoir en Birmanie ».

Le texte, revu peu de temps avant le vote pour y inclure aussi les derniers événements, reprend « l’horreur de tuer des manifestants pacifiques, insiste pour que les forces de sécurité rentrent dans leurs casernes et demande que soit reconnue la légitimité des requêtes qui sont avancées, et qu’on relâche les manifestants emprisonnés et les autres prisonniers politiques ».

La Commission européenne et les 27 (pays membres de l’Ue, NdT) se rangent aussi aux côtés des moines et du peuple birman. Les ambassadeurs des gouvernements européens ont donné mandat hier matin à la présidence portugaise et aux groupes compétents pour étudier comment renforcer le système des sanctions déjà en vigueur depuis des années contre le régime militaire de Rangoon.

Les sanctions sont un point souligné aussi par le Parlement, mais c’est le point faible de l’Europe. Depuis Bruxelles et Strasbourg on souligne les trafics de la Chine et de l’Inde avec le régime, qui ont rendu inefficace l’embargo décennal, mais on oublie les hésitations et les hypocrisies made in Ue, et surtout made in France.

Selon la Fédération internationale des droits de l’homme, le groupe français Total, en coopération avec les étasuniens de Chevron Texaco, est le principal partenaire commercial de la junte militaire. L’entreprise française contribue pour 7% au budget du régime en échange de l’accord pour l’exploitation exclusive du gisement de gaz de Yadana, et du gazoduc qui transporte le gaz jusqu’en Thaïlande. C’est justement pour ce gazoduc que Total et Unocal, ensuite racheté par Chevron, ont fini en procès pour travail forcé : les adjudications étaient gérées par des entreprises de parents des généraux qui obligeaient la population à travailler en recourant à la force. Pour échapper aux accusations Total demanda en 2003 un rapport sur sa filiale birmane à un bureau de conseil au curieux nom de Bk Conseil.

Le travail, payé 25.000 euros, réussit à affirmer de façon claire et forte que les accusations d’esclavage étaient des « fantaisies ». Fantaisies qui cependant ont un prix, puisqu’en novembre 2005, Total se hâte d’indemniser huit Birmans et de financer une pseudo ONG, le tout en échange du retrait de la plainte. La chose la plus curieuse est que derrière Bk Conseil se cache (pourquoi se cache ? c’est de notoriété publique, NdT) Bernard Kouchner, l’actuel ministre des Affaires Etrangères en France, pays qui préside actuellement le Conseil de sécurité de l’ONU. Et ce n’est ainsi pas un hasard si Paris garde ces jours ci une position pour le moins ambiguë. Mercredi (le Président, NdT) Sarkozy avait lancé un appel aux entreprises françaises, et à Total en particulier, pour qu’elles évitent de nouveaux investissements en Birmanie.

Total refusait tout net : inutile d’en parler. Face à ce refus, c’est le gouvernement qui baissait le ton. Hier le Secrétaire d’état aux droits de l’homme Rama Yade a de fait adouci ce qu’avait dit son Président : « Le fait que Total soit présent en Birmanie n’a jamais empêché l’Ue de proposer et de rendre effectives ses sanctions ». De fait, ces sanctions n’ont jamais fonctionné, si bien qu’à présent les 27 (pays membres de l’Ue, NdT) pensent « les renforcer et les rendre plus efficaces ». Avant lui cependant était déjà intervenu Bernard Kouchner, en assurant que les activités de Total ne sont pas « contraires » aux mesures décrétées par l’Union européenne contre la Birmanie. Et dire que le gaz ne représente pas que la principale ressource pour le régime, mais aussi la base de son pouvoir. Un système d’oppression rodé avec la complicité économique de Total, Chevron Texaco, des Thaïlandais de Pttep, des malaisiens de Petronas, des japonais Nippon Oil tandis que la Chine et l’Inde s’intéressent aux réserves inexplorées sur lesquelles lorgnent aussi les coréens de Daewoo.

Alberto d’ Argenzio,


 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

 Voir aussi :

 (pdf) http://birmanie.total.com/fr

 www.legrandsoir.info

 http://birmanie.total.com/fr




Démocratie et à -côtés : la course aux richesses du Myanmar a commencé, par Piergiogio Pescali.


Il manifesto, 28 septembre 2007.


« Une révolution gandhienne ». C’est ainsi qu’un représentant de la Ligue Nationale pour la Démocratie (Ndl, en anglais), contacté par téléphone à Bangkok, a voulu définir la longue série de manifestations qui bouleversent la vie sociale et politique du Myanmar (Nom de la Birmanie depuis 1989, NdT).

La révolution des toges pourpre, faudrait-il ajouter. Car à la différence des révoltes de 1988, dans ce qu’on appelait encore à l’époque Rangoon, à laquelle étudiants et membres politiques de la Ndl prirent une part active, celles d’aujourd’hui sont organisées par les moines bouddhistes.

C’est pour cela aussi que le massacre n’a pas encore touché les niveaux de masse redouté par de nombreux medias, celui qui avait mis fin aux révoltes d’il y a vingt ans, quand, avec l’indifférence complice de l’occident, des milliers de manifestants furent tués et autant d’entre eux jetés dans les prisons birmanes.

Mais comment est-il possible qu’en quelques jours seulement, on puisse organiser et atteindre une aussi grande masse de gens et, en particulier, de moines ?

Voyager en Myanmar n’est ni facile ni économique pour les gens ordinaires, en particulier en saison des pluies. Il est en outre impossible que les militaires et administrateurs locaux ne se soient pas aperçu de transferts massifs dans un pays où tout est contrôlé minutieusement et où les espions du régime sont infiltrés dans chaque antre de la vie sociale et religieuse.

Ce qui est en train d’arriver aujourd’hui semble au contraire être le résultat d’un long et minutieux travail de préparation qui a duré plusieurs mois, avec la participation active de diverses organisations internationales.

Paradoxalement, le journal des généraux, New Light of Myanmar, avait raison quand il affirmait, dès la mi-août, que les manifestations étaient l’oeuvre d’ « éléments externes qui veulent déstabiliser le pays ».

Pourquoi blâmer une des rarissimes choses censées et véridiques qu’on n’ait jamais lues sur ce journal ? Ce n’est un mystère pour personne qu’entre les sommets de la Sangha (la communauté bouddhiste) thaïlandaise et birmane, le courant ne passe pas. Les leaders du clergé birman ont été soigneusement choisis par les militaires et dès le début, ils se sont toujours rangés contre les manifestations en demandant plusieurs fois aux moines de rentrer dans les pagodes. Vice versa, dans les monastères thaïlandais se sont déroulées des journées de prière pour les frères birmans.

En outre ceux qui se sont rendu en Birmanie pendant les mois précédant immédiatement les révoltes, ne peuvent pas ne pas avoir noté l’augmentation vertigineuse des délégations de moines des deux nations qui allaient et venaient entre les deux pays.

Il est clair, aussi, que la révolte des toges pourpre, n’est pas une fin en elle-même.

De nombreux gouvernements, en particulier occidentaux, attendent anxieusement que soit ouverte une porte pour pouvoir entrer dans le pays sans soulever un tourbillon de polémiques, et faire main basse sur ses énormes richesses. Les moines, après la faillite des révoltes politiques de 1988, représentaient la composante sociale la plus sure pour que ne se répète pas le même carnage.

Sur ce terrain, la Chine et l’occident se sont trouvés du même côté. Pékin ne voit pas d’un bon oeil le général Than Shwe, le leader de la junte militaire birmane, considéré comme pro indien, lui préférant un général modéré et pro-chinois, qui garantirait le lancement du processus démocratique et le dialogue avec la leader reconnue de la dissidence, Aung San Suu Kyi : pour rendre le régime acceptable aussi par l’occident, et donner des preuves, à la veille des Jeux olympiques de l’an prochain, de la bonne volonté des chinois de poursuivre la voie de la libéralisation.

La démocratisation du Myanmar mettrait fin aussi à l’embarrassante situation de nombreux pays européens qui, bien qu’invoquant le boycott, continuent à avoir d’énormes intérêts dans la zone asiatique. Les multinationales qui ont contourné l’embargo sont désormais des dizaines : le groupe Total, français, avec les malaisiens Petronas, assure un milliard de dollars par an, tandis que Singapour a insufflé un milliard six cent millions de dollars dans 72 projets touristiques élitistes auxquels l’Italie participe massivement par le biais de divers tours operators.

C’est grâce à tous ces projets que les réserves monétaires birmanes ont été renflouées : selon le FMI elles se monteraient maintenant à un milliard de dollars (en 88 elles n’étaient que de 89 millions).

Le lancement de la « road to democracy » pourrait éliminer toutes ces incongruités en livrant à l’économie de marché un autre pays à exploiter.

Piergiogio Pescali


 Source : il manifesto http://www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio




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