Le harcèlement du gouvernement du président
Evo Morales semble commencer
Granma, La Havane, 28 Mars 2006.
Avant même d’avoir gagné les élections présidentielles boliviennes, le 18 décembre 2005, et d’avoir reçu l’investiture, le 22 janvier dernier, Evo Morales figurait sur une des listes noires de Washington, sous l’étiquette de « populiste », qui sert à la Maison Blanche et à son Département d’Etat -le censeur en charge des avertissements— à indiquer ce qui leur déplaît ou les dérange.
Dès lors on commence à entendre parler de situation défavorable aux investissements, de problèmes économiques en perspective, de nationalisme et d’anti-américanisme, d’attaques contre la démocratie, de menaces contre la sécurité nationale nord-américaine, de relations non recommandables, le tout formant une étrange équation qui conspirerait contre les intérêts des Etats-Unis.
Le Nord s’inquiète du fait que le premier président indigène d’un pays majoritairement indigène ait accédé à l’exécutif grâce au soutien de ceux qui veulent une Constitution nouvelle et différente, qui reconnaisse leurs droits, qui défende la souveraineté et l’indépendance de la nation, qui favorise le développement pour tous et une meilleure distribution des richesses, bref, une Constitution qui asseye la nation sur des bases nouvelles et justes. Le Nord n’apprécie pas non plus que ce nouveau gouvernement se prononce pour la nationalisation des richesses, privatisées au prix de la misère des couches défavorisées (il est en effet question d’assumer le contrôle des actions de dix entreprises qui opèrent dans des secteurs stratégiques tels que les télécommunications, le pétrole, les chemins de fer, l’électricité et la ligne aérienne nationale). Enfin, il déplore que les Boliviens tendent la main à leurs semblables en Amérique latine, en quête de relations placées sous le signe de la solidarité, encore un mot qui hérisse Washington.
Voilà pourquoi les attaques ne se sont pas faites attendre, ajoutant un peu de sel au poivre déjà abondant dont les secteurs oligarchiques de l’intérieur du pays saupoudrent une révolution naissante.
Cela a commencé fin février, lorsque le visa d’entrée aux Etats-Unis a été retiré à la sénatrice Leonilda Zunilda, du MAS (Mouvement vers le socialisme), le parti du président Evo Morales, dont elle est une des plus proches collaboratrices. Quel fut l’argument invoqué ? Simple : elle serait impliquée dans des actes de terrorisme ! En fait, Leonilda Zurita allait donner une conférence dans une université nord-américaine qui l’avait invitée.
Beaucoup ont vu dans cette décision arbitraire une forme de représailles et de discrimination qui blesse la dignité du peuple bolivien.
Ensuite, l’armée nord-américaine a désavoué le commandant bolivien de la Force contre-terroriste conjointe. A quoi le président Morales n’a pas manqué de rétorquer : « Nous rejetons le chantage, la menace et l’intimidation¼ nous n’acceptons pas le veto¼ aucun commandant ne sera remplacé à la demande des forces armées nord-américaines. »
Enfin, plus récemment, dans la nuit du 22 mars, deux puissantes explosions ont quasiment détruit deux modestes hôtels de la capitale, La Paz. Bilan : deux morts et onze blessés. L’attentat a été commis par un citoyen nord-américain, Claudius Lestat D’Orleans, et l’uruguayenne Aida Ribeiro Acosta.
Le président Evo Morales a immédiatement déclaré : « Il est inadmissible que ce genre d’attentats se produise juste au moment où nous engageons une transformation, une révolution démocratique et culturelle pour vivre mieux. » Il a attribué cette action criminelle à des groupes oligarchiques et étrangers. « Le gouvernement des Etats-Unis prétend lutter contre le terrorisme et il nous envoie des citoyens nord-américains faire du terrorisme en Bolivie », a-t-il affirmé à Santa Cruz.
Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères David Choquehuanca a confirmé que l’agression revêtait un caractère politique ; il en a rejeté la responsabilité sur des groupes de pouvoir économique décidés à créer une instabilité démocratique.
Quelques jours avant les explosions, le président bolivien avait dit : « Jamais nous ne négocierons de traité de libre commerce -TLC— avec les Etats-Unis ». Il avait même proposé une alternative à ce sinistre projetç : le TCP ou Traité de Commerce des Peuples. Il est inacceptable, a-t-il expliqué que les entreprises de certains pays inondent les marchés latino-américains de leurs produits subventionnés. Cette perspective est « totalement écartée » par la Bolivie.
Actuellement, la Bolivie peut exporter à destination des Etats-Unis, sans avoir à payer de taxes, des textiles, des articles en bois et des bijoux, aux termes de la Loi de promotion commerciale andine et d’élimination de la drogue. Cette loi arrive à expiration en décembre de cette année et Washington prétend ne pouvoir la remplacer que par le Traité de libre commerce.
Il convient d’ajouter ici que, comme l’ont signalé les plus hautes autorités andines, les attaques aux explosifs coïncident avec la phase préparatoire de l’Assemblée constituante, lorsque les partis politiques et les organisations sociales sont occupés par d’intenses activités pour désigner leurs représentants à l’organe qui déterminera le contenu de la nouvelle Constitution. Le texte fondateur de la République devrait tracer de nouvelles perspectives socio-économiques et ouvrir à ceux qui travaillent et qui sont les forces vives de la nation l’accès à la terre, aux services de base considérés comme des droits inaliénables et à une représentation au gouvernement. Ces élections sont prévues pour le dimanche 2 juillet.
En outre, la police a affirme que le couple de terroristes avait prévu un autre attentat contre les bureaux du consulat chilien à La Paz, dans le but de susciter un conflit diplomatique avec le pays voisin, alors qu’Evo Morales a précisément l’intention de négocier avec lui un accord définitif sur l’accès de la Bolivie à la mer, qui lui a été retiré par la Guerre du Pacifique (1879-1883).
Il se peut que la main de la CIA, ténébreux instrument de l’espionnage et de la guerre sale des Etats-Unis, ou celle d’une autre institution de sécurité du puissant empire, se cache derrière ces attentats. On ne peut guère douter que l’intention de la Maison Blanche soit d’essayer d’expulser Evo Morales de la présidence ou, du moins, de le neutraliser.
Nous partageons l’analyse publiée par le journaliste Jorge Luis Ubartelli dans Rebelion et selon laquelle Washington se propose trois objectifs : isoler la Bolivie du Venezuela et de Cuba, éléments principaux d’un axe anti-impérialiste, l’obliger à négocier avec les Etats-Unis, dans des conditions d’inégalité, des accords de sujétion tels que le TLC, et, si les deux premiers objectifs ne sont pas atteints, préparer les conditions pour déstabiliser le gouvernement bolivien.
Il ne fait pas de doutes que la Bolivie constitue une nouvelle cible pour la stratégie nord-américaine dans l’hémisphère et que tout sera mis en oeuvre pour tenter de ramener la brebis égarée à la bergerie.
Juana Carrasco Martin, spécialement pour Granma international
– Source : Granma www.granma.cu
Bolivie : Révolution dans les Andes, par Richard Gott.
[ La « guerre de l’eau » d’abord, et la « guerre du gaz » maintenant - qui est la vraie raison du conflit - font de la Bolivie un des pays les plus existants au monde. Un pays très moderne et d’avant-garde. Parce que c’est là que se joue la partie entre la mondialisation néo-libérale et la mondialisation des droits et des ressources humaines. ]
La guerre juste d’un pays à l’avant-garde, par Maurizio Matteuzzi.
Bolivie : « Les cocaleros au pouvoir... » selon le Monde, par Gérard Filoche.
Bolivie, 18 décembre : Evo Morales premier Président Indien ? L’Amérique Latine dit "No mas", par Jason Miller.
Bolivie, Notre Victoire, par Graciela Ramàrez.
Une nouvelle vague révolutionnaire traverse la Bolivie, par Jorge Martin, + chronologie de la crise bolivienne.