RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Bolivie : « Les cocaleros au pouvoir... » selon le Monde, par Gérad Filoche.





Mais en fait, le mouvement social antilibéral bolivien est fantastique ! Il combat la mondialisation libérale.
C’est un exemple et un espoir pour nous aussi en Europe.


1er janvier 2006.


«  La Bolivie change de président » c’était le titre neutre en « une » du Monde fin octobre 2003 ! (« plus inodore, tu meurs... » nous l’avions dénoncé dans D&S n°109 octobre 2003 )

Ce jour-là , en 2003, l’armée bolivienne avait tiré à la mitrailleuse lourde contre une manifestation de paysans- faisant autour de cent morts... Ce fut la cause de la chute précipitée du président de grande coalition libérale droite-gauche, De Lozada obligé de partir se réfugier avec toute sa famille à Miami... laissant son second, Carlos Mesa essayer de privatiser à son tour, entre 2004-2005, les immenses ressources de gaz naturel récemment découvertes.

Résistant victorieusement en dépit de toutes les pressions, de tous les piéges, en trois ans de lutte sociale, le peuple bolivien a pris son avenir en main contre les multinationales Bechtel, Trade Development Agency, Repsol-YPF, British Gas, BP Amoco, Exxon, transnationales qui forment le groupe « Pacific LNG » mais aussi contre Suez, la Lyonnaise des eaux, Vivendi.

C’est un des rares triomphes dans le combat anti mondialisation libérale.

Carlos Mesa soutenu par le monde libéral entier, a perdu à son tour le 6 juin 2005.


Le 18 décembre 2005 la gauche, le « Mas », l’indien aymara Evo Morales, fait sans précédent, viennent de l’emporter nettement aux élections présidentielles... C’est une révolution plus grande et plus forte que toutes les anciennes tentatives guérilleristes qui ont si longtemps ruiné l’avant-garde sociale de ce petit pays de 9 millions d’habitants.

Mais il y a peu de chances qu’on nous permette de comprendre, en France, ce qui se passe là -bas : aucun média ne semble prendre la voie de la réflexion sur ce qui se passe de commun au Vénézuela, en Equateur, en Argentine, au Chili, en Uruguay, et en Bolivie...


Le « Monde » du 25 décembre 2005, recommence 2003 et présente en 2005, les choses ainsi : « En Bolivie, le pouvoir sera bientôt entre les mains des cocaleros (cultivateurs de la feuille de coca) »

Pourquoi occulter, dénaturer ce qui se passe ainsi en Bolivie depuis des années ? On va le voir, ci-dessous, c’est parce chaque bataille sociale de ce petit pays pauvre nous concerne : elle concerne la lutte contre la mondialisation libérale, pour des services publics, pour les retraites, l’eau, le gaz...

Bolivie :
Superficie : 1 099 milliers de km2
Population : 8,5 millions (2001)
PNB : 8,1 mds de dollars (2001)
PNB/hab : 950 dollars (2001)
Croissance : 1,2 % (2001)
Budget. Education : 4,9 % du PNB
Service de la dette : 31,1 % des exportations
Mortalité infantile : 60 pour mille naissances
Espérance de vie : 63,1 ans
Indice de Développement Humain : 114e rang mondial sur 173 pays
IPF : 55e rang mondial sur 173 pays
Budget Défense : 300 millions de dollars (2001)
Armée : 31 500 actifs


Le trésor du gaz : privé ou public ?

La Bolivie, deux fois grande comme la France, était dirigée depuis toujours par une infime minorité blanche, secouée de coups d’état permanents, malmenée par vingt ans de dictatures brutales et corrompues, et autant de réformes néolibérales qui ont fermé les mines d’étain, ruiné les paysans, détruit retraites et systèmes sociaux, accru les inégalités. Deux tiers des Boliviens vivent sous le seuil de pauvreté, plus de la moitié des habitants n’ont pas accès à l’électricité, ni à l’eau.

Mais une découverte fabuleuse a tout changé depuis 1997 : d’immenses gisements de gaz naturel (deuxième en Amérique latine) ont été identifiés et peuvent faire sortir ce pays de l’ornière, à condition, bien sûr, d’être exploités dans l’intérêt collectif des boliviens. Les multinationales américaines, britanniques et françaises se sont ruées sur ces nouvelles ressources et ont entrepris de s’en emparer, déclenchant en retour un soulèvement populaire, profond, répété, conscient de l’importance de les conserver au service de tout le peuple...

C’est cette volonté populaire qui vient, en trois ans, de gagner dans les rues puis dans les urnes, c’est un mouvement profond et mûr qui vient de loin (cf. chronologie ci-dessous) : il a conduit de multiples combats pour défendre les mines d’étain, les retraites, l’économie mixte, les « guerres de l’eau », et maintenant les hydrocarbures, les deux « guerres du gaz »...

Il a résisté en 2003 à une sanglante répression, et depuis, il a chassé deux « présidents », gagné un référendum, et enfin la présidentielle. Ils savent dire « non » quand il faut, cela devrait plaire aux français !


La prochaine conquête - une vraie assemblée constituante - pourrait être décisive.

D’autant qu’une Bolivie rompant avec le modèle néolibéral disposerait d’atouts non négligeables en Amérique latine actuelle. Lula et Chávez ne cachent pas leur sympathie pour le Mas. Le Brésil - qui importe bonne part du gaz bolivien - et le Venezuela seraient des partenaires de choix pour développer ce secteur. Evo Morales, se rend vendredi 30 décembre 2005 à Cuba pour son premier voyage à létranger. De chez Fidel Castro, le futur président Morales se rendra ensuite dans plusieurs pays européens, notamment la France et lEspagne. Il ira ensuite en Afrique du Sud, où il rencontrera l`ancien président et prix Nobel de la paix Nelson Mandela. A compter du 13 janvier, il se rendra aussi au Brésil, avant d’entrer en fonction le 22 janvier 2006.

La soif d’hydrocarbures des économies capitalistes peut les amener à composer avec le nouveau pouvoir d’Evo Morales dans le but de l’affaiblir, de le diviser, de la corrompre. Déjà les multinationales pilleuses annoncent plaintes et procès, sabotages aussi. Un boycott du type de celui subi par Cuba peut-il se produire ?

L’exemple vénézuélien témoigne que ce n’est pas si facile : l’’or noir fait sert de boussole idéologique à la politique Bush. Mais de Quito à Santiago, Buenos Aires, Caracas, une ère nouvelle s’ouvre, menaçante pour les chefs Etats-uniens, et l’histoire a démontré qu’ils étaient capables de tout depuis très longtemps pour maintenir leur « ordre » en Amérique latine, coups d’état, assassinats, blocus, sabotages...


Evo Morales et Alvaro Garcia Linera, Felipe Quispe, le Mas et le Mip, Jaime Solares et la Cob :

«  Evo » Moralés est un Aymara des haut-plateaux andins, il a grandi parmi les indigènes quechuas et les petits Blancs du Chapare tropical, il est né à la lutte sociale parmi les paysans, déjà député. Il était déjà arrivé deuxième de la présidentielle de 2002 avec 21 % des voix.

Il symbolise l’espoir de tous les laissés-pour-compte du pays. L’immense majorité est d’origine amérindienne et habite la campagne où les immenses banlieues des grandes villes, principalement dans l’ouest du pays.

Ce sont eux qui ont chassé les présidents Gonzalo Sanchez de Lozada en octobre 2003 et Carlos Mesa en juin 2005. Au grand dam des 20 % de Boliviens qui se partagent la moitié du revenu national, regroupés, eux, au coeur de La Paz et dans les provinces de l’est (qui menacent artificiellement de sécession). Evo Morales, cultive les valeurs amérindiennes, tout en portant ses vieux t’-shirts du « Che » : on le dit radical, pragmatique, têtu, à l’écoute des masses, hostile à l’ingérence étasunienne et avec le Mas, il a bénéficié, du discrédit des partis traditionnels dont certains sont liés aux nôtres, en France.


Majoritaire au Parlement arbitre du deuxième tour, la droite est divisée. Déjà la coalition qui avait fait tirer à la mitrailleuse lourde sur les manifestations d’octobre 2003 rassemblait tout ce qui était haï et vient d’être chassé. Au point que l’ex-président « Tuto » Quiroga, battu le 18 décembre avait dû s’inventer un nouveau parti « Podemos » (« Nous pouvons ») pour faire oublier son appartenance à l’Action démocratique de... l’ex-dictateur Hugo Banzer. Troisième avec moins de 10 %, l’entrepreneur « centriste » Samuel Doria Medina a déjà assuré Evo Morales de son soutien (à double tranchant),au vu de son avance en voix.

Même le commandant en chef de l’armée appelle les futurs députés à élire le vainqueur du premier tour ! L’amiral Marco Antonio Justiniano sait trop bien qu’un résultat contraire pourrait déboucher sur une grave crise sociale. Face à un Parlement présumé hostile et aux velléités sécessionnistes des riches provinces de Santa Cruz et de Tarijá, la tâche d’un éventuel gouvernement du MAS ne sera donc pas aisée.

Le Parlement étant acquis à ses adversaires, Evo Morales ne peut, dans un premier temps, compter que sur la pression populaire. Morales dispose du soutien des organisations de base, syndicats et associations boliviens même si la direction de la Centrale ouvrière (COB), (mineurs), et le Mouvement indigène Pachakuti, dirigé par Felipe Quispe, sont des partenaires conflictifs face à l’hégémonie du MAS.

La COB, dirigée par Jaime Solares, est la plus radicalement engagée dans ce combat pour la nationalisation du gaz. C’est une réapparition de la COB au premier plan de la vie politique bolivienne dans les deux dernières années celle-ci semblant s’être remise de l’affaiblissement numérique qu’ont entraîné les réformes brutales de 1985. Un des éléments permettant d’analyser ce phénomène réside sans doute dans la nouveauté que constitue l’arrivée à la tête de la centrale d’une direction combative, d’autant plus émancipée des enjeux d’appareils politiques que la gauche « politique » n’a plus qu’une existence embryonnaire.

En soutien aussi : la centrale syndicale de travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB), le Conseil national des ayllus et Margas (CONAMAQ), les centrales syndicales des peuples indigènes de l’est de la Bolivie, le Mouvement des sans-terre, l"Assemblée du peuple Guarani, la Fédération des Juntas Vecinales de El Alto (FEJUVE), et des centaines de syndicats paysans de toute la Bolivie. La fameuse Coordinadora del Agua de Cochabamba de la « guerre de l’eau », se dit prête,à faire bloc derrière un gouvernement du MAS. Le sociologue et ex-guérillero Alvaro Garcà­a Linera qui figure sur le ticket présidentiel d’Evo Morales incarne un rapprochement avec les cercles progressistes urbains.


En fait, comme au Vénézuela, le « ménage » peut être fait : proposant de créer une nouvelle démocratie, par la convocation d’une Assemblée constituante, Evo Moralès et le Mas, et le « Mouvement indigène Pachacuti » (Mip) de Felipe Quispe peuvent rénover toute la vie politique bolivienne, redonner la place majoritaire qu’ils méritent aux amérindiens. L’idée de la future assemblée constituante a été largement accepté lors de la crise de juin 2005. A l’instar d’Hugo Chávez lors de son premier mandat à la tête du Venezuela, Evo Morales espère y puiser la légitimité pour transformer en profondeur les institutions. Une « Révolution politique » ou une « décolonisation de l’Etat », selon les termes de l’intellectuel sociologue Garcà­a Linera, vice-président d’Evo Morales.


Un programme pragmatique :

Théoricien du Mas, Garcia Linera se veut pragmatique : nationaliser les hydrocarbures comme l’ont exigé les citoyens l’an dernier par référendum. Avec les immenses profits escomptés - les exportations de gaz représentent 10 % du produit intérieur brut (PIB) bolivien - l’Etat renforcé devrait « articuler » les trois types de production coexistant en Bolivie, à savoir les économies communautaire, familiale et industrielle. Un équilibre en mouvement, que le sociologue appelle « capitalisme andin-amazonique ».

Parmi les projets concrets, il est question de la création d’une banque des technologies, du développement du micro crédit, une loi de promotion des petites et moyennes entreprises (PME) et des coopératives, un plan de lutte contre la spéculation foncière et la titularisation des terres communautaires. Le ticket Morales-Linera propose aussi un système de sécurité sociale de santé, la légalisation et l’assainissement des quartiers périurbains (bidonvilles) et une réforme scolaire garantissant la gratuité, l’égalité de genre et la pluriculturalité.

Pour tout cela, le MAS mise sur les revenus des hydrocarbures et une fiscalité progressive, mais également sur un Etat frugal dans son fonctionnement. Déjà lourdement endettée, la Bolivie perdra les millions versés chaque année par Washington ainsi que les appuis du Fmi, de la Banque mondiale. Le système est tellement « pourri » internationalement (genre projet de constitution Giscard pour l’Europe) qu’il permet de multiplier les procès au nom de la « protection internationale des investissements ».

C’est ainsi que les multinationales ont fait procès pour l’eau à Cochabamba et à El Alto. Il faudra aussi que l’Etat trouve les fonds pour développer les infrastructures gazières.

Comme au Venezuela, la gauche pourrait aussi être victime de la fronde sans foi ni loi des élites économiques et technocratiques, promptes à saboter un gouvernement défavorable à leurs intérêts. A contrario, le mouvement social possède trop peu de cadres...

Enfin, la droite agité récemment l’hypothèque du séparatisme des riches provinces orientales. Après avoir profité durant des décennies des bénéfices miniers pour développer leur région, les élites de Santa Cruz et Tarija ne veulent plus entendre parler de solidarité nationale. Malgré l’appui croissant des indigènes guaranis à Evo Morales, les plaines de l’Est font figure de refuge pour les clans bourgeois hostiles.


Malgré ces périls, un changement en profondeur de la Bolivie est désormais possible. Le courant progressiste incarné par Evo Morales est fortement structuré, pacifique malgré la répression, s’appuyant sur une base aussi lucide politiquement que parfois incontrôlable, le mouvement social bolivien n’a pas jeté les transnationales Bechtel de Cochabamba et Suez d’El Alto ainsi que deux présidents en moins de cinq ans par hasard ! Ce n’est pas la vieille théorie finalement exangue, de la « lutte armée », ni celle du « foco » guevariste qui comptera mais la prochaine conquête - une vraie assemblée constituante - pourrait être décisive.

Gérard Filoche, pour D&S n° 131 janvier 2005 ( vous savez la revue mensuelle, 14° année, qui ne parle pas que du droit social français) www.democratie-socialisme.org


Post-Scriptum

Le gaz vient d’être partiellement privatisé en France. Ses prix ont augmenté de 4 % et il est envisagé jusqu’à 13 % de hausse et 6 000 emplois en moins pour complaire aux nouveaux actionnaires. Le coût du gaz et l’électricité augmenteront davantage au détriment des usagers français comme cela a été le cas, avec fraude spectaculaire aux fameux principes de la « concurrence » pour le téléphone. Les salariés d’Edf-Gdf se verront reprendre leurs acquis, leurs retraites, leur compagnie se lancera dans des spéculations, le service public régressera. Tout le monde le sait : mais les libéraux n’ont que faire de l’intérêt général, et ne sont guidés que par le profit maximum immédiat, sans plan, ni vision à long terme.

Voilà ce que les boliviens espèrent s’épargner, en contrôlant leurs ressources hydrocarbures, leur exploitation, en empêchant le pillage pour le compte des multinationales.

- Ce combat là -bas est le notre !



Brève chronologie de la crise bolivienne


Guerre sociale, souveraineté nationale et révolution


Année 2000

Les paysans s’insurgent contre le prix de l’eau (débuts de la "guerre de l’eau"). Les mouvements de protestation se multiplient contre le prix de l’eau, le chômage et les difficultés économiques. Le gouvernement du président Hugo Banzer décrète l’état de siège pour trois mois.


Avril 2002

L’insurrection de Cochabamba expulse la transnationale californienne Bechtel, qui était en charge des réseaux d’eau potable et d’assainissement de la 3e ville du pays.


Février 2003

Trois jours d’explosion populaire obligent le président Gonzalo Sanchez de Lozada à renoncer au projet fiscal d’imposition des salaires des fonctionnaires qu’exige le FMI. L’ "Impuestazo" fait au moins 30 morts.


Septembre-octobre 2003

Ce qu’on a appelé la "guerre du gaz", un mois d’insurrection populaire, chasse le président Gonzalo Sanchez de Lozada, qui s’enfuit à Miami. Au moins 80 morts. Son vice-président, Carlos Mesa, assume la présidence. Il cherche aussitôt à temporiser, afin de désamorcer le mouvement social et de le diviser. Le Mouvement vers le Socialisme (MAS) d’Evo Morales lui apporte un soutien critique.


Le mouvement de sécession

Depuis novembre 2003 l’oligarchie réactionnaire des patrons et propriétaires terriens de Santa Cruz (2e ville du pays et province la plus riche) provoque des mobilisations pour l’autonomie des provinces de l’Est, qui détiennent les ressources pétrolières. Les temps-forts de cette agitation sont les journées des 25 juin 2004, 11 novembre 2004 et 10 janvier 2005, au cours desquelles l’oligarchie proclame la sécession, comme réponse au mouvement social ouvrier et paysan de récupération nationale des richesses du sous-sol et de lutte contre la grande propriété foncière. La province de Santa Cruz, centre économique du pays, avec 2,3 millions d’habitants, possède avec celle voisine de Tarija, plus de 85% des réserves de gaz et de pétrole du pays.


Le référendum de juillet 2004

Le 10 juillet a lieu le référendum sur les hydrocarbures. Celui-ci est boycotté par une partie des mouvements sociaux. Néanmoins ceux qui votent se prononcent à 86,4% pour la réforme de la loi et à 92,2% pour la récupération par l’Etat de la propriété des hydrocarbures à la sortie des puits, ce qui devrait se traduire par l’expropriation des transnationales. Pour les radicaux, ce référendum n’a été qu’une mascarade.


Janvier 2005

Les 10 et 11 janvier une nouvelle flambée sociale secoue le pays. L’ensemble du mouvement social manifeste contre la hausse du prix du gaz imposée par le FMI ("gazolinazo"). A Santa Cruz, l’opposition patronale au "gazolinazo" se traduit par une déclaration sécessionniste (proclamation d’autonomie du 28 janvier), alors que la population d’El Alto La Paz expulse la transnationale française Suez-Lyonnaise des Eaux qui gère l’eau potable de la grande cité populaire rebelle (1 millions d’habitants) située sur les hauteurs de la Paz.


Mars 2005

Mesa louvoie. Il fait voter une loi sur les hydrocarbures qui ne change rien (18% de royalties sur les recettes incontrôlables des transnationales). Il feint de démissionner, afin de désactiver le mouvement social et d’unir la réaction (constitution d’un "Pacte National entre les partis patronaux).

Le 9 mars les organisations COB, FEJUVE (Fédération des assemblées de quartiers), CSUTCB (paysans indigénistes menés par Felipe Quispe), MAS (leader : Evo Morales), etc., forment de leur côté un "Front Unique".

Le 18 mars une nouvelle loi sur les hydrocarbures est votée au parlement, un peu moins favorable aux transnationales (taxation supplémentaire) mais qui ne change rien sur l’essentiel, à savoir qu’elle ne touche pas à la propriété des ressources. Le texte doit encore être soumis au Sénat.

Alors que certains souhaitent des élections anticipées, comme Mesa lui-même l’a proposé (selon le calendrier électoral les présidentielles et législatives sont pour 2007), que d’autres et parfois les mêmes pensent résoudre la crise politique et de gouvernabilité par une Constituante, il ne fait pas de doute que de nouveaux affrontements sont inévitables. Pour quelle issue ? Les deux camps fourbissent leurs armes.


Mai 2005

Le 5 mai, le vote par le Congrès de la nouvelle loi sur les hydrocarbures relance la mobilisation sociale.

Le 9 mai, Evo Morales, qui se trouvait à Cuba (où il a été opéré du genou le 21 avril), rentre en Bolivie.

Le 10 mai, Mesa refuse de signer la nouvelle loi qui améliore la part du pays sur les dividendes énergétiques (sur la base de 18% de regalias, qui portent sur la valeur du gaz à la sortie des puits, et 32% d’impôt sur les profits des compagnies).

Au sein du mouvement social, 2 positions se dégagent :

Celle autour du MAS, qui ne réclame pas la nationalisation, mais "50% de royalties sur le gaz extrait".

Celle des habitants d’El Alto, avec la Fejuve, de la COB et des paysans andins de la CSUTCB, exige la (re)-nationalisation des hydrocarbures avec des mots d’ordre tels que "démission de Mesa", "fermeture du Parlement", "ouvriers et paysans au pouvoir", "peuple au pouvoir". Ces mots d’ordre s’entendent dans les rues de La Paz à longueur de journées dans la bouche des enseignants, mineurs, étudiants, chômeurs et paysans qui manifestent et font le siège des bâtiments gouvernementaux.

Le dirigeant de la COB Jaime Solares appelle Evo Morales à "respecter le pacte d’unité signé, lequel vise la nationalisation".

Le 25 mai, un groupe de jeunes militaires (menés par 2 lieutenants-colonels) appelle à l’unité civico-militaire pour la nationalisation du gaz et du pétrole, la fermeture du Congrès et le départ de Mesa. Evo Morales exprime son désaccord sur cette démarche. Jaime Solares, pour sa part, déclare : "Dire que si surgit un Chavez, je le soutiendrais, ce n’est armer aucun coup d’Etat".

Après 2 semaines de luttes massives intenses, le mouvement s’accorde une petite trêve le 26 mai, jour férié de la Fête-Dieu. Mais le lendemain, les barrages reprennent...


Quelle issue ?

L’analyste politique Alvaro Garcia Linera dresse le constat suivant : "Pour les mouvements sociaux se pose à nouveau la question du pouvoir, mais dans la voie électorale comme dans la voie insurrectionnelle, qui sont les uniques méthodes à leur disposition, ils sont faibles, d’où l’impasse actuelle". Dès lors, estime t-il, la seule possibilité d’articulation passe par l’Assemblée Constituante (Pagina/12, 24-05-05). C’est aussi la thèse soutenue par Evo Morales.

La position du Parti Communiste de Bolivie est différente (communiqué du 26-05-05). A son sens, les forces du camp populaire ne sont pas prêtes pour la prise immédiate du pouvoir, et il met en garde contre les actions aventureuses qui ne feraient que le jeu de la droite et de l’impérialisme. Le PCB affirme que la division est organisée de l’étranger et que des agents de l’impérialisme sont infiltrés dans le mouvement ouvrier et populaire. La seule voie raisonnable est, dans la situation actuelle, d’exiger des élections générales et l’union des forces dans un vaste bloc patriotique, populaire, anti-oligarchique et anti-impérialiste.

Pour l’extrême gauche, la situation est toute autre. Les élections comme l’Assemblée Constituante sont des pièges destinés à sauver les classes dominantes et les intérêts de l’impérialisme. Les travailleurs doivent se donner pour tâche la conquête du pouvoir politique et du pouvoir économique et constituer leur gouvernement à eux d’ouvriers et de paysans. Pour expulser les transnationales, la seule manière est l’action directe des travailleurs, la voie insurrectionnelle.

Révolution Bolivarienne, juin 2005, extrait de : Une nouvelle vague révolutionnaire traverse la Bolivie, par Jorge Martin.



[ La « guerre de l’eau » d’abord, et la « guerre du gaz » maintenant - qui est la vraie raison du conflit - font de la Bolivie un des pays les plus existants au monde. Un pays très moderne et d’avant-garde. Parce que c’est là que se joue la partie entre la mondialisation néo-libérale et la mondialisation des droits et des ressources humaines. ]
La guerre juste d’un pays à l’avant-garde, par Maurizio Matteuzzi.


Bolivie, Notre Victoire, par Graciela Ramà­rez.


Bolivie, 18 décembre : Evo Morales premier Président Indien ? L’Amérique Latine dit "No mas", par Jason Miller.


Une nouvelle vague révolutionnaire traverse la Bolivie, par Jorge Martin, + chronologie de la crise bolivienne.





Illustrations :

 Allan McDonald
www.allanmcdonald.com

 Ugo


URL de cet article 3092
   
Même Auteur
DETTE INDIGNE ! QUI SONT LES COUPABLES ? QUELLES SONT LES SOLUTIONS ?
Jean-Jacques CHAVIGNE, Gérard FILOCHE
« Euro-obligations », « règle d’or », « gouvernance européenne », « fédéralisme budgétaire »… la crise de la dette qui ébranle la France et l’Europe donne lieu à une inflation sans précédent de termes économico-financiers dans les médias et dans les discours des dirigeants politiques. Pour les citoyens, ce vocabulaire, souvent obscur, dissimule une seule et même réalité : un gigantesque mouvement de transfert des dettes privées (en particulier celles des banques) vers les dettes publiques (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Être un ennemi des États-Unis peut être dangereux, mais en être un ami est fatal" - Henry Kissinger

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.